Chapitre 22

« It hurts, but I understand if you can’t find another reason to stay. »

Il y eût un silence pesant. Nathanael eût l'air de prendre un choc, celui de mes mots, car il se recula quelque peu. Ses yeux ne me fixaient plus du tout, plantés lâchement sur le sol. Et ses épaules s'étaient affaissées comme s'il finissait, lui aussi, par laisser tomber. J'avais beau essayer de me tenir fière, de faire l'indifférente ; sa réaction me touchait tout de même en plein cœur.

- Cette nuit, je suis partie à des kilomètres mais je suis sûre qu'un jour je partirai plus loin. Juste pour ne plus être avec toi, terminai-je.

- Tu ne peux pas me faire ça... répéta-t-il en secouant la tête.

Il prit appui sur la rambarde du perron, se recroquevillant sur lui même et cachant ainsi son visage meurtri de ma vue. Il continuait de réciter sa phrase jusqu'à ce qu'elle ne devienne plus qu'un murmure inaudible. Au moment où je crus percevoir un sanglot le secouer, il se redressa soudainement et nous tourna le dos.

- Joy, ne pars pas... Ne pars pas, dit-il d'une voix tremblante et nouée. Ne m'oblige pas à te supplier, je...

- J'en ai marre d'essayer de te comprendre, ça ne mène à rien. Je... J'aban -

- Je tiens à toi ! s'exclama-t-il en se retournant brutalement. Tu ne comprends pas ça ?

Sa voix avait été si puissante que j'avais fait un bond en arrière, sous la surprise. Mais ce qui me surprit le plus furent les traits de son visage, déformés par la colère. Et la tristesse. Ses yeux verts, à présent rougis, étaient noyés de larmes perdant toute leur beauté. Même si je tentais de rester forte, de ne penser qu'à moi et mon bien être, cette vision de mon frère m'atteignit tout de suite et me fit regretter mes mots. Certes je les pensais mais peut-être aurais-je dû les garder pour moi car on ne savait pas ce dont il était capable. Il était ingérable, envahi par toutes ses extrêmes émotions.

Ça me faisait littéralement mal de le voir ainsi. Je constatai à nouveau comme il avait besoin d'aide... Et après toutes mes nombreuses batailles, je laissais tomber ? Cela me paraissait injuste et surtout paradoxale. Il avait raison je n'avais pas le droit de le laisser tomber, moi sa sœur, mais après tout je n'avais pas le choix. J'avais compris que je ne pouvais rien pour lui, c'était à lui de faire un sacrifice s'il voulait aller mieux ; alors je voulais récupérer ma vie, je voulais me détacher de lui.

Mais lui n'était pas prêt à me laisser partir. Il combla le peu de distance qu'il y avait entre nous deux et pas à une seule seconde, je ne pensai à bouger. Il pleurait maintenant à chaudes larmes et ne cherchait plus à le cacher de quiconque. Il avait juste plongé ses prunelles dans les miennes et ne me lâchait plus, captant toute mon attention ainsi.

- Ce n'est pourtant pas difficile à comprendre ! Tu ne vois pas tout ce que j'ai fait, tout ce que je fais, pour toi... Ça a toujours été pour toi, tout ça. Pourquoi tu ne le vois pas hein ? Je ne veux pas avoir à te perdre Joyce...

Il m'avait dit ne pas vouloir me supplier mais il était en train de le faire d'une manière plus implicite. La manière dont il me regardait, dont il m'avait glissé ces mots avec des sanglots dans la voix et dont il avait discrètement enveloppé sa main avec ses doigts... Chaque parcelle de lui me suppliait un peu plus. Je m'étais mise à pleurer à mon tour, de plus belle. Et j'avais tellement mal au cœur que j'en avais des nausées ; son mal-être m'atteignait tant, c'était affolant.

J'étais clairement effrayée par la véritable emprise qu'il avait sur moi. A tel point que nous étions presque devenue une seule et même personne, je m'étais perdue pour lui... Cette idée m'arracha une nouvelle nausée alors je commençais à me retourner afin de m'en aller définitivement. Mais, évidemment, sa main m'attira à nouveau à lui. Plus proche cette fois-ci, si proche que je paniquai lorsque je le vis se pencher. Son front vint finalement se poser contre mon épaule tandis que sa main entrelaçait ses doigts aux miens. Je le sentais trembler contre moi, je le sentais respirer fortement, je le sentais pleurer et c'était la chose la plus déchirante que je n'eus jamais vécu.

Nathan s'appuyait sur moi.

- Souviens-toi... balbutia-t-il. Je ferai toujours tout ce qui est de mon possible pour te ramener à moi... Tout, Joy.

Il m'avait dit ces mêmes mots quelques jours auparavant, dans sa salle de danse. Mais aujourd'hui, ils avaient bien plus de sens, ils étaient plus douloureux. Plus lourds ; leurs poids retombaient sur mes épaules. Les battements de mon cœur s'accélèrent et dans un élan incontrôlé, je lâchai sa main pour entourer son cou de mes deux bras et ainsi le serrer de toutes mes forces. Je n'arrivais pas à croire que quelques minutes plus tôt j'avais dit ne plus vouloir qu'il m'approche mais que je le tenais contre moi dorénavant. Je le plaçais toujours avant moi, avant mes volontés, avant mes peurs. Il passait toujours avant, je n'y pouvais rien. Je me surpassai toujours pour lui et j’espérais qu'il serait un jour capable de faire de même. Pour ne plus me faire du mal. Pour ne plus dépasser les limites. Pour se comporter comme un frère.

Notre étreinte dura probablement quelques minutes. Il fut le premier à se reculer, à se retirer de mes bras... comme s'il me laissait partir, enfin. Alors, le cœur plus léger mais tout de même serré, je lui tournai le dos et suivis Caleb jusqu'à la voiture empruntée à son père. Une fois dans l'habitacle du véhicule, je m'autorisai à lancer un dernier regard vers ma maison... Je ne savais pas pendant combien de temps j'allais réussir à m'en éloigner mais je visais le plus longtemps possible.

Nathanael se tenait toujours devant le perron, abattu. Et lorsque Caleb engagea la voiture sur la route, mon frère se retourna. Le pas lent, il avança vers l'entrée. Il se retourna une dernière fois puis claqua la porte et nous tournâmes au coin de la rue. M'éloigner aurait dû être libérateur mais, ça ne l'était pas. Au contraire, ça n'était qu'un fardeau supplémentaire.

***

- On dirait qu'on va avoir un weekend tranquille, annonça Caleb.

Nous étions arrivés chez lui deux heures plus tôt, nous avions mangés, regardé la télévision puis nous nous étions posés sur son lit et depuis ce temps, il n'avait pas lâché son portable une seule fois, discutant avec Hugh. Il me montra le dernier message de celui-ci : « On pourrait peut-être passer le weekend à Wharton ? ». Wharton était une ville qui se trouvait non loin d'ici mais la seule idée de sortir de cette ville me réjouissait.

- Qu'est-ce qu'il y a là-bas ?

- Ses parents ont une maison qu'ils font louer habituellement mais il n'y a personne depuis des mois alors ça nous arrive d'y aller quelques fois.

- Avec des filles ? quémandai-je intéressée.

Je n'étais pas idiote, je savais que Caleb avait déjà été voir ailleurs étant donné qu'il ne se passait rien avec moi. Mais étrangement, ça ne m'avait jamais trop dérangé jusqu'à présent car... il restait toujours à mes côtés, pour une quelconque raison. Nous nous accrochions tous deux à une relation qui n'avait jamais réellement commencé ; nous semblions tous deux avoir envie d'y croire et c'était sans doute ce qui m'encourageait aussi à m'accrocher. Je ne l'aimais pas mais quelque chose me retenait à lui, ça me suffisait. Pourtant après ce que nous avions partagé ces derniers jours, après que je me sois plus confiée à lui, ça m'énervait de savoir qu'il s'était tourné vers d'autres filles. J'aimerais être aussi intéressante qu'attirante pour qu'il ne se concentre que sur moi. J'aimerais avoir de l'importance pour quelqu'un, ne serait-ce qu'une personne que je portais dans mon cœur. 

- Entre potes, seulement.

- Peut-être que c'est plus inquiétant, le taquinai-je pour alléger l'ambiance.

- Ah ah ah, c'est très drôle ! sourit-il avant de m'adresser une grimace. Allez va te préparer, Oli et Hugh viennent nous chercher dans une demi-heure.

- Et demain ? Les cours ?

Il tourna vivement la tête vers moi, le regard amusé et le sourire mesquin. 

- Est-ce que l'un de nous 4 en a quelque chose à foutre des cours ?

Je me mis à repenser à toutes les fois où je les avais vu sécher des heures ou des journées entières, je me souvenais du nombre incalculables d'heures de colle que Caleb avait récolté... En effet, nous n'étions pas du genre à nous soucier des études comme si, ce qu'il se déroulait dans nos vies était bien plus important. En me voyant réfléchir sans rien dire, il finit par éclater de rire.

- Tu vois... Allez on se bouge !

Tout en disant cela, il se redressa et s'apprêtait à descendre du lit quand je posai ma main sur son épaule. Il suspendit son mouvement, me regarda alors avec des yeux interrogateurs et son expression devint tout aussi sérieuse que la mienne. Gênée, je regardai ailleurs avant de lui dire d'une petite voix :

- Merci d'être là pour moi...

- Tu n'as pas à me remercier, j'aurais dû l'être depuis un bon bout de temps, avoua-t-il en un haussement d'épaules. 

- Mais tu l'es maintenant et je t'en suis reconnaissante.

Ses yeux restèrent fixés sur moi un moment puis se posèrent plus loin. Il n'avait pas l'air de penser mériter mes compliments, ne voyait-il pas ce qu'il avait fait pour moi ? Ça lui semblait peu mais c'était en vérité suffisant. Il avait arrêté de ne se soucier que de son petit monde et prenait le temps d'être là pour moi. Pour des raisons que lui seul connaissait mais il le faisait tout de même.

Il se pencha rapidement vers moi, déposa ses lèvres contre les miennes et s'éloigna sans même me laisser le temps de répondre. Troublée par cette petite attention, je le regardai, silencieuse, traverser sa chambre de part et d'autre pour remplir son sac d'affaires. Le mien était déjà prêt, là au pied du lit. 

- Joyce ! m'interpella-t-il en tapant dans ses mains.

Je redressai aussitôt la tête et tombai sur son visage préoccupé. Me parlait-il depuis ? A la manière dont il me regardait, j'en déduisais que oui alors je balbutiai une légère excuse face à laquelle il se mit à rigoler. 

- Tu devrais prévenir ta mère.

Je plaquai ma main sur mon visage, j'avais complètement oublié ma mère ! Avec tout ce qui s'était passé... De plus, elle n'avait même pas à chercher la nuit dernière alors se préoccupait-elle réellement de l'endroit où j'étais ? Devrais-je lui demander la permission pour qu'elle finisse par me refuser ? Et si je ne lui disais pas que l'on partait de la ville ? En fait non, peu importe sa réponse ; je n'avais pas à respecter ses choix. Si je lui désobéissais, elle n'allait certainement pas me punir ou quelque chose comme ça. 

Alors, je pris mon portable et l'appelai sur son portable tandis que Caleb sortait de la pièce. Les tonalités résonnèrent de longues secondes, elles me laissèrent finalement sur la messagerie de ma mère. Au fameux bip sonore, je soufflai et annonçai d'une voix ferme : « Je pars quelques jours de la maison. Je suis avec Caleb, ne t'inquiètes pas...  », je m'arrêtai pour ricaner puis repris « Et si, par miracle, il te prend l'envie de savoir ce qu'il s'est passé, tu t'adresseras à ton ex-mari. Ou à ton fils adoré, je sais pas. Salut ! »

Mon message était ridicule, destiné à un fantôme. Une sourde. Mon message était inutile car posé dans le vide, sans aucune personne pour l'écouter. Comme ça l'avait toujours été avec ma génitrice. 

***

Le 4x4, dans lequel nous étions installés depuis environ deux heures, filait à travers le paysage plat du Texas, secoué par la musique rock dont Hugh était fan. Si fan qu'il avait crié la plupart des paroles aussi fort que les chanteurs. Il avait même quelques fois fait valser la voiture aux rythmes des différentes musiques. J'étais donc restée somnolente tout au long sans pouvoir réellement m'endormir avec ce bruit mais j'avais au moins bien ris grâce à ces interprétations débordantes de passion.

- Ne t'inquiètes pas Joy, on y est dans 5 min ! m'assura Oli, du siège avant. Tu vas pouvoir te reposer.

- Et repose-toi bien, ce soir on sort ! intervint son copain.

- Mais n'importe quoi chéri, où veux-tu qu'on aille ? On est dans un trou perdu.

Je me mis à rire, confirmant les pensées d'Olivia par le biais d'un regard sur les champs qui bordaient la route. Notre ville n'était déjà pas très grande mais depuis que nous l'avions quitté, pour nous enfoncer dans les recoins les plus inconnus de la région, il ne me semblait avoir vu personne. Mis à part quelques paysans au travail.

- Restons à la maison ce soir, on peut sortir demain, proposa Caleb. Il y aura sans doute plus de choses un soir de weekend.

- Un petit bingo, ironisa Oli que je voyais sourire à travers le rétroviseur central. Je suis sûre que Hugh perdrait même à ça !

Les deux meilleurs amis rirent de bon cœur tandis que le concerné, lui, protesta et tapa la cuisse de sa copine - qui avait d'ailleurs étendu ses jambes sur lui depuis le début du trajet. Cette scène me fit sourire ; ces deux-là étaient tout de même particuliers. Ils n'étaient pas très démonstratifs comme la plupart des couples au lycée mais leur amour semblait bien dépasser tout cela. Il y avait un détail que j'admirais chez Olivia, mais aussi chez Hugh finalement c'était leur manière de ne pas tellement se soucier des autres et du regard que l'on pouvait leur porter. Ils n'avaient pas l'air de se compliquer la vie avec des tonnes de questions, de remords et autres sentiments comme je le faisais moi. En ça, ils avaient quelque chose d'apaisant ; la vie paraissait simple à leurs côtés. 

- Et je serai dans l'équipe de Joyce ! affirma le garçon aux dreads.

Quoi ? Quelle équipe ? Je lançai un regard perdu à Caleb assis à ma droite ; ce dernier secoua la tête puis m'expliqua que Hugh souhaitait faire des jeux de carte dans la soirée.

- Pourquoi pas des jeux individuels ? avançai-je pour l'embêter.

- Sérieusement ? Tu me délaisses à ton tour ? 

- Tu pourras nous montrer tes capacités, continua Caleb avec un grand sourire.

Parmi nos rires, j'entendis Hugh râler dans son coin : « Je vous hais, sales moldus... » et je ne fus pas la seule à le percevoir car les rires redoublèrent d'intensité. Puis il annonça que nous étions arrivés en garant sa voiture dans le jardin d'une maison archaïque. Une grande maison en pierre blanche qui s'étalait en longueur ; tout le terrain de la propriété n'était pas petit non plus. C'était vraiment un coin retiré, il n'y avait que trois maisons autour et elles semblaient être aussi vides que celle-là. Mais j'aimais cela.

Olivia me fit rapidement le tour de la maison puis arrivée à la chambre que nous allions occupés Caleb et moi, elle ferma la porte derrière nous. Elle pencha la tête sur le côté tout en me contemplant de ses prunelles attristées. Je n'aimais pas non plus la moue qui déformait sa bouche. Je n'aimais pas la quelconque émotion qui devait la traverser à ce moment car elle se rapprochait un peu trop de la pitié.

- Comment ça va ? 

- Ça va comme d'habitude, je présume ! souris-je.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé cette nuit pour que tu partes ainsi ? s'étonna-t-elle.

Je roulai des yeux et m'avançai dans la pièce, ressentant le besoin de m'éloigner d'elle afin d'échapper à ses yeux. J'avais l'impression qu'elle tentait de me déchiffrer et c'était déstabilisant. 

- Caleb vous dit tout ?!

- Pratiquement, grimaça-t-elle, mais il est assez perdu. Il a besoin d'en parler pour être capable de faire ce qu'il faut par la suite. En revanche il ne nous a pas dit la raison pour laquelle il a dû aller te chercher à des kilomètres d'Angleton, à 5 heures du matin...

- Mon frère s'est comporté bizarrement, lâchai-je, je voulais juste m'éloigner alors j'ai marché sans vraiment réfléchir.

J'attrapai les draps qu'elle m'avait donné précédemment et commençai à faire le lit en sachant que son regard pesait toujours sur moi. Je n'avais pas grand chose de plus à lui dire, je ne voulais pas qu'elle connaisse le geste de Nathanael... Je me rendais compte comme c'était gênant à présent. Ce n'était pas normal. C'était malsain. Et si je ne le comprenais pas alors les autres non plus.

- Je vais te laisser, tu dois être crevée et agacée par mes questions.

Elle me tourna le dos, attrapa la poignée de la porte et je m'empressai d'avouer :

- Un peu. Mais tu sais, même si ces questions sont énervantes, y'a quand même une partie de nous qui est contente qu'on nous les pose. Autrement, ça voudrait dire que personne ne s'inquiète pour nous.

- Ou que personne n'a le courage de les poser.

- Merci de le faire en tout cas, glissai-je en me retournant à mon tour. Je sais que tu as été celle à avoir des soupçons, merci de ne pas avoir fermé les yeux dessus - même si c'était ce que je souhaitais au début, c'était pas forcément la solution.

Étrangement, elle se mit à ricaner et souffla tendrement.

- Je sais ce que Caleb te trouve, allégua-t-elle avec une certaine fierté.

Je me tournai dans sa direction, interpellée, prête à lui demander davantage d'informations mais je constatai avec dépit qu'elle était déjà partie. Je n'avais pas vraiment le courage de la poursuivre alors je me contentai de m'allonger sur le matelas. Toute la fatigue accumulée me retomba dessus et j'eus même du mal à sortir mon portable de ma poche. Il n'était que 17h35, j'avais bien quelques heures pour reposer. Réellement me reposer, sans craindre une soudaine apparition de Nathanael.

Une douce sensation m'emportait avec lenteur. En fermant les yeux, je revis mon frère déposer sa tête contre mon épaule... « Je ferai toujours tout ce qui est de mon possible pour te ramener à moi... » ; sa voix avait été bredouillante, fragile. Et je n'arrivais pas à saisir la signification explicite de ses mots. 

Que prévoyait-il de faire, cette fois ?

***

Nous étions le lendemain soir, il était plus de 22 heures et nous étions dans le jardin plongés dans une musique entraînante. Plus tôt, nous étions partis voir en ville mais il n'y avait évidemment rien eu... Quelques bars ouverts mais peu comblées et à mon plus grand bonheur, nous avions décidés de rentrer. Hugh avait ensuite eu envie de faire un barbecue ; je me retrouvais donc à écouter ses conseils sur la cuisson d'un steak tandis qu'Olivia lisait plus loin et que Caleb, dans la maison, se faisait sermonner par son père au téléphone.

- Tu sais que c'est tout un métier ! 

Il affirma cela en retournant rapidement les viandes sur les grilles puis il rassembla ses dreadlocks afin de les attacher en désordre. Soudain son regard surprit le mien, je le détournai alors et contemplai plutôt les flammes qui vivaient dans le brasero. Nathanael... Je ne savais pas ce qu'il trouvait de fascinant au feu car je le trouvais, moi, inquiétant. C'était finalement le seul élément de la nature qui ne procurait que du danger ; le feu n'était bon qu'à détruire. 

- A quoi tu penses ? quémanda Hugh en me donnant un léger coup de coude.

- Mon frère... Je ne peux pas m'en empêcher en voyant du feu, c'est un peu ce qu'il est... soufflai-je.

- Comme un Power Ranger Feu ?

Je l'observai, incrédule face à une telle comparaison, puis me laissai vaincre par les rires. Lui ne souriait pas, plus sérieux même qu'auparavant. Je souris tout en glissant :

- Oui si tu veux...

- Dans ce cas, tu dois probablement savoir que le feu est le plus dangereux mais aussi le plus fragile. Tu pourrais être le Power Ranger Eau, ou Terre pour le détruire ou tu pourrais être le Vent mais tu ne ferais que raviver sa flamme. 

Je me mis à nouveau à rire mais de nervosité cette fois-ci. Je n'étais pas certaine de savoir là où il voulait en venir. 

- Je ne suis pas très forte en métaphore Hugh ! 

- Moi non plus, rigola-t-il fortement, mais penses-y. 

Il mit la fin à la discussion ici et m'adressa un mouvement de tête en direction de Oli. Ou plutôt de Caleb qui venait de revenir parmi nous avec visage fermé. Nous l'entendîmes lancer une moquerie à sa meilleure amie avant de se poser plus loin, seul avec sa bière. Il n'avait pas l'air d'aller très mal, habitué par l'attitude de son père mais ça ne voulait pas dire que ça ne l'atteignait pas pour autant. 

- Tu ne veux pas aller te poser gentiment contre lui et le réconforter ? dit-il en haussant un sourcil mesquin.

- Tu ne veux pas laisser tomber le barbecue et aller tenir compagnie à ta copine ? soulignai-je.

- Oh non, règle d'or : ne jamais la déranger quand est en train de lire. Par contre je sais que ce garçon là-bas meurt d'envie qu'on le prenne dans ses bras. Laisse moi te montrer !

Je le regardai, avec totale désapprobation, essuyer ses mains sales sur son jean à l'instar d'un enfant puis se diriger vers son ami basané. Ce dernier était si occupé sur son portable - comme souvent - qu'il ne remarqua pas Hugh approcher par derrière ; il eût un léger mouvement de recul lorsqu'il sentit des bras entourer son cou mais il ne protesta pas. Et dire que l'on s'imaginait souvent les footballeurs comme des gros durs, eux deux étaient tout l'inverse. 

Hugh dit quelques mots à Caleb, lui tapa l'épaule puis se retira pour retrouver sa place derrière le barbecue. Face à mon regard éberlué, il se contenta de ricaner et de continuer à cuisiner. Mon attention s'orienta ensuite vers Caleb qui me fixait aussi ; il me sourit et me fit signe de le rejoindre. 

Je partis m'asseoir près de lui et il me raconta rapidement que son père l'avait menacé de le faire virer de l'équipe de football car il ne méritait pas sa place. « Un vrai joueur ne rate pas deux entraînements pour partir en weekend. Et un jeune qui veut réussir ses études ne se permet pas de rater un jour de cours » avait-t-il dit mot à mot. Et je m'étais sentie mal pour lui car il avait des personnes qui comptaient sur lui et sur lesquelles il pouvait compter mais il les décevait à cause de moi ce soir. J'étais un cas perdu ; lui ne l'était pas. J'avais l'impression de ne l'entraîner que vers le bas et de ne rien lui apporter de bon concrètement. 

Cependant la petite partie égoïste qui existait en moi chassa très vite cette idée de ma tête ; je profitai alors de la compagnie des trois spécimens. La soirée se déroula merveilleusement bien et ne nous cédâmes à la fatigue qu'aux alentours de 3 h. Avant de m'endormir, je constatai qu'ayant laissé mon portable dans la chambre j'avais raté plusieurs appels de Nathan. Tant mieux car je n'aurais pas été capable de choisir de répondre ou non.

*** 

Le lendemain en début d'après-midi alors que j'étais en train d'émerger de mon sommeil, seule dans le lit, mon portable se mit à vibrer pour me rappeler les messages vocaux non écoutés.  Je soufflai toutefois le saisis sur la table de chevet et me mis sur ma messagerie. Les deux messages dataient de la veille, à des heures différentes :

Le premier datait de 23 heures « Joyce, réponds-moi s'il-te-plaît... T'es partie et je sais pas où. Je voudrais te parler, rappelle-moi. ». Sa voix était basse, calme... éteinte. Triste et hésitante. Il avait l'air si perdu, lui qui m'avait pourtant laissé partir.

Le second avait été laissé à peine une heure plus tard et celui-ci me rendit mal aussitôt que je perçus des sortes de reniflements camouflés « Pourquoi tu ne réponds pas ? Il est tard, tu ne vas pas rentrer ? ». Il y eût un silence pendant lequel il souffla fortement avant de rependre : « Est-ce... est-ce que tu es partie Joy, comme tu l'as dit ? ». Le deuxième silence me détruit davantage car il fût déchiré par un sanglot « Je suis désolé. Désolé d'avoir appe- » et il avait coupé avant même d'avoir terminé son mot.

Aussitôt je tentai de le joindre mais il ne répondit pas, ni au premier appel ni au cinquième. Peut-être était-il occupé... Au moins, il saurait que je ne le laissais pas totalement tomber ; je voulais toujours être là pour lui car même si j'étais triste, en colère, même si j'étais découragée, je souhaitais toujours qu'il aille mieux. Seulement, je ne voyais plus que faire mis à part le faire réagir en m'éloignant.

*** 

Mais sans doute l'avais-je trop fait réagir car lorsque j'étais rentrée à la maison Dimanche soir, Nathanael n'était pas là. Et une semaine plus tard, il ne l'était toujours pas. Ma mère avait affirmé avoir profité de mon absence pour partir avec Sam qu'elle voyait toujours ;  Preston, lui, ne l'avait plus vu depuis qu'il était venu chez nous lors de ma dernière agression alors Caleb et moi étions les seuls à l'avoir vu en dernier. Sa chambre semblait complète, il n'avait pas l'air d'avoir emporté des vêtements ou alors peu, c'était davantage inquiétant. J'étais pourtant la seule à être soucieuse de son absence... Mes parents, eux, affirmaient que c'était tout à fait son genre et qu'il devait être avec ses amis. Et Caleb ne comprenait pas pourquoi je m'acharnais tant à le chercher, causant plusieurs disputes entre nous. J'avais l'impression d'être retournée à mon stade de départ, celui de solitude, celui où personne n'était capable de me comprendre.

Comprendre que même s'il m'avait fait énormément souffrir, même si sa manière à lui de m'aimer était malsaine, mon frère était tout de même la personne à laquelle je tenais le plus. Je ne voulais pas qu'il lui arrive quelque chose, je ne voulais pas qu'il soit malheureux et je voulais encore moins vivre sans lui. 

Des coups successifs cognèrent contre la porte d'entrée, je m'empressai d'aller ouvrir, curieuse. Je découvris avec stupeur la métisse qui servait de copine à Nate en ce moment. La fille de Sam aussi, entre autre. Vanessa. Si elle venait chercher son père, il n'était pas là. Mais quelque chose dans l'expression de visage me montra ensuite que c'était bien plus que cela... 

- Qu'est-ce qu'il s'est passé avec Nathan ? demanda-t-elle précipitamment.

- Comment ça ?

Elle parût énervée par ma remarque et souffla avant de continuer à toute vitesse : 

- Samedi dernier, il m'a envoyé un message pour me dire qu'il devait partir parce que ce n'était pas à toi de le faire. J'ai essayé d'en savoir plus mais il ne m'a pas répondu et maintenant ça fait une semaine que je n'ai plus de nouvelles. C'est quoi le bordel ? Qu'est-ce que tu lui as fait ?

Il devait partir parce que ce n'était pas à toi de le faire.... Ces mots rentrèrent d'abord innocemment dans mon cerveau puis ils firent très vite tourner mon esprit dans tous les sens. Nathanael qui partait ? Ce n'était pas bon, pas bon du tout. 

- Partir ? Mais partir où putain ? m'affolai-je choquée.

Je réalisai que m'en aller loin de lui avait été une solution de facilité, j'avais fui. Je l'avais abandonné. Je le revoyais sur le perron détruit à l'idée de me voir partir, je le voyais rentrer dans notre maison déserte. Je sentais ses bras se défaire de mon emprise. Je réentendais ses paroles : et je les assimilai dorénavant comme un « À bientôt ! », un « Attends-moi.» surtout. Car ce n'était pas moi qu'il avait laissé partir ce jour là, c'était lui-même. Mais dans quel but ?

« Je ferai toujours tout ce qui est de mon possible pour te ramener à moi... Tout, Joy. » 

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Helloooooooo ! Encore une fois, je vous présente mes excuses pour cette attente... Le chapitre était censé être plus long mais comme je vous ai assez fait attendre j'ai décidé de vous le poster tel quel. En finissant avec ma manière préférée hehe, j'espère que vous ne me détestez pas :p 

J'ai hâte d'avoir vos avis sur tout ce chapitre, vos hypothèses peut-être sur l'absence de Nath ? Je sais pas, ce que vous voulez ! Je serai juste contente de vous lire. Merci à vous de continuer d'être là malgré le temps que je prends à poster. 

Bye ! 

Ps : On m'a récemment demandé de mettre le titre des chansons ou l'auteur des phrases présentes en début de chapitre donc je le ferai prochainement. Celle d'aujourd'hui provient de la chanson " Drugstore perfume " de Gerard Way - j'y ai juste enlevé un mot pour que ça colle au contexte ( je sais c'est pas bien ). Voilaaaaaa

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