Chapitre 26



« You must have been in a place so dark

You couldn't feel the light, reaching for you

through that stormy cloud. »

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« You just disappeared, completely.

You reduced screams to silence, turned the fire into ice. »






           J'éteignis tout dans la salle, eu à peine le temps de rassembler mes affaires que la porte s'ouvrit à la volée. Des cris enfantins me firent sursauter ; habituée au calme depuis des heures, je fus surprise par tant de vacarme. Et déçue que l'on vienne empiéter dans ce lieu qui semblait m'appartenir maintenant. J'avais l'impression que l'on me volait quelque chose d'intime... Le peu de privé que j'avais partagé avec Nathanael s'était déroulé ici et je voulais que ce lieu ne reste qu'entre nous.

C'était sans compter mes deux demi-frères qui me fonçaient droit dessus, des sourires pendus au visage - sourires qui ne me faisaient plus aucun effet. Leur joie ne m'atteignait pas, elle me paraissait même déplacée et disproportionnée. Mais leur cœur d'enfants ne leur permettait peut-être pas de comprendre la situation. Même moi, je ne la comprenais pas réellement.

Jery fut le premier à littéralement se jeter sur mes jambes en répétant mon prénom de nombreuses fois. Et à en juger les bras que me tendaient ensuite Judd, j'en déduisis que je leur avais vraiment manqué durant ces deux derniers mois. Eux aussi m'avaient manqué. Pourtant, ces retrouvailles provoquèrent une immense tristesse en moi car toutes mes pensées se tournèrent vers Nathanael et vers l'idée que, lui, je ne le retrouverai plus jamais. J'ignorai néanmoins cela. J'ignorai le nœud dans mon estomac ou dans ma gorge, le mal de tête qui venait de se déclencher, l'horrible sensation qui me pinçait le cœur. J'ignorai mes larmes infinies ; j'éteignis la douleur pour recevoir l'élan d'amour qui m'était offert à ce moment.

En relevant la tête, je croisai le regard de mon père. Il se tenait à l'entrée de la salle avec méfiance et arborant toujours cet air de chien battu. Je compris à sa posture qu'il n'était pas capable de rentrer, cet endroit l'effrayait ou l'attristait trop... J'avais envie de lui cracher au visage la vérité. Lui dire que dans cette salle, Nate avait été plus heureux que triste et que la souffrance vécue ici n'était rien comparée à celle qu'il avait subi toute sa vie. Que la souffrance mentale avait toujours été plus forte que celle physique. Mais ma voix m'avait abandonné... Face à cet amont de rancœur, je me rappelai surtout que l'on était censé se voir pour qu'il m'avoue tout. Et non pour de sympathiques retrouvailles familiales. Je me relevai alors brusquement, m'éloignant de Judd et Jery.

- Ça ne devait être que nous deux ! m'exclamai-je d'une voix rêche.

Il voulut parler tout de suite mais il buta sur ses mots, comme au bord des larmes, avant de se reprendre dans un raclement de gorge :

- La sœur de ta mère est arrivée avec sa famille. Ils voudraient te voir et je dois venir également pour que nous finissions d'organiser les obsè... enfin la cérémonie de demain.

Sa révélation me mit hors de moi. J'essayai de me contrôler, de refouler ma colère comme je l'avais jusqu'à présent mais une insupportable chaleur s'accapara de mon corps. Et cette fois, je ne pus garder ça pour moi.

- Je m'en fous ! hurlai-je hystérique. Tu devais me dire ! Tu m'avais promis que tu le ferais avant demain, t'as vraiment aucune parole ! Tu dois me le dire.

Mes demi-frères étonnés et apeurés par ma perte de contrôle soudaine s'empressèrent de s'éloigner.

- Joyce, tu dois comprendre, me supplia presque mon père. Je ne peux pas, j'ai...

- De quoi tu as peur ? lâchai-je avec un rire écorché.

Ses yeux tristes m'observèrent un long moment mais je décidai de rompre le contact, baissant la tête comme pour me recroqueviller sur moi-même. J'attrapai mon sac laissé au sol, traversai la salle à toute allure et me frayai un chemin dehors, poussant mon père d'un coup d'épaule. Je n'avais pas levé les yeux de tout mon parcours et c'était bien trop injuste que mon père finisse par s'en sortir ainsi. Que ce soit moi qui fuit et qu'il ne soit pas confronté à la réalité... sa réalité.

Alors, pleine de rage, je me retournai vers lui et le fixai à travers mes yeux embués.

- Tu n'as même plus à rien à perdre... Il n'est plus là et moi je te hais déjà. Nathanael est mort, papa... et...

Ces mots m'arrachèrent de nouveaux sanglots. Le simple fait de le dire à haute voix l'ancrait un peu plus dans mon esprit. Les jours passaient et je réalisai au fur et à mesure de l'ampleur de la situation. Mon père eût l'air de tout juste l'apprendre car il se mit à pleurer à son tour, réprimant plusieurs spasmes pour toujours et encore paraître fort. Et j'avais beau le détester au plus profond de moi, le voir ainsi me détruisait davantage.

- Ça ne le fera pas revenir, je le sais, continuai-je. Mais si tu tiens à moi autant que tu le prétends, tu pourrais au moins m'accorder ça : la vérité.

Il porta sa main à son visage, se cachant totalement alors que ses épaules secouées le trahissaient. Et il resta ainsi durant de longues secondes ; je compris alors que je n'obtiendrai rien de lui. Ni aujourd'hui et probablement jamais. J'avais en face de moi un homme dévasté par le chagrin, c'était indéniable, mais surtout un homme écroulé de honte. Le simple fait d'y penser le mettait dans tous ses états ; il n'était pas prêt à me raconter... Toutefois je m'en fichais car il me l'avait caché pendant des années, j'avais assez attendu et je méritais de tout savoir. Si ce n'était pas de lui, j'allais trouver quelqu'un d'autre. Je ne comptais pas abandonner, non après tout ce combat pour Nathanael. Je voulais lever les secrets pour qu'enfin mon frère repose en paix et que je puisse me reconstruire.

Je tournai donc les talons et m'en allai réellement cette fois, longeant la ruelle à grands pas. Un claquement de portière retentit derrière moi et une tendre voix m'interpella. Je reconnus immédiatement la personne mais je n'étais pas sûre de vouloir lui parler à cet instant. Pourtant, c'était vers moi et non vers son mari que Soamiary se tournait... Cette moindre attention me fit ralentir, laissant la chance à ma belle-mère de me rattraper. Lorsqu'elle se mit devant moi, je fus interpellée par la forte compassion qui se lisait dans ses yeux. Et la tendresse de ses mains contre les miennes qu'elle s'était empressée de saisir.

- Joyce, j'aurais aimé te voir plus tôt pour te le dire mais tu avais besoin de temps seule, me dit-elle dans un anglais aléatoire. Je suis désolée pour ta perte, ma chérie. Tu aimais énormément ton frère et je n'ose imaginer comme ta douleur est grande. Toutes mes condoléances.

Elle leva une main afin de la poser contre ma joue et je reçus pour la toute première fois depuis très longtemps ce qui ressemblait à de l'affection maternelle. Je fermai les yeux, chassai mes émotions sur le point de me submerger puis ré-ouvris les yeux, avec un petit sourire. En quelques secondes, elle avait presque réussi à éteindre ma fureur.

- Je te remercie Soa.

Je serrai sa main comme un dernier remerciement et me reculai d'un pas. Mes larmes n'avaient cessé de couler ; mon désespoir ne cessait de se manifester. Je voulais y échapper. Retrouver le vide des premiers jours.

- Ton père a besoin de toi, me souffla-t-elle finalement. Il n'osera jamais te le dire mais je le sais. En cette période, vous avez plus que tout besoin de l'un et l'autre.

- Je ne suis plus sûre d'avoir besoin de quiconque dorénavant, affirmai-je en secouant la tête.

Surtout pas de ma prétendue famille. Je jetai un dernier regard à Soamiary, à mon père plus loin et à ses deux enfants qui le regardaient avec d'énormes yeux. Il m'était impossible de me faire à l'idée que bientôt c'est avec eux que j'irai vivre ; c'était avec eux que j'étais censée avancer. Je l'avais souhaité plus que tout, auparavant, cependant je n'en voulais plus. Je savais maintenant que je ne trouverais le bonheur nulle part. Je n'allais plus vivre, j'allais subir le temps qui passe.


***


Partie à pieds, j'étais arrivée chez moi avant mon père et sa famille. Avant même de passer le pas de la porte, j'avais ressenti l'agitation présente dans la maison... Presque toutes les pièces étaient allumées, sauf une, et s'en échappaient des voix. Les trois voitures devant notre maison indiquaient que toute la famille de ma mère devait finalement être arrivée. Et lorsque j'avais été sur le point de rentrer, j'avais été saisie par un sentiment étrange qui m'avait fait rebrousser chemin. Jusque chez Caleb... J'avais été incapable d'affronter ma famille, par la peur sans doute sans que je ne sache réellement la raison.

Alors Caleb, bien qu'étonné de voir que je me tournais vers lui, avait été là pour me réconforter et m'avait convaincu d'y retourner. Je me tenais donc à nouveau devant chez moi mais en sa compagnie et je tentai de le convaincre de m'accompagner également dedans. Surtout que mon père était aussi arrivé : je me sentais encore moins capable d'entrer toute seule. J'imaginais déjà les voix se taire, les regards s'attrister et les condoléances fuser dans la maison.

- J'ai peur de gêner, s'exclama mon copain assis sur sa moto, je n'ai pas ma place. C'est ta famille...

- Si tu viens, ils ne parleront pas de lui et ça se transformera en réunion de famille. Ce sera moins gênant que de les rencontrer demain, aux obsèques, tu penses pas ?

Il hocha la tête et quand il souffla, je sus que j'avais réussi. Il soufflait toujours lorsqu'il s'avouait vaincu. Il attrapa son casque, m'adressa un sourire puis se dirigea vers la maison d'un pas déterminé. Je fus alors contrainte de le suivre sans rien dire de plus. Plus on se rapprochait, plus les diverses voix parvenaient à nous. Elles m'agressaient, faisaient renaître la même peur ressentie une heure avant. Alors sur le perron, je posai une main sur la poignée de la porte et glissai l'autre dans celle de Caleb.

- Si ça devient trop bizarre, tu pourras t'en aller hein ! l'avertis-je.

Il acquiesça puis m'incita à entrer d'un mouvement de tête. Je poussai donc la porte et nous entrâmes dans la maison où une ambiance normale régnait. Les premières personnes face à nous furent mes deux cousins Naïm et Alex qui firent immédiatement resurgir tout un tas de souvenirs... dont Nathan en faisait partie, évidemment. Il avait été de partout, chaque souvenir me ramènerait à lui ; je devais me rendre à l'évidence, je ne pourrais jamais éviter de penser à lui.

Ils abandonnèrent leur discussion pour venir vers nous. On allait se saluer quand ma mère et mes deux tantes qui se dirigeaient vers la cuisine nous interpellèrent d'abord. Ma mère était la troisième des quatre enfants de sa famille et même si cela faisait un moment que je n'avais pas vu ni mes tantes, ni mon oncle, je savais que ma mère était très différente d'eux. Plongée dans le travail, elle avait privilégié cela à ses enfants tandis que pour ses sœurs c'était bien tout l'inverse. Et à ce moment précis, je reçus plus d'affection de mes tantes en quelques minutes que de ma propre mère en toute une vie.

L'aînée, Carmen, me serra fortement dans ses bras pendant que la benjamine, Erin, se présentait avec joie à Caleb. Elles prétextèrent être contentes d'enfin rencontrer mon copain - alors qu'elles n'avaient jamais su son existence -, ma mère fit profil bas puis elles s'en allèrent vers leur destination première. Elles laissèrent ainsi la chance à mes cousins d'approcher. Je n'avais pas grand chose en commun avec eux, si ce n'était notre jeunesse, mais j'étais ravie de les revoir. Présentations faites, une gêne commença à s'installer et j'envisageai déjà de m'en aller quand Naïm, le plus bavard et actif de tous, prit la parole :

- Tu sais qu'on t'attend depuis plus de deux heures ? releva-t-il. Nos mères n'ont fait que parler de toi !

- Rien qu'à voir comment elles t'ont sauté dessus, surenchérit Alex.

- Qu'est-ce que tu foutais ?

- J'étais avec Caleb, éludai-je. Où se trouvent ta sœur et Diane ?

Il désigna le salon. Je le remerciai et m'y dirigeai, sans lâcher la main de Caleb. Là je fus premièrement confrontée à tous les hommes de la maison : mon oncle, les deux maris de mes tantes et mon père. Ils discutaient tous les quatre avec beaucoup de sérieux si bien que je regrettai d'être entrée. Et sur le canapé où trois étaient installés, c'était Nathanael que j'imaginais... là où il aurait dû être. Mais nous étions tous rassemblés en sa mémoire, il ne restera plus que ça de lui : de simples pensées. Ça me plaisait de me dire que si mon frère avait été là, les choses se seraient déroulées à sa manière et n'aurait bien sûr pas duré très longtemps. Il avait horreur de ces événements familiaux où tout le monde feignait d'être heureux, de bien s'entendre, le temps d'une soirée ; une pure comédie. Il avait toujours détesté le faux-semblant alors que lui-même s'était efforcé de faire semblant toute sa vie.

- Joyce ! m'accueillit chaleureusement mon oncle, Thomas. On parlait justement de toi, on se demandait quand tu allais te décider à venir.

Il se leva de l'habituelle place de Nathan, enjamba les deux autres hommes et vint m'offrir une accolade sincère. Ses bras autour de moi, il me souhaita du courage à l'oreille avant de se retirer avec un petit sourire. Il avait lui-même perdu sa femme à la suite d'un stupide accident de voiture et s'était toujours démené pour avoir une vie heureuse aux côtés de son fils Alex. Je me demandais comment il avait fait, lui, pour ne jamais baisser les bras ou du moins pour tout de suite se redresser.

- Qui est ce grand gaillard ? dit-il en souriant à Caleb. Tu nous dis la vérité ou tu nous sors l'excuse du meilleur ami ?

J'esquissai un sourire puis leur présentai à tous mon copain, sous l'œil étrange de mon père. Ses yeux étaient encore boursouflés comme s'il avait passé la dernière heure à pleurer en mon absence. Mais ça ne me faisait plus aucune peine. Je tournai la tête en direction du fond de la pièce pour y apercevoir, autour d'une table, Soamiary entourée de ses garçons et de mes deux cousines. Ils étaient sans doute les seules personnes avec qui j'avais envie de rester dans cette maison.

Au moment où ma cousine la plus proche, Anabeth, m'aperçut elle accourut dans mes bras et me serra avec tant de force que j'eus l'impression qu'elle souffrait tout autant que moi. Peut-être s'imaginait-elle comme ce serait dure pour elle de perdre son grand frère Naïm ; peut-être me comprenait-elle plus que les autres. Mais pas totalement... Je me demandai si quelqu'un se rendrait compte un jour de ce que j'avais traversé de mes trois ans à mes 17 ans. Le décès de Nathan n'était que le paroxysme de toute une peine. La fin d'une douleur physique contre le début d'une douleur plus mentale. J'avais toujours souhaité que les violences de mon frère cessent mais non de cette manière.

- T'avais l'air gentil sur les photos ! s'exclama soudainement Jery.

Sa réflexion provoqua quelques sourires dont le mien lorsque je vis qu'il s'adressait à Caleb. Apparemment il avait quelques problèmes à passer des photographies au réel.

- Et maintenant ? rigola Caleb.

- T'es graaaaaaaaand, s'exclama-t-il d'un air émerveillé.

- Est-ce qu'on est tout petit de là haut ? continua son meilleur complice, Judd.

Comme Caleb prenait part à leur petit jeu, ils continuèrent un long moment jusqu'à ce que leur mère ne les interrompt. Au même instant, les voix haussèrent derrière nous et je me retournai pour constater qu'ils étaient tous sur les nerfs. Mon père, isolé sur le fauteuil, faisait de son mieux pour garder contenance face aux reproches des trois hommes.

- Ce n'est pas en te chargeant de payer les funérailles, que tu te rachèteras ! explosa mon oncle. Tes billets n'effaceront pas tes erreurs Ken.

Ces mots s'incrustèrent immédiatement dans ma tête. Tous les adultes de ma famille était donc au courant et personne n'avait daigné me le dire un jour. Pas même Nathan. Pourquoi tenaient-ils tous autant à garder le passé si secret ?

- Je ne prétends pas ça, répliqua aussitôt le fautif, j'estime simplement qu'étant son père, c'est à moi de couvrir les frais. Pourquoi ça te dérange tant ? Ça devrait t'arranger, toi qui a des problèmes financiers.

- L'argent, l'argent... Tu n'as vraiment que ce mot à la bouche et dans la tête. C'est bien ta seule et unique fierté.

Leur dispute m'énervait, non à cause du sujet mais surtout à cause de la situation. Nous venions de perdre un membre de notre famille et tout ce qu'ils trouvaient bon de faire était d'argumenter sur la cotisation de chacun pour les funérailles. Faux prétexte en réalité pour se rabaisser l'un et l'autre qui ne se supportaient visiblement pas. C'était bien la première fois que je réalisai tout cela. Et je détestais ma famille ; je détestais le concept même de famille.

Excédée, je décidai de sortir de la pièce et si ça ne dépendait que de moi, je serais partie de la maison mais je devrais de toute manière finir par revenir. Alors je me contentai de monter dans ma chambre à toute vitesse. Arrivée au début du couloir, je remarquai que la porte de la chambre de Nathanael était entre-ouverte alors qu'elle était censée être fermée à clés - par mes soins. Ça devait être ma mère qui l'avait négligemment laissé ouverte ; je me demandais même pourquoi elle y était entrée. Mais je n'y pensais pas plus, allai chercher une clé que je gardai dans ma chambre et retournai près de la porte. Je tremblai tant que je mis un moment à glisser la clé dans la serrure ; lorsque je réussis et que je m'apprêtai à fermer, un bruit sourd résonna dans la chambre m'arrachant un battement de cœur. On aurait dit que quelque chose était tombé.

- Joyce, qu'est-ce que tu fais ? me demanda Caleb, qui se pointait à mes côtés, avec des yeux inquiets.

Je ne lui répondis pas, me concentrant davantage sur mon ouïe. Puis dans un élan vif, j'ouvris la porte et glissai ma main autour de l'embrasure afin d'allumer la lumière dans la chambre. Une pile de livres s'étalait au sol, près du bureau... Je ne savais pas ce à quoi je m'étais attendu en ouvrant cette porte, c'était idiot de ma part. Je fermai la chambre à clés puis allai dans la mienne, encore toute tremblante.

Je me laissai glisser au bas de mon lit face à un Caleb qui ne comprenait plus rien. Il me rejoignit néanmoins et nous restâmes ainsi, l'un à côté de l'autre, sans rien dire durant plus de dix minutes peut-être quinze. Je n'avais pas senti le temps passer, seulement mon cœur qui avait fini par s'apaiser. J'avais apprécié que notre seul contact fut nos genoux qui se touchaient et qu'aucun mot ne sorte de sa bouche comme s'il avait choisi de me laisser gérer par moi-même.

- Et si on s'en allait ? demanda-t-il subitement après notre silence.

- Maintenant ? C'est pourtant toi qui voulait que...

- Non, ricana-t-il avec des yeux pourtant tristes, je veux dire : si on partait cet été ? Une sorte de road trip ;  on irait n'importe où du moment que c'est loin d'ici. On a toujours étouffé dans cette ville de merde, dans nos vies trop compliquées... Toi, Hugh, Oli et moi. On serait tellement mieux ailleurs, on pourrait vivre.

Sa proposition était géniale, son idée vendait du rêve... Attendrie par ses mots, je posai ma tête contre son épaule. Il dût sentir ma déception car il enchaîna :

- On passerait de bons moments ensemble avant de se quitter.

Sa phrase resta en suspend, provoquant une profonde mélancolie en chacun de nous sans doute. Je m'étais attachée à Caleb mais tout cela prendrait fin dès que je partirai à Madagascar. En plus de vivre avec le manque de mon frère, je devrais également me faire au manque des seuls amis que je m'étais fait. J'avais tout perdu.

- Mes parents ne voudront jamais, râlai-je. Ma mère va sûrement vouloir m'envoyer chez ma tante pour que je passe l'été avec mes cousins puis je devrais préparer toutes mes affaires. Ils ne me laisseront jamais partir.

- Ne leur demande pas alors. Tu as toujours fonctionné sans eux, pourquoi ça changerait là ?

Car il n'y avait plus personne pour décider pour moi maintenant... Je me sentais à la fois libre et prise dans un étau, c'était étrange. Mais il n'avait pas tort, je pouvais partir et imposer mon choix à mes parents. J'avais bien besoin de partir, explorer, voir autre chose pour me trouver.

- On irait en Californie ? quémandai-je m'imaginant déjà la plage.

- Oui, murmura-t-il en posant sa main sur ma jambe. On passerait d'abord par l'Arizona, après la Californie, on irait dans l'Idaho...

J'adorais comme son sourire pouvait s'entendre dans sa voix et comme il avait tracé ses paroles le long de ma cuisse. J'adorais sa façon de parler qui laissait espérer que ce voyage allait réellement se réaliser.

- Qu'est-ce qu'on irait faire dans l'Idaho ?

Il haussa les épaules, me secouant par le même occasion.

- Profiter du paysage. Quel serait notre prochain arrêt ?

- On irait jusque dans l'Illinois pour faire un tour à Chicago, assurai-je.

- Tu penses qu'on aurait le temps de visiter combien d'états avant que ton père nous envoie toutes les autorités américaines à nos trousses ?

Sa remarque me fit d'abord rire puis pleurer. Passer du temps avec lui rendrait encore plus dure notre séparation et pourtant il était le seul avec qui j'avais envie d'être. Tandis que mon entourage avait fini par me décevoir avec le temps, lui n'avait fait que m'impressionner et monter dans mon estime.

- J'aurai voulu te connaître dans une meilleure vie, avouai-je malgré les soubresauts dans ma voix. Et t'aimer dans d'autres circonstances.

Sa tête se posa contre la mienne alors qu'il m'entourait d'un bras. Son souffle chaud rebondit plusieurs fois contre mes cheveux puis il glissa, d'une voix très faible :

- Ta vie n'est pas finie. On les aura nos autres circonstances...

Tout n'était que question d'espoir, selon lui. Il était prêt à nous donner une autre chance dans cette vie qui s'étendait devant nous. Je n'étais pas si optimiste que lui mais il marquait un point sur le fait que d'autres choses m'attendaient encore. D'autres circonstances... Une vie qui s'évertuerait à changer. Seulement, je ne me sentais pas encore prête à affronter ma vie sans Nathan. Sans plus de repères.


***


La maison s'était vidée aux alentours de 20 heures alors que Caleb avait dû rentrer deux heures plus tôt. Il ne restait plus que ma tante Carmen, en pleine discussion avec ma mère, et mon père qui venait tout juste de ramener sa famille dans leur hôtel et qui discutait au téléphone dehors. Je m'ennuyai terriblement et l'ennui m'imposait toujours Nathanael à mon esprit. Je décidai alors de descendre, dans le but de m'assommer avec toutes les bêtises qui pouvaient passer à la télévision.

Mais évidemment ces derniers jours ne se déroulaient pas sans rebondissements... Arrivée au pied des escaliers, les mots de ma tante qui résonnaient de la cuisine attirèrent mon attention. Ma mère et elle étaient en pleine discussion sur mon père.

- Je ne sais même pas comment tu fais pour l'accepter encore sous ton toit et le laisser te prendre la garde de Joyce, soupira Carmen. Tu ne t'es jamais demandé s'il ne faisait pas aussi subir des atrocités à sa femme ? Elle semble si fragile et les petits ont l'air de terriblement le redouter.

Il y eût un court moment de silence ensuite brisé par un raclement de gorge.

- Il a changé, répondit simplement ma mère.

- Qu'est-ce que tu en sais ? Comment tu peux savoir alors que tu as toi-même mis du temps à te rendre compte de ce qu'il faisait. Tu ne peux pas savoir ce qu'il se passe chez les autres !

- Peux-tu cesser de me pointer du doigt mes fautes ? Je crois que vous me l'avez assez reproché comme ça. J'étais naïve et aveuglée...

La voix de ma mère s'était brisée en plein milieu de sa phrase et des reniflements coupèrent le calme de la maison de temps à autre. Ma tante attendit quelques secondes avant de reprendre d'une voix, encore plus basse :

- Excuse-moi de te le dire aussi brutalement ma Sara, mais tu l'es toujours. Sinon tu n'aurais pas laissé ce déchet humain autour de tes enfants, tu l'aurais chassé de ta vie et tu te serais occupée des enfants qui souffraient autant que toi.

- Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? « Je suis une mauvaise mère et tu avais raison depuis le début, mon fils allait mal » ?

Je n'avais jamais entendu ma mère parler si faiblement, s'aplatir devant quelqu'un et avouer ses fautes. Elle n'était plus aussi forte qu'elle ne l'avait paru durant toutes ces années. Je n'entendais plus la terrible mère, je n'entendais que la femme souffrante. Mon père avait véritablement tout détruit puis s'en était allé faire sa vie sans se soucier davantage des êtres déchirés qu'il avait laissé derrière lui.

- Non, je veux que tu me dises que tu te relèveras de cette perte et que tu te serviras de la force qu'il te reste pour te battre car tu as encore un enfant qui compte sur toi.

- C'est peut-être mieux qu'elle aille vivre avec Kenneth, avec sa famille, elle serait plus heureuse. Elle me déteste tellement, pleura ma mère.

- Je crois qu'après tout ce qu'elle a subi et maintenant qu'elle ne peut plus s'appuyer sur son frère, elle doit en détester beaucoup. L'important ce n'est pas d'effacer tes fautes, c'est de les réparer. Il n'est pas trop tard. Joyce n'a que 17 ans, elle finira par comprendre.  Pourquoi ne jamais lui avoir dit la vérité ?

- Je ne sais pas... J'avais honte...

Elle se mit à répéter cette dernière phrase lentement puis avec plus de certitude, en même temps que sa voix craquait sous la douleur. Ses pleurs hystériques remplirent ensuite la pièce et bientôt toute la maison. Chaque pleur était un coup de poignard en plein cœur... et je restai là à tout subir, piteusement assise sur ma marche d'escalier. En 17 années d'existence, j'avais tellement vu de tristesse, de colère et de rancune que le monde me paraissait bien noir. J'avais passé ma vie à tout encaisser, tous ces sentiments abîmés, emplis de noirceur ; je n'étais plus sûre de pouvoir ressentir autre chose un jour. Les cris, les coups, les sanglots, et tout ce qui se transmettait dans les regards noirs ou vides, les silences, les absences et les secrets. Mon monde était pourri.

- J'avais honte, continua de pleurer ma mère. Comment je vais faire maintenant ? J'ai perdu mon fils... Comment je vais faire...

Ma tante tentait tant bien que mal de réconforter ma mère mais elle avait l'air d'avoir atteint un état de crise inconsolable - ce probablement pour longtemps. Sa douleur paraissait aussi grande que la mienne ou celle de Nathanael et le responsable de tout ce chaos n'était autre que mon père. Je voulais savoir, je devais savoir. Je ne le haïssais non plus parce qu'il m'avait rendu malheureuse mais parce qu'il avait brisé toute sa famille, la mienne. Il m'avait menti tout ce temps et de mon côté, je m'étais désespérément accrochée à lui. J'avais été persuadée qu'il serait celui qui me sauverait, il était en réalité celui qui nous avait tous fait couler.

Je le haïssais du plus profond de mon âme.

Je le haïssais autant que Nathanael l'avait fait.

Séchant mes larmes, je bondis sur mes pieds, courus rejoindre mon père sur le perron et je plongeai immédiatement sur lui, en l'assénant de coups. Je tapai sans vraiment viser, je tapai des poings et des pieds et j'y mis toute ma force. Mais ça ne me soulageait pas parce que plus je frappais, plus mon mal-être se faisait sentir. Il devenait plus lourd, à l'instar de mes coups.  Plus insupportable. Il finit par m'épuiser.

Mon père réussit à me maintenir contre lui, le temps que je reprenne mon souffle et par la même occasion, mon calme. Ce n'était plus les pleurs de ma mère qui me parvenaient maintenant mais ceux de mon père tout juste contre mon oreille. Devant nous, à l'entrée de la maison, se tenaient Carmen et ma mère qui avaient été interpellées par les cris et qui restaient bouche-bées. Pourtant j'oubliai leur regard, ma migraine, mon corps endolori...

- Ok, dit mon père dans un souffle lourd. Ok...

Son emprise devint plus faible autour de moi. Il venait de céder ; j'allais enfin savoir. Je me laissai tomber sur les planches en bois du perron, épuisée. Les événements s'enchaînaient trop vite, je n'étais pas capable de tout encaisser d'un seul coup. C'était bien trop d'émotions pour quiconque.

- Ma puce, relève-toi... me glissa ma tante en même temps qu'elle m'aidait. Tu dois te reposer !

Tour à tour, je regardai mon père et ma mère qui gardaient la tête baissée. Toute la culpabilité et la honte leur pesaient sur les épaules ; j'espérais qu'ils se sentiraient ainsi pendant longtemps. Jusqu'à ce qu'ils assimilent et intériorisent tout ce mal qu'ils avaient causé.

- Vous allez tout me dire ce soir, déclarai-je autoritaire. Je m'en fous de savoir combien temps ça prendra, on a toute la nuit pour ça. Je veux juste que demain, on en ait fini et qu'on puisse rendre hommage à Nate.

Rendre hommage... C'était si dérangeant de le dire alors qu'il s'était trouvé près de moi quelques semaines avant. J'affrontais ses démons, devenus les miens, toute seule maintenant toutefois je devais endurer pour lui. Jetant un dernier regard à mes parents, je retournai dans la maison afin de les attendre patiemment dans le canapé. Ils pouvaient rester des heures à discuter dehors, à savoir s'ils devaient me le dire ou même comment ; j'étais prête à attendre. Ce n'était rien comparé à toutes ces années.

À mon plus grand étonnement, ils apparurent assez rapidement après qu'il y ait eu de l'agitation dehors. Des vrombissements de moteur, des voix plus ou moins basses... Je ne vis pas tout de suite l'homme qui se trouvait aux côtés de mon père mais quand je l'aperçus, il n'y avait plus que lui qui importait. Il était impressionnant par sa grande taille et sa corpulence, mais son sourire et ses yeux verts cachés derrière ses lunettes rondes lui donnaient un air plus sympathique. Dans ma tête fusait une tonne d'idées. Je me demandais pourquoi cet homme me semblait si familier puis ce qu'il venait faire ici ? Pourquoi mes parents avaient-ils besoin de lui pour me parler ?

- Bonsoir Joyce, commença-t-il, je ne sais pas si tu te souviens de moi ; j'étais souvent présent à l'hôpital...

- Qui êtes vous ? l'agressai-je tout de suite.

Il eût l'air stupéfait par ma question et tourna aussitôt la tête vers mon père avant de s'indigner : « Tu ne lui as pas dit que je venais ? ». Mon père déclina juste d'un mouvement de tête puis vint s'asseoir sur une chaise en face de moi en priant l'homme de faire de même sur le fauteuil d'à côté. Ma mère, elle, prit place à l'autre bout du canapé, le plus loin possible de nous.

- C'est Matthew Beckergam, c'est un ami psychiatre qui nous a aidé avec Nathan...  C'est important qu'il soit là pour t'aider à comprendre.

Je posai mes mains moites sur mes jambes, tentant d'arrêter mes tremblements et de ne pas laisser vaincre mon anxiété.

- Je n'ai pas besoin de lui, je veux la vérité ! m'écriai-je. Dis moi ce qu'il y a à comprendre !

- J'attendrai dehors, se retira aussitôt le soit-disant psychiatre.

Son sourire ne le quitta pas, même lorsqu'il se leva et sortit de la maison. Je l'avais suivi avec attention, interloquée par son comportement déroutant, et surtout pour échapper au regard pesant de mon père. Pourtant je dus me résigner à le fixer en retour, dans le blanc des yeux. Il se frotta le visage un bon nombre de fois, souffla et s'adossa bien à sa chaise. Il jeta un coup d'œil à ma mère, restée immobile et muette.

- Tout d'abord, sache que si on te l'a caché pendant tout ce temps c'est parce qu'on était persuadé de faire la bonne chose, dit-il en jetant un coup d'œil à ma mère restée immobile et neutre, on pensait te protéger de tout ce malheur. Si on avait su que ça allait prendre cette tournure, on aurait fait les choses autrement. Perdre notre enfant n'a jamais été notre but...

Sa voix s'était mise à trembler puis il pleura à nouveau. Je voulais bien croire qu'ils n'avaient pas voulu la mort de Nathanael, c'était leur fils avant tout et ça devait les briser de l'intérieur. Mais ils n'avaient rien fait pour empêcher que ça arrive, c'était ce que je leur reprochais.

- J'ai traversé une sale période quand vous étiez encore tout petits, reprit-il, je m'étais tué au boulot pratiquement toute ma vie pour finalement me faire virer de mon entreprise. J'ai plongé dans une sorte de dépression, constamment sous médicaments, je n'étais plus vraiment moi-même. Et je n'avais pas grande idée de ce que je foutais la plupart du temps...

- Qu'as-tu fait papa ? insistai-je.

- Je...

Un sanglot le coupa dans son discours. Ses doigts glissèrent dans ses cheveux et il se mit à les tirer avec tellement de force que je crus qu'il allait se les arracher. Je ne l'avais jamais vu aussi stressé ; je découvrais une nouvelle partie de mon père mais ce n'était que le début. Je craignais ce qui allait venir.

- Pour ta ma mère, tout allait bien, elle gravissait même les échelons et j'étais tellement jaloux que ça m'en rendait encore plus dingue.  Je me sentais faible alors j'ai trouvé d'autres moyens de gagner de leur argent dont je ne suis pas fier aujourd'hui. Et je me suis mis à fréquenter les mauvaises personnes... J'ai commencé à... voir d'autres femmes.

- Des prostituées Kenneth ! explosa ma mère. Tu payais pour aller voir ailleurs.

- Ce n'est pas à propos de nous ! hurla mon père, hors de contrôle.

Je ne m'attendais tellement pas à son cri qu'il me provoqua une immense frayeur. J'avais l'impression de faire face à Nathanael... Il y avait en ça, quelque chose d'étrangement rassurant. Je retrouvais un peu de lui dans la rage et la douleur. Néanmoins mon père remarqua comme ils venaient de nous apeurer toutes les deux, il usa alors de toutes ses forces pour se rasséréner. Il souffla à multiples reprises puis continua à l'égard de ma mère :

- Ne rends pas les choses plus difficiles... Joy, je n'avais aucune idée de ce que je faisais, de ce que je faisais subir à ta mère ou à ton frère, du comportement odieux que j'avais. Toi tu étais chez une nourrice et les après-midi je devais m'occuper de Nathan qui n'avait que 4 ans. Sa présence ne m'empêchait pas de faire des conneries, je n'avais pas vraiment les capacités de penser convenablement. Je... Je pensais que ce n'était pas bien grave de le laisser enfermer dans un placard... dans le coffre de la voiture, ou dans..., buta-t-il sur ses mots avec une grimace, pendant que j'étais avec une femme.  Mais ce qui me paraissait comme une petite heure était en réalité des heures entières... Parfois, je m'endormais fatigué à cause des médicaments en le laissant là où je l'avais menacé de rester.

Il venait de tout déballer comme s'il souhaitait s'en débarrasser une fois pour toute. Pour chasser la honte qui l'habitait mais cela n'avait pas l'air d'avoir marché. Il gardait la tête baissée, le corps replié sur lui-même et les larmes incessantes. Ses mots se répétaient en boucle dans ma tête, me laissant le temps de les assimiler. Mon père perdait son visage peu à peu... Il n'était plus celui que je croyais voir depuis.

Son masque venait de se briser à ses pieds et la véritable facette de mon géniteur était sale. Il me dégoûtait. Sa présence m'écorchait de plus en plus... Comment avait-il pu faire ça, à son propre enfant ? Le maltraiter. Et comment avait-il pu dénigrer à ce point sa femme ? La personne qui se tenait devant moi n'était plus un homme, c'était une pourriture. Sa dépression, ses médicaments n'excusaient rien...

J'avais mal. Mal de partout. Ça brûlait à l'intérieur de mon corps, c'en était insupportable. Regarder mon père tel qu'il était réellement me tordait le ventre dans tous les sens et me nouait tant la gorge que j'en avais du mal à respirer. La vérité n'était pas libératrice, elle était plutôt meurtrière. Je me heurtais à toute la noirceur, toute la peine qu'avait enduré mon frère et toutes les séquelles que cela avait laissé.

- Pourquoi tu n'as rien dit ? Pourquoi tu ne l'as pas arrêté ? reprochai-je à ma mère.

Elle releva le visage dans ma direction, plantant ses yeux rougies dans les miens et s'apprêta à répondre au moment où mon père ajouta :

- Elle l'a fait.

- Je rentrais du boulot un jour, raconta-t-elle, et je ne trouvais ton frère nulle part. Ton père était assommé par les merdes qu'il prenait alors j'ai dû chercher Nathanael par moi-même. Je l'ai cherché de partout et j'ai finalement entendu du bruit dans le garage... Je l'ai trouvé à moitié asphyxié... dans le coffre de la voiture où il tapait désespérément depuis plus d'une heure... Je fermais les yeux sur l'adultère parce que j'avais honte mais il était inconcevable qu'il lui fasse du mal. Après qu'il m'ait tout raconté, l'enfer qu'il faisait vivre à Nathan depuis un an, on s'est séparé.

- Je me suis soigné et l'on a essayé d'arranger les choses pendant deux ans mais ça ne faisait qu'empirer les choses.

Je plongeai mon visage dans mes mains, désemparée. Il y avait bien trop à assimiler... Ma famille n'avait rien de normale, elle n'avait pas évoluée dans l'amour et les bons moments. Elle était faite de mensonges, de ruines de malheur. Ma mère était évidemment la première victime de toute cette histoire cependant elle était devenue coupable, complice, dès le moment où elle avait laissé mon père gagner. Elle lui avait redonné une chance, l'avait laissé détruire Nathanael un peu plus par sa simple présence et s'était tu toutes ses années. Les deux êtres qui se trouvaient près de moi étaient brisés et la vie qu'ils dressaient sous mes yeux n'avait rien d'attrayant. Je n'avais jamais imaginé mes parents comme parfaits mais la déception était profonde. Ils m'annonçaient des erreurs inhumaines. Et je me demandais si c'était davantage l'amour ou la honte de ma mère qui l'avait empêché de poursuivre en justice mon père pour négligence. Un peu comme je n'avais jamais voulu porter plainte contre Nathanael, lui trouvant sans cesse des excuses.

- Depuis ses 6 ans, Nathan était perturbé, renfermé et violent envers toi alors on l'emmenait voir Matthew Beckergam que tu viens de rencontrer, relata mon père qui ne s'arrêtait plus. Mais la situation ne s'est pas tellement améliorée. Matthew nous a expliqué que dans son traumatisme Nathanael a reproduit ce qu'il appelle son « cercle de confort » dans lequel j'étais un intrus. Alors c'était mieux que je m'en aille...

- Tu nous as laissé tomber, t'as laissé maman malheureuse avec tes deux enfants dont un que tu avais détruit ! rétorquai-je. Tu n'es pas parti pour aider, tu as fui.

- Tu ne comprends pas, Joyce.

Ses paroles réveillèrent la haine que j'essayais de contenir depuis qu'il avait comment à me parler. Je me dressai sur mes pieds et décidai de tout lui crier au visage.

- Si je comprends ! Je comprends que t'as passé ta vie à faire du mal, à mentir et vouloir tout effacer ensuite ! Qu'à chaque fois que je te demandais de l'aide pour Nathan, tu jouais l'innocent alors que tu savais parfaitement pourquoi il était comme ça ! Que t'as toujours tout fait pour enterrer ton comportement de connard. Je comprends que tu es une ordure ! Et je comprends pourquoi tu avais si peur de me perdre, tu avais raison : je ne veux plus te voir !

Il m'observait de ses yeux embués sans bouger pour autant. Il donnait l'impression de ne pas avoir compris mes mots. N'avait-il pas entendu ? Je voulais qu'il se casse. Je ne pouvais plus supporter de rester dans la même pièce que lui.

- Barre-toi ! aboyai-je. Barre-toi d'ici !

Alors que lui se levait, je me laissai tomber sur le canapé à bout de forces. Je ramenai mes jambes contre moi et posai ma tête dans mes bras. Il me fallait du calme et du temps pour faire la part des choses. J'entendis la voix maintenant insupportable de mon père lâcher : « J'ai changé, Joyce. J'espère que tu sauras me pardonner. » avant que la porte d'entrée ne claque. Quelques secondes après, je sentis un bras m'entourer et le parfum de ma mère par la même occasion alors qu'elle posait sa tête contre mon dos.

Je n'osai pas bouger par peur que le bien-être de cet échange s'évapore. Nous restâmes alors comme ça pendant un petit moment jusqu'à ce qu'on entende la porte se ré-ouvrir. On se redressa aussitôt toutes les deux et je fus agacée de voir le fameux M. Beckergam mais soulagée que ce ne soit pas mon père. Il arborait toujours ce petit sourire stupide puis ne cessait d'enrouler une de ses mèches bouclées autour de son doigt. Il n'avait rien du psy que l'on imaginait souvent.

- Joyce, ça te dit de m'accompagner dans un café ? Je ne dors jamais très bien si je n'ai pas bu mon chocolat chaud.

Je haussai les sourcils, plus qu'étonnée par sa proposition. Ne voyait-il pas que je n'avais pas l'esprit à sortir ? Je m'apprêtai à lui répondre que nous avions du chocolat ici, qu'il pouvait faire comme chez lui, lorsque ma mère me glissa d'y aller. Je savais qu'il pouvait m'apporter davantage de réponses mais après ce que je venais de me prendre à la figure, je ne pouvais supporter un discours psychologique.

- Ce ne sera pas long, prétendit-il en tournant déjà le dos.

Je soufflai mais le suivis tout de même. Nous fîmes à pieds le chemin jusqu'au centre-ville, ce qui lui permit de me cerner un peu mieux. Et pour moi, de le cerner en retour. De lui, se dégageait quelque chose de rassurant. Si j'avais eu affaire à un homme sérieux, sa présence m'aurait refroidi mais là c'était loin d'être le cas. Il parlait, se tenait et agissait avec tant de légèreté que ça laissait finalement penser qu'il n'y avait pas tant de quoi s'inquiéter. Le temps du trajet, il avait parvenu à me faire mettre entre parenthèses tous mes tourments. J'étais contente de me dire que Nathanael l'avait consulté.

- Quand est-ce vous avez parlé à mon frère pour la dernière fois ? demandai-je, le regardant distraitement mélanger sa boisson chaude.

- Je suis allé le voir au centre psychiatrique, me sourit-il, c'était la dernière fois.

Une rancœur vint se coincer en travers de ma gorge. J'ouvris la bouche pour poser la question qui me démangeait mais il faisait tellement de bruit avec sa cuillère que je ne pus sortir un mot. Il finit par la déposer sur la table, porter sa tasse à sa bouche et boire dans un bruit désagréable.

- C'est vous qui avez dit à mon père que c'était mieux si je ne rendais pas visite à Nathan ?

Il me regarda ensuite, les sourcils froncés, puis déclina.

- Comment se comportait Nathan avec toi ? me quémanda-t-il tout d'un coup.

- Il lui arrivait d'être sympa. On ne partageait pas grand chose, mis à part les jeux-vidéos et sa danse. Mais la plupart du temps, il était violent avec moi... verbalement et surtout, physiquement.

Je gardais les yeux rivés sur la table, retraçant ses divers motifs du regard, car je n'étais pas capable de dire ces mots à haute voix, la tête levée. Si je pouvais en parler aussi librement, au beau milieu d'un café, c'était parce que le danger était écarté. Pourtant une peur m'envahissait quand même, ainsi qu'un sentiment de trahison.

- Tu le détestais ?

- Au début, oui beaucoup puis j'ai commencé à réaliser que c'était quelque chose qui dépassait sa volonté, de bien plus complexe qu'on imaginait... comme une sorte de maladie mentale, peut-être.

Il hocha la tête, ayant maintenant un visage plus sérieux qu'auparavant. Là, il m'inquiétait.

- Tu penses que lui te détestait ? posa-t-il maintenant.

Il tournait autour du pot alors qu'il devait parfaitement être au courant mais je me prêtais à son interrogatoire innocent pendant plusieurs minutes. Je répondis avec le plus d'honnêteté possible jusqu'à ce que l'on aboutisse au véritable problème : l'amour que Nathanael me portait.

- Je ne comprends pas en quoi le comportement de mon père a pu provoquer... ça ? Il aurait dû, au contraire, m'en vouloir, être jaloux car je n'avais rien subi moi...

- Avant même de naître, un enfant a un lien très fort avec sa mère et celui-ci perdure plus ou moins longtemps selon les enfants, la mère, les conditions etc. Quelques fois, il reste : c'est le complexe d'œdipe, l'enfant se prend d'amour pour sa mère mais quelques fois il se brise d'une manière brutale en cas de décès, de choc... C'est le cas de ton frère.

- Mais ma mère n'a rien fait, dis-je perplexe.

M. Beckergam posa sa tasse et appuya ses coudes sur la table, concentré.

- Ton père a détruit et sali la figure de la mère, de la femme modèle et mise en valeur, aux yeux de ton frère... Nathan a ensuite supprimé la figure paternelle, celle de l'autorité et en même temps celle qui était censée être exemplaire. Le lien qu'il avait avec ta mère, il a transposé sur toi c'est ce qu'on appelle le complexe d'œdipe déplacé mais ça n'a pas tellement d'importance. Tout ça n'est que théorique. Tout ce que tu dois comprendre toi, c'est que Nathanael, inconsciemment bien sûr, s'est tout approprié autour de lui pour reproduire un schéma familial. Pour lui, tu lui appartenais ; ta mère lui appartenait et même la maison.

Ce qui expliquait son comportement possessif et toutes les crises qu'il avait piqué pour un rien.

- J'ai besoin d'une minute...

Les yeux fermés, j'entendis l'homme ricaner. Ça semblait tellement fou ce qu'il venait de m'expliquer, comment tout cela pouvait-il se passer dans la tête d'un enfant dès ses 5 ans ? C'était sournois, extrêmement tordu. Mais c'était un pur instinct de survie intérieur qui agissait selon notre inconscient. Nathanael n'avait lui-même pas compris, il n'avait fait que subir le fonctionnement de son cerveau. Et il avait beau avoir tenté de combattre cette logique, tout avait été plus fort que lui. Tous ses sentiments à mon égard avaient été instaurés et étaient indispensables comme quelque chose de naturel.

« Comment oublier quelque chose qui nous est innée ? » m'avait-il demandé. Je n'en avais aucune idée.

- Il m'a expliqué que par la violence, il essayait de repousser son attirance envers moi, réfléchis-je. Mais pourquoi a-t-il commencé à s'en prendre à moi à l'âge de 6 ans ? Vous croyez qu'il ressentait déjà tout ça ?

- J'aimerais t'apporter les réponses nécessaires mais la psychiatrie ne peut pas encore tout comprendre du mécanisme du cerveau, s'excusa presque M. Beckergam. Selon moi ce n'était que dans un soucis d'imitation car il n'a connu que l'amour par la violence...

J'acquiesçai doucement et inspirai profondément avant de poser la dernière question qui me revenait le plus souvent. La question que je m'étais posée toute ma vie et que je me posais encore maintenant, surtout maintenant qu'il n'était plus là.

- Est-ce que j'aurais pu faire quelque chose de plus pour l'aider ?

- Non. Ce n'était pas à toi de le sauver, Joyce... Tu l'as aimé et soutenu au cours de sa vie ; c'était déjà d'une grande aide.


***


- Arrête...

Le soupir de Caleb, qui se tenait à mes côtés, glissa le long de mon cou et m'arracha un frisson désagréable. En même temps, il porta sa main à la mienne et éloigna mes doigts de ma bouche pour que je cesse de les ronger. Sous la nervosité, j'avais mordillé le bout de mes doigts presque au sang mais aucune douleur ne m'avait arrêté. Rien, je ne ressentais plus vraiment les choses comme avant. Comme si mon cœur et mon corps avaient des limites et que la mort de Nate ainsi que toutes les révélations de hier avaient été les douleurs de trop.

La chaleur qui résidait dans l'habitacle de la voiture m'étouffait depuis de longues minutes mais je me refusais de sortir. Dans cette stupide robe noire. Pour affronter un injuste moment. Je n'étais pas sûre de pouvoir faire cela.  Par la vitre, j'observai la salle au loin devant laquelle était rassemblée une foule de personnes - incapable de rentrer à cause du très peu de place à l'intérieur. Et voir toutes ces personnes, venues rendre hommage au Nathanael qu'ils connaissaient, ça me faisait de la peine. C'était terriblement douloureux. Car nous ne disions pas au revoir à la même personne.

- Ce sera dur mais tu vas le faire, on va le faire tous les deux... ok ? murmura Caleb contre mon oreille.

Il avait cette manière de me tenir dans ses bras avec force qui me détruisait et me donnait de la force à la fois. Il me comprimait le cœur et m'offrait en même temps assez de courage pour affronter ce très mauvais moment. En réalité, on devait s'empresser de vivre cela pour que ça ne devienne qu'un mauvais souvenir... Les regards de tout le monde, les condoléances que l'on allait me présenter en quantité,  le cercueil dans lequel Nathanael allait reposer pour une petite heure avant d'être incinéré - comme je l'avais choisi.

Ma mère et ma tante avaient trouvé cela horrible qu'il brûle à nouveau mais je voyais les choses autrement. Le feu avait toujours été son pouvoir à lui et c'était ma manière à moi de le libérer une fois pour toute. Je savais au fond qu'il n'aurait jamais voulu ne rester qu'un corps abîmé dans une boîte, six pieds sous terre. Il aurait voulu bien plus.

En pensant à tout cela, une forte émotion vint s'emparer de tout mon corps. J'avais l'impression que tous mes muscles se crispaient, que ma respiration devenait presque impossible et qu'une douleur s'immisçait peu à peu en moi, de partout. Comme un cancer.

- Je voulais pas que ça se finisse comme ça, dis-je en réprimant un sanglot.

- Joyce...

Je ne savais pas que c'était possible de m'étreindre plus fort mais il le fit pourtant. Ses bras musclés encerclèrent tout mon corps chétif et sans vie ; j'avais l'impression qu'ainsi rien ne pourrait plus jamais m'atteindre. Que contre lui, à cet instant, il m'était permis de craquer, d'être faible, d'encaisser. Mais je luttais de toutes mes forces car je sentais que si j'abandonnais, rien qu'une seule fois, je ne réussirais plus jamais à me relever.

Alors mes doigts s'accrochèrent désespérément au t-shirt de mon copain, sous la douleur de ce moment pendant lequel je refoulais toute la peine qui m'envahissait. Se battre contre ses propres sentiments étaient une guerre perdue d'avance, tout finissait par resurgir. Mais je voulais réussir au moins pour aujourd'hui et les petits détails qui m'entouraient réussirent à me canaliser... Le calme qui nous enveloppait, le parfum de Caleb, le rythme de sa respiration, le soleil qui tapait sur mes bras à travers la vitre. Exténuée, je finis par souffler et laissai reposer ma tête contre son épaule.

- Tu veux en parler ? me demanda-t-il d'une voix très modérée.

Je refusais en le remerciant. Deux coups secs retentirent contre la portière. On eût tous les deux un mouvement de recul quand, en se redressant, on vit le visage de Hugh collé derrière la vitre. La porte s'ouvrit et le garçon aux dreadlocks passa sa tête dans le véhicule.

- Des mecs veulent te parler, y'a le métis au look dément avec eux, m'annonça-t-il. Alors foutez le camp de ma bagnole les moches.

Caleb sortit de la voiture en ricanant et je le suivis avec empressement. Le métis dont Hugh parlait n'était autre que le meilleur ami de Nate et j'avais une vague idée de l'identité des six garçons qui se tenaient auprès de lui. Preston avait une fois évoqué leur bande mais j'espérais secrètement ne pas me confronter à eux... Faire face aux pyromanes de la ville ne m'enchantait pas tellement. Mais j'avançais quand même dans leur direction, laissant mes amis derrière moi.

Preston, sur le point de craquer,  fut le premier à m'accueillir dans ses bras. Nous ne nous étions plus vu depuis l'annonce du décès à l'hôpital et se revoir rendait la situation encore plus difficile. Je le connaissais depuis de nombreuses années ; j'avais finalement autant grandi à ses côtés qu'aux côtés de Nathanael. Et je réalisais aujourd'hui plus qu'un autre jour que je n'étais plus si seule que je le pensais. Au cours de mes 17 ans, j'avais toujours été livrée à moi même face à ma tristesse et à présent il y avait autour de moi tous ces gens qui partageaient plus ou moins ma peine.

Il était évident que je devrais me confronter toute seule à l'absence de mon frère mais je savais que je pouvais me tourner vers Preston, il me comprendrait.

- Les gars tenaient à te voir, m'apprit-il.

Je rompis notre étreinte pour me tourner vers les six garçons de différents âges et apparences.  L'un d'eux semblait avoir à peine mon âge et paraissait être également le plus dévasté de tous. Cependant ce fut un autre qui s'avança vers moi. Ses cheveux rasés courts et son regard bleu husky lui donnaient un air impressionnant. Il ne devait pas être plus vieux que 20 ans mais ressemblait pourtant à un ancien prisonnier et s'il n'avait affiché un vif sourire triste en me tendant la main, je ne lui aurais certainement pas serré en retour.

- Je suis Ben... On ne se connait pas mais ton frère était l'un de nous. C'était un pote génial, je crois qu'on se souviendra tous à jamais des moments passés avec lui. On aurait voulu s'apercevoir qu'il n'allait pas bien parce qu'on aurait tout fait pour le garder parmi nous... Je ne trouve même pas les mots que je suis censé de te dire. Je te présente mes condoléances au nom de tous.

Entendre parler de Nathanael au passé était probablement la chose la plus douloureuse dans son discours. J'échappai à ses yeux perçants, retirai ma main de la sienne et murmurai un piètre « Merci ». Tout juste audible, ridicule et pourtant empli de reconnaissance.

- Quand on a appris que Nate allait se faire incinérer, on s'est dit qu'il ne pouvait pas partir sans laisser de traces et que tu méritais aussi d'avoir quelque chose en sa mémoire. Ce n'est pas grand chose, mais c'était important pour nous de le faire alors...

Un troisième garçon s'approcha à son tour et me transmit une boîte qui pesait lourd. Sous le regard encourageant de Preston, j'ouvris la boîte et baissai les yeux sur une plaque en marbre noir. Il y étaient gravés le nom entier de mon frère, sa date de naissance et de décès et une phrase qui me fit fondre en larmes pour la énième fois depuis des jours.

Je pris la plaque dans mes mains et retraçai de mes doigts tout ce qui y était inscrit :





Je remerciai les amis de Nathan qui m'offrirent chacun de tendres mais douloureuses accolades. Ils n'imaginaient pas ce que cette plaque représentait pour moi et surtout comme la citation choisie collait parfaitement à la réalité. Car c'était sûr que si l'amour avait pu sauver Nathanael, il aurait vécu pour toujours...

Son absence était un peu plus dure après tous ces témoignages d'amour envers Nathan que j'avais reçu. Il y avait toutes ces personnes qui l'avaient entouré et qui l'aimaient pour différentes raisons. Nous avions tous perdu une personne qui représentait quelqu'un de spécial pour nous. Preston, Ben et tous les autres avaient perdu un ami. Mon père et ma mère, un enfant. Ma famille avait perdu leur neveu, leur cousin ou leur petit-fils. La fille qui fréquentait Nathan, son petit copain. Certains, juste une connaissance, un élève ou un patient.

Tandis que moi je venais de perdre ce qu'en vérité je n'avais jamais totalement eu : un grand frère. J'avais perdu toute chance de connaître celui derrière qui j'avais couru toute ma vie.


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Heyyyyyyyyyaaaaaaa ! ( toi qui passe par là,  j'ai besoin de toi pour répondre à une question à la fin de mon message )

9000 mots rien que pour vous, et aussi pour Nate je l'avoue ! Qu'en avez-vous pensé ? Vous supportez toujours Kenneth ahah ? J'attends énormément vos avis, vos coups de gueule & vos tristesses.

Comme à chacune de mes histoires, je tiens à préciser quelques petits trucs sur les sujets que je traite : • je ne dis pas que TOUS les attirances incestes sont provoquées par des traumatismes dans l'enfance ; j'ai seulement voulu explorer cette hypothèse là. • Ensuite, pour ceux qui penseraient que ce qu'a subi Nathan n'est finalement pas grand chose, je répondrais que si JUSTEMENT ! Je tenais à montrer comme n'importe quel comportement peut avoir de l'effet sur un enfant ( divorce, adultère, ou juste une scène de dispute ) et ce malgré son âge. Je trouvais ça intéressant de voir comme des moments s'incrustent dans les mémoires, même au plus bas âge, et deviennent la raison de traumatismes ( parfois inexplicables ) plus tard.

J'espère que vous aurez compris et que j'aurais réussi mon objectif. Aussi je m'excuse pour la quantité de larmes lâchée par les personnages dans ce chapitre.

AVIS ALERTE ATTENTION TOI L'ŒIL QUI SE POSE ICI : Ça vous intéresse si le chapitre 27 est tourné vers les amis de Joyce puis sa relation avec son  père ? Ou maintenant que Nathan est plus là, vous en avez marre de lire alors je poste directement l'épilogue ahah ? Pour moi c'est important mais si ça ne l'est pas pour vous, je le mettrai en bonus..

Voilà c'est tout, merci d'avoir lu jusque là, merci à ceux qui me diront leur avis et qui répondront à la question. Bye bye

Ps : Je me demande qui aura tilté sur M.Beckergam hihi

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