Bonus
Hi ! J'avais cette idée de bonus en point de vue externe pour que l'on comprenne un peu mieux ce qu'a traversé Nathan alors je me suis lancée. Bonne lecture !
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« He lost himself along the way. »
• Nathanael, 4 ans.
« Tu veux jouer à un jeu ? » lui avait demandé son père et le petit garçon, de nature malicieuse, s'était empressé d'accepter. Comme convenu, il avait couru jusqu'à sa chambre, s'était caché sous son lit – endroit où il avait promis de rester en attendant que son père et la Dame le trouvent. Mais, maintenant, il ne voulait plus jouer. Il n'arrivait plus tellement à respirer à cause de toute la poussière au sol ; s'ajoutait à ça son envie pressante et son terrible ennui car son père mettait bien du temps à le retrouver. Il l'avait appelé plusieurs fois d'une voix faible et comme personne ne lui répondait, Nathanael sortit tout seul de sa chambre, prêt à dire que le jeu était terminé. Et qu'il avait gagné de toute façon !
- Papa ! se mit-il à scander en longeant le couloir.
Il allait pousser la porte de chambre de ses parents quand celle-ci s'ouvrit toute seule sur son père qui semblait si impressionnant. Kenneth.
- Qu'est-ce que tu fous là ? gronda-t-il. Je t'ai pas dit de rester dans ta chambre ?
L'homme plus maître de ses gestes ni de sa force attrapa violemment son garçon par le bras et le traîna presque dans la chambre de l'enfant. Ce dernier, qui pourtant n'était pas sûr d'avoir fait quelque chose de mal, s'était mis à pleurer. Par culpabilité et frayeur. Il ne reconnaissait pas son papa dans la démarche incertaine de cet homme, son regard vide, ses gestes démesurés... Le petit garçon ne comprenait pas cette colère alors qu'il avait seulement voulu cesser de jouer. Il tomba lourdement dans son dressing puis le père serra son visage fin de ses mains de fer avant de l'avertir :
- Tu vas rester ici jusqu'à ce que je t'en dise le contraire, j'espère que c'est compris.
Sans bisous, sans câlin, ni autre geste d'affection, il ferma les portes coulissantes du placard enfermant son propre fils. Davantage effrayé dans le noir, Nathanael s'était recroquevillé sur lui-même. Il était tout seul, livré à une tristesse bien trop grande pour un enfant.
A partir de ce jour, le jeu n'en avait plus vraiment été un et il en était toujours sorti perdant.
***
- Je suis désolée, fiston... déclara Kenneth. Je ne serai plus jamais méchant, je te le promets. Est-ce que tu veux bien me croire ?
La tête baissée, par la honte, Nathanael laissait son père lui changer son sous-vêtement et pantalon. Quelques heures plus tôt, il avait préféré rester où il était plutôt que de prendre le risque d'aller aux toilettes. Et dorénavant, il se sentait un peu plus coupable encore. Alors que l'homme devant lui commençait tout juste à avoir des remords, reprenant ses esprits.
- Et si on allait se chercher une glace avant que les filles arrivent ?
- J'ai le droit ?
Son père n'était-il pas énervé ? Avoir une glace était une récompense... Or n'avait-il pas fait quelque chose de mal ? L'esprit du petit garçon était embrouillé, bien loin de voir la réalité. Voir qu'il avait en face de lui quelqu'un qui comptait acheter son pardon et son silence.
Kenneth se pencha par-dessus son fils, le chatouillant afin d'obtenir des éclats de rire. Il remettait de l'espoir dans le cœur de son fils, lui laissait croire qu'aujourd'hui n'avait été qu'une unique erreur et se persuadait lui-même de tout cela. Pourtant il recommença de nombreuses fois : il brisait son enfant, essayait d'en reconstituer les morceaux jour après jour... Sans réussir parfaitement.
Il arrivait un moment où une personne que l'on avait trop souvent détruite ne pouvait plus être sauvée.
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• Nathanael, 5 ans.
Il était sorti de la garderie ce midi en notant comme son père avait été heureux de le retrouver. Cependant son propre bonheur s'était éteint lorsqu'en montant dans la voiture, Nathanael avait aperçu la femme assise du côté passage. Elle n'était pas sa mère, comme toutes les autres qu'il avait vu auparavant. Et son père avait beau le rassurer, lui dire que c'était normal, c'était « la vie », au fond de son cœur pur il n'y croyait pas tellement. Tout ce qu'il souhaitait, lui, c'était être à la maison avec son papa, sa maman et sa petite sœur, sans personne d'autre. Il ne saisissait pas pourquoi Papa venait toujours avec une femme autre que Maman tandis que les autres parents venaient toujours ensemble eux. Son père lui affirmait que ces dames étaient là pour leur tenir compagnie ; Nathan n'aimait pas ça. A chaque fois qu'une dame était à la maison, lui devait se cacher dans le noir. Pendant très longtemps. Il ne se permettait de sortir que lorsqu'il entendait sa mère rentrer à la maison. Et il était pourtant satisfait de partager un secret avec son père ; celui-ci lui répétait souvent qu'ainsi il le rendait heureux. C'était tout ce que Nathan voulait, être sage pour ne pas le fâcher.
***
Il était à présent assis au bord de la table basse et fixait depuis plusieurs minutes les petites pilules vertes et blanches que son père venait de déposer là. Il était maintenant sorti du salon et Nathan ne voulait pas qu'il prenne ces choses qui le transformaient en zombie. Kenneth avalait ça, devenait énergique pendant près d'une heure puis ne voulait plus rien faire et finissait par s'endormir comme une masse. Mais maintenant que la Dame n'était plus là, Nathan voulait être avec son père. Ils ne s'étaient plus amusés depuis très longtemps. Il prit alors les deux pilules et songea à les mettre dans sa bouche afin que son père n'ait plus à les prendre. Il l'aiderait ainsi. Toutefois, il n'en eût pas le temps ; il les planqua sous le canapé alors que Kenneth revenait dans la pièce. Il marchait lentement, les yeux ailleurs, encore assommé par sa dose précédente de médicaments. Il savait qu'il en prenait bien trop mais il ne pouvait tenir sans. Sinon, son esprit était très vite assailli d'idées noires et la vie lui était trop dure à supporter.
Il envoya machinalement sa main sur la table mais... rien. Relevant le regard, il aperçut son fils qui paraissait plus que coupable.
- Nathan, tu as touché aux affaires de papa ?
L'accusé secoua la tête, se mordant la joue pour ne pas craquer. Mais des larmes traîtresses fendirent ses joues blanchâtres.
- Où sont mes médicaments ? Je t'ai toujours interdit d'y toucher ! s'écria Kenneth, hors de lui.
Nathanael haussa à peine les épaules qu'une forte main vint se plaquer contre son visage. La douleur était insupportable pourtant l'enfant se restreignit de sangloter ; son père lui interdisait de « pleurer comme un bébé ». « T'es un garçon et les garçons ne pleurent pas ». Il préféra rester immobile, laissant la mémoire de cette gifle brûler sa peau.
- Tu ne dois pas toucher à mes affaires ! continua de hurler le tyran. Pour qui tu te prends ? Où les as-tu mises ?
Sous la pression, Nathan ramassa les pilules désormais poussiéreuses et les tendit à son père avant de recevoir une nouvelle claque qui le fit basculer en arrière. La douleur physique n'était néanmoins pas comparable avec celle morale ; il venait de disparaître quelque chose en Nathanael... Cette petite lueur qu'ont tous les enfants - les enfants heureux.
- J'ai besoin de ça petit con !
Le garçon ferma les yeux lorsqu'il vit encore la géante main se lever au-dessus de lui. Il fut soulevé du sol et transporté jusqu'au garage. Là, Kenneth ouvrit le coffre de sa voiture puis plaça son fils dedans.
- Tu vas rester ici un moment à réfléchir à ta bêtise ! cracha-t-il.
Puis il ferma, brisant une nouvelle fois le peu qu'il restait de ce cœur fragile. Kenneth s'en alla sans imaginer que tout ce que son fils avait essayé de faire était de l'aider. Il avait même été prêt à avaler ces médicaments pour ce papa bourreau qu'il aimait tant. Kenneth n'imaginait surtout pas comme en retour il tuait son fils à petit feu. Toutes les erreurs qu'ils commettaient jour après jour ne seraient jamais réparables. Ni pardonnables. Elles laisseraient des marques invisibles mais indélébiles.
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• Nathanael, 6 ans.
Les cris fusaient en bas, des éclats retentissaient également et la maison semblait trembler sous tout ce raffut. Dans sa chambre, Nathan sursautait au moindre bruit et gardait sa petite sœur en pleurs tout contre lui. Les yeux fermés, il subissait la violence à distance. Il avait encore une fois été enfermé dans un espace restreint avant que la dispute n'éclate entre ses parents. C'était ainsi depuis des mois ; depuis que son père avait cessé de voir des femmes et depuis que Nathan n'était plus contraint de rester dans le noir.
Des disputes... La relation de Kenneth et Sara ne tenait plus qu'à ça. Ou bien c'était un silence glaçant que l'enfant n'était pas autorisé à briser. Il n'avait plus le droit de parler, de rire, pleurer ou jouer trop bruyamment. Lorsqu'il enfreignait ces règles officieuses, il était immédiatement rappelé à l'ordre par un simple « Nathan ! ». Un ordre sec que l'on pourrait tout aussi bien adresser à un animal.Le garçon subissait alors silencieusement la situation familiale et disparaissait peu à peu...
L'inquiétude le rongeait. Quand il posait des questions, on s'empressait de lui répondre que « tout allait bien » et que « Papa et Maman s'aimaient très forts ». Pourtant il était persuadé que les autres papa et maman ne se criaient et ne se tapaient pas dessus ; ce n'était pas comme ça qu'ils faisaient pour se prouver leur amour.
- Non ! Kenneth qu'est-ce que tu fais ? Tu n'as pas le droit ! hurlait Sara.
Les voix se rapprochaient de plus en plus et soudain, la porte de la chambre s'ouvrit. Des ses grands yeux émeraudes, Nathanael fixait son père avec effroi. Il resserra ses bras autour de Joyce qui n'avait cessé de crier dans son oreille. Ces pleurs-là ne le dérangeaient pas plus que le regard noir que posait son père sur lui. Kenneth se pencha ensuite vers lui et lui prit sa sœur des bras alors que Sara tentait désespérément de l'en empêcher.
- Tu n'as pas le droit Kenneth, redonne-moi Joyce !
- Quoi ? Tu viens pas de me dire que tu ne pouvais pas te permettre de t'occuper de deux enfants toute seule non ? Alors je prends Joyce et toi tu t'occupes de l'autre !
- Tu pètes un plomb ! Tu ne sais pas ce que tu fais, le supplia maintenant la femme.
- Je sais parfaitement ce que je fais, débrouille-toi ! J'en ai marre de cette vie moi.
Pour sortir, il bouscula sa femme qui se dépêcha de lui courir après, lui criant toute sorte de paroles dépitée. Ils ne souciaient du bébé qui pleurait dans les bras de Kenneth, ni de l'enfant qu'ils laissaient derrière eux. Nathan... qui vivait l'une des plus grandes peurs enfantine : l'abandon. Abandonné au milieu de ce monde immonde, déchiré et malheureux.
***
Finalement, Kenneth était revenu avec Joyce après une longue semaine d'absence. Et dès le retour de sa sœur, Nathan s'était promis qu'il ne laisserait plus rien lui arriver. Pendant de longs mois son père n'avait pas été là puis un beau jour, il était revenu sans même prévenir. Il avait repris sa place dans la maison, tout souriant. Il avait assuré à son fils que les choses allaient s'arranger, que maintenant ils seraient une vraie famille mais le garçon n'y croyait plus. Il ne voyait plus que le mensonge dans chacune de ses promesses et la déception qu'elles menaçaient de provoquer. Tout ce qui lui importait, c'était sa Joyce.
Alors, un jour où il jouait avec elle devant ses parents, il lui avait fortement abattu un jouet contre la tête l'air de dire à son père : « Tu vois, elle m'appartient et c'est moi qui contrôle ». Une sorte de défi s'était installé dans la tête du petit garçon, celui de détruire l'autorité paternel et de prendre sa place.
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• Nathanael, 8 ans.
« Papa ne vivra plus avec nous mais il vous aime toujours très fort »
Les mots de sa mère se répétaient indéfiniment dans la tête de Nathan alors qu'il contemplait la seule chose que son père avait laissé derrière lui : un briquet. Nathan le faisait tourner entre ses doigts puis il s'accroupit dans les hautes herbes du jardin avant d'en saisir une brindille qu'il plaça sous la flamme. Il avait suffi d'une ridicule seconde pour qu'elle ne se détruise, se noircissant d'abord puis s'effritant au toucher. C'était sans doute la chose la plus fascinante qu'il avait vu dans sa vie.
Il leva les yeux sur cette maison qui se dressait devant lui, la sienne. Il la voyait déjà mourir sous de grandes flammes libératrices, emportant avec elle des souvenirs douloureux. Toutefois c'était son lieu maintenant ; il se l'était approprié, il ne pouvait donc pas se permettre de le détruire.
Non, ce qu'il voulait abattre en réalité et d'une manière inconsciente, c'était tous ces murs, ces cloisons, ces endroits étroits qui l'avaient retenus prisonnier. Prisonnier de son père et prisonnier de lui-même. Il voulait anéantir tous ces lieux fermés et oppressants ; il voulait être libre physiquement pour l'être mentalement. Et le feu était son allié le plus efficace dans ce combat.
***
« Papa,
Demain c'est Noel et tu n'es pas là. Tout le monde m'a demandé ce que je voulais mais j'ai honte de leur répondre. Ils me traiteraient d'idiot et de bébé aussi. Mais vraiment tout ce que je veux c'est toi parce que tu me manques beaucoup.
Cette fois, il n'y pas de sapin à la maison. Je n'en veux pas parce que je ne peux pas monter sur tes épaules pour le décorer. Mes amis de l'école font des activités avec leur papa et moi je n'ai personne pour les faire. Maman est triste. Moi aussi je suis triste.
Tonton m'a dit qu'on pouvait pas être triste à Noël alors reviens. S'il-te-plaît.
Ton fils, Nate. »
Le garçon finit d'écrire de sa main tremblante puis s'en alla en courant dans la salle de bain. Il prit place dans la baignoire, sortit son précieux briquet et réduisit à néant sa petite lettre : tous ses mots emplis d'une profonde tristesse. Sa rancœur était plus forte que tout ; il s'empêchait d'autant pleurer l'absence de son père. Alors à chaque fois qu'il allait mal, il écrivait à son père et brûlait la lettre aussitôt.
C'était sa manière à lui de chasser cette dépendance qu'il avait encore, et malgré lui, à l'égard de son père. Il voulait devenir un être à part entière et non pas rester le petit garçon tapi dans l'ombre. Il envisageait de devenir quelqu'un de grand pour ne plus être celui qui obéit mais celui qui ordonne.
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• Nathanael, 13 ans.
- Qu'est-ce qui t'a pris ? s'écria Kenneth à l'adresse de son fils.
Ce dernier était assis sur l'un des bancs du jardin de l'hôpital. Il regardait sans grande attention la fontaine devant lui, pour ne pas voir l'homme qu'il détestait le plus, debout à ses côtés. Il était venu spécialement de Madagascar pour voir Joyce, après la violence que Nathan lui avait fait subir. Elle était gravement brûlée mais heureusement, sa vie n'était pas en danger. Le jeune adolescent, lui, s'en voulait terriblement ; il ne savait même pas ce qui lui avait pris. Il avait observé Joyce pendant de longues minutes, avait eu envie de la prendre dans ses bras une seconde et l'autre d'après, une haine immense l'avait envahi. Il avait voulu éteindre ces sentiments étranges qu'il ressentait à l'égard de sa propre sœur et non des autres filles. Tous ses amis tournaient autour des autres adolescentes mais lui n'y arrivait pas. Il se sentait coupable mais ne voyait pas les choses autrement.
Dr. Beckergam lui avait assuré que c'était normal qu'il se sente aussi protecteur et redevable envers sa sœur mais Nathan n'avait pas osé lui dire que c'était bien plus que cela. C'était Joyce, ça avait toujours été elle. Il avait l'impression qu'elle était cette part de lui-même dont il ne pourrait jamais se séparer – à moins de se sentir vide.
- Tu me réponds quand je te parle ?
- Fous-moi la paix. Tu fais que de me crier dessus Kenneth !
Le concerné souffla, tenta de se calmer mais la situation le dépassait. L'état de sa fille ne lui permettait pas de relativiser ; il était si en colère contre son fils mais avec lui, la communication était bien impossible.
- Pourquoi tu as fait ça à ta sœur ?
- C'était un accident, s'énerva Nathan.
Il eût un mouvement de recul quand il vit son père s'incliner vers lui. Même après tant d'années, la peur résidait ; en dépit de ce qu'il se persuadait à croire : qu'il était grand maintenant et qu'il ne s'abaisserait plus jamais face à lui. Toutes ces convictions s'étaient effacées en l'espace de quelques secondes. Il était incapable de réagir lorsque la main de Kenneth vint l'attraper par le col pour rapprocher leur visage.
- Alors, tu vas bien m'écouter ! débuta-t-il d'une voix basse. Si j'entends encore une fois parler de ton comportement violent envers quiconque, ce n'est plus chez Beckergam que je t'envoie, mais je te fais enfermer dans un centre de délinquants et autres malades mentaux.
La réaction de Nathanael fut immédiate, à court de mots, il cracha sur le monstre qui voulait encore une fois user de sa faiblesse. D'ailleurs face au manque de respect de son fils, Kenneth lui administra un énorme coup dans la tête. Ce geste réveilla de très mauvais souvenirs en Nathan. Il perdit le contrôle de son esprit comme s'il s'en détachait totalement et attaqua son père avec toute la force qui lui était donnée. Il laissait parler toutes ses plus grandes peurs, déceptions et colères. Toutes ces émotions qui rendaient tout si invivable.
Leur lutte dura de longues minutes jusqu'à ce que l'oncle de Nathan, qui passait par là, réussisse à contrôler l'adolescent en pleine crise. Ses cicatrices venaient de se ré-ouvrir.
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• Nathanael, 15 ans.
- Eh toi là, interpella-t-il un gamin qui passait près de lui, tu connais Charles Kepter ?
Le garçon aux lunettes hocha la tête avant de regarder les alentours du collège et de montrer du doigt la personne que Nathanael avait passé plus d'une heure à chercher. Il observa un moment le blond, impressionnant par son poids mais il le trouvait aussi ridicule pour cette raison. Ricanant, il se dirigea alors vers le fameux Charles d'une démarche décontractée - loin d'être menaçante alors qu'il ne s'apprêtait pourtant pas à être aimable.
- C'est toi Charlie ? attaqua-t-il tout de suite, arrivé près du garçon et ses trois amis.
- Charles, déglutit l'interpellé, qu'est-ce qu'il y a ?
- J'ai entendu dire que toi et d'autres connards dans ton genre s'amusaient à emmerder Joyce Lewis. Dommage pour vous, c'est ma sœur et si vous n'arrêtez pas, vous allez m'avoir sur votre dos. Vous aurez le droit à une avant-première de l'enfer. Mais comme vous êtes des bons gosses dans le fond, je sais que dès demain vous vous comporterez comme de gentils camarades. N'est-ce pas ?
Ce n'était pas tant le gabarit de Nathan qui était effrayant que ses paroles et la manière dont il les disait. Les quatre pré-ados furent vite apeurés et n'hésitèrent pas à répondre positivement à la question. Le sourire se traça sur le visage de leur nouvel ennemi alors que ses yeux clairs ne lâchaient pas sa proie... Il tira sur les deux bouts de tissu qui dépassaient de son propre sac et les envoya sur le Charles.
- Tu vois, ça c'était un gilet que ma sœur aimait beaucoup. C'était, avant que tu le déchiquettes ! Alors je m'en fiche de savoir comment tu vas faire : le recoudre, déplacer ton gros corps dans toutes les boutiques de la ville mais en tout cas je veux que Lundi, sans faute, tu rendes un vrai gilet à ma sœur.
Nathanael n'attendit même pas de réponses et commença à s'éloigner. Il se savait quelque peu excessif face à ces gamins à peine âgés de 12 ans mais il détestait savoir que quelqu'un rendait sa sœur malheureuse. Il se détestait déjà lui-même de lui faire subir sa méchanceté mais il n'avait pas d'autres choix s'il voulait la tenir à distance, elle et tous les sentiments qu'elle faisait naître en lui. Quant aux personnes de l'extérieur, ils n'avaient pas le droit d'exercer une quelconque pression sur Joyce.
- Nate, qu'est-ce que tu fais là ? demanda une voix fluette.
En entendant sa voix, le garçon fût apaisé par cette présence cependant il masqua très vite son sourire et se tourna vers sa petite sœur avec un air plutôt froid.
- Je suis venu te chercher, tu vois bien. On va au studio ?
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• Nathanael, 16 ans.
Un bon quart d'heure était passé et Nathan ne lâchait toujours pas des yeux la massive mais splendide voiture devant lui. Il était tiraillé entre la joie et la colère, deux sentiments contradictoires qui venaient du fait que la voiture de ses rêves avait été offerte par son père. Celui-ci se tenait légèrement en retrait, derrière lui, sans savoir s'il devait dire ou faire quelque chose de plus. De passage à Angleton, il avait estimé que c'était l'occasion d'enfin offrir un cadeau pour son seizième anniversaire, malgré les mois de retard qu'il avait. Il regarda son garçon, devenu si grand, tourner un peu autour du 4x4 avec un regard sombre.
Nathan s'arrêta tout à coup puis il s'adressa à Kenneth sans pour autant se tourner vers lui :
- Tu te souviens quand tu m'amenais au cinéma, au magasin de bonbon ou un parc d'attraction ?
Il y eût un petit moment de silence avant que son père ne réponde.
- Oui tu adorais ça et je...
- C'est ça, j'adorais, cracha Nathanael, jusqu'à ce que je réalise que tu le faisais uniquement après t'être comporté comme un connard. Après chaque cris, chaque claque ou chaque dispute avec Maman, après chaque moment avec tes putes que je n'aurais pas dû voir. Tu rachetais ton image auprès de moi mais ça ne marche plus. Reprends ta voiture Kenneth !
Il voulut faire demi-tour et quitter le garage le plus vite possible mais son géniteur le saisit par le bras. Nathanael dégagea tout de suite sa main puis poussa son torse d'un geste vif. Il maudissait cet endroit ; s'il ne sortait pas d'ici rapidement il allait finir par éclater. En fait, il haïssait rester dans un même endroit trop longtemps hormis en plein air. Entre quatre murs, il se sentait toujours très mal... Il n'y avait que sous l'infinité du ciel qu'il respirait réellement. Et il ne pouvait rester dans le noir plus d'une minute ; la nuit était sa pire hantise : elle combinait les deux, un endroit fermé et l'obscurité. Voilà ce que lui avait laissé l'homme en face de lui ; rien n'effacerait jamais toutes ces séquelles. Elles devenaient même de plus en plus importantes.
- Tu vas prendre cette voiture, ordonna Kenneth. Je ne veux rien en retour, juste que tu en profites alors fais-le. Comme tu l'as déjà fait pour le studio !
- Pour que tu me reprennes tout ? C'est pas la peine.
- Je ne reprendrai rien Nate.
L'adolescent ferma les yeux, encaissant le surnom qu'il détestait tant dans la bouche de son géniteur. Ses yeux verts se dressèrent ensuite vers l'homme âgé, illuminés d'une lueur affligée et son visage s'était tordu sous une grimace le temps de quelques secondes. Il secoua ensuite sa tête comme pour se vider l'esprit de mauvaises idées.
- Tu sais que ça pourrait aller mieux entre nous, si seulement tu m'en donnais la chance ? avança son père triste.
Le regard de Nathanael changea alors.
- Tu... Est-ce que tu sais combien de chances je t'ai déjà donné ?! souligna-t-il en levant la voix peu à peu. J'ai passé mon enfance à faire ça !
- J'ai changé.
- Moi aussi, tu vois ? Je ne suis plus le gamin qui s'écrasait devant toi. Je n'ai plus envie de t'avoir dans ma vie. Les chances on les donne aux gens qu'on aime, mets-toi bien ça dans la tête.
Sur ces mots durs mais honnêtes, Nathanael reprit sa destination première : la sortie. Cependant Kenneth n'était pas prêt à en rester là, interpellé par ce qu'il venait d'entendre, il appela son fils et lorsque celui-ci fut retourné, il lui envoya les clés de la voiture.
- Si tu me détestes tant, pourquoi tu n'as rien dit à Joyce à mon propos ? Pourquoi tu ne lui dis pas le terrible père que je suis ?
Ce fut un sourire qui se traça maintenant sur les lèvres de l'adolescent. Un sourire mauvais qui parlait de lui-même. Nathan savait parfaitement là où son père voulait en venir mais il se trompait totalement.
- Ne crois pas que je fais ça parce que j'ai peur ou que je veux te protéger par amour. Non, je veux juste qu'elle voit par elle-même l'homme que tu es réellement et qu'elle te déteste pour ses propres raisons, pas pour les miennes. Ce sera une haine qu'aucun de tes mots, de ton argent ou de tes mensonges ne pourront changer. T'auras perdu à ton propre jeu Kenneth.
Il s'en alla en ricanant. Il se sentait fier d'avoir pu enfin dire ce qu'il pensait réellement et qu'après cela, il ne ressentait aucun regret. Il était complètement détaché de cet homme, de son bourreau ; d'une certaine manière, il était libre. Le seul sentiment qui le reliait encore à Kenneth était sa haine et il espérait qu'un jour il réussirait à complètement s'en débarrasser. Pour que son ennemi ne devienne plus qu'un être insignifiant, qui ne l'atteignait plus.
***
Le même jour, en pleine nuit il arpentait les rues aussi vides que son cœur. De désagréables souvenirs l'avaient encore assaillis alors qu'il avait essayé de dormir et il s'était très vite senti à l'étroit dans sa chambre pourtant espacée. Il avait eût besoin de marcher sous le ciel étoilé, dans le calme de la ville éteinte, sans véritablement penser à quelque chose. Mais ça avait été impossible, des idées sombres avaient remplacées les souvenirs... Et son corps, lui, ne ressentait plus rien.
Il ne sentait pas l'air frais qui frappait ses bras nus, son cou ou encore la fatigue dans ses jambes après les kilomètres parcourus, les brûlures qu'il s'était lui-même fait sur le torse la veille. Rien. Le néant et pourtant des milliers de pensées qui traversaient sa tête. C'était insupportable. Plus insupportable que la colère qu'il ressentait constamment, plus que d'être submergé par des tonnes d'émotions. Paradoxalement, le vide était dur à porter sur les épaules.
Car dans ses moments-là, on ne voyait plus tellement de raison à vivre ainsi. Et ces moments arrivaient souvent à Nathanael. Il questionnait son existence, sa direction et sa place dans le monde. Il doutait que son absence ait plus d'impact que sa présence. Il n'avait jamais réellement signifier quelque chose aux yeux de quelqu'un ; juste un adolescent incompris. Un malade qui jouait avec le feu. Un raté qui aimait sa sœur, à ses propres yeux. Et il tenait justement bien trop à Joyce pour pouvoir l'abandonner. Elle était sa seule raison de rester. Il vivait pour ses sourires, ses rires, ses regards timides ou bien plein d'admiration lorsqu'elle le regardait danser... Cet amour le faisait exister.
Pourtant, il sentait déjà qu'un jour ce même amour finirait par le tuer.
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Alors qu'en avez-vous pensé ? J'ai voulu vous "offrir" cela je voulais vous faire plaisir autant que moi j'ai pris plaisir à écrire - bien que ce soit sacrément déprimant. Traverser les différents âges de Nathan, c'est une manière de voir l'évolution de sa manière de penser, de son rapport avec son père et avec Joyce à la fin.
Pensez-vous que Kenneth ait réellement changé après avoir été cet homme ? Et comprenez-vous un peu plus Nate ?
Aussi, j'avais pour idée de mettre également un récit plus récent ( à ses 20 ans ) pour que vous ayez l'état d'esprit de Nathanael avant son geste... Mais je pense que je le posterai en un autre bonus. Peut-être après le chapitre 27 et l'épilogue !
J'attends vos avis avec impatience & j'ai hâte de vous retrouver pour le dernier chapitre.
Byeeeeeeee
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