Chapitre 7
« I say the right things but act the wrong way. I like it right here but I cannot stay. »
J'eus tout juste le temps de me préparer et de réaliser tout cela, que mon père refit son apparition dans la chambre d'hôtel. Il grimaça avec un extrême dégoût comme s'il venait de la découvrir pour la première fois. Si j'avais dis que mon père appréciait le luxe, j'aurais peut-être du préciser qu'il désestait être dans un endroit " peu présentable " disait-il. On pouvait dire que la richesse l'avait habitué à un certain confort, mais ça ne faisait pas pour autant de lui un avare, prêt à tout pour gagner et garder de l'argent. Il avait tout simplement travaillé dur pour arriver où il en était, alors il pouvait bien profiter de son argent. De plus à Madagascar, il utilisait son argent pour aider la population depuis qu'il avait financé plusieurs associations avec son entreprise... Mon père était un parfait contraste de ma mère ou de Nathanaël. Et peut-être qu'en apparence il semblait inoffensif mais je voulais tout de même savoir pourquoi mon frère m'avait dit qu'il était dangereux pour moi, pourquoi il semblait si inquiet que je parte avec mon père.
J'entendis mon père parler, il avait parlé assez fort comme s'il s'adressait à moi mais je ne connaissais pas la langue dans laquelle il s'était exprimé. Langue qui me semblait être du français. J'aimerais tellement être comme lui, ou ses enfants, parler anglais, français et même malgache. Juste pour le plaisir d'apprendre, d'en savoir un peu plus...
- Papa, j'ai pas compris ! M'exclamai-je en sortant de la salle de bain.
Il recommença à parler puis s'arrêta soudainement, se rendant compte qu'il me parlait dans la mauvaise langue. Je le regardai avec un sourire moqueur et il me rendit mon sourire, à mon plus grand bonheur.
- Je suis désolé, question d'habitude. S'exclama-t-il.
- Ça fait rien... Tu m'apprendras le français ? Quémandai-je.
- Avec plaisir. Bon viens voir par là !
Je partis m'asseoir près de lui pendant qu'il sortait du sac, tout ce qu'il venait d'acheter pour moi, soit pommades, désinfectants ou encore des pansements spéciaux pour les brûlures. Ce que je n'avais pas chez moi, ce qui m'avait sûrement empêché des guérisons plus rapides. Je me demandais parfois comment se faisait-il que certaines de mes blessures ne se soient pas aggravées.
Mon père s'occupa avec précaution de ma main, alternant entre lotions, pommades et enfin pansement comme s'il avait fait cela toute sa vie. Ça me brûlait toujours autant, voire pire que le jour même où Nathanael m'avait infligé cela. Les brûlures étaient sans aucun doute plus horribles que les coups. La douleur des coups ne duraient que sur l'instant, ou alors quand on avait la malchance de toucher l'ecchymose mais la douleur de la brûlure, elle, s'étendait beaucoup plus loin et durait, durait, durait, sans même qu'on ne la touche.
- On va trouver un moyen... Marmonna-t-il en s'occupant maintenant des anciennes brûlures sur mon bras.
- Pour ?
- Pour arrêter cette torture ! Joyce, comment fais-tu pour le laisser t'approcher ? Et ta mère, elle ne dit rien du tout ?
- Il ne me laisse pas le choix... Et maman n'y fait pas attention, elle ne se préoccupe pas de nous.
- Elle ne veut pas que j'ai ta garde, alors qu'elle se comporte comme une mauvaise mère, c'est incroyable... Pestiféra-t-il. Avec Nathan, y'avait bien une période où tu me disais que ça allait mieux non ? Qu'il avait des sauts d'humeur mais qu'il ne te faisait pas de mal ?
- Oui je ne te mentais pas. On passait quelques bons moments ensemble mais depuis un mois, il est devenu de plus en plus méchant... Mais faut dire que je l'ai cherché aussi. J'ai commencé à me rebeller, à risquer des choses et depuis, il crache toute sa haine envers moi. Confiai-je.
- Je ne comprends vraiment pas... De toute façon, je comprends même pas pourquoi il est autant en colère contre moi. Gémit-il à bout.
- Je me pose la même question.
Il leva les yeux sur moi, intrigué par la manière dont je venais de parler. J'allais sûrement introduire un sujet qui n'allait pas lui plaire.
- Il y a maman et Nate qui te détestent, il y a moi qui ne sait et ne comprend rien et il y a toi qui m'assure que leur comportement n'est pas justifié. Est-ce qu'il y aurait quelque chose que j'aurais raté ? Comme par exemple la raison pour laquelle tu es partis de la maison ?
- Je ne m'entendais tout simplement plus avec Sara. Prétendit-il.
- Au point de quitter la maison comme ça et de partir vivre à Madagascar ? Pourquoi avoir quitté l'Amérique ?
Il fit semblant de se concentrer sur le soin de mes blessures au lieu de me regarder droit dans les yeux. Tout ce qu'il dirait de toute manière sonnerait comme un mensonge mais je le laissai dire et j'attendrai. J'avais deux semaines pour avoir des réponses, c'était suffisant.
- Elle ne voulait plus que je reste ici, nous n'avions plus les mêmes convictions, les mêmes buts. Je suis partis, on a divorcé et voilà. Éluda-t-il. Ta mère a toujours été rancunière, alors elle n'a jamais réussis à laisser de côté sa haine envers moi. Elle l'a d'ailleurs transmis à Nathanael...
- Elle ne nous a jamais rien dit à ton égard, elle avait juste l'air de souffrir. Objectai-je. Alors peut-être que maman n'est pas la meilleure femme au monde, mais je crois aussi que tu as une part de responsabilité dans cette histoire. Si elle est si en colère, c'est parce qu'elle est malheureuse et tu es le seul à qui elle tient réellement, donc le seul à pouvoir la mettre dans cet état. Quant à la colère de Nathanael envers toi, il l'a développé tout seul comme il l'a fait envers elle et envers moi.
Il rangea finalement ce qu'il venait de sortir et se leva pour aller dans la salle de bain, coupant court à la conversation.
- Papa, y'a que toi qui peux me donner des réponses ! Ajoutai-je.
- Il y a certains éléments de notre vie qui ne te concernent pas Joyce, et puis ça remonte à 17 ans cette histoire !
- Oui mais ce passé peut être une des raisons pour laquelle Nathanael se comporte ainsi, alors si tu veux vraiment m'aider comme tu le dis, cesse de te battre pour avoir ma garde et réponds à mes questions.
Il ne continua pas cette conversation, me décevant légèrement. Ne pas vouloir me donner ces réponses m'enlevaient une certaine valeur. J'avais l'impression de ne pas être digne de savoir leur passé, de ne pas faire partie de cette famille et d'être considérée comme une vulgaire voisine. Pourtant j'étais persuadée qu'un élément de leur vie pouvait expliquer la psychologie de Nathanael, car c'était souvent ça. La plupart de nos peurs, nos gênes, ou autres venaient de notre enfance. Alors qu'est-ce qui avait pu pousser mon frère, à l'âge de 6 ans, à commencer à me faire du mal ? Avait-il vu, mon père taper ma mère ? Je partais peut-être loin mais c'était des détails pareils que j'avais besoin de savoir. Je voulais comprendre mon frère, je voulais l'aider.
Mon père apparut à l'encadrement de la porte et s'appuya contre celle-ci. Il avait glissé les mains dans les poches de son jean et me regardait avec tendresse.
- Tu ne viens pas chez moi pour rien, je t'assure. Concéda-t-il. Là-bas je prendrai le temps de t'expliquer, de te montrer aussi certaines choses mais seulement là-bas car je veux que tu fasses la part des choses, que tu réfléchisses...
- Donc tu avoues avoir des choses à te reprocher ?
- J'étais jeune. Trouva-t-il comme prétexte. On devrait aller au restaurant, on va être en retard.
***
Après avoir fait deux escales d'une heure à Washington et l'autre d'une journée à Joannesburg, nous étions enfin arrivés à Antananarivo, la capitale de Madagascar en début de Dimanche après midi. Puis nous avions pris un petit avion, qui ressemblait à un jet, pour arriver à Majunga, appelée aussi Mahajanga. Mais ici l'on disait Majunga alors j'allais m'en tenir à ce nom. J'avais hallucinée en voyant le paysage à travers le hublot et j'avais attendu avec hâte le moment d’atterrir. Et ce moment était arrivé...
Quand je descendis de l'avion, je fus étranglée pour la deuxième fois par l'air brûlant, qui d'ailleurs ne semblait presque pas exister. J'avais pourtant l'habitude de la chaleur grâce ou devrais-je dire à cause du Texas, mais à Madagascar en plein mois de Mai, la température pouvait monter à plus de 40°. Autant dire que je n'allais pas tenir longtemps dans mes pulls et mes pantalons...
J'étais occupée à admirer le superbe paysage, composé de grands terrains dorés qui contrastaient avec les forêts, d'un vert éclatant, réparties un peu partout. Je voyais quelques chalets en bois, ou de grandes villas en baies vitrées derrière les grillages de cet air d'atterrissage et je me demandais un instant où était la pauvreté de ce pays dont parlait tout le monde. Mais j'imaginais qu'il fallait aller voir plus loin, dans les endroits reclus où se développaient petit à petit des bidons-villes à l’abri des regards. Durant nos deux jours de voyage, mon père avait eu le temps de me parler avec entrain de la situation de ce pays, trop inégale. Il m'avait dit qu'il y avait d'un côté les grands riches qui possédaient ici des maisons de vacances ou qui vivaient ici comme lui, et d'un autre côté les personnes qui vivaient dans des lieux insalubres, qui manquaient de soins, d'éducation, de tout...
- On descend la dune et on y est ! M'apprit mon père en me pointant l'endroit de l'index.
Je regardai sur ma gauche, la fameuse dune, qui ressemblait plus à une forêt, et aperçus derrière celle-ci un étendu d'eau d'un bleu clair resplendissant. Un étendu d'eau qui n'était autre que le canal du Mozambique... C'était ce genre de paysage que j'avais toujours rêvé de voir, ça changeait de la ville plate et déserte dans laquelle je vivais. Sans savoir réellement pourquoi, je me sentais légère et libre ici. Ce changement brutal d'endroit me faisait tout de suite comprendre que j'étais loin de Nathanael, j'étais loin du danger et que deux semaines de repos m'attendaient.
- Tiens prends ma valise, elle est moins lourde. Me dit-il. Contrairement à toi, je n'ai pas emporté mon armoire !
- C'est normal. T'avais seulement quelques jours à passer loin de chez toi, moi c'est deux semaines. Faut bien que j'ai des choses à porter !
- J'aurais peut-être dû te dire que les gens à Madagascar passent leur journée en maillot de bain.
- Ouais mais ça c'est quand on a un corps convenable. Râlai-je.
- Joyce, tu es très jolie comme ça et toutes ces marques finiront par partir. M'assura-t-il. De plus, tu seras à la maison tu n'as pas à avoir honte.
- J'ai pas envie de me montrer, c'est tout.
Il me regarda une dernière fois, attristé, puis l'on prit la route en direction de la forêt, par un petit sentier en terre rouge. La fatigue due au décalage horaire n'arrangeait rien à la douleur de mes muscles, je n'avais qu'une envie c'était de prendre une douche froide et dormir. Mon corps tout entier était endolori, si bien que j'avais l'impression de tomber à chaque pas.
Lorsque l'on eût descendu le dénivelé, en traversant ces grands arbres qui, pendant un instant, m'avait transporté dans un autre monde, on tomba sur une grande plaine et en face, le canal aux couleurs de cristal. Je poussai une exclamation, émerveillée. Mon père sourit, fier, comme s'il était le créateur de ce paradis sur terre et je souris à mon tour.
- Je suis content que tu sois ici, chez moi. M'avoua-t-il.
Je compris son sourire, qui ne reflétait que la joie de m'avoir à ses côtés et la joie de me ramener ici. Dans ce pays où il avait rencontré ma mère lors d'une affaire, où il avait reconstruit sa vie et où il m'invitait. Il partageait son monde, sa vie avec moi et il était bien le premier à le faire car tout mon entourage me fermait les portes, m'empêchant toujours d'aller plus loin. Ma mère, Nathanaël, Caleb... Ils me tenaient tous à distance, comme si je n'étais pas digne de les approcher. Mon père, lui, me montrait dorénavant que j'avais une place, j'en avais enfin une quelque part... Voilà l'endroit où je devais venir vivre. Ce n'était sans doute qu'une illusion, mais je sentais qu'ici rien ne pouvait m'atteindre. Rien ne pouvait me faire tomber, me faire du mal, me rabaisser, me casser mon bien-être.
Nous continuâmes finalement de suivre le chemin, qui se tordait en un grand virage vers la droite. Mon père marchait plus vite que moi, impatient comme un gamin. Impatient de retrouver sa femme et ses enfants qu'il n'avait pas vu pendant quasiment une semaine. Après avoir longé la dune, je m'arrêtai pour contempler la longue maison en plain pied qui s'étalait sur plusieurs mètres. Elle ressemblait à une de ces maisons écologiques que j'avais étudié en cours, faite de bois, de baies vitrées et de panneaux solaires sur le toit. Elle était gigantesque, immense si je la comparais à ma maison. Gigantesque et somptueuse. Étant légèrement en hauteur, nous pouvions voir devant un côté de la maison, la piscine, inutile soit dit en passant, le jardin et la terrasse. Il y avait aussi une petite maison à côté qui ressemblait à une chambre d'amis et de l'autre côté, un chalet de jardin. Plus loin sur une dizaine de mètres, se dressait une ample serre et il y'en avait une autre à ses cotés qui était en pleine construction. En bref, cet endroit était génial.
Alors que j'essayai de rattraper mon père tant bien que mal, je vis deux petites silhouettes sortirent de la maison en courant. Le tout avec des cris aigus qui résonnaient jusqu'à moi et même plus loin. Les deux enfants que mon père avait eu avec sa nouvelle femme, soit mes demi-frères. Ce ne fut qu'à cet instant que je me sentis mal à l'aise, je me rendais compte que je n'étais pas à ma réelle place et que cette vie ne m'appartenait pas. Elle ne m'appartiendrait jamais, je ne ferais qu'y participer pendant deux semaines... Et c'était sûrement ça qui allait être très dur à endurer. Cette vie parfaite qui s'opposait trop à la mienne, celle que je ne pouvais éviter.
Je m'avançai doucement dans la descente qui menait au devant de la maison et admirai les retrouvailles de mon père et de ses enfants. Le plus grand des deux, Judd, lui sauta dans les bras avec un large sourire tandis que le deuxième, courrait encore derrière, manquant de trébucher à chaque fois. C'était à la fois amusant car j'avais l'impression d'assister au retour d'un soldat, après plusieurs années passées en guerre et à la fois touchant, car ça me rappelait comme nous avions besoin de nos parents à l'enfance... Ou encore aujourd'hui. Mais surtout, comme je n'avais pas eu cette chance, moi, de voir mon père rentrer après quelques jours d'absence. Depuis ma naissance, j'avais été éloignée de mon père et je n'avais pas pu grandir à ses côtés. Et bien qu'il soit toujours dans ma vie, je regrettais tout de même d'avoir raté tous ces petits moments là père / fille.
- Joyce ! S'exclama l'aîné, en s'approchant de moi à grand pas.
C'était donc Judd, âgé de 11 ans, ou le portrait craché de mon père. Il avait de magnifiques yeux, certes marrons, mais en amande ; de longs cheveux bruns jusqu'aux épaules qui ne faisaient que sublimer un visage poupin à la peau légèrement mate. De beaux enfants métis, une femme rayonnante, y'avait-il que moi de ratée dans la vie de mon père ?
- Judd, comment tu vas ? Souris-je.
- Pendant un moment, j'ai oublié que je devais te parler en anglais. Dit-il avec un parfait accent.
Il me serra dans ses bras, l'air d'être vraiment content de me voir et j'en fus étonnée. Je ne l'avais rencontré qu'une seule fois et il n'était qu'âgé de 6 ans à ce moment et moi de 12, mais je me souvenais que je l'avais adoré immédiatement. A cet âge déjà, il était vif et ne pouvait s'empêcher d'avoir des répliques cinglantes. Il était sans gêne et reflétait l'innocence même de l'enfant. Je voyais que ces traits là de sa personnalité n'avaient pas changé.
- C'est trop cool, que tu sois là ! Continua-t-il. Je voulais pas passer mes vacances avec le petit !
Le soit-disait petit était bien évidemment son petit frère, Jery, avec qui il n'avait que de deux ans de différence. Et c'était d'autant plus comique de l'entendre l'appeler " petit " étant donné qu'ils avaient tous les deux la même taille et semblaient avoir le même âge. Le concerné, en train de parler à mon père - notre père, s'arrêta pour se tourner vers nous. Il s'adressa à son frère en français, sous mon regard perdu. Les vacances allaient être longues si ils parlaient tous dans une langue que je ne connaissais pas !
- Cesse de râler Jery et vas saluer Joyce. Reprit-il.
Le dénommé Jery se dirigea vers moi, m'offrant par la même occasion son sourire colgate. Il avait lui de petits yeux noisettes, un nez un peu plus épaté que notre père ou son frère, et une fiche bouche bien tracée. Quelques tâches de rousseurs, décoraient ses pommettes sur une peau basanée aux reflets dorés. Et pour compléter ce joli cadeau de la nature, de beaux cheveux châtains bouclés formaient une petite touffe de cheveux. Judd avait tout pris de mon père, Jery tirait la plupart de ses traits de sa mère. La seule chose qu'ils avaient en commun était leur petite taille, qui selon moi ne devait pas dépasser les 1m40. Moi qui avais l'habitude d'être entourée de personnes géantes...
- Bonjour, Joyce ! Me salua-t-il en déposant un baiser sur ma joue.
Il me regarda fixement, puis pencha la tête, me détaillant lentement. Il portait bien son prénom car en malgache, Jery voulait dire Curieux et je devais avouer que mon père et sa femme avaient très bien choisis.
- Papa, elle ressemble pas à la fille sur les photos ! Affirma-t-il.
Mon père se mit à rire, puis il nous fit signe d'avancer vers la maison, au mur d'une blancheur admirable. Je repris en main la valise de mon père et nous entrâmes dans la maison, sans qu'une seule fois Jery me lâche du regard.
- Papa ! Insista-t-il une fois dans l'entrée.
Le salon se trouvait juste en face de nous, il était long sur plusieurs mètres et offrait, grâce aux grandes vitres, une vue sur le canal plus loin. Les meubles étaient soit blancs, soit beiges et mettaient encore plus le luxe de cette maison en avant. Je quittais l'Enfer pour arriver au Paradis.
- Mais c'est Joyce, tu voudrais que ce soit qui sinon ?! Rétorqua Judd à son petit frère.
- Je sais pas ça pourrait être... une meurtrière ou encore une espionne pour la NASA.
- Et qu'est-ce qu'elle viendrait faire ici ? Se moqua mon père.
Il leva les yeux au plafond pendant un petit moment, se donnant le temps de réfléchir.
- T'exterminer ! Proclama-t-il. Et puis elle nous tuerait tous aussi, on passerait aux infos ! Mais on le saurait pas parce qu'on serait morts.
Jery possédait encore une voix enfantine, de plus son anglais n'était pas parfait, et ça le rendait encore plus mignon. En quelques minutes, ces deux avaient conquis mon cœur. Je n'avais pas arrêté de sourire depuis que j'étais arrivée, j'étais aux anges tout simplement.
- A ton plus grand désespoir mon grand, Joyce n'est qu'une jeune fille du Texas.
- Je t'ai à l'oeil ! Me souffla Jery, sous mon air amusé.
- Où est votre mère ? Continua mon père.
Jery lança un regard effrayé à Judd, qui le regardait aussi de la même manière. Finalement le benjamin se déplaça vers mon père, se mit sur la pointe des pieds et lui glissa quelques mots à l'oreille. Son visage sembla pâlir et s'affaisser mais qu'il tenta tant bien que mal de nous cacher. Là, il y avait quelque chose qui n'allait pas ! Mes rêves allaient peut-être prendre fin...
- Joyce, j'imagine que tu voudrais te reposer donc je vais te montrer ta chambre et pendant ce temps, vous restez calme les garçons. Entreprit-t-il après un moment.
- Mais nous on fait quoi, si on doit rester calme ? S'étonna Jery.
- Je sais pas, vous n'avez pas besoin de moi pour trouver de quoi vous amuser.
- Je m'en occupe. Décida finalement Judd.
Ils traversèrent le salon pour sortir dans le jardin. Mon père me sourit pour combler le silence et faire en sorte que j'arrête de le regarder avec insistance puis il m'attira plus loin. Il tourna sur la droite là où il y avait la cuisine entièrement ouverte sur le salon, et un couloir éclairé qu'il emprunta. Il donna, sur la droite, sur un deuxième couloir un peu moins éclairé mais plus espacé. Après être passé devant plusieurs portes, il s'arrêta enfin devant une. Il m'expliqua qu'en face se trouvait la chambre de Judd tandis que celle de sa femme et lui, et celle de Jery étaient de l'autre côté de la maison, auquel on accédait par le couloir sur la gauche du salon. Immense maison avais-je dis ? Sans fin plutôt.
Il ouvrit enfin la porte et m'indiqua de rentrer en un geste de la main. Elle était simple, toujours aux couleurs claires. Il y avait un lit, une armoire, un bureau, une télé et ça me suffisait largement. Au fond de la pièce, une baie vitrée avait pris la place d'un mur et donnait accès à un sentier qui passait entre deux baies.
- Elle n'a rien de spécial, je ne savais pas comment la préparer. M'expliqua-t-il. Mais tu es libre de la décorer comme tu le souhaites. Sur la gauche là, tu as ton dressing. Tu partages la salle de bain avec Judd, c'est juste au bout du couloir. Par la baie vitrée, si tu suis le chemin, tu as accès aux serres et aux plantations. Ah oui et d'ailleurs je te conseille de bien fermer tes rideaux le soir, car il se peut que mes travailleurs passent par là quelques fois.
- D'accord merci. Tu as des... travailleurs ?
- Je voulais faire la deuxième serre que tu as vu mais j'en suis incapable tout seul alors j'ai pris des personnes qui cherchent du boulot pour qu'ils m'aident un peu. Ne t'inquiètes pas ce n'est pas de l'esclavagisme.
Je rigolai en même temps que son rire éclatait dans la pièce. Il passa un bras autour de mes épaules avant de m'attirer contre lui et me plaquer un bisous sur la tempe.
- Alors ça te convient pour l'instant ? S'enquit-il d'une voix douce.
- Oui, c'est parfait. De toute manière, je pourrais bien être dans l'endroit le plus sale et le plus petit au monde, et bien je serais contente du moment que je suis avec toi.
- Moi aussi, ma chérie.
Je passais mes bras autour de lui et le serrai de toutes mes forces. Je m'imprégnai de son odeur, je me calai à sa respiration bruyante, je profitai du contact de ses bras autour de moi. Peut-être que je me réveillerai d'un seul coup, en constatant avec dégoût que tout ceci n'avait été qu'un rêve alors je préférais en profiter.
- Je t'aime papa.
- Pas autant que je t'aime. Rigola-t-il.
Je m'éloignai un peu, pour voir son visage, et lui jetai un regard confondu.
- J'ai plus 5 ans ! Répliquai-je.
- Ça ne change rien, c'est une thèse de sociologie : un parent aime plus son enfant que l'inverse.
- Arrêtes tes bêtises ! Dis-je amusée.
Il se mit à rire de nouveau avant de se pencher et prendre mes valises pour les poser devant mon lit.
- Tu peux ranger, dormir, sortir faire un tour et si tu veux me trouver, je serai dans ma chambre.
- Merci ! Est-ce que tout va bien avec Soa ?
Soamiary, surnommée Soa, était sa femme. Son prénom, d'origine malgache, était tout aussi joli que cette femme. Elle était très réservée, un peu effacée par rapport à mon père ou ses enfants mais elle restait tout de même accueillante. Du moins elle l'avait été la première et seule fois où je l'avais vu. Elle semblait seulement ne pas apprécier le comportement de ma mère, mais sur ce point là elle n'était pas la seule.
- Elle n'est pas dans ses plus beaux jours, mais ne t'en fais pas. M'assura-t-il.
- C'est à cause de moi ? Enfin de ma présence ?
- Non, non ! Tu n'as pas à t'en faire pour ça Joyce.
Il vint vers moi, me contourna et s'arrêta au pas de la porte. Ses yeux s'étaient encore assombris. Son sourire lui n'était plus qu'un rictus gêné et nerveux. Quelque chose n'allait pas, pour elle et pour lui. Je posai ma main sur son bras pour le retenir.
- Papa, tu peux me le dire ! T'as pas l'air d'aller bien non plus... Je veux pas que vous fassiez semblant d'aller bien devant moi. J'ai pas l'âge de Judd ou Jery, je suis en capacité de comprendre et peut-être que je pourrais vous aider je sais pas...
- Tu ne pourras pas vraiment nous aider sur ce point. Souffla-t-il. Et puis tu es ma fille, je n'ai pas à parler de ça avec toi ! Repose-toi, je vais la voir.
Il me regarda, en attente d'une quelconque réponse de ma part, alors j’acquiesçai en comprenant qu'il n'avait pas envie d'en parler. Mais le fait qu'il ne le fasse pas m'inquiétait encore plus. Qu'est-ce qui poussait Soa à être ainsi ? Si ma mère était forte pour faire semblant, je constatai que mon père l'était aussi.
Je décidai de dépenser les quelques forces qui me restaient pour ranger mes habits dans les placards, j'aérai la chambre, partis me rafraîchir à la salle de bain, très spacieuse au passage, et me changeai en habits plus décontractés, faisant quand même attention à ce que l'on ne voit aucune partie de mon corps. Ce n'était pas le moment d'effrayer mes demi-frères ou ma " belle-mère "...
De retour dans la chambre, je m'allongeai sur le lit, au matelas si confortable que ma fatigue me tomba soudainement dessus. Je n'avais plus la force de me lever et bientôt plus la force d'ouvrir mes paupières, alors je me laissai bercer par le bruit des vagues au loin. Et surtout par la tranquillité qui régnait ici... J'allais pouvoir dormir à points fermés car je n'avais plus à avoir peur que Nathanael débarque sans prévenir pour me faire du mal. Non c'était terminé le temps de deux semaines ça, je pouvais me reposer à présent. Mettre de côté mes angoisses et vivre avec sérénité...
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Et voilà, un chapitre assez plat qui sert de présentation et d'introduction aux prochains objectifs de Joyce ! A ce stade vous connaissez tous les personnages il n'en manque plus que deux ( la femme du père et... surprise ). Pas de Nathanael, il va rester dans l'ombre pendant un petit moment. Et sinon, comme je ne fais jamais une histoire sans passer de messages, attendez vous à ce que la pauvreté soit beaucoup abordée ici, du moins le temps que Joy reste à Madagascar et aussi un autre sujet, qui sera interprété par le personnage mystère. C'est tout ce que j'ai à dire... C'était déjà beaucoup ! x) J'espère que le chapitre vous a plu, hâte d'avoir vos avis !
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