Chapitre 5

« Now you're walking back to a place you call home, but you feel so alone. »

***

- Joyce t'as intérêt à refuser... Me menaça Nathanael en entendant la sonnerie de mon portable.

Je le regardai une dernière fois puis décrochai à l'appel de mon père après qu'il ait quitté ma chambre. Nous étions Dimanche et je devais à présent programmer mon départ avec mon père mais Nathanael voulait que je lui dise que je n'avais plus vraiment envie de venir car j'avais un tas de choses à faire. Je savais parfaitement que si je ne refusais pas, il allait encore me faire du mal mais mon choix était déjà tout fait dans ma tête. Il était hors de question que je reste ici, et Nathanael avait beau me faire subir les pires souffrances du monde, j'étais prête à les affronter. 

Je discutais un petit temps avec mon père pour prendre de ses nouvelles. Comme à son habitude il me parla de ses deux enfants et des quelques activités qu'il avait fait avec eux tandis que moi je n'avais rien à lui raconter... Et quand il aborda le sujet de Nathanael, je me contentai de lui dire que tout allait bien pour le moment. Je ne voulais pas l'inquiéter, mais avant tout ne pas prendre le risque d'en parler alors que mon frère m'écoutait peut-être derrière la porte. Je prendrai certainement le temps de lui en parler quand je serais là-bas, tous les deux j'esperais que nous nous pourrions trouver une solution.

« Alors Joy, j'ai regardé pour ton voyage. Ils ont tous minimum deux escales et qui sont très longues, je ne veux pas te laisser seule donc je vais venir te chercher. »

« Mais non, tu sais que je suis grande ? Je vais pouvoir me débrouiller. »

« Je sais que tu en es capable, mais ça ne me rassure pas... Te laisser seule dans un motel, ou en pleine ville, hors de question. »

« Certes mais t'as pensé aux prix des billets ? »

« Ca c'est mon affaire, ma puce. Donc je serais là Jeudi à 17h, on repart Vendredi dans la matinée. On arrivera Dimanche après-midi. »

« J'avais oublié que tu vivais aussi loin... » Soupirai-je.

« C'est pour cela que je ne veux pas te laisser seul, ça te convient alors ? »

« Oui, c'est parfait. Je suis impatiente de te voir, papa. »

« Moi aussi, ça fait un petit moment hein. »

« Avoues que tu es venu plus tôt parce que je te manque trop ! » Ris-je.

J'entendis son rire résonner dans le combiné, élargissant mon propre sourire, et mon coeur se comprima sous le manque. Il avait dit que cela faisait un " petit " moment que nous nous étions pas vu mais en réalité cela remontait à un plus d'un an, il avait profité d'être aux Etats-Unis lors d'un voyage d'affaire pour venir me voir. Ma relation avec mon père était bien trop parfaite contrairement à celle que j'entretenais avec ma mère... Je partageais tout avec mon père tandis qu'avec ma mère, nos conversations, quand elles avaient lieu, s'arrêtaient à des conversations banales. 

Nous restâmes seulement un petit moment à parler puis il m'assura qu'il me tiendrait au courant de ses déplacements et enfin il me quitta, non sans m'avoir répété plusieurs fois de prendre soin de moi et de tout de même passer le bonjour à Nathanael. C'était sa petite habitute et je n'osais pas lui avouer que j'avais arrêté depuis longtemps de passer le bonjour de sa part à Nathanael. Car ce dernier s'énervait contre moi ensuite, affirmant qu'il ne voulait pas entendre parler de "mon" père... 

Le téléphone toujours en mains, je me laissai tomber sur mon lit et fixai mon plafond dans mes pensées. Je devais partir avant que Nathanael vienne et que cela dégénère mais quand je me relevai et fis un pas vers ma porte, celle-ci souvrit avec une brutalité propre à mon frère. J'étais fichue, il avait certainement tout entendu.

- Alors ? Réclama-t'il ses comptes.

Essayait-il de me piéger en essayant de me faire croire qu'il n'était au courant de rien ? Où ne savait-il vraiment rien ? Je pouvais peut-être lui mentir et lui dire que j'avais refusé, une fois que mon père serait là, Jeudi, il ne pourrait pas me toucher. 

- Réponds idiote ! Cria-t'il en me faisant sursauter. 

Je reculai automatiquement vers le fond de ma chambre alors qu'il me regardait m'éloigner sans faire un quelconque mouvement. Mon coeur, alerté, s'était déjà mis à battre à grande vitesse et mes jambes tremblaient tant que je manquais de tomber à chaque pas.

- J'ai compris, tu n'as pas décliné son invitation. Viens là ! 

Il venait de me donner cet ordre avec une voix rauque et pénétrante, j'avais presque ressentis mon estomac se retourner sous les vibrations. Si j'allais vers lui, il se montrerait moins violent mais je devais avant tout essayer de me sortir de cette situation.

- Attends... Je... Bredouillai-je. Je vais t'expliquer Nathanael, il avait déjà... 

- Je ne veux rien savoir Joyce ! Articula-t'il avec haine. Ramènes-toi. 

Je secouai la tête et me secouai le cerveau pour trouver une excuse convenable mais je savais au fond que rien ne pourrait le changer d'avis et c'était ce qu'il y avait de plus terrible. J'avais l'impression d'avoir un compte à rebours dans ma tête qui aboutirait à la torture ultime, comme ces condamnés à mort qui comptaient les jours qu'il restait avant leur mise à mort. La différence était que moi j'allais souffrir sur le moment mais aussi après, un jour plus tard, une semaine, un mois, une année... Je passerai ma vie à souffrir de cette violence physique et morale. 

- Ramènes-toi ! Tempêta-t'il.

Je me mis à paniquer, inspectai ma chambre en ésperant peut-être trouver un passage secret, apparut là par la bonté du seigneur. Mais il s'approcha de moi à grandes enjambées et quand il fût en face de moi, je fermai les yeux pour ne pas subir, en plus de ses coups, son regard emplis de plaisir. Il aimait me voir souffrir et ça faisait d'autant plus mal. Il m'agrippa le bras, à laquelle il s'en était prise une semaine plutôt, raviva la douleur de mes blessures à peine guéries et me poussa vers la porte. 

- Nathan, s'il-te-plait... Sanglotai-je.

- Ferme-là, tu sais que j'ai horreur de ça. 

- C'était pas de ma faute ! 

Sans même voir, je savais qu'il m'amenait dans son antre. Il m'assena un coup dans le dos et je tombai à plat ventre sur le sol. Je me retournai soudainement, ouvrant , et le vis verrouiller sa porte pour une fois avant de se diriger vers ses tiroirs. Il avait peur que je parte cette fois-ci... 

- Joyce, dépêches toi de venir. Me dit-il en désigner le fauteil qui était à ses côtés.

- Pourquoi tu ne me laisses pas t'expliquer ? Le suppliai-je.

- Il y a rien à expliquer ! Vociféra-t'il. Je t'avais prévenu et tu m'as désobéis !

Il était dans tous ses états il n'y avait vraiment aucune chance et étrangement ma peur était plus forte que d'habitude. J'avais le pressentiment qu'il me réservait quelque chose de particulier, quelque chose qui serait encore plus terrible que tous les agressions que j'avais subis. Il vint à mes côtés, se pencha au-dessus de moi et me saisit derechef le bras.

- Tu veux vraiment que ce soit moi qui te pose là-bas ?

Je secouai la tête, me levai lentement et m'assis sur le siège, en face d'une bureau et par la même occasion en face d'une machine que je n'avais jamais vu auparavant. On aurait dit qu'il avait utilisé la base d'un microscope mais qu'à la place de l'objectif et du tube optique il avait mis une plaque en fer et une deuxième plaque de fer reposait aussi en dessous, sur la platine. Aucun doute mon frère avait de l'imagination, un malheur qu'il ne l'utilisait pas à bon escient.

- Pose ta main. M'ordonna-t'il en désignant la plaque du dessous.

- Je peux pas... Tu peux pas me demander de faire ça.

Je continuai de pleurer sous son regard assassin, il ne dit rien pendant un long moment et m'observait. Ses lèvres se tordirent en un grimace frustrée, des gouttes de sueurs tracèrent leur chemin le long de ses tempes et sa respiration se faisait de plus en plus rapide, à l'instar de la mienne. Je pouvais sentir les pulsations de mon coeur dans toutes les parties de mon corps, et même jusqu'au bout de mes doigts. 

- C'est pas une demande, Joy, c'est une obligation. Chuchota-t'il.

- Nathanael... Continuai-je de pleurer. 

Sa main claqua contre son bureau, si fort que je crus que le bois allait se casser sous l'impact et j'avais fait un bond sur place. Il approcha le siège, que je venais d'éloigner et sa main se logea dans mon dos pour me rapprocher de sa machine satanique.

- Tu veux la poser ? Hurla-t'il plus fort que précédemment. 

Je baissai le regard sur mes deux mains et contrainte à le faire, il ne me restait plus qu'à choisir laquelle aussi lugubre que cela puisse paraître. Mais comme pour contredire mes pensées, il s'empara de ma main gauche et me fusilla de ses yeux verdoyants. Je ne pouvais retirer mon regard de ma main tremblante contre la sienne, gelée. 

- Pourquoi ? Quémandai-je.

Il avança son visage jusqu'à ce que nos nez finissent par se toucher, nos regards toujours cadenassés et je pouvais sentir son souffle rapide. Sa respiration saccadée était dûe à l'adrenaline, la mienne à ma frayeur.

- Je ne te dois pas d'explications...

Sa main libre repoussa brutalement mon visage et il relâcha ma main avant de se lever. J'essayais de retenir mes larmes mais ça ne fit que de me troubler la vue. 

- Maintenant ! S'exclama-t'il. 

Je fermai les yeux, secouée par mes soubresauts et avanturai ma main droit devant moi. Alors que je m'attendais à sentir une plaque brûlante, je ne sentis que du métal froid. Etonnée, j'ouvrais les yeux pour voir si j'avais bien posée la main là où il me l'avait indiqué. Elle reposait bien là, sur la plaque du dessous... Alors je ne comprenais plus trop le fonctionnement de sa machine. Je tournai la tête vers Nathanael, qui me gratifia d'un sourire cauteleux. 

- Tu vois ce n'était pas grand chose...

Il accompagna sa phrase d'un geste vers la machine, ses doigts appuyèrent sur une étrange molette et je vis en une fraction de seconde la plaque d'en haut tomber sur ma main. La douleur se fit immédiate, ce n'était pas causé par la chute mais par la chaleur qui était sans doute en train de ronger ma peau. On aurait pû me planter un couteau en pleine main, j'étais prête à parier que ça aurait été pareil. J'avais l'impression que tous mes os fondaient sous cet objet brûlant, faisant disparaître au passage ma chair. 

Mon cris n'avait jamais été aussi puissant et je retirai ma main avec précipitation mais ma main était déjà amochée. La douleur continuait de se propager et s'amplifiait même, comme si ma main était encore posée sur cette fichue plaque. Plus je regardai le dos de ma main, rougie et boursouflée, plus je souffrais. J'avais mal, c'était horrible... Et le fait de penser que c'était mon propre frère qui m'avait infliger cela,  c'était davantage déchirant.

Je sentis mon coeur ralentir et quelques secondes plus tard, je tombai en avant attirée par une torpeur incontrôlable. 

***

Deux jours plus tard, je déambulai entre les tables bondées d'étudiants, tous aussi excités les uns que les autres et surtout j'essayais d'atteindre l'autre côté de la cour, ce qui se révelait être une grande tâche. J'étais juste impatiente de m'asseoir pour ne plus ressentir cette douleur qui me paralysait presque toute la jambe. Elle provenait d'un coup que Nathanael m'avait assené hier, lorsque j'étais rentrée des cours un peu plus tard que prévu... De plus, depuis Dimanche, il m'était impossible de faire un quelconque mouvement avec mes doigts sans que je ne souffre. Ca avait été une torture pour moi de traverser tous les couloirs du lycée pour aller d'un cours à un autre et si Nathanael ne passait pas ses journées chez moi, j'y serais restée volontier.

Les mains cachées dans les manches de mon gilet de deux tailles plus grand que moi, les yeux vers le sol, la démarche boîtante c'est ainsi que je passais devant la table de Caleb et ses compagnons. Nul besoin de lever la tête pour savoir qu'ils me fxaient tous, du moins certains. Ca allait donc faire deux semaines que nous ne nous étions pas parlé et il ne semblait pas déterminé à le faire. Je mentirais si je disais que je n'avais pas esperé qu'il vienne vers moi pour une seule fois... 

Je m'assis contre un mur, à même le sol, ne supportant plus la douleur et vit Olivia se diriger vers moi. Envoyée par Caleb ou venait-elle d'elle même ? Et qu'allait elle me dire ? Mon anxiété augmenta en quelques secondes alors que je la regardais s'approcher, je pouvais aussi sentir le regard de Caleb posé sur moi... Arrivée, elle s'assit en face de moi toujours avec élégance. Ses longs cheveux blonds balayaient ses joues et ses faussettes se formaient déjà au coin de ses lèvres, courbées en un sourire. 

- Comment tu vas ? Commença-t'elle, timide.

- Ma réponse changera quelque chose ? Rétorquai-je sur la défensive.

- C'est... J'ai vu que tu boitais et t'as l'air fatiguée alors je voulais savoir !

- Ce n'est rien. 

Je regardai automatiquement ma main gauche pour vérifier que l'on ne voyait pas mon bandage et continuai de l'observer. Elle me souriait toujours, donnant l'impression de faire face à un enfant. Elle ne semblait pas être odieuse contrairement au reste de son groupe mais je gardais bien en tête que " l'apparence était parfois trompeuse ". Bien trop souvent en fait !

- Tu es venu pour me parler de Caleb n'est-ce pas ?! Alors sois direct, je t'en prie. Déclarai-je, en souhaitant déjà être seule.

- Non, sauf si tu en as envie ! Mais je ne crois pas que ce soit le cas...

Je confirmai son hypothèse en secouant la tête. J'étais étonné de savoir qu'elle était donc là sans raisons précises. Elle n'était pas là pour excuser son meilleur ami, ni pour le plaindre... Pourquoi alors ?

- Ca te dérange pas si je te tiens compagnie ? 

- Ecoutes, Olivia...

Elle leva un index et pencha la tête sur le côté, alors que ses cheveux suivaient le mouvement avec grâce. Je me rappelai alors qu'elle m'avait interdit de prononcer son prénom.

- Oli... Tu n'en es pas obligée, ça me dérange vraiment pas de rester seule ! Je sais pas pourquoi tu agis comme ça alors qu'il y a quelques semaines tu t'en fichais pas mal.

- Parce que j'en ai envie et justement parce que je ne l'ai pas fais plus tôt. Répondit-elle le plus naturellement possible.

Je ne sus pas que lui répondre alors je me réduis au silence. Elle m'adressa un grand sourire, la rendant encore plus splendide, et m'informa qu'elle allait nous chercher à boire. J'en profitais pour regarder vers leur table et croisai les prunelles de Caleb aussitôt. Il détourna aussi la tête pour reprendre la conversation avec ses amis. 

J'avais beau y réfléchir pendant des heures, je n'avais pas réussis à comprendre pourquoi Caleb sortait avec moi. Y'avait-il réellement quelque chose qui lui plaisait chez moi ? Tandis que moi je fondais sous chaque partie de son corps, lui ne semblait même pas me regarder. Je donnais encore une fois de l'amour dans le vide et c'était certainement pour cette raison que je commençais à me lasser au fur et à mesure... J'avais déjà assez de personnes qui m'ignoraient ou me faisaient du mal, dans ma vie. 

- Voilà ! Annonça Oli qui s'asseyait à nouveau. Tu as déjà mangé ? 

J'hôchai la tête pour ne pas qu'elle m'incite à manger mais elle eut l'air de capter mon mensonge. Elle me donna une bouteille d'eau et se pencha vers moi.

- Tu sais, un peu de poids ne te ferait pas de mal. 

- Peut-être mais je n'y peux rien... 

- Bien sûr que si, tu dois manger ! Dit-elle. Quoi ? Tu te trouves grosse ? 

J'étais loin de me trouver grosse, je me trouvais bien trop mince mais malheureusement je n'arrivais pas à trouver l'appétit. De plus, ça ne servait à rien de faire des efforts pour paraître "bien" puisque c'était perdu d'avance. Les marques que j'avais sur le corps ne s'effaceront jamais elles, ou du moins pas avant longtemps.

 - Pas du tout ! Répondis-je tout de suite. 

- Je sais ce qu'il te faut... Tu viendras passer une journée avec moi, pendant les vacances, tu vas voir comment moi je mange ! 

Ca m'étonnerait qu'elle mange beaucoup, ou alors elle était de celles qui mangent pour quatre mais qui ne prenaient rien, car elle avait un corps parfait. De belles courbes féminines qui devaient attirer autres garçons que Hugh. Moi, je n'étais même pas capable d'attirer mon propre copain, c'était ridicule. Oli me lança un clin d'oeil et je souris, elle n'étais pas de si mauvaise compagnie finalement. 

- J'aurais bien voulus mais je ne serai pas là pendant les vacances... L'informai-je. 

- Ah bon ? Caleb m'a pourtant dis que tu ne partais jamais. 

- Habituellement non, mais cette fois je vais chez mon père.

- Oh dommage ! Caleb avait pré... Enfin bref. Hésita-t'elle en se remémorant que je ne voulais pas parler de Caleb. 

- Je n'ai pas eu le temps de le prévenir. M'expliquai-je. Tu pourras lui dire ? 

- Tu devrais lui dire, Joyce. Me conseilla-t'elle. Vous devez vous parler avant que tu ne partes ! 

- Il ne semble pas le vouloir.

- Il ne sait pas comment se comporter, il est pas doué avec les déclarations. 

Et voilà, elle lui trouvait des excuses. Je n'étais pas faite non plus pour les démonstrations d'affection, pourtant j'avais sû mettre cela de côté lorsque nous avions débuté notre relation il y a 8 mois. Il voyait qu'il était sur le point de me perdre pourquoi ne pouvait-il pas faire des efforts ? Je savais que ce n'était pas facile mais je ne lui demandais pas de me mentir, juste de me dire ce qu'il ressentait pour moi. Face à mon silence, Olivia reprit la parole : 

- Où est-ce que tu vas passer tes vacances alors ? Me questionna-t'elle, un semblant d'intérêt dans la voix.

- Madagascar ! 

Sa bouche s'entrouvit, ses yeux se mirent à pétiller et elle me donna un coup dans le bras gauche, réveillant insciemment le mal. Je baissai la tête pour cacher ma grimace qu'elle prit comme de la comédie. 

- Ton père vit à Madagascar ?! S'étonna-t'elle. Belles vacances Joyce.

- Oui, il vit là-bas.

- J'imagine que tu ne dois pas le voir souvent... Souffla-t'elle en perdant soudainement son sourire. Je vis la même chose, mon père travaille à l'étranger je ne le vois qu'une fois par an. C'est pas facile ! 

- En effet, mais quand on les revoit c'est le bonheur total.

Je me rappelai encore de ce sentiment de liberté, de sécurité et de joie intense lorsque j'avais revu mon père la dernière fois, j'avais l'impression de vivre vraiment. Nos retrouvailles allaient se faire dans deux jours et dans trois jours je m'envolais pour Madagscar à ses côtés, je pouvais sentir grandir mon impatience et mon bonheur à chaques heures qui passaient. C'était aussi la première fois que j'allais passer autant de temps avec lui et ce cadeau là valait bien toutes les tortures de Nathanael. 

- Où est-ce qu'il travaille ton père ? Me renseignai-je.

- En Allemagne. C'est pas aussi loin que Madagscar mais son absence se fait sentir... 

- Je comprends...

- Tu m'enverras des photos hein ?! S'assura-t'elle. 

Elle avait reprit son sourire et m'adressait maintenant des yeux suppliants. J'avais toujours du mal à croire à la sincérité de cette gentillesse si soudaine mais je voulais bien lui laisser une chance, tout en faisant attention. Si l'on pouvait être amie alors tant mieux... Sinon j'étais habituée à souffrir, alors si elle avait prévu quelque chose de machiavélique elle perdait son temps.

Cependant, elle avait été la première personne à me faire remarquer mon sous-poids. Peut-être avait elle dit ça pour m'atteindre ? J'en doutais. Nous nous parlions seulement depuis la fête et sans gêne mais avec honnêteté elle me l'avait dit. Elle avait fait attention à ce détail et avait même entrepris quelque chose pour " m'aider ". Et si Caleb lui avait dit qu'il ne me trouvait pas jolie ? 

Je chassai mes pensées car je pouvais y rester des heures, le temps amènerait les réponses à mes questions. Et puis pendant deux semaines, je n'aurais plus affaire ni à Olivia, ni à Caleb, je serais loin de tout ça. Je verrai bien comment les choses allaient se passer à mon retour, j'espèrais qu'elles s'arrangeraient. Que Caleb viendrait me voir, qu'Olivia serait toujours aussi gentille avec moi... 

***

Je déposai rapidement mes affaires dans mon casier d'une main car l'autre était devenue totalement inefficace. Je la soignai tous les jours, en la protégeant avec des pansements et par dessus un bandage, mais la blessure s'empirait. Je ne pouvais pas aller à l'hopital car j'étais persuadée qu'ils me garderaient en psychiatrie, à chaque fois que j'y étais allée c'était pour des brûlures. Ils m'avaient questionné à chaque fois mais je n'avais rien voulu dire, enfin je n'avais rien pu dire. " C'était un accident ! " répetait ma mère aux médecins. J'étais donc dans l'obligation de subir cette souffrance qui montait maintenant jusqu'au creu de mon épaule. Je le dirai à mon père, une fois que nous serions loin d'ici... 

Mon père ? Je regardai l'horloge sur le mur, il était 18h et quelques, il devait déjà m'attendre sur le parking. Je fermai mon casier et longeai le couloir principal de mon lycée, d'un pas rapide mais une douleur en bas de mon dos se déclencha. Incapable de faire un pas de plus, je m'appuyai sur le mur à mes côtés alors que tout mon dos me faisait mal à présent. J'avais toujours cette sensation de recevoir un couteau en plein nerfs, ça tirait, ça appuyait... Ou la sensation de subir derechef les coups de Nathanael, qu'il m'avait attribué la veille quand il avait découvert que notre père arrivait ce soir. Il n'avait pas prit la peine de fabriquer quelque chose de spécialement douloureux, il s'était acharné sur moi avec une batte. Je me souvenais encore de mes cris, de mes pleurs, de la manière dont je m'étais recroquevillée sur moi-même et de ses yeux devenus, sans exagérer, noirs.

Je laissai échapper un gémissement et glissai petit à petit à terre jusqu'à ce qu'un bras  fort se glisse sous mon ventre et me redresse. Je reconnus le toucher de Caleb au moment où il me ramena contre son torse. Un parfum qui ne lui appartenait pas embauma les environs et je sentis une autre présence derrière nous, sûrement l'un de ses amis. 

- Joyce, qu'est-ce qu'il t'arrive ? S'enquit-il.

- Rien. 

Je repoussai son bras de ma main droite et me tournai vers lui. Mon coeur rata un battement quand je posai mes yeux sur lui... Il devait sortir de sa douche après l'entraînement car ses cheveux mouillés tombaient sur sa tête d'une manière désordonnée et quelques ridicules gouttes d'eau reposaient dans son cou. Il portait le gilet bleu marine de notre équipe de football par dessus un t-shirt blanc, qui, mouillé à quelques endroits, laissaient apparaître sa peau bronzée. Je plongeais mes yeux dans ses prunelles marrons clairs et il haussa un sourcil. J'aperçus par la même occasion, Hugh, juste derrière lui. 

Je repris mon courage, ma fierté ainsi que tout le reste du bagage et tournai les talons. Trop préoccupée à l'admirer, j'en avais oublié l'élancement le long de mon dos mais il revint quand je fis un pas de plus. Je me penchai en avant, aggravant les choses. Caleb vint me soutenir de nouveau alors je cédai, me laissant reposer contre lui. 

- Comment est-ce que tu t'es fais ça ? Me questionna-t'il.

- J'ai dû faire un mauvais mouvement...

- Tu es sûr que tu n'y es pas pour quelque chose, Cal ? Sous-entendit Hugh.

- Hugh... Souffla Caleb. 

- Caleb, je dois y aller mon père doit m'attendre. Intervins-je.

- Ton père est là ? Alors tu pars vraiment pour les vacances ?

J'hochai la tête et il ne répondit pas, je ne pus pas voir sa réaction étant donné que je lui faisais dos. Olivia lui avait alors dit...  Il me desserra légèrement et passa son bras derrière mon dos avant de se remettre à marcher vers la sortie. Caleb me soutenait si fort que je ne sentais presque rien toutefois une boule au ventre remplaça ma douleur. Je me demandais si allait me dire quelque chose avant que je parte ? S'il allait m'embrasser ? Ou s'il allait juste me saluer et me laisser partir ? Etait-il en colère contre moi ? J'attendais au moins quelque chose de sa part... 

Nous passâmes les grandes portes principales puis nous traversâmes la grande pelouse pour arriver sur le début du parking, toujours silencieux. Mais à cet instant j'avais presque oublié que je me retrouvais aux côtés de Caleb car je scannai l'endroit avec attention, la respiration trépidante. Mon père n'était pas là... Et s'il m'avait oublié ? 

- Bon... Commença Hugh mal à l'aise. Je vous laisse, Cal tu ramènes tes fesses chez moi. 

- J'ai pas oublié  ! Affirma Caleb.

Je posai mes yeux sur ce grand garçon qui semblait difficile à cerner. Il avait l'air d'être le fêtard et le moqueur de la bande mais je le trouvais tout de même intimidant et peu accueillant avec ses longues dreadlocks brunes et ses yeux turquoises. Il était d'une beauté particulière et faisait un sacré couple avec Olivia. 

- A la prochaine Joyce ! S'écria-t'il en s'éloignant déjà. 

- Depuis quand il se souvient de mon nom ? Relevai-je avec sarcasme.

Caleb ricana, sans ajouter quelque chose, puis il me guida vers le fond du parking en attendant sûrement que je trouve mon père. Alors que nous étions toujours en train de déambuler, il prit finalement la parole, faisant augmenter mon angoisse :

- Joyce, je peux savoir quelque chose ? 

- Dis-moi... 

- Pourquoi tu ne m'as pas dis que tu partais ? Commença-t'il à me reprocher. J'veux dire... On ne va pas se voir pendant deux semaines. 

- Tu as tenu durant les deux semaines que l'on vient de passer !

- Tu ne voulais pas que je vienne te voir non ?

- Si Caleb, j'attendais que ça ! Rétorquai-je d'une voix aiguë.

Il me tourna vers lui pour que nous puissions nous voir et il planta son regard confus dans le mien. Son contact m'avait manqué et je me sentais rassurée dans ses bras. 

- Je pensais que tu voulais que l'on s'éloigne pendant un temps... Chuchota-t'il.

- C'est pas ça que j'ai dis le soir de ta fête ! 

Il esquiva mon regard et contemplait quelque chose dans mon dos. Il avait décidé de ne plus en parler alors il mettait un terme à la conversation, comme il avait toujours aimé faire. Il n'affrontait jamais et ne voulait jamais avoir à faire face à ses défauts. Je mourrai d'envie qu'il me dise que j'avais tort de penser ainsi car je comptais pour lui... Ce n'était pourtant pas très dur après 8 mois de relation, c'était normal qu'il me dise ces choses là. On ne passait pas tant de mois avec une personne sans y être attaché par de quelconque sentiments.

- Je nous avais organisé des sorties pour les vacances. Avoua-t'il.

- Excuse-moi alors de ne pas t'en avoir parlé, je pensais que tu t'en fichais.

- Joyce, arrêtes de te faire toujours de fausses idées à propos de tout.

Il avait raison, je me basais toujours sur des estimations, sur des préjugés sans jamais chercher à savoir si c'était véridique. Cependant il ne savait pas que mes hypothèses venaient de ce que j'observais, par exemple, je pensais qu'il se fichait de mon départ car il m'avait ignoré pendant deux semaines et que, par conséquent, il allait aussi m'ignorer pendant les vacances. Je n'étais donc pas la seule en tort... C'était à lui de montrait ce qu'il pensait et ressentait réellement.

- Allons-y...

Nous avançâmes le long de la grande allée, encadrée par de longs et vieux chênes. Je regardais une voiture passer quand j'y reconnus mon père à bord, sentant mon coeur battre de plus en plus fort. Il se gara à la première place libre qu'il trouva, soit un peu plus loin derrière nous alors nous fîmes demi-tour. Caleb s'arrêta à quelques pas de là, je me tournai vers lui et entendis la portière de la voiture claquer. J'allais retrouver mon père, et j'esperais que les mots de Caleb ne seraient pas longs, j'allais mourir d'impatience.

- Je ne vais pas te retenir, je sais que tu attends ce moment depuis longtemps. Concéda-t'il. Je voudrais juste que l'on se voit demain.

- Caleb, je pars demain...

Il souffla de mécontentement tout en se penchant vers moi et il posa son front contre le mien. Entre la proximité de Caleb et celle de mon père, j'allais explosée sous la pression. Je fermais les yeux et essayai de ne pas céder à l'envie de l'embrasser. 

- Je suis désolé pour tout le mal que j'ai pu te faire. Me susurra-t'il. 

Son souffle chaud avait parcouru mes lèvres et m'offrait des tonnes de sensations fabuleuses. Je me serrai un peu plus contre lui, savourant sa présence et chacun de ses mots prononcés à l'instant.

- Profites bien de tes vacances ! Je te demande juste de me donner des nouvelles...

- Je le ferai. Bafouillai-je.

Embrasse-moi... Plutôt que de sentir ses lèvres généreuses contre les miennes je sentis ses bras envelopper mon corps et il déposa un rapide baiser dans mon cou. Puis il fit un pas en arrière et s'éloigna en ne me regardant pas une fois de plus. Deux semaines sans Caleb, nous aurions tous les deux le temps de penser à notre couple de notre côté.

Je ne ressentais plus de douleur quand je fis volte face pour apercevoir mon père, adossé à la voiture. Même après plus d'un an il n'avait pas changé du tout, il paraissait toujours en forme. Bien qu'agé de 44 ans mon père continuait de s'entretenir comme s'il en avait 18, ce qui expliquait sa corpulence musclée. Mon père et moi n'avions rien en commun au niveau du physique, mis à part les yeux sombres... Il était grand de taille, il devait sûrement faire deux têtes de plus que moi, il avait des cheveux bruns qui encadraient un joli visage bronzé, non attaqué par le temps qui passe. Un nez droit et allongé, une fine bouche, des pommettes hautes, des joues creusées, j'aurais tout donné pour avoir sa beauté.

Il m'accueillit avec un sourire ému et les larmes aux yeux. J'avançai lentement pour ne pas m'effondrer comme tout à l'heure et voyant que j'avais du mal, il combla le reste du chemin. Un feu d'artifice se déroulait dans ma tête, le bouquet final éclata quand mon père me prit dans ses bras. Des bras que je n'avais pas sentis depuis plus d'un an... J'oubliai mes maux car revoir mon père me rendait plus qu'heureuse, qu'importent les mauvaises nouvelles je ne pouvais tomber de ce nuage sur lequel je planais. 

Avec tout ce que j'avais enduré, son absence était devenue de plus en plus lourde. J'avais maintes fois espéré qu'il vienne me chercher comme un orphelin souhaitait rencontré ses parents un jour, je me sentais vide sans lui. A ses côtés j'avais enfin l'impression d'avoir ne serait-ce qu'une petite valeur, d'avoir une vraie existence car le reste du temps je ne faisais qu'errer au milieu de personnes aveuglées. Sans mon père, j'étais seule. Tout était comme si je n'avais pas de famille, que je n'étais reliée à personne, que j'étais étrangère à tout et tout le monde... 

Etait-ce pour cette raison que ma mère et mon frère avaient voulus m'empêcher de le voir ? Parce qu'ils savaient qu'ils ne faisaient pas le poids ? Parce qu'il ne voulait pas que j'ai accès à ce bonheur ? La seule chose que mon père avait de dangeureux, c'était qu'il pouvait me convaincre de venir vivre avec lui. Si j'avais pu choisir, je l'aurais fait au plus vite... Malheureusement, mon père n'avait pas ma garde bien qu'il eut essayé plusieurs fois. J'aimerais un jour comprendre pourquoi ma famille était tant en guerre et j'esperais avoir ma réponse durant mon séjour, il était temps d'aller fouiller dans le passé. 

- Tu m'as tellement manqué, Joy. Murmura-t'il à mon oreille.

Je me blottis davantage dans ses bras et humai son odeur, qui suffisait pour me réconforter. Je calquai ma respiration à la sienne, ni trop lente, ni trop rapide. Une dont je n'avais pas l'habitude car j'étais constamment tétanisée, anxieuse ou énervée. J'étais redevenue une petite fille qui voulait suivre son père où qu'il aille car elle se sentait en sécurité près de lui, car elle avait l'impression qu'avec lui elle pouvait gravir des montagnes et des montagnes sans jamais faillir. Seulement, il y avait un énorme fossé entre nos désirs et la réalité... 

- Que d'émotions ! Scanda une voix sèche.

Mon sang se glaça sous ma peau alors que mon père et moi nous retournions vers le monstre le plus redoutable qu'il puisse exister, mon frère. Il nous observait à deux - trois pas de nous, les mains dans les poches de son jean et légèrement penché en arrière. Mon père poussa un soupir, étonné de faire face à son grand fils qui avait, lui, bien changé depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus, soit il y a quatre ans. Ils ne s'étaient pas vu l'année d'avant car Nathanael avait tout fait pour ne pas croiser sa route. De ses 16 ans à ses 20 ans, mon frère s'était totalement métamorphosé au plus grand plaisir de la gente féminine. Mon père avait sans doute garder les souvenirs d'un adolescent au style vestimentaire négligé, aux lunettes, à la peau acnéique or il faisait face dorénavant à un jeune homme élégant, soigné et séduisant. Voilà aussi une des raisons pour lesquelles je passais soit inaperçue soit ridicule à ses côtés... Tout me portait à croire que j'étais inférieure à lui. 

- Joyce ne partira pas avec toi. Décida Nathanael sûr de lui.

Mon ange et mon démon allaient s'affronter...

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Hey, j'espère que ce chapitre vous a plu, bien que je n'en sois pas satisfaite de mon côté... Je voulais aussi vous dire que j'ai abstraction de deux agressions, je ne fais que les évoquer au cours du récit, tout simplement car je ne veux pas que mon roman se transforme en liste de tortures. Je préfère me consacrer sur la psychologie de mes personnages que sur les actions ! Bref, n'hésitez pas à me donner votre avis ! :)

Ps : Vous pourrez trouver à côté de ce chapitre une photo de Hugh, j'espère ne pas briser votre imagination. Viendront ensuite les photos des autres personnages, si j'arrive à les trouver !

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