Chapitre 23
« If you were caught between the devil and the deep blue sea,
would you run and hide or stand for what you believe ? »
Anéantie par le message de Nathanael que sa copine venait tout juste de m'apporter, mais aussi par mes propres questions, je restai un moment sans rien dire tandis que la métisse n'avait cessé de me regarder.
- Tu comptes m'expliquer ou pas alors ? me dit-elle avec dédain.
Avec le ton qu'elle prenait, certainement pas. Je roulai des yeux puis posai ma main sur la poignée de la porte, prête à la fermer et renvoyer cette malpolie chez elle. J'étais reconnaissante qu'elle m'apporte le message mais pourquoi venait-elle rejeter la faute sur moi ? Elle ne connaissait même pas toute l'histoire.
- J'ai rien à te dire, mon frère est parti. Tu penses que tu vas t'en remettre ? Sinon, y'a plein d'autres mecs en ville, fais-toi plaisir ! dis-je en désignant dehors.
Elle parût agacée car elle prit la peine de remonter ses lunettes de princesse sur sa tête. Je pouvais au moins voir le regard mauvais qu'elle me lançait. J'en avais marre de me prendre toutes les conséquences des faits et gestes de Nathan.
- Ça doit être une blague ! ricana-t-elle. Dis moi qu'il fait ça pour me faire rager ou parce qu'il n'a pas assez de courage pour venir me plaquer en face alors il fait tout ça ?
J'éclatai franchement de rire et ne cachai pas moins mon amusement face à son air outrée.
- Où est-il allé alors ?
- J'en sais rien ! Je te dis que j'en sais rien, soupirai-je.
Je commençai peu à peu à fermer la porte mais quand elle s'en aperçut, elle posa franchement son pied devant. Elle avait bien l'intention de m'embêter tout l'après-midi.
- Explique-moi au moins pourquoi l'un de vous devait partir ?
Elle me regardait à présent avec sérieux et attendait sagement que je réponde quoique ce soit.
- La situation est compliquée chez nous, dis-je pour lui faire plaisir.
- Pendant combien de temps ? insista-t-elle les lèvres pincées.
- Je ne sais pas ! Écoutes, ça fait seulement une semaine alors fais comme tout le monde, attends !
Je claquai brutalement la porte après avoir décalé son pied du chemin. Elle continua de me hurler dessus mais je ne l'écoutais pas et m'enfonçai déjà dans la maison. Je me demandais si c'était réellement elle qui m'avait énervé avec son comportement ? Ou plutôt le message de Nathanael qui rendait son absence plus mystérieuse encore ?
« Partir » était vaste et du coup vague. On pouvait partir de toutes les manières possibles et dans n'importe quel lieu. Et pour une durée indéterminée. Même si Nathan n'avait rien dit, je sentais qu'il ne reviendrait pas le lendemain, ni la semaine prochaine. Avec ma stupide idée, je lui avais fait péter une sorte de plomb sans doute. Pendant que moi je pensais le remuer, le faire réagir afin qu'il décide de consulter... lui avait cru que je l'abandonnais, que je lui tournais le dos et que je ne lui laissais plus aucune chance. Il ne fallait même pas essayer de comprendre ce qu'il s'était passé dans son esprit à cet instant là car ce n'était pas explicable, il avait juste opté pour un plan ultime. Un plan qu'il avait gardé bien enfoui en lui tout ce temps, envisageant une situation extrême.
Alors, était-il parti comme moi je l'avais ce soir où il m'avait embrassé, sans savoir où il allait ? Ou était-il parti vers une destination précise ?
J'espérais uniquement qu'il allait bien, car je sentais curieusement que ce n'était pas le cas. Un mauvais instinct me rongeait de l'intérieur et me rendait de plus en plus coupable.
***
Allongée sur mon lit, j'étais à fond dans ma musique depuis un bon bout de temps déjà. J'essayais de ne plus peser à rien, me vider la tête pendant que la voix de la chanteuse me berçait et m'emmenait ailleurs. Mais par moments, mon esprit revenait à la raison comme des piqûres de rappel. Et bien que je tentais d'ignorer tout cela, la réalité s'imposait durement à moi : ma vie tait gâchée. Il n'y avait aucun moyen de guérir toutes ces blessures dont nous étions tous responsables. Chaque membre de ma famille avait participé à un quelconque instant, d'une quelconque manière, à cette situation déplorable... et nous avions fini par arriver dans une impasse. Ou plutôt, j'étais arrivée là.
Je constatai qu'avec ou sans Nathan, ça n'irait pas mieux. La douleur de sa présence était aussi dure que celle de son absence.
Je me redressai brusquement en entendant le bruit sourd qui provenait de l'autre côté du couloir. De la chambre de mon frère. J'avais beau m'être inquiétée pour lui durant ces deux dernières semaines, j'eus tout de même peur d'aller voir. Car si c'était lui alors j'allais devoir le confronter... S'il était revenu, il devait avoir trouvé un plan. Et toutes ces années avec lui m'avaient appris qu'il fallait toujours se méfier des plans de Nathanael.
Comme le bruit persistait, je pris mon courage à deux mains et sortis de ma chambre. J'avançai vers la pièce d'en face sur la pointe des pieds à l'instar d'une étrangère. Comme si c'était finalement à moi de me cacher, et non lui.
Au moment où je lançai franchement ma main vers la poignée, la porte s'ouvrit à toute volée. Je fis un énorme bond en arrière, au bord de la crise cardiaque et levai des yeux horrifiés sur... Preston ? Lui aussi semblait effrayé de me voir là, la main posée sur le torse. Il me fixa de longues secondes avant de lâcher :
- Et merde Joyce, j'ai eu la peur de ma vie !
- Peut-être parce que tu t'infiltres illégalement chez ton meilleur ami !
- Parce que tu n'as pas daigné m'ouvrir ! Je toque depuis 20 minutes, râla-t-il en passant une main dans ses cheveux bruns.
- J'écoutais la musique, bougonnai-je. Tu pouvais sonner ou m'appeler. Bref !
Je l'observai en soupirant. Il parût m'analyser et devina par lui-même que je n'avais toujours aucune nouvelles de Nathan comme lui n'en avait pas. Il posa sa grande main sur ma joue, me caressa la pommette du pouce et m'adressa un sourire en même temps. Il retourna ensuite dans la chambre ; je le suivis sans même réfléchir. Je le regardai fouiller dans chaque tiroir, inspecter minutieusement le placard.
- Je pensais qu'il était peut-être parti faire une virée tout seul, foutre le feu ici et là mais il n'a pris aucune des affaires qu'on utilise d'habitude, m'apprit Preston.
Je m'assis sur le lit à l'endroit exact où Nate avait craqué et s'était mis à pleurer avant de s'en prendre à nouveau à moi. Chaque endroit de cette pièce me rappelait un de ses gestes violents et le simple fait de me tenir là faisait remonter les souvenirs. Je fermai subitement les yeux mais dans ma tête revenaient toujours le son de ses sanglots, de sa voix suppliante, de ses cris...
- Avec nos potes, on avait trouvé qu'il avait commencé à changer de comportement depuis plusieurs semaines mais on s'est dit que c'était rien. Il a toujours été un peu comme ça. Il ne traînait plus tellement avec nous et quand il le faisait, il était si énervé et violent que c'était impressionnant à voir. Puis récemment ça m'a sauté aux yeux...
Preston vint se poster devant moi, me cachant du soleil qui provenait de la fenêtre grande ouverte.
- Nathan n'a jamais été comme nous, ce n'est pas un pyromane. C'est juste un mec qui a trop de haine en lui et qui ressent le besoin de l'extérioriser alors il est passé par le feu car il peut détruire quelque chose et a la satisfaction de contempler le résultat. Mais il peut passer par autre chose pour se défouler !
Je hochai la tête ; j'étais moi-même un exemple de ce qu'il énonçait. Nathan avait toujours cherché à causer du dégât en réalité... Il m'avait tout aussi bien infligé des brûlures que des coups ces derniers temps. Preston, qui n'était au courant de rien, venait de dire : « il peut détruire quelque chose et a la satisfaction de contempler le résultat » peut-être était-ce le cas lorsqu'il brûlait des choses matérielles. Mais quand il s'en prenait à moi, ça allait beaucoup plus loin. Il ne faisait pas cela par plaisir de me voir souffrir, il le regrettait peut-être même comme il me l'avait montré quelques fois. Tout était bien plus complexe... Sans doute, avait-il transformé tous ses sentiments envers moi en violence. Il avait préféré me taper plutôt que de m'embrasser, jusqu'à ce soir là.
En repensant à ce baiser, je posai mes mains sur mon visage embarrassée par le seul fait d'y penser. Je n'étais pas capable d'admettre qu'il.... C'était bien trop gros, bien trop irréel. Impossible. Mais j'avais eu le temps d'y réfléchir durant tout ce temps et quelques éléments prenaient sens. Son comportement à mon égard était légèrement moins flou et quelques hypothèses m'étaient venues en tête : il avait conscience que ce qu'il ressentait pour moi était interdit, il m'en voulait alors il s'en prenait à moi. Ou il voulait se détacher de ses sentiments en les renversant : de l'amour à l'haine, il se persuadait ainsi de me haïr plus que de m'aimer un peu trop.... Ou peut-être y'avait-il encore autre chose mais cela ne relevait pas de ma capacité. Son esprit avait tellement l'air compliqué que je n'étais la personne adaptée pour le comprendre.
Mais un psychiatre, oui.
Je relevai soudainement la tête, prise d'une idée soudaine. Le centre psychiatrique où mon père avait voulu l'envoyer... Nathan y était sans doute ! Je fermai les yeux et tentai de toutes mes forces de me souvenir du nom. Je revoyais mon père poser avec brutalité sa mallette contre la table, puis sortir ses papiers et puis le symbole... Gulf Coast Center !
- Preston, je dois y aller ! m'écriai-je au garçon qui inspectait toujours la chambre.
Je sautai sur mes pieds et filai dans ma chambre sentant qu'il me suivait tout de même.
- Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Tu vas où ? me demanda-t-il.
- Je sais peut-être où il est !
- Bah laisse moi t'accompagner.
Je secouai la tête tout en continuant de chercher l'adresse exacte du centre, ce n'était qu'à dix minutes de chez moi. Je me levai ensuite et pris les quelques affaires qui m'étaient nécessaire.
- Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, répondis-je à Preston.
- Et pourquoi ça ?
Il me bloquait la sortie à l'aide de son grand corps et me regardait mécontent. Ce mec était aussi pénible que son meilleur ami : il ne lâchait jamais rien. Et j'aurais beau lui dire tout un tas d'excuses, s'il ne m'accompagnait pas il déciderait alors de me suivre - contre mon gré !
- Il est peut-être dans un centre psychiatrique, soufflai-je en me postant devant lui.
- Quoi ? s'exclama-t-il étonné. Qu'est-ce qu'il foutrait là-bas ?
- Mon père en a eu marre de... tout ça, alors il voulait que Nathan y aille.
Il plongea ses yeux dans les miens, les sourcils froncés et le visage marqué d'incompréhension. Il balbutia plusieurs fois avant de formuler correctement :
- Je comprends pas. Pourquoi il y serait allé de lui-même ? Enfin je veux dire... C'est pas son genre.
- On y va ? coupai-je court aux interrogations.
Non, Preston avait raison, ce n'était pas son genre. Ce ne l'était pas, il s'était uniquement surpassé. Il l'avait fait pour moi. Quand il avait dit qu'il était prêt à tout faire pour me récupérer, il avait vraiment voulu dire « tout » - même si cela consistait à accepter ce qu'il redoutait le plus : se faire soigner. Tout prenait sens à présent et dire que j'étais restée deux semaines chez moi à me faire du soucis pour lui ! Avec les médecins, il était entre de bonnes mains. Et je ne savais pas si c'était possible de guérir toutes ses blessures, tous ses maux et tous ses soucis les plus cachés mais sans doute, aidé de professionnels, comprendrait-il certaines choses.
En quelques minutes, le brésilien et moi avions déjà quitté la maison et nous nous dirigeâmes vers la station de bus la plus proche car évidemment aucun de nous n'avait de voiture. L'attente serait encore plus longue. Je ne savais pas vraiment pourquoi je stressais autant puisque après tout s'il était là-bas, ça ne pouvait être qu'une bonne nouvelle. Je voulais seulement m'en assurer, être certaine qu'il allait bien.
- J'ai compris depuis longtemps que y'a un truc que vous me cachez tous les deux, m'avoua Preston une fois que nous fûmes dans le bus, et je m'en mêle pas trop mais ça devient quand même de plus en plus étrange toute cette histoire. Est-ce que quelque chose de grave est en train de se passer ?
Je me contentai d'un haussement d'épaule comme réponse alors qu'il faudrait en réalité tout un discours pour répondre à cette question. Mais ma raison me poussait à me taire, je ne devais pas gâcher l'image de Nathan auprès de son meilleur ami. Puis à présent, il n'était plus question de simples violences, il était question de baiser et de secrets de famille. Je n'étais même plus en état de distinguer le faux du vrai, de savoir qui croire ou non alors qu'est-ce que je lui raconterai ? Comment j'expliquerai le comportement d'autruche de ma mère durant toutes ces années ? Et celui mystérieux de mon père - qui n'avait pas été étonné de savoir que son fils venait d'embrasser sa fille ? Et puis moi, comment j'expliquerais toutes mes décisions contradictoires que j'avais eu jusque là ?
Le genou du brun, assis à côté de moi, vint cogner gentiment le mien afin de m'inciter à parler.
- Je ne sais pas si c'est grave Preston, je peux juste te dire que les choses sont devenues hors de contrôle mais on essaye de... gérer tout ça.
- Et ce « on » c'est qui au juste ?
Sa voix avait été si basse et son regard était si emprunt de pitié que j'eus l'impression - un court moment - qu'il avait tout saisi. Et qu'il avait compris que j'étais perdue parmi tout ça et surtout que j'étais toute seule. En présence de Nathan, on m'ignorait et en son absence, on me laissait tomber. Ma mère passait le plus de temps possible aux bureaux ou avec son copain et mon père était retourné à sa vie parfaite. Les choses étaient devenues hors de contrôle et j'essayai de gérer tout cela.
- C'est moi, bredouillai-je.
- J'ai vu ça, remarqua-t-il avant de marquer un silence. On... Toi et moi, on va le retrouver ton frère.
Il eût un soudain élan de bienveillance et serra mon genou de sa main imposante, le regard toujours plongé dans le mien. Je me dépêchai d'ailleurs de le fuir ; regarder la ville briller sous le soleil texan était bien moins troublant. J'étais quelque peu soulagée d'avoir quelqu'un à mes côtés - quelqu'un qui allait dans le même sens que moi.
Nous dûmes attendre dix longues minutes avant d'arriver à destination. Je fus la première à descendre et à me diriger vers l'enseigne Gulf Coast Center que j'apercevais à quelques pas de là. Preston jugea bon que j'y aille seule ; j'entrai alors, les poumons remplis d'air et la tête de courage.
L'accueil était calme, si calme que c'en était perturbant. Nous imaginions souvent les centres pour problèmes psychologiques alourdis de cris, de mouvements et d'autres détails glauques pourtant il n'en était rien ici. Du moins pas à cet étage. Le sol était recouverte d'une moquette parfaitement beige ; quelques personnes en blouses traversaient la salle mais rien d'exceptionnel. Les deux dames de l'accueil avaient l'air de s'ennuyer à mourir. Lorsque je m'avançai, elles m'accueillirent toutes deux avec bonne humeur et me demandèrent, avec synchronisation, ce que je venais chercher. Je butai sur mes mots, m'apprêtai à demander si Nathanael était un patient ici puis dans un élan de bon sens, je dis :
- Je viens rendre visite à Nathanael Lewis... mon frère...
Elles se revêtirent d'un air confus et l'une d'elle osa tout de même taper sur l'ordinateur avant de me répondre :
- Vous êtes sûre d'être au bon endroit, jeune fille ? Il n'y a aucun Lewis ici.
- Ah bon ? Parce que mon père avait payé son placement ici et...
- Je regarde, m'interrompit-elle.
Mon cœur commençait à paniquer. Cette pièce devenait de moins en moins chaleureuse. Mon courage commençait à s'éteindre... Je devais sortir d'ici cependant je voulais une réponse avant.
- Nathanael Lewis ?
- Oui, oui c'est cela ! répondis-je avec entrain.
Elle secoua la tête et ce simple geste envoya valser les ridicules espoirs qui m'étaient restés.
- Aucune place n'a jamais été réservée pour lui, il n'est pas ici ! Je suis désolée, me dit-elle avec une grimace immonde.
Je hochai la tête, assimilant tout cela peu à peu. Je tentai de toutes mes forces de comprendre, d'imaginer une histoire qui tenait la route mais rien ne faisait sens. Mon esprit était trop brouillé, je ne pouvais même pas réfléchir convenablement. Comme je manquai d'air, je sortis à toute vitesse, retrouvant Preston qui m'assaillit d'un « Alors ? ».
- Alors, il n'est pas là et il n'est même pas censé être là apparemment ! m'écriai-je en m'appuyant sur le bâtiment.
Mon père nous avait-il menti en disant l'envoyer dans ce centre ? C'était vrai qu'aucun de nous n'avait pris le temps de lire le fameux papier d'admission... Mais il n'était pas aussi tordu pour avoir préparer un faux papier, si ? Pourquoi ?
Et où était Nathanael alors ? Puis s'il était parti, désirait-il réellement que je le cherche ? Quel autre moyen avait-il trouvé pour me « ramener à lui » ?
Je ne me sentais plus tellement coupable ; je réalisais que l'on m'avait menti encore. Je trouvais son absence injuste, on me laissait une fois de plus dans le flou le plus complet.
***
- Tu veux savoir ce qui motive vraimeeeeeeent, sous toute cette chaleur ?
Je relevai la tête, restée collée à la table fraîche depuis des minutes. J'observai Preston qui était venu m'aider cet après-midi. Quelques jours s'étaient déroulés depuis notre tentative calamiteuse au Goalf Coast Center et il avait proposé que l'on se voit à nouveau afin de lister tous les endroits du coin qui s'occupaient des troubles psychologiques mais aussi tous les autres endroits où mon frère aurait pu se retirer. J'étais désespérée mais Preston ne l'était pas. Etant en dehors de l'histoire, il ne comprenait évidemment encore moins que nous l'absence de son meilleur ami. Et plus le temps passait, plus il s'inquiétait.
- De la glace ! Une bonne glace à la vanille, rêva-t-il en se levant.
Je l'imaginais déjà faire son chemin vers le réfrigérateur ; je m'empressai de lui avouer :
- Je t'arrête tout de suite, y'a pas de glace ici.
Tout était presque vide étant donné que ma mère avait la tête ailleurs durant les courtes heures où elle passait à la maison. De mon côté, je n'avais pas un très grand appétit alors ça ne me dérangeait pas tant en fait. Je remarquais seulement que la maison semblait déserte maintenant que Nathanael était parti. C'était comme si le fonctionnement de la maison bien que fragile s'était arrêté. Ma mère ne prenait plus la peine de rentrer autant à la maison, ne s'occupait plus de rien et préférait être autre part, avec d'autres personnes.
- On va aller en chercher alors ! décida Preston enthousiaste.
Je soufflai mais ne rouspétai pas plus longtemps et me levai, je savais qu'il était aussi borné que moi. J'observai toute la paperasse avec laquelle nous avions envahi la table de la cuisine, à la recherche des clés de la maison. Une fois trouvés, l'on se dirigea vers la porte d'entrée et lorsque je l'ouvris, je tombai nez à nez avec quelqu'un. Mon premier réflexe fût de me reculer, je butai le torse de Preston mais ne pris pas la peine de m'excuser, étonnée de voir devant moi Oli et Hugh. Cela faisait un petit moment que je ne les avais pas vu.
La blonde brandissait une grande bouteille de soda avec un sourire resplendissant toutefois elle perdit sa joie quand elle s'aperçut de la présence de Preston.
- Euhm, salut Joyce ! débuta-t-elle. On pensait que tu... que tu étais seule !
- Je le suis, dis-je tout de suite. Enfin non, je veux dire je suis avec lui mais c'est... pas...
Soudain mon malaise fût brisé par les rires de Hugh qui résonnaient sans doute dans tout le quartier tant il rigolait fort.
- C'est le meilleur ami de son frère, apprit-il à sa copine. Mais à te voir stresser Joy, on se demande si ce n'est pas autre chose !
Comme je savais qu'il n'était pas sérieux, je ne fus pas tellement gênée par sa remarque et je lui souris puis les invitai à entrer. Preston me demanda s'il devait partir mais comme il était celui avec qui je devais passer l'après-midi, je ne voulais pas le chasser. Il prétexta alors aller chercher sa fameuse glace car il ne « pouvait continuer dans ces conditions là », me laissant seule avec les deux personnages pendant un moment.
- Il est pas mal ce grand gaillard, déclara une voix fluette dans mon dos.
Je venais tout juste de fermer la porte d'entrée ; elle ne perdait pas de temps. Je me retournai avec un sourire aux lèvres et la regardai sourire aussi. Elle fit un de ces mouvements étranges qu'elle aimait bien faire avec ses sourcils puis posa ses mains sur ses hanches fines. J'avais l'impression que ses cheveux avaient continué à pousser durant les quelques jours où nous ne nous étions pas vus et ça ne la rendait que plus belle. Elle était vraiment tout le contraire de moi, j'aurais toujours du mal à me faire à cette amitié qui se construisait doucement mais sûrement.
- Alors ?
- Alors je te rappelle que j'en ai déjà un de grand gaillard, alléguai-je, enfin je crois puisqu'il ne daigne plus me parler depuis des semaines.
- Roh mais Joyce !
Elle souffla tout en laissant tomber ses bras le long de son corps, m'attrapa par le poignet puis m'attira vers le salon où son copain faisait déjà sa vie.
- Je t'ai dit que ça lui passera, m'assura-t-elle. Il est juste en colère...
- En colère parce que je me fais du soucis pour mon frère, c'est quoi son problème ? me plaignis-je. Vous me comprenez bien vous ou peut-être que vous comprenez pas après tout mais vous respectez mes choix, pourquoi ne fait-il pas pareil ?
- Parce qu'il n'est pas pareil, intervint Hugh qui attachait ses dreads. C'est sa manière d'être tu sais... C'est comme ça. Tu dois accepter aussi que certaines personnes ne comprennent pas tes décisions ou ta manière de penser et qu'elles n'agissent pas forcément de la bonne manière. Mais ça ne veut pas pour autant dire que ces personnes tiennent moins à toi.
Je restai silencieuse face aux mots si précieux du garçon, il savait toujours que dire et comment le dire surtout. Même Olivia semblait époustouflée par un tel discours car elle le gratifia d'une caresse et d'un sourire.
- J'imagine que vous n'êtes pas là pour parler de Caleb, lançai-je ensuite.
- Nope, on est là pour l'air frais ! rigola Hugh en désigna le climatiseur accroché sur le mur.
La blonde à ses côtés secoua la tête en désapprobation puis se vêtit légèrement d'un masque sérieux. Je sus immédiatement qu'elle allait aborder le sujet de Nathanael avant même qu'elle n'ouvre la bouche.
- Du coup, tu ne sais toujours pas où ton frère pourrait être ?
- Non... Et ça va faire bientôt trois semaines. Mes parents ne devraient pas reporter sa disparition ou quelque chose comme ça ?
- Ils l'ont pas déjà fait ? s'étonna-t-elle choquée.
Je déclinai alors que le couple en face de moi semblaient plus confus que moi.
- Pas que je sache en tout cas, précisai-je. Ma mère est pas souvent là, mon père répond de moins en moins aux appels à cause de son travail. Et de tout manière quand je leur pose des questions, ils me disent de ne pas autant m'inquiéter.
- Et s'ils avaient raison ? Moi je reste sur ma première hypothèse : il a vu que son petit secret n'en était bientôt plus un ! Il a compris que Caleb était au courant, que je l'étais sans doute aussi et les autres personnes qui t'entourent. Il s'en va alors le temps que tout se calme et surtout pour trouver une manière de mieux cacher son double jeu. Je ne pense pas que tu le trouveras dans un endroit précis, ton frère a l'air d'être quelqu'un qui a besoin de bouger. Je suis persuadé qu'il voyage depuis des semaines, assura Hugh plus que certain.
- Oui c'est vrai, ajouta Oli toujours souriante, il n'y a peut-être rien d'inquiétant.
Je hochai la tête. A force que l'on me répète cela, sans doute allais-je finir par le croire. L'idée que tenait Hugh était plus fondée que toutes celles qui m'avaient traversées l'esprit. Pourtant ça ne collait pas. Ils avaient beau me dire de ne pas m'inquiéter, ils n'avaient pas vu l'état dans lequel j'avais laissé Nathanael lorsque j'étais partie avec Caleb. Il avait saisi que j'avais commencé à me détacher de lui et que par ce petit voyage de quelques jours, je lui prouvais que j'étais capable de partir. Comme j'avais menacé de le faire... Et au moment où je m'étais ressaisie en me disant que ce n'était pas la solution, c'était lui qui s'en était allé. Il m'avait supplié, avait pleuré et avait lâché sa stupide phrase, le tout avant de me laisser.
Il y avait bien plus que cela, j'en étais sûre.
***
Je me tournai et retournai dans mon lit, envahie par des images à la fois réelles et inventées. Mon frère qui pleurait. Mon père qui criait. Ma mère immobile. Et puis d'un coup, Nate se précipitait sur moi et m'embrassait avec avidité. Tout ce que j'étais capable de sentir c'était ses larmes sur mes joues et ses doigts qui creusaient presque ma mâchoire. La douleur et le dégoût qui se mêlaient en moi. Et lui qui continuait de m'implorer : « Tu m'avais promis... »
Je me redressai soudainement, me dégageai de toutes mes couettes... et repris mon souffle. Même absent, il avait toujours une place dans mon esprit et il l'aurait probablement jusqu'à ce que son cas soit réglé. Il m'envahissait, tout cela devenait invivable. Mais comment fermer les yeux devant un proche qui souffrait ? Comment pouvait-on ? Comme faisaient mes parents ? Cela me semblait si immonde.
Pourtant je l'avais fait. Pendant plusieurs jours, je l'avais fait malgré tout ce que j'avais prétendu dire ou penser. Alors que n'avais attendu que ça... Connaître son problème, savoir ce qui le tracassait, entrevoir ne serait-ce qu'une petite partie véridique de lui. Et lorsqu'il me l'avait explicitement montré, j'avais été la première à fuir.
Je ne pouvais m'en vouloir entièrement, ce n'était pas tous les jours que l'on découvrait une telle chose à propos de son frère. Mais je devais au moins m'en vouloir d'avoir brisé toutes ces promesses que je m'étais faite à moi-même. Et toutes les reproches que j'avais faite aux autres. Je n'étais pas mieux qu'eux.
Ça m'avait dérangé alors j'avais fui, comme s'il ne se sentait pas déjà assez honteux ainsi. Il avait conscience que ce qu'il ressentait pour moi n'était pas sain, ce n'était pas normal... Il l'avait alors combattu, il l'avait toujours fait. Il s'était opposé à lui-même, il s'était fait violence pour repousser tout cela.
Et je l'avait fait sentir plus effrayant que jamais. Sans m'apercevoir qu'il était déjà assez effrayé de lui même.
***
Ce fût les bras chargés et le sac lourd sur l'épaule que je me dirigeai vers le perron de ma maison. La dernière journée de cours officielle avait été aujourd'hui et j'y avais surtout été, non pas pour assister au cours, mais pour m'assurer qu'ils étaient bien au courant de ma désinscription comme me l'avait demandé mon père - par le biais de ma mère puisqu'il évitait de me parler depuis. Quelques jours plus tôt, elle m'avait informé qu'il avait réussi à avoir ma garde... Et je ne savais pas encore comment je me sentais à propos de cela, je ne préférais pas trop y réfléchir. Partir vivre sur une île, avec mes demi-frères adorables, ça me semblait bien. Avec mon menteur de père ? Loin de mon frère ? ça me plaisait moins. Mais tant que Nathanael n'avait pas fait son retour, rien n'était encore décidé. Il était absent depuis pile 1 mois dorénavant. Sa longue absence signifiait certainement quelque chose ! C'était sûr, il reviendrait et chamboulerait encore toute la situation. Aussi, j'avais décidé de ne pas me lamenter et d'obéir gentiment à mon géniteur. J'en avais également profité pour passer du temps avec Oli, nous avions principalement regardé les joueurs de football saccager leur terrain et embêter leurs coachs. J'avais été contente de voir Caleb s'amuser et déçue de le voir encore distant. Puis après tout cela, j'étais partie prendre toutes les affaires de mon casier.
Je poussai difficilement la porte d'entrée et lâchai toutes mes affaires à l'entrée. Ma mère était encore au travail à cette heure là, donc j'avais une fois de plus la maison pour moi toute seule. Pour ce que j'en faisais...
En fermant la porte je fus attirée par la petite lumière du téléphone fixe qui clignotait et indiquait poliment un message vocal. Encore un truc stupide de l'avocat de ma mère ou son travail, toutefois j'avais pris l'habitude de tout écouter alors je partis enclencher le bouton de lecture.
Je commençai à me diriger vers le canapé mais m'arrêtai aussitôt dès les premiers mots :
« Bonjour, c'est Pr. Mckins du Gulf Coast Center
Nous avons le regret de vous informer que votre fils Nathan Eliacin a quitté nos bâtiments la nuit dernière et qu'il n'a toujours pas été retrouvé à cette heure-ci. Il a été jugé dangereux pour l'Etat et nous devrons contacter les autorités s'il n'est pas de retour ce soir. En cas de nouvelles de sa part, veuillez nous contacter au plus vite... De notre côté, nous ferons tout pour retrouver votre enfant et prendre soin de lui.
Nos plus plates excuses, au revoir. »
Je m'appuyai contre le mur le plus proche alors que mon cœur se mettait à battre dans tous les sens. Ce n'était pas possible... Il y avait tellement de choses que je n'arrivais pas à tout réaliser en même temps. Mais un seul détail n'arrêtait pas de surgir dans ma tête :
Ils m'avaient menti... Mes parents m'avaient menti !
Nathanael avait été enregistré sous le nom de jeune fille de ma mère et durant toutes ces semaines, malgré toutes mes questions, ils avaient prétextés ne pas savoir où il était.
Et maintenant que j'étais au courant, il était déjà reparti...
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Hello....... * se cache derrière un paravent * ok j'ai même pas de paravent donc j'arrête de mentir. J'ai juste vraiment honte de mon énorme absence sur LIB - et mon autre histoire O² aussi d'ailleurs. A vrai dire, y'a plein de choses qui se sont enchaînées et d'un mois de retard j'en suis passé à deux, c'est ça ?
BREF. Je suis de retour avec une fin "BIM" ( non cherchez pas sur google, ça existe pas ) parce que j'aime ça et je sais que vous aussi, dans le fond ahah. J'espère que ça vous aura plu, j'ai vraiment voulu marqué les différentes "étapes" de questionnement de Joyce mais j'avais peur d'être soit trop longue soit trop rapide. Dites moi si vous avez aimé ( même en l'absence de Nathan ), qu'est-ce que vous pensez des mensonges du père, de Joyce qui va partir vivre à Madagascar... Pourquoi Nathan est parti du centre d'après vous ?
Je veux tout savoir & je répondrai aux questions si besoin !
Byeeeeeee :)
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