Chapitre 18
« But just because it burns doesn't mean you're gonna die. »
- Je dois parler à ton frère.
Nate me lança un regard sombre puis l'envoya à mon copain et sourit d'un air mauvais. Adieu ! Il quitta son endroit précieux - le canapé pour faire quelques pas vers nous. Instinctivement, je vins me coller à Caleb. Malgré le fait que je lui reprochais d'être venu, de n'en faire qu'à sa tête, je ne pouvais que m'inquiéter pour lui à ce moment. Il ne savait pas que chacun de ses mots auraient un impact.
- Laisse-moi deviner, débuta immédiatement Nathanael, tu viens présenter tes excuses pour ton comportement de con auprès de ma sœur ?
Caleb fronça les sourcils et parut ne pas du tout apprécier la remarque. D'un geste irréfléchi, il passa un doigt sur son arcade encore marquée par une cicatrice. Il n'avait jamais réellement apprécié mon frère, le trouvant trop impliqué dans ma vie personnelle ; dorénavant il n'était pas prêt d'oublier la bagarre qu'ils avaient eu récemment. Ou plutôt l'attaque soudaine de Nathan chez lui. Et quelque part cela prouvait combien il tenait assez à moi pour pouvoir mettre cette rancune là de côté et venir parler à mon frère.
- Je n'ai pas d'excuses à te faire à toi, annonça-t-il d'une voix droite qui me surprit. Je ne suis pas là pour ça de toute manière !
- Pourquoi alors ?
La tête de Nathan se pencha légèrement sur le côté comme s'il était enfin interpellé par l'arrivée de Caleb. Ce dernier jeta quelques coups d'œil autour de lui tout en s'assurant :
- Nous sommes seuls ?
Nathanael hocha la tête puis se dirigea à nouveau vers le canapé. Une fois assis, il nous fit signe de venir aussi ce que nous fîmes, moi suivant Caleb d'un pas lent. J'avais envie de le prendre par la main afin de le traîner hors de cette maison, loin du danger mais pourtant je m'assis tout de même à sa gauche sans exprimer quoique ce soit. Il posa automatiquement sa main sur mon genou et je perçus le regard sombre de mon frère y traîner un peu trop longtemps. Quand il releva les yeux vers nous, j'eus l'impression qu'il se retenait de s'en prendre à Caleb ou même à moi. La tension tendait donc à son maximum entre les deux garçons qui se supportaient à peine et les mots de Caleb qui tardaient à venir.
- Bon, tu te lances ? Nous serons plus seuls dans quelques temps, s'impatienta Nathanael.
- Ouais... bon... hésita Caleb en frottant sa main moite contre ma jambe.
Il risqua un regard vers moi, me scanna de ses yeux ronds puis souffla fortement.
- J'ai vu les bleus et les cicatrices sur son corps.
Les lèvres de mon frère s'entrouvrirent d'abord avant de se retrouver pincées entre ses dents, sa main massa sa mâchoire comme si elle eût été soudainement douloureuse sous la colère.
- Et comment ? T'es en train de me dire que tu l'as vu sans vêtements, s'énerva-t-il.
- Écoutes, là n'est pas la question ! Il m'a fallu du temps pour remarquer qu'elle allait mal et maintenant que je le sais, je voudrais comprendre.
Toute l'attention était à présent sur moi car Nathanael me fixait de ses yeux menaçants et Caleb, qui ne savait pas que rajouter, avait suivi son regard. Comme si j'étais finalement la clé de la réponse alors qu'en réalité il n'y avait rien que je puisse dire ou faire qui changerait quelque chose. Le maître c'était Nathan et ça le resterait jusqu'à ce qu'il y mette lui même fin - ce qui n'arriverait jamais.
Puis tout à coup mon copain tourna la tête vers mon grand frère.
- Et tu m'as l'air bien au courant de ce qu'il se passe, pourquoi tu ne fais rien pour la défendre ? fulmina-t-il. Quand il s'agit de venir me péter la gueule, tu es là mais pour tenir tête à votre père, tu ne le fais pas...
L'expression de Nathan changea d'une manière brutale que je fus seule à percevoir sans doute. S'il avait cru avoir été démasqué au début, ce n'était plus le cas à présent. Je ne savais pas pourquoi ils suspectaient tous immédiatement mon père, sans même penser à ma mère ou... mon frère qui avait bien le comportement d'un dérangé. Pourquoi ne voyaient-ils pas plus loin que les apparences et les faux semblants ? Je ne m'en plaignais pas pour autant car s'ils le découvraient j'étais foutue mais tout de même, les gens étaient bien aveugles.
- Tu ne sais pas de quoi tu parles, l'interrompit le réel coupable.
- Non justement, c'est pourquoi je suis là. Pourquoi tu ne fais rien ?
- Je ne savais pas encore comment agir mais ça arrive, il faut juste être patient. Il n'est pas du genre à laisser tomber rapidement, il veut même avoir Joyce sous sa responsabilité !
Quel comédien ! Il venait de prendre son air triste et concerné, ce rôle qu'il tenait si parfaitement que Caleb n'y vit que du feu.
- Quoi ? Non ! récria ce dernier. C'est pas possible !
- Je me charge de ça.
Il s'en chargeait effectivement mais non pour les mêmes motivations et à présent, je craignais le pire. La situation était en train de se retourner mais non comme je l'aurais voulu, comme je l'avais imaginé depuis longtemps.
- Tu comprends maintenant pourquoi je suis si protecteur avec elle ? prétendit Nathan. Notre père lui fait déjà assez de mal pour que son putain de copain en rajoute. Compris ?
- La prochaine fois, tu te contenteras de parler au lieu de débarquer chez moi à 6h du mat' comme un taré. Compris ? appuya-t-il en reprenant son mot.
En l'espace d'une demi-seconde, Nathanael se pencha vers Caleb et lui empoigna brutalement le col du t-shirt, rapprochant ainsi son visage du sien. Mon copain essaya de se défaire de sa poigne mais toutes ses tentatives furent vaines ; il finit alors par abandonner.
- Il n'y aura pas de prochaine fois car tu vas traiter ma sœur correctement. Et si cette prochaine fois dont tu parles arrive quand même malgré mes avertissements, alors ce sera à moi de décider comment je réagirais et uniquement à moi.
Il eût tout juste le temps de terminer sa phrase qu'on entendit le bruit d'une clé tournant la serrure. Nathanael repoussa alors Caleb sans y mettre trop de force et lui jeta un dernier regard amer avant de se réinstaller dans le canapé et de nous ignorer tous les deux. Mais son calme ne fut que de courte durée car lorsqu'il reconnut, tout comme moi, la voix de mon père mélangée à celle de ma mère, il se redressa immédiatement.
En voyant mon père se présenter à l'entrée, Caleb se leva en même temps que mon frère. Ils partagèrent un regard à l'instar de deux amis qui concluent un pacte. Je me mis aussi sur mes pieds, passant automatiquement mon bras autour de celui de Caleb. Après la confrontation avec Nathanael, je priais dorénavant pour qu'il ne réagisse pas mal face à mon géniteur. Qu'il rencontrait officiellement pour la première fois !
- Oh tiens Caleb, je me disais bien avoir vu ta moto à quelques pas d'ici ! Tu aurais pu la mettre dans l'allée, s'exclama ma mère d'une manière distante mais polie.
- Je ne voulais pas déranger.
- Vous êtes venus tous les deux ? me demanda-t-elle ensuite.
- Non. Je ne suis pas remontée sur sa moto, si c'est ce que tu veux savoir ! rétorquai-je.
- Pas sur celle-là en tout cas ! ricana Nathanael dans notre dos, fier de sa blague tordue.
Je me plaquai la main contre le visage, ayant envie de disparaître tandis que Caleb à ma droite, gigotait tout autant mal à l'aise que moi. Mon frère venait clairement de nous ridiculiser devant mes parents avec son stupide sous-entendu.
- Oh c'est bon, nous sommes entre adultes on peut bien rire ! Et puis je suis bien placé pour savoir que cette famille est très ouverte...
Je le regardai par dessus mon épaule et vit qu'il fixait toujours mon père, souriant de son rictus mauvais. Mon père parut pâlir quelque peu mais masqua le tout en une irritation :
- On se passera de tout autre commentaire inutile.
- Bon, me balbutia finalement Caleb, je vais y aller !
J'acquiesçai sans ajouter un mot de plus. Nous avançâmes vers mes parents pour atteindre l'entrée mais surtout la porte ; vite que Caleb s'en aille ! Il ne devait pas rester plus longtemps en présence de mon frère et mon père. Toutefois, celui-ci nous interpella quand nous le contournâmes d'un pas rapide.
- Caleb, tu t'enfuis déjà ? Nous n'avons même pas eu le temps de faire connaissance, s'étonna-t-il.
- Avec tout mon respect monsieur, je n'ai pas très envie de vous connaître, déclara le concerné en ouvrant la porte.
J'entendis les éclats de rire de Nathanael qui était visiblement très heureux de voir mon père en cette position mais je les coupai, en claquant la porte derrière nous. Caleb me fit face arborant toujours son air désolé mélangé à présent à une inquiétude.
- Je pensais que ton père était chez lui...
- Il est venu quelques jours pour voir son avocat, faire les papiers etc, l'informai-je d'une voix neutre.
- Tu veux venir chez moi ? Au moins pour ce soir ? proposa-t-il.
- Je pense que je devrais rester, il est sans doute là pour nous parler.
- Mais... Je n'aime pas te savoir avec lui ! Tu pourrais venir après ? Dis-moi quand tu as finis de dîner et je viens te chercher.
Il passa un bras autour de ma taille et m'attira contre lui, gardant ses yeux dans les miens. Sa main libre passa sous mes cheveux pour se poser contre ma joue, qu'il caressa doucement. Je baissai la tête, gênée par toute cette attention qu'il ne me donnait pas avant.
- Caleb tu n'as pas besoin d'être autant sur mon dos, je me débrouille ok ?
- J'essaye de t'aider là ! s'exclama-t-il en s'éloignant d'un pas. Pendant combien de temps tu vas encore m'en vouloir ? Je me suis excusé d'avoir été si direct, je me suis excusé de ne pas avoir compris plus tôt, pourquoi tu veux pas de mon aide ? Tu ne veux pas te sortir de ce bordel ?
- Si mais... ce n'est pas possible. J'aimerais que tu comprennes ça et que tu le respectes enfin, soufflai-je.
Il me tourna le dos pendant quelques secondes avant de me regarder à nouveau, affichant un visage dépité. Il était aussi désespéré que moi, bloqué dans une situation qu'il ne pouvait contrôler.
- Arrête d'être aussi fataliste Joyce, tu t'en sortiras !
- Tu ne m'écoutes pas, m'égosillai-je. Vous ne m'écoutez pas ! C'est quelque chose qui me dépasse, une situation de laquelle je ne peux me sortir, pourquoi crois-tu que ça dure depuis des années ? J'ai fait des efforts, j'ai essayé de trouver des solutions et quoique je fasse ça finit par me retomber dessus d'accord ? Tout est trop compliqué ! J'en suis venu à ne même plus me comprendre moi-même.
- Alors t'abandonnes ? Juste comme ça, juste parce que c'est "trop compliqué" ? haussa-t-il aussi le ton.
- Tu ne... débutai-je avant qu'il me coupe.
- Je ne comprends pas, ouais c'est ça. Ça j'ai saisis, tu me l'as assez répété.
Il termina la discussion sur ces mots, s'en allant tout de suite après. Je l'observai regagner sa moto et l'enjamber en un mouvement. Il enfila rapidement son casque sur sa tête sans prendre la peine de l'attacher, démarra et fila au bout de la rue qui baignait déjà dans le rosée du soleil couchant.
Je m'assis à même le sol, sur les planches en bois de mon perron prenant un temps pour réfléchir et ne me sentant absolument pas prête pour affronter un autre moment mouvementé à l'intérieur. Il avait peut-être raison... sous un semblant d'efforts j'avais fini par abandonné. Et je ne voulais même plus essayer de sauver Nathanael, je me laissais couler... plutôt brûler avec lui car c'était le choix de facilité. C'était lâche et même si je commençais à le regretter je ne savais pas si je pouvais vraiment m'en sortir à présent. J'avais fait passer Nathanael avant moi, me retirant toute importance. Mon amour pour mon frère était plus grand que ma propre vie... Quelque part j'avais conscience que ce n'était pas normal, que ce n'était pas sain, mais je ne pouvais m'empêcher de ressentir autrement.
Après un moment, l'un d'eux finit par remarquer mon absence trop longue et il sortit de la maison. Je le vis à la lumière qui se projeta sur le sol à l'ouverture de la porte. Je me doutais que c'était soit Nathanael, soit mon père étant donné que ma mère ne gâcherait pas son temps à venir me voir et à me parler.
- Je suis persuadé que mon canapé est bien plus confortable que le perron, lança une voix grave d'un ton léger.
Il attendit que je réponde mais rien ne vint. Face à mon silence, il me rejoignit alors d'un pas qui se voulait rassurant. Nathanael prit place à mes côtés et commença à tâter le bois de ses mains avec un sourire d'enfant.
- Je le conçois, c'est pas si mal !
Comme j'étais occupée à le contempler, je fus surprise lorsqu'il posa ses émeraudes sur moi. Lorsque ses yeux s'accrochèrent aux miens d'une manière automatique et surtout lorsque ses lèvres se déformèrent tendrement en un plus grand sourire. Comment faisait-il pour être si menaçant puis rassurant l'instant d'après ? Détaché et attentionné à la fois ? Brutal et doux ? Il savait jouer avec cette ambivalence, il se servait d'une personnalité au moment où il fallait. Et les instants où j'étais au plus bas, comme à présent, il arrivait toujours et me montrait qu'il était toujours là pour moi. Toujours là pour soigner les blessures qu'il m'avait lui même infligé.
- Tu es toujours de mon côté alors ? s'assura-t-il.
Je secouai la tête de haut en bas d'un geste lent puis fixai le sol.
- Tu es la meilleure, me confia-t-il à l'oreille d'une voix extrêmement basse.
Je haussai les épaules me persuadant silencieusement de ne pas tomber dans ses compliments superficiels. Compliments qu'il ne pensait même pas véritablement. Je ne voulais pas le croire pourtant ses mots continuaient de se répéter sans cesse dans mon esprit. Sa voix, son souffle... Sa présence, là, tout près de moi.
Il pivota mon visage vers lui avec le revers de sa main puis ses doigts glissèrent contre ma mâchoire puis son index caressa ma lèvre inférieure avec une lenteur extrême. Il retira une mèche de mes cheveux qui s'y était coincée, justifiant quelque peu son geste. Je m'attendis à ce qu'il éloigne maintenant ses doigts mais il les fit s'éterniser... La situation devint de plus en plus étrange, je ressentais l'envie de me lever cependant mon corps ne répondait pas. Comme si mon inconscient qui appréciait ce moment me poussait à rester.
Ses yeux verts se détachèrent des miens au ralenti pour se focaliser sur mes lèvres, accompagnant sa caresse. Ses sourcils se froncèrent, ses doigts qui se firent plus pressants glissèrent à nouveau contre ma mâchoire avant de quitter totalement ma peau.
- Rentrons, décida-t-il sans plus aucune délicatesse. Le dîner est prêt et Kenneth a quelque chose à nous dire.
Il sauta sur ses pieds et se dépêcha de regagner la maison. Je soufflai une fois pour toute, tentant de m'encourager, puis partit retrouver ma "famille". Nathanael se trouvait debout à l'entrée de la cuisine tandis que mes parents avaient déjà pris place à table, côte à côté. C'était étrange de voir une assiette de plus, davantage quand c'était mon père qui s'y trouvait. Le voir là aux côtés de ma mère je l'avais espéré étant petite mais je n'aurais jamais imaginé que la seule fois où ils arrivaient à être ensemble c'était pour se disputer ma garde.
- Vous allez nous parler tout de suite ou vous comptez garder ça pour le dessert ? cracha mon frère.
- Contente-toi de t'asseoir s'il-te-plaît, glissa ma mère en évitant son regard.
- Toi me donne pas d'ordres. Maintenant que Kenneth est là, tu reprends ton rôle de mère histoire de garder le peu de dignité qu'il te reste ? Je te signale que c'est inutile, tu n'en as plus depuis des années.
- Nathan, tu cesses ! intervint mon père sur le champ.
Ma mère tenta de masquer la souffrance qui traversa son visage et se leva soudainement, s'affairant à des choses insensées. Et Nathanael, qui n'aimait pas du tout la manière dont venait de lui parler notre père, s'avança vers lui à grandes enjambées.
- Ferme là toi aussi ! Tu devrais déjà m'être reconnaissant de t'accepter ici alors ne la ramène pas.
- Dois-je te rappeler que cette maison m'appartient encore ? souleva notre père. Si je veux aller et venir, je le fais. Maintenant je te demande d'arrêter de faire l'adolescent capricieux et de t'asseoir pour qu'on puisse manger !
- Je t'emmerde, lâcha-t-il en tirant tout de même une chaise.
Il se laissa lourdement tomber dessus et poussa la table violemment jusqu'à ce que le bord cogne le torse de mon père. Ils se regardèrent pendant d'interminables secondes. Enfin, mon géniteur avec un calme incroyable remit la table à sa place.
- Joyce, tu viens ? m'invita-t-il.
Contrairement à mon frère, j'obéis sans contester. Après tout il était là pour nous parler et je mourrais d'envie de savoir ce que c'était. Je fus à peine assise à côté de Nathan qu'il posa son bras sur le dossier de ma chaise me rapprochant par la même occasion. Je décidai de ne pas relever ce geste par peur de déclencher une nouvelle altercation et j'observai plutôt ma mère qui amenait les plats à table.
Ce n'était qu'à base de légumes, respectant pour une fois mon végétarisme. Nate n'avait finalement pas tort, elle reprenait son rôle de mère pour paraître bien devant mon père. Le regard baissé, elle s'assit à son tour autour de la table.
- Je vais pas manger cette merde, déclara Nathan, finissons-en !
- T'es vraiment invivable... répondit évidemment son ennemi.
- Pardon ? T'étais en train de parler de toi ? Non parce que je ne t'écoutais déjà plus.
- Tu veux la nouvelle ? Eh bien nous allons vous la donner et je crois que tu arrêteras vraiment de jouer au plus malin.
Mon géniteur se pencha en dessous de la table, attrapa sa mallette et la posa brutalement contre l'assiette qui lui était destinée. Il en sortit un bon nombre de fiches et plaqua les deux premières en face de Nathanael et moi. On se pencha tous les deux, commençant à lire mais les mots étaient trop juridiques et indiquaient trop d'informations que nous n'étions pas en mesure de comprendre. J'avais cependant noté le sigle du Gulf Coast Center un centre médical d'Angleton spécialisé en maladies mentales, en addiction et divers problèmes.
- Vous ne comprenez pas hein ? reprit celui qui maîtrisait la situation pour le moment. Pour faire simple, la première feuille indique que la demande de garde de Joyce a été faite et que je suis favorable de l'avoir. La deuxième signe ton entrée en centre psychiatrique Nathan.
Une minute de silence plana dans la pièce puis fût brisée par le bruit que fit le poing de mon frère en cognant la table. Il attrapa le papier le concernant et le broya de ses doigts sans quitter des yeux l'homme qui commençait à rendre sa vie difficile.
- Je n'irai pas.
- Tu n'as plus vraiment le choix, c'est ça ou je porte plainte contre toi, l'informa mon père.
- Je n'irai pas dans ce putain d'endroit ! gronda-t-il. Je ne suis pas fou, allez tous vous faire foutre ! Porte plainte vas-y sale connard, t'as toujours voulu que j'aille mourir en taule alors vas-y fais le.
La tournure que prenait ce moment ne me plaisait pas du tout. La haine grandissait à chaque seconde et il avait très vite atteint un niveau que je n'avais encore jamais vu chez lui, moi qui pensais pourtant avoir connu la plus grande de ses colères. Il se leva brutalement et emporté, il souleva les bords de la table pour la renverser en un mouvement sur mes parents. La plupart des couverts tombèrent et se brisèrent au contact du sol dans un bruit assourdissant. Mon père eût le réflexe d'éloigner ma mère qui, elle, resta tétanisée dans un coin de la cuisine. Pour ma part, j'avais tout juste eu le temps de me coller contre le mur pour éviter la fureur de Nathanael.
- Je n'irai pas ! hurlait-il en boucle.
Il prit sa tête dans ses mains et la serra de toute sa force faisant aussitôt rougir sa peau pâle. Il faisait tout pour se contenir, il en faisait même tant qu'il avait l'air d'en souffrir. Et cette image me faisait de la peine plus que celle de ma mère en train de pleurer au fond, ou encore celle de mon père qui restait immobile dans les débris de verre. Immobile pendant quelques minutes puis il se décida à se décaler et à contourner la table pour venir auprès de mon grand frère.
- Si tu iras car c'est exactement ce genre de réaction que tu dois arrêter d'avoir, avança-t-il d'une voix ferme. Et tu dois arrêter de déverser ta colère sur les autres, spécialement sur ta sœur.
- Je devrais la déverser sur toi ! Tu préfères ?
Il plaqua ses mains contre le torse de notre père et le poussa vivement. L'action se passa en une fraction de seconde : mon père surpris, perdit l'équilibre et tomba à la renverse sur le bord de la table. Il lâcha un terrible gémissement de douleur que Nathan ignora royalement. Je ne pourrais même pas vraiment dire si c'était lui à cet instant, car hors de lui, il n'était devenu qu'un homme prêt à accomplir sa vengeance. Il le redressa et l'aplatit contre un meuble faisant trembler tous les autres de la cuisine.
- Tu m'as déjà tout pris papa, qu'est-ce que tu veux de plus ? aboya-t-il avec une voix si puissante qu'elle me donna des frissons.
Ses mains se serraient de plus en plus autour du cou de son ennemi juré alors qu'il le cognait encore contre le placard. Mon père avait aussi posé ses mains sur celles de son fils, essayant de se défaire de sa poigne mais il commençait doucement à perdre du souffle. J'étais tellement effrayée mais je ne pouvais rester sans rien faire ; quelque part je sentais que Nathanael était capable d'aller plus loin que les limites si personne ne l'arrêtait.
Avec une once de bon sens, j'envoyai un message à son meilleur ami, Preston, en lui demandant de venir immédiatement. Il serait probablement le seul à pouvoir le détourner de ce trop plein de rancœur qu'il voulait exprimer. Qu'ils aillent brûler des poubelles, des arbres ou même des bâtiments entiers ! je m'en fichais, je voulais seulement qu'il se calme.
Ensuite, je devais tout de même intervenir directement. C'était me jeter dans la gueule du loup mais ce n'était pas la première fois donc sans réfléchir un peu plus, je fonçai vers Nathanael. Je pouvais sentir mon cœur qui ralentissait doucement de battre sous la terreur mais qui à chaque battement semblait cogner ma cage thoracique. Je déglutis, entourai doucement l'avant-bras de mon frère avec mes mains et essayai de le tirer vers moi.
- S'il-te-plaît, Nathan... Arrête !
Mais il ne me sentait pas, il paraissait encore moins m'entendre. Mon père balbutiait quelques mots incompréhensibles et tapait à présent le torse de Nathanael qui n'avait plus bougé depuis. Il le fixait avec des yeux éteints ; c'était sans doute ce qu'il y avait de plus inquiétant. Je commençai réellement à paniquer, j'étais si impuissante !
- Je t'en supplie, lâche-le... pleurnichai-je en retenant mes larmes tant bien que mal. Nathanael, s'il-te-plaît, il ne respire plus !
A force d'émettre une pression sur son bras, il finit par lâcher mon père d'une main. Il approcha son visage puis sa bouche de son oreille alors que je le tenais toujours avec fermeté.
- C'est à mon tour de détruire ta vie, lui glissa-t-il. Bonne chance...
Il se recula, lui tapota le torse et échappa à mon emprise pour quitter la cuisine à toute vitesse me laissant dans un silence brisé de temps à autre par les pleurs de ma mère. Elle s'était contentée de pleurer sans pour autant réagir ! Aucun mot ne pouvait exprimer le sentiment qui naissait en moins. J'avais envie de suivre les traces de Nathan et de démolir tout sur mon passage mais à la différence de lui, je n'en étais pas capable car je préférais tout garder pour moi.
- Papa, tu vas bien ?
Il répondit positivement mais avait posé sa main dans son dos et grimaçait toujours.
- Je retourne sur Houston, tu devrais venir avec moi... Ne reste pas ici, me dit-il en m'entraînant dans l'entrée.
- Non, je vais... chez Caleb.
Il parût étonné de mon annonce comme si je venais de lui dire que je partais en voyage sur la Lune. Que préférait-il que je reste ici auprès d'une bombe à retardement ou que j'aille chez mon copain ?
- Ta mère te laisse dormir chez lui ?
Il regarda la concernée qui était encore sous le choc pour pouvoir suivre la conversation Elle contemplait les dégâts qui avaient détruits sa si précieuse cuisine... Restait focalisée dessus comme si tout le reste n'avait plus d'importance ou n'en avait jamais eu.
- Tu n'as pas une amie chez qui tu pourrais aller plutôt ?
- Papa, tu crois vraiment que c'est le moment ? Je n'ai pas d'amies et j'ai dit à Caleb que je viendrai le voir après le dîner.
- D'accord, concéda-t-il en un souffle. Va chercher des affaires, je t'y amène !
Je forçai un sourire pour le remercier avant de grimper les marches lentement, redoutant de croiser Nathan dans le couloir et de me retrouver seule face à lui. Je n'étais pas non plus motivée pour partir chez mon copain mais encore moins pour passer la soirée avec mon père, qui ferait de son mieux pour me convaincre que venir avec lui était la meilleure des choses.
Derrière moi, j'entendais sa voix qui s'adressait à ma mère s'assurant aimablement qu'elle allait bien. Elle semblait tant le détester tandis que lui, lui vouait toujours du respect et se préoccupait encore d'elle. Comment les deux membres de ma famille pouvaient-ils autant le haïr alors ?
Je réussis à entrer dans ma chambre sans faire de bruit et je battus sûrement le temps record des affaires fourrés dans un sac. Mes habits pour le lendemain, des produits indispensables pour sortir en public et quelques affaires de cours. Quand je sortis de ma chambre, j'entendis un cris provenir de celle de Nathanael et je m'arrêtai un instant. Je ne devais pas y aller... Preston serait bientôt là et saurait comment le remettre sur pieds, même sans connaître la véritable situation. Il comprenait mon frère sans avoir à être au courant de son secret ; bien qu'ils forment tous deux un duo étrange, j'étais tout de même contente qu'il soit là pour l'épauler.
Me ressaisissant j'informai Caleb de ma venue et retournai auprès de mon père.
- Tu es sûre que tu vas rester ? insista-t-il.
- Oui, oui il faut bien que je nettoie tout ce bazar de toute manière. D'ici là, il se sera calmé et sera probablement dehors.
- D'accord... Je préfère tout de même que Joyce ne reste pas là, elle.
- Tu as raison, admit-elle.
La conversation se termina là. Il la salua puis nous rejoignîmes la voiture de son ami. Une fois dedans, je lui indiquai notre destination puis tournai ma tête vers la fenêtre en espérant qu'il comprendrait que je ne voulais pas parler ! Surtout pas de ce qu'il venait de se passer, il n'y avait rien à dire. J'en avait trop sur le cœur pour pouvoir l'exprimer alors je le refoulais...
- Si ton frère va au centre, ils trouveront un moyen de l'aider eux, lança-t-il pourtant.
- Tu sais très bien qu'il n'ira pas, chuchotai-je.
Il répondit dans sa barbe, déjà perdu dans ses pensées. De mon côté, je répondis aux messages de Preston et à ceux de Caleb afin de ne pas me laisser submerger par mes émotions. Je me concentrai sur autre chose et ça me permettait de penser un peu mois à ma vie désastreuse.
Une dizaine minutes plus tard, nous étions devant la maison de Caleb ; je n'étais plus du tout certaine de vouloir y aller. Il n'y avait aucun endroit où je me sentais bien mais je devais avouer qu'avec lui c'était au moins plus paisible. J'étais égoïste de revenir vers lui quand j'en avais besoin mais il était la seule fréquentation que j'avais, le seul point d'ancrage à la réalité.
- Je repars Jeudi, m'annonça mon père, mais je viendrai te voir pendant ces 3 trois jours avant mon départ.
- Tiens moi au courant, conclus-je.
Je le laissai m'embrasser la tempe puis je sortis du véhicule. Je m'avançai doucement vers le perron et une fois que je fus devant la porte d'entrée, je pris quelques secondes avant de sonner. Toutes les lumières des pièces principales étaient allumées et une deuxième voiture se trouvait devant la maison ce qui me laissa tout bêtement comprendre qu'il n'était pas seul.
J'entendis du mouvement puis la porte s'ouvrit sur un Caleb en tenue décontractée, t-shirt froissé et jogging. J'eus l'impression d'être revenue en arrière, quelques mois auparavant lorsque nous venions tout juste de nous rencontrer et qu'il n'était qu'un adolescent qui se cherchait encore. Un qui était loin de se soucier de savoir si ses cheveux étaient bien mis, si ses habits convenaient et plaisaient tout autant à lui qu'aux autres. Un jeune homme simple qui avait été remplacé par un assez différent.
- Entre, m'invita-t-il en baissant le ton de sa voix.
Je me glissai dans l'entrée, percevant les voix qui provenaient du salon. Il se pencha dans ma direction, déposa ses lèvres au coin des miennes et ferma la porte en même temps. Une main dans mon cou, il m'embrassa à nouveau jusqu'à ce que je finisse par répondre à ses lèvres pressantes. Je le sentis sourire, fier de m'avoir eu puis il s'éloigna.
- Mes parents sont là ! Quand je leur ai dit que tu venais, ma mère a tellement insisté pour que je te présente à eux que tu ne peux y échapper.
- Quoi ? Non, j'étais pas au courant. Fallait me dire qu'ils étaient là Caleb, je ne serai pas venue...
- C'est justement pour ça que je ne te l'ai pas dit, rigola-t-il. Je sais que tu as l'impression de déranger et que tu as peur de les rencontrer mais ils ne vont pas te manger je t'assure.
- J'ai pas le choix, allons-y...
Il s'avança vers le salon après s'être emparé de ma main, m'amenant donc avec lui. Ses parents étaient tranquillement installés sur le canapé : son père, un homme costaud aux apparences égyptiennes, étaient en train de lire un journal ; sa mère, une femme quelconque aux cheveux châtains mal coiffés, était occupée à regarder la télévision. Elle avait l'air accueillante tandis que son père était tout l'inverse, ou alors ce n'était que les paroles de Hugh à son propos qui m'influençaient.
- Joyce est là, annonça Caleb.
Sans grande surprise de ma part, la mère quitta immédiatement son téléfilm pour venir me faire une accolade. Elle était sans doute plus démonstrative que son fils ! Cette pensée me fit sourire alors que je la saluais encore.
- Enchantée de faire enfin ta connaissance ! allégua-t-elle. Je savais que Cal fréquentait quelqu'un mais il n'a jamais voulu m'en dire plus. Alors que t'arrive-t-il pour que tu viennes à cette heure-ci ?
- Maman, il est à peine 21h ! grogna-t-il à ma droite. Et je t'ai déjà expliqué pourquoi elle venait.
Elle se lança dans tout un tas de phrases exclamatives, interrogatives sans même attendre qu'on lui réponde. Elle finit par demander si je restais dormir sous le regard fatigué mais amusé de son fils, qui lui répondit d'une voix lasse :
- Oui et avant que tu demandes, j'ai préparé ce qu'il lui faut.
- Et tu sais aussi que demain matin tu as entraînement très tôt ? intervint soudainement son père en ne relevant que maintenant sa tête du journal. Bonsoir Joyce, ravi de te rencontrer !
- De même pour moi, glissai-je d'une petite voix.
Son père avait en effet l'air sévère, enfin ce n'était plus qu'un air, il venait clairement de le prouver avec sa réplique qui passait bien avant ses salutations. Je devais pour lui n'être qu'une fille dépravée qui dérange son fils durant ses études, un danger qui pourrait le faire dériver de son parcours. C'était peut-être une des raisons pour laquelle j'avais été si secrète dans la vie de Caleb... Peut-être.
- Comme tous les mardi, je risque pas d'oublier ! Je partirai et Olivia viendra la chercher plus tard.
- Et elle ne sera pas toute seule, je serai là ! affirma sa mère comme pour rassurer son mari.
Ce dernier hocha la tête et nous souhaita une bonne soirée, reprenant aussitôt sa lecture. La mère leva les yeux au ciel, nous fit gentiment signe de filer puis retourna sur le canapé. Caleb n'attendit pas plus longtemps pour m'entraîner dans sa chambre. Tout avait été plus moins rangé. Ce qui attira mon attention fut la corde qui traversait le matelas en son milieu.
- Je savais pas si tu m'en voulais encore pour tout à l'heure alors j'ai séparé le lit en deux, m'apprit-il.
Je lâchai un rire alors qu'il riait aussi avec moi.
- T'es con, continuai-je de rire.
- Je vais l'enlever alors... En attendant, tu peux aller te changer dans la salle-de-bain !
J'acquiesçai, pris mes affaires et partis dans la salle de bain en face de sa chambre. Finalement la rencontre avec ses parents avait été courte et non douloureuse. Je ne savais pas comment je devais prendre le fait qu'il m'introduise soudainement dans son milieu, que ses amis se préoccupent de moi, que ses parents me découvrent... Sincérité ou non, j'appréciais cela. J'avais enfin cette sensation d'être sa copine ce que j'avais tant attendu au début de notre relation. Et maintenant, il faisait des efforts au moment où j'étais sur le point de laisser tomber.
Quand je revins dans la chambre, il s'était déjà glissé dans son lit et était occupé à envoyer des messages. Je vins m'allonger à côté de lui ou plutôt contre lui après qu'il ait posé son portable. Il passa un bras autour de mes épaules alors que je passai le mien autour de son torse, partageant un câlin dont j'avais bel et bien besoin.
-Tu vois que tout s'est bien passé avec mes parents ! souligna-t-il. Désolé pour mon père, un jour il arrêtera de me voir comme une machine à travail.
- Hugh m'a parlé un peu de votre relation, pourquoi tu ne m'en as jamais parlé ? quémandai-je doucement.
- C'est mon quotidien Joyce, j'ai pas vraiment de raisons d'en parler ! C'est juste mon père et sa personnalité. Puis faut dire que je n'en ai jamais eu l'occasion, on arrêté de se parler vraiment...
Je redressai la tête pour croiser son regard ; il me sourit. Ses lèvres vinrent encore chercher les miennes, les embrassèrent avec finesse puis se posèrent contre mon front. Là, serrée contre lui, les images de ma soirée me revenaient... Je réalisais peu à peu qu'il y avait des chances que Nathan soit soigné ! Il était mineur et devait se résoudre aux choix de ses responsables légaux, d'autant plus qu'il n'était pas en mesure de décider lui même s'il devait aller dans ce centre ou pas. Et si mon père continuait de le menacer de porter plainte, il finirait bien par céder. Une fois entré là-bas, il n'en sortait plus avoir d'être guéri ou du moins avant d'avoir trouvé ce qui n'allait pas... Je rêvais peut-être un peu trop, je me projetais beaucoup trop loin mais ce que j'avais toujours souhaité commençait à se dessiner. Et surtout si ça ne se réalisait pas comme je le souhaitais, je n'étais pas seule. Ça paraissait comme une évidence, là, dans les bras de mon copain ou du garçon qui pourrait redevenir mon copain.
Si je voulais m'en sortir, je devais agir. Avec des manières qui ne plairaient pas à Nathanael mais c'était uniquement pour son bien, même s'il croirait le contraire.
- Caleb, je ne t'ai pas dit toute la vérité...
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Il est tard encore et je finis le chapitre. J'étais obligée sinon je n'allais pas réussir à dormir, trop obnubilée par ceci ! Donc voilà, j'espère - comme d'habitude en fait - qu'il vous plaira... J'attends vos avis qu'ils soient bons ou mauvais, qu'ils soient simples ou complexes avec des réfléxions super psychologiques sur le cas de Nathan. Bref, je veux savoir ce que vous en avez pensé quoi !
Si Caleb prend de plus en plus d'importance dans l'histoire, je tiens à dire que ce n'est pas comme ça, juste parce que je ne sais pas quoi mettre dans mes chapitres. Non ça a une signification, surtout sur la psychologie de Joy ! :) A vous de voir ahah.
PS : Orthographe corrigée automatiquement mais texte non relu, donc une syntaxique qui va sûrement avoir d'énormes défauts et présence de mots inexistants possible aussi ! :p
PS 2 : Je réponds à vos commentaires sur les précédents chapitres dans la semaine, promis.
Byeeeeeeee
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