Chapitre 21
« I couldn't save you no matter how much I want to. »
Mon frère m'embrassait. Mon frère... Nathanael !
Ses lèvres devenaient plus sauvages, plus entreprenantes, tandis qu'il se pressait davantage contre moi sans délicatesse. Ses doigts appuyaient fortement ma mâchoire et me provoquaient une douleur insoutenable. Mais rien n'était pire que ses lèvres qui, à chaque fois qu'elles capturaient les miennes me tuaient un peu plus. D'abord, ça avait été la surprise puis quand je réalisais ce que mon frère me faisait subir, alors ce fût du dégoût. Je détestais sentir la chaleur de sa bouche contre la mienne et la manière dont il m'embrassait comme si j'étais l'amour de sa vie qu'il retrouvait depuis longtemps, c'était dérangeant. Ce n'était pas normal.
Au moment où je le sentis reculer un peu, j'en profitai pour ressaisir la batte qui n'avait pas quitté ma main, me décalait sur le côté à toute vitesse et levai ma nouvelle arme de défense dans le but de le faire dégager d'ici. Je voulais qu'il se sente aussi mal que moi, qu'il en ait mal à l'estomac, que son cœur cesse de battre. Mais après avoir levé les yeux sur lui, je ne pus poursuivre mon geste car je vis son air dépité. Je vis qu'il était bien trop occupé à réprimer ses sanglots pour me défier du regard cette fois-ci. Et ce qu'il y avait de plus effrayant à ce moment, c'était que je semblais découvrir, pour la toute première fois, le vrai Nathanael. Un être perdu dans ses propres sentiments, désarmé et fragile. Mais malgré tout, je lui en voulais de m'entraîner dans son désespoir... Je peinais à comprendre ce qu'il venait tout juste de se passer. Et si mon cœur ne battait toujours pas au ralenti comme s'il avait été pétrifié pendant un moment, j'aurais cru avoir rêvé ce moment. Une idée commençait à germer dans mon esprit mais je refusais de penser ça. Ça ne pouvait pas être ça, il n'avait pas le droit. Je préférais encore qu'il me déteste plutôt qu'il m'aime de cette manière. Pourtant, je nous revoyais dans la chambre à Madagascar, lorsqu'il était venu me réconforter et qu'il m'avait dit ces mots : « Je t'aime » et suivi de « Plus que tu ne peux l'imaginer ». Non, ce n'était pas ça...
Je lâchai soudainement la batte, qui tomba alors au sol dans un bruit désagréable. Alerté, Nathan posa ses yeux baignés de larmes sur moi et je regardai immédiatement ailleurs. Je n'étais pas capable de le regarder, d'affronter sa peine. L'air de cette chambre ne me paraissait plus suffisant, je devais sortir immédiatement. Sans réfléchir une seule seconde de plus, je voulus contourner mon frère mais celui tendit le bras vers moi, me faisant faire un énorme bond en arrière. Comme je le vis du coin de l’œil se mettre de côté, je quittai la chambre à toute vitesse et m'en allais totalement de la maison - qui était d'ailleurs vide. Je pensais que mon père se trouvait en bas depuis tout ce temps mais il n'y était pas, ma mère non plus, toutefois même si ils y avaient été, ils ne m'auraient pas sauvé de ce moment. Ce moment étrange, indescriptible...
J'avais besoin de prendre l'air... Marcher. Je ne connaissais pas vraiment ma destination, j'avais juste envie de m'éloigner de cette maison qui contenait toutes mes plus grandes souffrances, aussi physiques que mentales. Je m'en fichais de me retrouver toute seule à 22h passées dans notre campagne perdue car de toute manière il n'y avait pas plus grand danger que celui qui se trouvait chez moi. Alors, en colère je me m'en allai sans même choisir un chemin précis. Je me laissai guider par mes pas tremblants. Bien que je manquais de tomber à chaque fois que mes pieds rencontraient le sol, je ne m'arrêtai pas. J'adorais la manière dont le léger vent qui s'était emparé de la ville s'infiltrait à travers mes cheveux mouillés pour les faire voleter, et dont il apaisait mon corps tendu.
Chaque pas me menait un peu plus loin de lui et mon esprit se vidait doucement...
***
J'avais continué de marcher pendant une durée indéterminée sans savoir quel chemin je prenais. Je me souvenais seulement avoir longé une longue route, puis avoir pris plusieurs sentiers avant de retomber aux bords d'une route entourée de champs. J'avais traversé des endroits plus ou moins éclairés mais tout le reste de mon trajet s'était fait dans la nuit si bien que d'une quelconque manière j'avais fini par atteindre une sorte de lac artificiel. Je ne saurais dire depuis combien de temps j'y étais car mes repères étaient quelques peu brouillés mais depuis assez longtemps pour être assaillie par des tonnes et des tonnes de souvenirs. Des souvenirs qui m'avaient rappelé que Nathanael n'avait pas toujours été si méchant... Sa violence s'était faite plus fréquente et plus puissante au cours des années.
~ J'essayais tant bien que mal de suivre Preston et Nathanael qui avançaient à toute allure devant moi sans se soucier de savoir si j'étais toujours derrière eux. Puis, les grosses roches branlantes semblaient ne faire trébucher que moi car de leur côté, ils marchaient avec aisance et gardaient leur équilibre malgré les grosses caisses de bière qu'ils transportaient. Je ne comprenais toujours pas pourquoi mon frère avait insisté pour que je vienne avec lui et ses amis à la crique... Je me sentais à part, du haut de mes 14 ans face à ces mecs plus âgés. Il ne voulait même pas que je parle à l'un d'eux, j'étais juste autorisée à me baigner loin.
Mon pied glissa entre deux rochers et je tombai sur le côté, criant sous la douleur provoquée dans ma cheville. Je rechignai alors que Nathan se retournait, chargeait Preston de sa boîte et revenait vers moi. Son meilleur ami nous regarda un instant puis s'en alla en direction du lac, là où leur groupe avait pris place depuis des heures maintenant.
- J'aurais dû rester à la maison ! râlai-je.
- Parce que tu ne sais pas marcher correctement ? m'attaqua-t-il. Ouais t'aurais mieux fait.
- Tu m'as obligé, Nate.
Il se contenta de sourire face à mes mots puis se pencha vers moi afin d'attraper mes mains et de me tirer vers le haut. Je réussis à retirer mon pied coincé et le posai à terre en grimaçant. Je gardai mes mains cramponnés aux biceps de mon frère pour prendre appui mais regrettai aussitôt quand je vis son regard sombre m'observer. Il tira rapidement sur mon débardeur posé sur mon épaule avant de me le poser contre ma poitrine.
- Remets ton haut, ordonna-t-il.
- Je vais aller me baigner et il fait chaud !
- Tu l’enlèveras avant d'entrer dans l'eau alors, remets-le.
Je soufflai mais obéis tout de même pour ne pas l'énerver davantage. Il était bien trop protecteur que ça en devenait incompréhensible et paradoxal en sachant qu'il m'avait emmené ici. Il ne voulait pas que les garçons me regardent mais m'amenait à une fête remplie d'adolescents en chaleur !
- Et arrête de parler avec Tom, continua-t-il en se retournant.
Je commençai à marcher mais il m'était impossible d'appuyer sur mon pied sans qu'un horrible élancement se réveille. Me voyant boiter vers lui, Nathan finit par glisser son bras autour de ma taille et j'eus carrément l'impression qu'il me portait totalement tant son emprise était forte.
- C'est lui qui vient me parler, murmurai-je à propos de son ami qui ne me lâchait pas malgré les menaces de Nathan.
- Alors cesse de répondre.
Je lui jetai un regard noir auquel il répondit par un sourire d'abord mesquin puis un ricanement. Nous continuâmes notre trajet en silence, écoutant distraitement les cris, la musique et divers bruits qui résonnaient à travers tout le lieu. Quand nous arrivâmes sur la rive, à quelques pas du feu allumé, alors que je m'attendais à ce qu'il m'abandonne là, il se tourna plutôt vers moi. Il me désigna l'étendu d'eau.
- Garde ton pied dans l'eau pendant un moment, me prescrit-il.
- Tu fais ça pour me tenir éloigner de quelqu'un ?
Il roula des yeux tout en faisant mine de rigoler. Il posa ensuite ses mains sur mes épaules et me tourna vers la rivière.
- Fais ce que je te dis, Joy.
Il émit une dernière pression sur mes épaules avant de retourner auprès de ses amis. Je n'avais pas vraiment mieux à faire alors je me contentai de m’exécuter et en fus soulagée lorsque la froideur de l'eau apaisa ma cheville douloureuse. ~
Plus tard, j'avais découvert qu'il m'avait uniquement supporté à ses côtés ce soir là pour me tenir éloigné de mon père qui était de passage. Ça avait été son idée mais aussi celle de ma mère et je me souvenais qu'après l'avoir su je ne lui en avais voulu qu'à moitié. Car malgré tout, la soirée s'était révélée amusante finalement. C'était dorénavant un des rares souvenirs heureux que je gardais de lui.
~ Alors que j'étais en train d'observer, avec effroi, les amis de Nate qui jouaient dangereusement autour du feu - un peu trop saouls pour s'en apercevoir, je sentis une main froide m'attraper les tibias et la seconde d'après, ce fut tout mon corps qui plongea dans l'étendue noire. Dans l'eau, je sentis un corps se coller au mien puis une emprise autour de mon poignet dorénavant qui m'entraînait plus loin.
Au moment où je commençais à paniquer car je manquais d'air, nous refîmes surface près de ce qui me semblait être une barque. Le rivage au bord duquel j'étais assise plus tôt me semblait à des centaines de mètres.
- Maintenant on va monter là-dedans et on attend ! s'exclama mon grand frère, en face de moi.
- On attend quoi ?
Il ne me répondit pas, occupé à grimper aisément dans la barque - qu'il avait récupéré où et comment d'ailleurs ? Je cherchai pas plus à comprendre, habituée, et attrapai la main forte qu'il me tendait. Quand je fus assise sur un des planches en bois, il me balança une serviette ainsi qu'un de ses t-shirts horribles et bien trop grands pour moi. Occupé à repousser ses cheveux trempés en arrière, il m'observa en même temps.
- C'est la meilleure partie de la soirée, celle où t'enfiles une tenue convenable ! affirma-t-il avec un sourire niais.
- Nathan...
Il me jeta un regard surpris et innocentà la fois.
- Quoi ? T'es trop jeune pour montrer tes seins c'est tout !
- Ah parce qu'il y a un âge ? Lequel ? rigolai-je face à ses conneries.
- Celui que tu n'atteindras jamais.
Je levai les yeux au ciel tandis qu'il s'esclaffait franchement, se moquant sans doute de mon air dépité. Quand tout à coup, il y eût une détonation semblable à l'éclat d'un pétard puis des cris et de la fumée près de son groupe d'amis. Nathan lâcha un ricanement sec avant de secouer la tête.
- Ça, c'était supposé être un feu d'artifice mais j'ai des amis incompétents.
- Qui se ressemble, s'assemble... glissai-je avec un hochement d'épaules.
- Hi-la-rant.
Je rigolai tout de même, surtout dans le but de l'embêter. Il se mit alors à balancer la barque de gauche à droite, de plus en plus vite et fort nous menaçant ainsi de nous mettre à l'eau tous les deux. Je m'accrochai au bord d'une main, de l'autre je saisis la pagaie posée près de moi et je la tendis vers Nathan, posant l’extrémité contre son torse nu.
- Oh oh, tu veux jouer à ça ! avança-t-il. ~
S'en était suivie une longue bataille que nous avions tous deux perdus, finissant encore à l'eau. De cette soirée là, je retenais son sourire que j'adorais par dessus tout. Et son rire... Ce rire spécial me revenait en mémoire et continuait de se prolonger dans mon esprit. Mais en repensant au matin, à la manière dont il m'avait frappé à nouveau, le regard haineux qu'il avait posé sur moi et les mots abjectes qu'il m'avait adressé quelques heures plus tôt, je ressentis un pincement au cœur. Et un vide. Un grand manque du Nathanael qu'il m'avait été permis de voir quelques fois. Cependant je me rendais compte au fur et à mesure qu'aucun de ses comportements n'avait été réel. Tous mis en avant pour cacher ses sentiments.
Je n'étais pas sûre de pouvoir endurer, ni même de pouvoir comprendre le vrai Nathanael...
***
La brume qui accompagnait l'aube me tira de mes pensées et me fit réaliser que j'avais passé toute la nuit dans cet endroit inhabité. Je me redressai engourdie, me demandant ce que je devais faire maintenant. Je retournai en arrière, trouvai finalement la route et la remontai au pas de charge jusqu'à trouver, non loin, la station d'accueil qui indiquait « Harris Reservoir ».
J'eus du mal à convaincre le vieux monsieur assis dans la cabine de me laisser utiliser son téléphone mais après avoir expliqué que j'étais totalement perdue, il m'accorda finalement quelques minutes. Automatiquement et puisque c'était le seul numéro que je connaissais par cœur, j'essayai de joindre Caleb. Mais il ne répondit pas aux deux premiers appels... Il était à peine 5h30 du matin, il devait encore dormir.
- Allez... soufflai-je sous l’œil insistant de l'homme aigri.
Je m'apprêtai à raccrocher à la troisième tonalité quand la voix endormie de mon copain résonna à travers le combiné. Il y avait une sorte de panique dans sa voix que je n'avais jamais entendu jusque là.
« Allô... ?! »
« Hey, je suis dé... »
« Joy ! » s'écria-t-il soudainement sans me laisser finir. « Où tu es ? J'ai essayé de te joindre toute la soirée ! D'où est-ce que tu m'appelles, c'est quoi ce numéro ? »
« Tu pourrais venir me chercher, s'il te plaît ? » dis-je la voix nouée.
Je me mis à pleurer silencieusement en prenant conscience de ma situation. J'étais partie comme ça la veille, sans réfléchir, jusqu'à atterrir ici. Tout ça pour aller le plus loin possible de mon frère. J'avais enfin fait ce dont je rêvais depuis mais qui m'effrayait trop avant car j'avais peur des représailles. Toutefois la peur ne me paralysait plus, elle me poussait vers l'avant... Et j'étais sûre que si je n'avais pas été en pleine nuit, que je n'avais pas été si vite fatiguée, j'aurais continuer de marcher.
« Oui, oui... Où tu es ? » souffla Caleb alors que j'entendais ses mouvements.
« Au Harris Reservoir. »
« Quoi ? C'est où ça ? C'est loin de la ville ?»
« Je ne sais pas, je ne me souviens plus comment je suis venue. Je suis à l'accueil là...»
« Bon... je vais bien trouver, j'arrive. Attends moi où tu es. »
Je remerciai une fois de plus le monsieur qui osa enfin me demander si j'allais bien puis sortis après lui avoir balancé une réponse rassurante. Je remarquai non loin de là, un pont en bois qui s'avançait sur l'eau et qui s'arrêtait seulement à plusieurs longs mètres. Je n'étais pas sûre de pouvoir y aller cependant n'ayant rien de mieux à faire, je m'y dirigeai tout de même.
***
Un long moment plus tard, j'entendis une vibration briser le calme dans lequel j'avais baigné depuis des heures. Des pneus crissèrent contre le sentier derrière moi alors je me tournai légèrement. J'aperçus Caleb garer sa moto, en descendre le plus rapidement possible et se diriger ensuite vers moi sans que je n'eus besoin de me manifester. Une pauvre fille sur un pont, ça se voyait à des kilomètres sans doute...
En le voyant se rapprocher de plus en plus, je ressentis une grande délivrance comme si sa seule présence suffisait à m'enlever le poids qui pesait sur mes épaules depuis la veille. Et je compris ce sentiment étrange quand, en face de lui, je m'empressais de l'embrasser. J'avais besoin de mon copain, de celui qui était en position de m'embrasser, celui qui en avait le droit. J'avais surtout besoin de me séparer de la sensation de mon frère contre moi ; je voulais supprimer cette image horrible.
Mais, ça ne fonctionnait pas. Car à la place des mains de Caleb posées sur mes hanches, je sentais la pression des doigts de mon frère contre mes joues. Je ressentais à nouveau la douleur que m'avaient procuré ses ongles plantés dans ma chair et du dégoût qui m'avait envahi lorsque ses lèvres humides m'avaient attaqué. Je me retirais brutalement alors de ses bras et prise de vertige, je m'assis prudemment sur les planches en bois abîmées.
Il avait réussi non seulement à me dégoûter de lui mais aussi de moi-même. Cette pensée suffit à m'arracher une multitude de sanglots incontrôlables... « Ton corps ne lui appartient pas » , « Tu n'es pas un objet sans valeur Joyce » m'avait dit Hugh et il avait raison, je m'étais abandonnée moi-même. Si bien que Nathan avait fini par poser propriété sur moi ; il me frappait, m'insultait, et maintenant m'embrassait comme il le voulait. J'étais aussi malade que lui de l'avoir laissé faire depuis tout ce temps. J'avais toujours pensé que je regretterais de ne pas lui avoir laissé une chance supplémentaire cependant je constatais que mon plus grand regret était de lui en avoir donné une de trop - même plusieurs.
- Aide-moi s'il-te-plaît... suppliai-je Caleb qui prenait place en face de moi.
Ses jambes entourèrent mon corps de part et d'autre et ses bras se refermèrent sur moi avec tendresse. Il ne m'était jamais venu à l'idée de me tourner vers lui mais à présent, ça me semblait évident. Il m'apportait le calme, l'apaisement, la douceur qui me manquaient dans ma vie. Et même si je me sentais toujours seule malgré sa présence et celle de ses deux amis, je savais au moins qu'ils étaient à mes côtés. Je ne voulais pas qu'ils me portent, je ne voulais pas être un fardeau - non, je voulais qu'ils marchent avec moi.
- Tu dois te calmer d'abord, me répétait en boucle mon copain, calme-toi.
- Non, tu ne... tu ne comprends pas. Tu dois m'enlever... ce... tu dois faire quelque chose pour le faire partir.
Ma vue était trouble à cause de mes larmes abondantes mais à travers ma panique, j'arrivais tout de même à sentir la sienne. Ses yeux arrondis me sondaient avec rapidité, inspectant probablement chaque parcelle de peau à la recherche du moindre détail. Ses doigts continuaient de caresser mes joues froides tandis qu'il n'arrêtait de me susurrer des mots rassurants. Moi, je ne souhaitais plus l'entendre, je voulais juste qu'on remette les choses en place. Nathanael était mon frère. Caleb mon copain, il était le seul à pouvoir m'embrasser.
J'entourai son cou de mes bras frêles et plaquai mes lèvres contre les siennes charnues. Il répondit timidement d'abord puis me ramena contre lui à l'aide de son bras. Comprenant que sa présence physique m'était apaisante, il m'embrassa avec plus d'ardeur puis me serra contre lui. Je me réchauffai un peu dans ses bras, c'était une douce sensation. Il reprit ensuite d'une petite voix, comme par peur de briser le calme :
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Tu veux bien me le dire, maintenant ?
J’acquiesçai car maintenant il devait tout savoir. Et peut-être lui serait-il capable de comprendre, de remettre mes idées en place et de m'aider. Je gardai ma tête collée contre son torse et me lançai d'une traite, le regrettant aussitôt :
- Il m'a embrassé.
Il se retira immédiatement de moi. Ses mains, posées sur mes épaules, me tenaient à distance tandis que ses yeux me scannaient pour tenter de discerner un quelconque mensonge. Je pouvais aussi voir comme il semblait confus, m'avait-il compris ?
- J'ai pas bien entendu...
- Si Caleb. Je sais pas trop ce qu'il y avait hier soir, il était dans ma chambre. Et je pensais qu'il voulait à nouveau s'en prendre à moi, et je lui ai balancé tout ce que je pensais, racontai-je en tremblant fortement. Puis... Il... Il m'a emb-embrassé.
Ses mains me lâchèrent immédiatement et retrouvèrent son visage béat. Il resta d'éternelles secondes à fixer le pont et sa réaction me refit inconsciemment pleurer. J'étais totalement perdue... Mon frère était instable, je voulais me persuader que ce baiser sauvage ne signifiait rien du tout pourtant plus j'y pensais, plus je remarquais que ça collait avec tout son comportement.
- J'aimerais dire que je comprends, que c'est pas grave mais ça me dégoûte tellement ! avançai-je face au silence de Caleb. J'arrive pas à passer au-dessus de ça, je ne pense même pas que ce soit possible de le faire...
- Il n'y a rien de plus à comprendre Joy, ton frère est un dégénéré, un taré, un mec avec des soucis psychologiques, tout ce que tu veux ! Il mérite uniquement d'aller chez les fous ! dit-il d'une voix forte et déterminée. Et on va faire en sorte que ça se passe ainsi.
***
Après avoir pris une douche régénérante, je revins dans la chambre de Caleb et vis qu'il était toujours assis à son bureau avec un air sérieux. Il était plus de 10h pourtant il était toujours là, refusant catégoriquement d'aller en cours depuis qu'il m'avait rejoint ce matin. Nous étions restés observer le lever du soleil, l'un contre l'autre, plongés dans nos pensées puis il avait décidé de me ramener chez lui pour que je puisse me reposer et évidemment rester loin de mon frère.
- Tu es sûr que tu ne veux pas y aller ? lui demandai-je pour la énième fois.
- Certain. En plus, je crois que j'ai une raison de rester avec toi ! affirma-t-il en levant son téléphone.
Je m'avançai, intriguée, pour voir la discussion qu'il voulait me montrer. Lorsque je fus près de lui je sentis son bras entourer ma taille et me faire tomber doucement contre ses genoux, sur lesquels je me détendais tout de suite. C'était toujours troublant de recevoir tant de tendresse de sa part mais il se pouvait que je finisse très vite par m'y habituer tant j'en avais besoin.
Il plaça son portable dans ma main puis glissa sa tête dans mon cou et referma ses bras autour de moi d'une manière si protectrice que j'en eus des frissons. Je fermai les yeux un moment tout en me blottissant davantage contre son torse. Puis je me focalisai à nouveau sur l'écran lumineux... Des messages échangés entre Caleb et mon... père ?
Les tous premiers avaient été envoyés vers 2h du matin, mon père demandait principalement à mon copain de lui dire s'il avait de mes nouvelles. Et ceci me fit rouler des yeux car ainsi l'on pouvait croire qu'il se souciait vraiment de moi. Pour me chercher, il était peut-être là... Mais quand son malade mental de fils me frappait ou pire, m'embrassait, alors il n'y avait plus personne. Les messages suivants dataient de ce matin très tôt, Caleb informait mon père qu'il était avec moi et que tout allait bien et le dernier venait de mon père qui demandait à me voir à 12h, avant qu'il ne parte prendre son avion. J'avais oublié qu'il repartait aujourd'hui...
- Je n'ai pas tellement envie de le voir, là... avouai-je à voix basse.
- Joy, tu devrais aller lui dire au revoir. Et on va prendre tes affaires, tu vas venir ici pendant un temps.
- Je ne sais pas si...
M'arrêtant dans mon élan, il me tourna légèrement afin de partager un regard avec moi.
- Tu vas dire que tu ne veux pas déranger et non, je te le dis : tu ne vas pas déranger. J'expliquerai à ma mère que tu dois t'éloigner de ta famille, elle n'aura pas du mal à me croire après l’événement d'hier matin.
- Et ton père ? Il va me détester, soufflai-je avec désespoir, je ramène que des problèmes.
- Il n'en saura rien, il n'est pas là du week-end.
Je hochai seulement la tête et continuai de regarder le message de mon père. Caleb avait raison... Je devais aller le voir, l'éviter ne servait de toute façon à rien. Cependant ce que je redoutais au fond en retournant chez moi, c'était de tomber sur Nathanael et de devoir l'affronter. J'envoyai alors un message pour informer mon père que je ne viendrais qu'en l'absence de Nathan. Il répondit immédiatement, m'assurant qu'il était seul à la maison à m'attendre. Je n'avais plus vraiment le choix alors.
Nous restâmes un petit moment ensemble, retardant les événements dramatiques. Nous nous en allâmes chez moi, une heure plus tard, sans jamais trop se presser et lorsque nous entrâmes dans la maison, mon père courût presque vers moi avec une inquiétude qui m'agaçait.
- Où étais-tu cette nuit ?
- Chez une amie, ma meilleure amie ! assura Caleb d'un ton calme.
Je tournai la tête vers lui, surprise de l'entendre mentir. Je ne compris pas pourquoi d'abord puis en voyant le visage de mon père s'apaiser à ce mensonge, la raison fût claire. Il était trop bienveillant contrairement à moi qui, maintenant, m'en fichait de faire de la peine à mon père. Il me laissait souffrir depuis des années alors une nuit de soit disante frayeur n'allait pas le tuer.
- J'avais peur que tu ne reviennes pas avant mon départ, me dit-il en m'attirant dans un câlin.
- Et bien, je suis là... alléguai-je. Tu pars dans combien de temps ?
- Dans une demi-heure, je dois être parti pour Houston.
J’acquiesçai silencieusement et me retirai de ses bras sans paraître brusque. Il se tourna ensuite vers Caleb puis lui serra la main. Il nous entraîna ensuite sur le canapé alors que son visage avait repris un air grave.
- On devrait avoir des nouvelles pour ta garde dans les 15 prochains jours mais quoiqu'il arrive, ça ne s'appliquerait qu'à la fin de l'année scolaire pour te permettre de finir.
- Mon année est déjà fichue, ricanai-je.
Il ne sut que répondre, se réduisit alors au silence. Je voulus profiter de l'occasion pour m’éclipser mais à peine fus-je levée qu'il me retint, la main fermement posée autour de mon poignet. Je me tournai vers lui avec lassitude tandis qu'il semblait réellement furieux.
- Pourquoi tu es partie comme ça ? Sans prendre ton portable ? Sans prévenir ? ajouta-t-il au fur et à mesure.
- Vous m'avez laissé seule avec Nathan hier soir alors qu'il m'avait frappé le matin même... Tu t'en fous tellement papa, pourquoi je te dirais quoique ce soit ?
Il se redressa sur le champ dès que j'avais osé cassé son image de père parfait. J'avais l'impression qu'il voulait persuader les autres mais aussi lui-même qu'il agissait correctement, qu'il faisait tout ce qui était en son possible et pouvait ainsi avoir la conscience tranquille. Partir alors qu'il m'avait promis de rester avec moi revenait à être aussi lâche que ma mère, aussi aveugle. Et surtout coupable. Ça les arrangeait tant tous les deux de ne pas être mêlés, de ne pas faire face à la colère de leur fils.
- J'ai voulu récupérer mes affaires pour justement rester ici, j'en avais pour une heure Joyce... Une heure !
- Et bien sache qu'il s'en passe des choses en une heure, crachai-je en m'éloignant de lui.
- Qu'est-ce qu'il a fait ?
Il m'avait demandé ça les dents serrés et attendait la réponse avec un regard apeuré, comme s'il redoutait quelque chose de pire que des coups... Un baiser peut-être ? Je ne savais pas si lui dire était utile... Il ne ferait rien de toute façon, il resterait impassible. J'essayais de peser le pour et le contre bien qu'au fond la décision était déjà prise :
- Puisque tu veux savoir : ton fils m'a embrassé.
- Non...
Son visage parut blanchir. Il lâcha doucement l'emprise autour de mon bras, posa une main sur sa bouche et se laissa tomber sur le canapé. Je ne comprenais vraiment plus rien... A sa manière de se comporter, on pouvait facilement comprendre qu'il s'était attendu à apprendre cette mauvaise nouvelle un jour. Que savait-il ? Pourquoi réagissait-il aussi mal que moi, plus désemparé qu'en colère ?
- Non, non, non... grognait-il en boucle.
J'allais ouvrir la bouche pour lui demander plus de détails quand il sauta sur ses pieds, me bouscula pour pouvoir passer et sortit de la maison à toute vitesse. Caleb me regarda de ses grands yeux noisettes, sans doute plus perdu que moi dans cette situation. Pourtant il fût le premier à réagir et à suivre mon père - qu'il se contenta d'observer de l'entrée. Avant qu'il ne me dise quoique ce soit, j'entendis quelques cris enragés venant de mon père suivis de bruits sourds. Puis, un claquement de portière.
- Je crois qu'il va partir, tu veux que je le rattrape ? me demanda Caleb, devenu bienveillant.
- Laisse le partir... soupirai-je le cœur serré. Et partons aussi.
Il hocha la tête. Je le rejoignis et me tournai vers les escaliers alors que la peur reprenait peu à peu possession de mon corps. L'étage représentait mon enfer, le lieu où j'avais vécu mes pires moments. Mais au moins mon bourreau n'était pas là et je n'étais pas seule. J'attrapai maladroitement la main de Caleb ou plutôt son pouce, m'y cramponnai de toutes mes forces et me lançai avec un mauvais pressentiment.
Je posai un pied sur la première marche et m'apprêtai à monter la deuxième quand une silhouette apparut en haut des escaliers. Elle descendit à toute vitesse ; je reculai instantanément, me cognant contre le torse de mon copain. Ce fût bel et bien Nathanael qui se pointa face à nous, le visage rouge et un regard décontenancé. Ses cheveux étaient répartis en bataille sur sa tête. Mais malgré ces détails, il n'exprimait aucune émotion. Ni colère, ni frustration, ni peine... Juste un air neutre.
- Joy, tu ét-
Mon frère n'eût pas le temps de terminer sa phrase car Caleb qui s'était élancé sur lui dès son arrivée, venait de lui donner un coup de poing dans la mâchoire. Nathanael tituba sur quelques pas avant de se reprendre rapidement et de repousser mon copain, le bloquant facilement contre le mur.
- C'est quoi ton problème ? s'écria-t-il.
- C'est toi ! C'est toi mon problème ! hurla Caleb, hors de lui.
Il se jeta encore sur Nathan, le fit cette fois tomber contre les marches d'escaliers et lui asséna quelques coups de plus. Je ne ressentais rien. Je ne pouvais dire que j'étais contente de voir se dérouler ce dont j'avais toujours rêvé : être vengée, mais je n'étais pas non plus peinée d'assister au passage à tabac de mon frère. J'avais le cœur qui s'affolait mais ce n'était que de la peur, pour Caleb ou pour moi-même.
- Ne t'avise plus de la toucher, ni même de l'approcher !
- C'est ma sœur ! répliqua Nate en se battant à son tour.
Le bronzé s'éloigna à l'aide de quelques nouveaux coups puis me rejoignit, le visage fermé, et pointa mon frère du doigt.
- Ta sœur... Justement, taré.
Caleb attrapa ma main, me tira vers les escaliers et au passage, chassa Nathan qui resta immobile et silencieux. Une fois dans ma chambre, je me dépêchai de rassembler le minimum d'affaire... Je voulais sortir de cette pièce qui me dérangeait à présent et de cette maison détentrice de tous mes plus grands malheurs. Je voulais arrêter de courir de partout pour fuir, il fallait que je me pose dans un endroit dans lequel je me sentais en sécurité. Un endroit où je me sentais bien, là où je pouvais me reposer sans avoir la crainte de voir débarquer Nathanael.
- Désolé pour les coups à ton frère, c'est pas mon genre habituellement mais j'en avais tellement envie, admit Caleb avec un petit sourire.
Je souris à mon tour. Je savais parfaitement ce qu'il ressentait étant donné que j'étais dans le même cas, j'avais toujours voulu me défendre par moi-même, me défouler sur lui par le biais de la force toutefois je n'en étais pas capable. Face à lui, ma force était réduite à néant.
- J'ai fini, déclarai-je en fermant mon sac.
Je pris une grande inspiration, rassemblant tout le courage possible pour affronter mon frère une deuxième fois et nous descendîmes à l'entrée. Nathanael était toujours là, appuyé contre la rambarde, avec des yeux brillants d'une singulière lueur. Il se redressa lorsqu'il nous vit arriver mais j'essayais de l'ignorer, malgré les battements de mon cœur qui me prouvaient que c'était bien impossible.
Je me précipitai sur la porte dans le but de détruire cette impression d'étouffer. Mais au moment où j'ouvris la porte, prête à en finir vite, la voix de Nathan m'interpella. A multiples reprises. Toutefois je continuai de jouer la carte de l'ignorance car après ce qu'il s'était passé la veille, je considérais qu'il n'y avait plus grand chose à dire. Aucun de ses mots ne pourraient expliquer, ni pardonner son comportement étrange... Sa bipolarité et son ambiguïté. Je n'avais plus envie de subir son personnage du pauvre petit Nathan qui souffre.
- Joyce, tu peux au moins me donner une minute ?
Caleb me jeta un regard incompréhensible puis observa mon frère avant de poser la main sur la sangle de mon sac, attendant mon accord pour me laisser.
- M'ignore pas comme ça, supplia-t-il d'une voix rauque.
Je laissai mon sac dans la main de mon copain, qui recula ensuite de quelques ridicules pas, et me retournai vers mon frère. Il se tenait en haut des quelques marches du perron, me surplombait de sa taille comme il l'avait toujours fait et me détaillait de ses émeraudes. Il passa une main dans ses cheveux, les tirant au passage sous la nervosité évidente puis fit un pas vers moi.
- Écoute... Je..., commença-t-il à balbutier. J'ai agis comme un con. Je... j'aurais pas dû et je sais pas... je sais pas ce qu'il m'a...
Il s'arrêta tout seul de parler prenant conscience que ses mots n'avaient aucun sens et il reprit d'une voix plus basse mais toujours tendue :
- Depuis quand est-ce qu'il est devenu ton petit protecteur ? Joy, tu me tournes le dos pour aller avec lui, c'est ça ?
Je restai muette bien que j'avais des tonnes de choses à dire. Encore une fois tout tournait autour de son monde. Selon lui, il n'y avait que deux côtés, le sien contre les autres et j'étais évidemment obligée de choisir le sien. Je ne me trouvais ni dans le camp de mon père, ni dans le sien, mais dans le mien à présent. Et je voulais lui faire savoir.
- Tu ne peux pas ! beugla-t-il soudainement me faisant sursauter.
- Oh si je peux ! rétorquai-je. Je ne t'appartiens pas, désolée si tu as pu penser ça toutes ces années mais c'est faux. Il faut que ça te rentre dans la tête !
Une chaleur inconnue me poussait à parler, à continuer de vider mon coeur. En lui disant, j'avais cette impression là de partager ma douleur, de la répartir un peu sur lui, de l'atteindre un tant soit peu. Alors, je ne pris pas en compte ma tristesse et ne laissai parler que ma haine :
- J'avais raison, il n'y a plus rien de bon en toi... Le pire dans tout ça, Nate, c'est que je préférais largement que tu me frappes plutôt que tu recommences que ce que tu as fait hier soir. Je veux plus jamais que tu t'approches de moi.
Il y eût un silence pesant. Nathanael eût l'air de prendre un choc, celui de mes mots, car il se recula quelque peu. Ses yeux ne me fixaient plus du tout, plantés lâchement sur le sol. Et ses épaules s'étaient affaissées comme s'il finissait, lui aussi, par laisser tomber. J'avais beau essayer de me tenir fière, de faire l'indifférente ; sa réaction me touchait tout de même en plein cœur.
- Cette nuit, je suis partie à des kilomètres mais je suis sûre qu'un jour je partirai plus loin. Juste pour ne plus être avec toi, terminai-je.
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/!\ Important : concernant le dernier chapitre ou même cette histoire, je tiens à dire que je suis consciente que ça puisse choquer certaines personnes. Ce n'est pas anodin ! Mais je voulais aussi bien souligner le fait que je ne PRONE pas l'inceste, je ne fais qu'ABORDER ce sujet - sur lequel j'ai fait de multiples recherches pour ne pas plonger en terre inconnue.
Enfin bon, là chapitre particulier, assez centré sur l'incompréhension de Joyce. Je ne sais pas trop comment est censé réagir une personne quand son frère l'embrasse, j'ai juste tenu compte de la personnalité du personnage etc. Un autre petit point qui me dérange c'est que Caleb finit par ressembler au garçon compréhensif, aimable de toutes les histoires ( le Garrett d'OTW quoi ) et je sais pas, je peux rien y faire parce que je l'imagine comme ça. Bref, ça change rien au déroulement de l'histoire de toute manière. Aussi, je m'excuse encore & encore pour le temps que je mets publier mais je veux prendre mon temps pour écrire cette histoire, plutôt dure.
J'espère que ça vous a plu... J'attends vos avis comme d'habitude ! :D
Bye
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