Chapitre 7 - Premier jour de classe


La musique du réveil d'Eléa, Pheonix de Fall Out Boy  pour l'encourager en cette première journée à l'institut Belforde, résonna dans la chambre en tirant la jeune fille du sommeil, ce qui était le but.
Dans un grognement ensommeillé, elle tâtonna à la recherche de son téléphone, normalement posé sur sa table de chevet, mais elle ne trouva pas le meuble.
Surprise de ce constat, elle se redressa vivement, appuyée sur ses bras tendus, puisqu'elle était allongée sur le ventre, et regarda autour d'elle mais elle ne reconnu pas l'espace de sa chambre et les silhouettes familières de ses meubles. Il lui fallu quelques secondes avant de se rappeler, les dernières heures occultées par les brumes du sommeil juste récemment retiré, qu'elle avait emménagé à l'institut Belforde la vieille pour une nouvelle vie plus en sécurité parmi d'autres magiciens. Les souvenirs de la vieille revinrent, le directeur,Gabriel, Marianne, la fille aux yeux roses, Salim, Gabriel.
Dans un soupir, elle se laissa lourdement retomber sur le matelas de son lit.
La nuit ne l'avait pas aidé à organiser ses pensées et elle ignorait toujours que penser de tout cela mais, ce qui était certain, était qu'elle débutait les cours dans cette école de sorciers et qu'elle devait donc être en classe d'ici une heure.
Remontant la main sur le mur à côté d'elle, elle chercha l'interrupteur, chacun des trois lits étant installé à côté d'un. Elle l'actionna et la lumière se rependit dans la chambre. Les paupières plissées comme elle n'avait pas laissé ses yeux s'habituer à la luminosité soudaine, elle regarda autour d'elle.
Contre le mur opposé, les deux autres lits étaient vides, celui de Marianne parfaitement fait avec les deux oreillers alignés et celui de Roxy, donc diminutif de Roxanne, dans le même désordre que la veille. Sa mystérieuse camarade ne semblait pas être revenue dormir au dortoir. Aurait-elle découché cette nuit ? D'après les quelques éléments qu'on lui avait apporté sur Roxanne, cela ne semblait pas impossible à Eléa. Elle demanderait à Marianne qui,elle, était déjà levée.
Dans la soirée, après qu'elle se soit séparée de Gabriel, quelque peu à regret, elle devait l'avouer, la jeune fille à la peau d'ébène l'avait prévenu qu'elle se réveillait toujours très tôt mais qu'elle ferait attention à ne pas la déranger et, effectivement, Eléa ne l'avait pas entendu se préparer. Elle n'était donc pas surprise de ne pas trouver Marianne.
Comme elle avait passé ce qu'il était resté de sa journée dans la chambre en compagnie de Marianne, les deux jeunes filles avaient tenté d'engager la conversation mais, entre Eléa qui ne savait pas quitter la protection de sa coquille et Marianne qui n'avait pas l'habitude de parler pour ne rien dire, la discutions avait rapidement tourné court et elles s'étaient donc contenté de cohabiter dans le silence, chacune s'occupant à sa manière.
Profitant d'être seule dans la chambre pour se préparer, Eléa remit sa musique sans se soucier du volume qu'elle augmenta puis elle se leva en repoussant sa couverture au pied de son lit. Elle récupéra une tenue pour la journée dans son côté du placard et alla l'enfiler : un slim noir et un fin pull à capuche au haut boutonné rayé de noir et rouge. Un peu de gel pour hérisser ses cheveux teintés en cassis et un trait de noir sous ses yeux et elle fut prête. Il ne lui fallait pas beaucoup de temps pour s'apprêter le matin.
Alors qu'elle rangeait ses affaires de toilettes sur l'étagère lui étant attribuée, elle s'arrêta sur tous les rouges à lèvres soigneusement organisés.
Un prenant un au hasard, elle le sortit de quelques millimètres pour observer la couleur brun cuivré du bâtonnet avant de le remettre à sa place. Elle, elle ne se maquillait pas beaucoup, uniquement une petite touche sous les yeux, alors elle était fascinée par tous ces accessoires de beauté. Peut-être qu'elle pourrait demander à Marianne de lui apprendre à s'en servir.
À cette pensée, Eléa demeura surprise. L'idée de se rapprocher des autres, du moins, de tenter un contact, ne semblait plus autant lui être impossible. Elle y songeait même naturellement sans s'en apercevoir. Il ne lui avait pas fallu beaucoup de temps pour changer. Le fait de ne pas se faire marginaliser et brimer pour une couleur de regard aidait certainement beaucoup en ce sens.
Cependant, elle appréhendait tout de même de se retrouver au milieu de sa classe et de toutes ces personnes inconnues. Il y aurait Marianne, qu'elle connaissait déjà, mais elle angoissait tout de même. Le changement et la fréquentation d'autrui n'étaient nullement inscrits dans ses habitudes.
Ne souhaitant tout de même pas arriver en retard, pour une fois, ayant hâte de découvrir comment les cours se déroulaient et si elle pourrait réellement s'intégrer malgré son appréhension, elle alla récupérer son sac remplis du nécessaire : trousse et feuilles, ainsi que l'emploi du temps qu'on lui avait transmit la veille.
Comme sa première heure était de l'Histoire, la salle devait se trouver dans l'aile ouest mais, pour le reste, elle ignorait où se rendre exactement. Gabriel lui avait expliqué la fonction de chaque bâtiment mais pas l'emplacement des classes. Il faudrait qu'elle se renseigne auprès de quelqu'un mais elle ne se sentait pas vraiment capable d'attraper quelqu'un au hasard pour lui demander son chemin. À moins qu'elle ne demande à Gabriel. Oserait-elle davantage ? Quitte à être accompagnée, autant que ce soit par lui.
Décidant donc de frapper à la porte du jeune homme en sortant du dortoir, elle passa son sac sur son épaule et elle alla pour quitter la chambre mais on toqua avant qu'elle ne le fasse.
Les sourcils froncés, s'interrogeant sur ce dont il pouvait bien s'agir dès le matin avant la première heure de cours, elle actionna la poignée. Comme la veille, elle n'ouvrit pas directement entrebâilla seulement la porte pour vérifier ce que c'était.
Constatant qu'elle n'aurait pas à aller chercher Gabriel, elle sourit au jeune homme, un peu hésitante et se questionnant sur les raisons de sa présence.
Comme la veille, il portait un blue jeans avec une chemise brune aux manches relevées sur ses avants-bras et un bonnet mauve qui mettait superbement ses yeux en valeur.
Il lui sourit à son tour de cette expression plastique, bien qu'il semblait un peu gêné. Eléa le remarqua car il ne prit pas la parole immédiatement, ne paraissant pas savoir comment commencer.
Il y eut donc plusieurs secondes de silence puis, se reprenant, le jeune homme le rompit avec une banalité pour débuter :

« ça va ? Bien dormi (Eléa haussa les épaules sans rien préciser de plus). En fait, je me suis souvenu que je ne t'avais pas parlé de l'emplacement des salles et j'avais peur que tu ne t'y retrouves pas alors je suis venu rectifier le tir.
- Justement, je comptais te demander où aller.
- Parfait, alors.

Sourit Gabriel en s'écartant de l'embrasure de la porte pour la laisser sortir.
Elle le rejoignit dans le couloir et il se mit en route en empruntant les escaliers à quelques mètres de la chambre.
Marchant à côté de lui, Eléa chercha quelque chose à lui dire, un prétexte pour engager la conversation, un sujet de discutions quelconque mais elle ne trouva rien qui fasse l'affaire. Elle ne savait pas vraiment se comporter avec autrui et encore moins aller vers les autres, tisser des liens ou seulement se rapprocher un peu. Alors, elle baissa la tête en se contentant de le suivre à travers la cour nord en silence en s'agaçant de son incapacité à s'ouvrir, à ne serait-ce que prononcer un mot pour lancer l'échange.
Sa première heure étant particulièrement tôt, il n'y avait encore que peu de personnes réveillées, surtout des employés se préparant à la journée.
Comme Eléa l'avait supposé, Gabriel la fit entrer dans l'aile ouest du bâtiment principal et monta les escaliers se trouvant juste à gauche de la porte. Ils débouchèrent dans un couloir où un agent de surface était en plein travail.
Alors qu'ils s'approchaient de lui, Eléa remarqua qu'il était étrangement statique et, lorsqu'ils l'eurent dépassés, ils découvrirent qu'il était effectivement figé en pleine action. Eléa ne sut si elle devait écarquiller les yeux, stupéfaite, ou bien froncer les sourcils, s'interrogeant sur les causes de cette immobilité totale.
Quel pouvoir, car il s'agissait forcément de cela, était capable de pareilles choses ?
Gabriel passa la main devant le regard de l'homme mais ce dernier ne réagit pas, ne semblant même pas s'apercevoir de leurs présences.
Il soupira puis, voyant, le regard d'Eléa en attente d'explications, il lui apprit :

- Le temps a été suspendu dans cette aile, il suffit de trouver par qui pour qu'il annule les effets de sa magie. Seulement, je ne sais pas qui ça peut être...
- Oh non ! Je suis désolé ! Je...je ne voulais pas !

Le cri paniqué, poussé par une voix encore assez enfantine, s'éleva dans le couloir à quelques mètres d'eux, en fournissant peut-être la réponse sur l'identité du responsable.
Eléa et Gabriel échangèrent un regard interrogatif et étonné mais également comprenant qu'ils avaient trouvé le coupable, de manière beaucoup plus simple que ce à quoi ils s'attendaient.
Suivant les appels au secours désespérés et larmoyants, ils tournèrent à l'angle du couloir et découvrirent un garçon d'à peine quinze ans plaqué contre le mur et tremblant sous l'affolement, les yeux agrandis.
D'ailleurs, si ils avaient encore eu un doute sur sa culpabilité, son regard leur confirmait qu'il était responsable de cet arrêt du temps. Les iris se différenciaient à peine du blanc. À l'image de sa voix, ses traits étaient encore enfantins avec des joues pleines et rebondies, un petit nez aux narines rondes et des paupières qui tombaient sur ses yeux en lui conférant un air doux malgré toute la panique se dégageant de lui. Ses cheveux mi-longs tombaient également sur son regard d'une teinte blond foncé tirant sur le châtain. Il paraissait très enfantin et innocent, pas pleinement sorti de l'enfance.
Sentant le regard d'Eléa et Gabriel sur lui, il se retourna vers eux et ils purent voir les larmes roulant sur son visage. Il se laissa glisser au sol le long du mur en sanglotant.
Eléa le regarda avec un sourcil arqué, se demandant ce qu'il fallait faire et n'était pas certaine de savoir rassurer et réconforter un garçon en pleine crise de panique hystérique.
Gabriel, en revanche, semblait savoir exactement comment agir et il vint s'agenouiller à la hauteur du garçon en posant une main réconfortante sur son épaule :

- Je...je ne voulais pas... Répéta t-il en pleurant.
- Oui, j'ai comprit, lui assura doucement Gabriel. Ce n'est pas grave, ça arrive de perdre le contrôle de ses pouvoirs et c'est seulement un accident mais il faut que tu supprimes ce sort, c'est tout.
- Je...je ne sais pas comment faire...
- Commence par essayer de te calmer. Respire tranquillement.

Suivant le conseil de Gabriel, le garçon ferma les paupières et prit de longues et profondes inspirations alors que Gabriel l'encourageait d'un hochement du menton.
Eléa les regardait, en retrait. Il lui semblait que les paroles de Gabriel la concernaient également et elle repensait à l'incident dans son ancien lycée. Pour elle aussi, ça n'avait été qu'un accident involontaire qu'elle regrettait terriblement mais c'était beaucoup plus grave dans son cas, les pertes de contrôle de sa magie étaient réellement destructrices,et elle aurait aimé que la voix apaisante de Gabriel la rassure et l'aide à se défaire de la culpabilité. Peut-être qu'il pourrait le faire si elle s'ouvrait à lui mais elle n'oserait pas, elle ne voulait pas en reparler, seulement oublier et essayer d'avancer comme elle le pouvait.
La jeune fille sortit de ses pensées lorsque l'agent de surface derrière elle se remit en mouvement en reprenant sa tâche en sifflotant sans rien remarquer, n'ayant visiblement pas conscience du temps qui s'était figé autour de lui durant plusieurs minutes.
Le garçon aux yeux blancs soupira de soulagement en ouvrant les paupières et il remercia Gabriel d'un large sourire alors que les dernières larmes terminaient de rouler sur ses joues pouponnes. Le jeune homme lui adressa un hochement du menton et lui rendit son sourire avec son habituel manière figée, pour lui assurer que ce n'était rien puis l'aida à se relever.
Le garçon renifla, encore quelque peu bouleversé, en ramassant le sac de cours qu'il avait laissé tomber dans sa panique pendant que Gabriel le détailla avant de constater :

- Tu es nouveau, je me trompe ?
- N...non. Mes parents m'ont laissé ce matin. Je m'appelle Sylvain.
- Moi, c'est Gabriel et, elle, Eléa. Vous êtes dans la même classe tous les deux.
- La même classe ? S'étonna Eléa. Mais il a quinze ans ! C'est plus des tranches d'âges mais carrément la moitié du gâteau !
- Tu comprendras pourquoi il est avec vous. Bon, vous venez que je vous montre votre salle ? »

Sylvain acquiesça, visiblement rassuré d'avoir trouvé des camarades pour le guider et l'accompagner. Il était impressionné et craintif dans ce lieu qu'il ne connaissait pas et où tout était nouveau pour lui.
Cependant, il n'osa pas poser le regard sur Eléa, intimidé par elle, bien qu'il la dépasse, comme tout le monde, d'une petite dizaine de centimètres. La jeune fille ne s'en préoccupa pas vraiment. Elle avait l'habitude qu'on ne s'intéresse pas à elle en la laissant de côté même si c'était pour d'autres raisons qu'ordinairement.
Elle emboîta donc le pas à Gabriel en se demandant, si Sylvain était impressionné et intimidé par elle et sa seule présence, quelle serait la réaction des autres membres de la classe à son égard.
Ces doutes et questionnements l'accompagnèrent jusqu'à un autre couloir où un léger brouhaha de conversations résonnait. Ne voulant pas donner l'impression de les materner ou de favoriser Eléa, Gabriel les laissa avancer seuls vers la porte ouverte par laquelle s'échappait le bruit.
Angoissant énormément et ayant besoin de soutien, Sylvain s'agrippa au bras d'Eléa à deux mains. La jeune fille leva le regard vers lui avec les sourcils arqués mais, comprenant qu'il était paniqué et de toute évidence très sensible sans compter qu'elle avait la responsabilité d'aînée par rapport à lui, elle ne se dégagea pas, se contentant d'un abaissement d'épaules légèrement agacé. Cependant, une autre partie d'elle se réjouissait de ce contact car Sylvain s'était spontanément et inconsciemment raccroché à elle, qui était, certes, la seule actuellement avec lui, sans être repoussé par la crainte de sa magie qui poussait à la cruauté.
Ce fut donc en trainant un Sylvain aussi terrorisé qu'un bambin lors de son premier jour d'école agrippé à son bras qu'elle franchit la porte de la salle de cours.
Seulement dix personnes s'y trouvaient, dont Salim, qu'Eléa repéra à l'écart en train de fumer accoudé à la fenêtre ouverte, et Marianne, qui discutait calmement avec deux autres filles.
La première, assise derrière la table à côté de Marianne, semblait plutôt petite, environ de la même taille que Sylvain, avec la peau pâle seulement un peu plus rosée sur ses pommettes au-dessus de ses joues pleines qui accentuaient le côté rond de son visage, tout comme son nez arrondis. Ses cheveux d'un blond clair étaient très frisés et formaient un important volume autour de son crâne en retombant sur ses épaules. Ses deux yeux en amande étaient d'un délicat bleu azuré. Si Eléa se souvenait bien, cette couleur correspondait au pouvoir de guérison et elle trouvait que cela s'accordait très bien à cette fille qui exhalait la douceur et la gentillesse.
La deuxième, qui participait à la conversation avec Marianne, était également blonde mais sa nuance était plus foncée et ses cheveux étaient taillés courts et rebiquaient en mèches folles naturellement, contrairement à Eléa qui utilisait du gel pour ébouriffer les siennes. Sa peau était pâle aussi. Quant à son visage, il était légèrement carré sur le bas avec un front étroit, un petit nez en pointe et elle aussi avait les joues pleines mais moins pouponnes que Sylvain. Il se dégageait d'elle une impression solaire comme si elle illuminait autour d'elle. Elle parlait avec de grands gestes, apparemment expressive et communicatives, si bien qu'Eléa ne remarqua pas immédiatement la couleur de ses grands yeux mais elle réussi finalement à en apercevoir le turquoise.
Elle pouvait donc influencer sur les sons ambiants, une capacité qu'Eléa avait du mal à se figurer.
Cette jolie blondinette d'un peu moins d'un mètre soixante-dix était habillée d'une manière assez originale et très personnelle. Son pantalon noir était plutôt classique, au contraire de sa chemise blanche aux manches bouffantes, aux poignets volantés et au col jabot sous un veston noir aux boutons dorés.
Non loin du petit groupe des trois filles s'en trouvait un autre, également de trois personnes, mais il y avait seulement une fille, celle qu'Eléa avait vu la veille perchée dans l'arbre avec ses yeux roses légèrement en amande et noircis de maquillage.
Elle était grande, un mètre soixante-dix-huit et sa silhouette était athlétique avec les épaules larges, les hanches étroites et une petite poitrine. Sa peau dorée contrastait avec ses longs cheveux blonds clairs réunis en une haute queue de cheval qui lui arrivait au milieu du dos, plus courts que ceux de Gabriel. Son visage possédait une forme ovale avec un menton plutôt effilé et un front bas. Sa bouche large effectuait les syllabes rapidement alors qu'elle parlait à un fort rythme. Des clous argentés perçaient toute la longueur de ses deux oreilles et, alors qu'il faisait assez frais à l'extérieur à l'approche du mois d'octobre, elle ne portait que deux débardeurs superposés jaune et orange clair, plus échancré sur la poitrine,et un pantalon de toile brune. Assise sur la table, les pieds posés sur la chaise, elle parlait avec deux garçons installés en face d'elle.
Le premier, le plus à gauche, s'appuyait en arrière contre le dossier de sa chaise avec les bras derrière le crâne. Sa peau avait la couleur du café au lait, d'autant plus renforcée par le blond décoloré de ses dread locks tombant sur ses épaules. Ses traits étaient fins, avec un menton étroit et des mâchoires légèrement marquées. En revanche, son front était haut et son nez assez large, légèrement épaté. Ses yeux, dont le gauche était barré par une ancienne cicatrice, étaient d'un très beau jaune profond et brillant, indiquant qu'il contrôlait le feu, plutôt étroits à la commissure extérieure comme relevée. Il souriait tout en parlant et le blanc de ses dents parfaites ressortait particulièrement avec la carnation de son teint. Il possédait comme des airs de prince, certainement causés par ses allures de jeune lion, bien qu'il n'en possédait pas vraiment l'apparence entre ses dread locks, son collier en dents de requin, son pantalon cargo à motifs militaire et sa veste en toile violet foncé. Il était peut-être plus proche du surfeur que de la royauté.
À côté de lui, son camarade se tenait à moitié allongé sur la table, le menton posé sur ses bras croisés. Il avait d'épais cheveux auburns mi-longs frisés et désordonnés. Cependant, son visage carré aux mâchoires fortes ne semblait pas crouler sous cette masse capillaire mais son menton arrondis marqué d'une légère fossette adoucissait cette forme tout comme son nez fin tout juste retroussé. Ses grands yeux largement ouverts verts clair étaient couverts par des lunettes carrées à la monture de plastique noir. Pour terminer, sa peau claire était constellée de taches de rousseur. Fatigués, il paraissait terminer sa nuit, le nez enfoncé dans le foulard gris souris qu'il portait autour du cou, ne participant pas à la conversation que sporadiquement.
Apparemment assez proches et soudés, les deux trios, installés non loin l'un de l'autre, l'un ou l'autre de chacun des deux groupes intervenait dans la conversation de l'autre avant de revenir à celle qu'il suivait.
En revanche, les autres membres de la classe ne se mêlaient guère à eux et restaient dans leurs coins sans s'approcher des autres.
Il y avait donc Salim, qui fumait à la fenêtre au fond de la salle.
Un garçon était installé à quatre bureaux de lui et Eléa ne l'aurait certainement pas remarqué si elle n'avait pas prolongé son observation depuis Salim car il dégageait de lui une telle discrétion qu'il semblait s'envelopper d'un charme d'invisibilité mais il ne s'agissait sûrement que d'une habitude fort développée car aucun pouvoir ne permettait pareille chose. Intégralement vêtu de noir, que ce soit son pantalon, son T-shirt, sa veste ou le bonnet qui couvrait ses cheveux, également noirs, et le sombre de son habillement faisait encore davantage ressortir la blancheur de sa peau parsemée de taches de rousseur. Il était d'ailleurs la personne la plus pâle qu'Eléa n'avait jamais vu. Son visage en triangle était osseux avec les traits assez accusés : un nez fin et pointu, des pommettes saillantes, des mâchoires marquées bien qu'arrondies. Au milieu de ces traits fins, ses yeux légèrement enfoncés dans leurs orbites, en paraissaient d'autant plus grands et, noirs, ils semblaient sans fond, abyssaux. Ne se préoccupant pas de ce qu'il se passait autour de lui, il semblait absorbé par le large écran de son téléphone portable dernier cris.
Au fond de la salle, à l'opposée de Salim, se trouvait une autre personne qui semblait coupée du monde. Il s'agissait d'une fluette jeune fille d'origine asiatique. Elle avait un teint de porcelaine sur une peau de satin et des traits incroyablement fins et délicats. Ses cheveux noirs, aussi raides que des baguettes, tombaient entre ses omoplates et formaient une épaisse frange droite sur son petit front. Eléa trouvait qu'elle faisait l'effet d'une ravissante petite poupée japonaise. Son visage fermé et son expression ressemblaient d'ailleurs bien à un masque de faïence. Même ses yeux étaient immobiles. Il sembla à Eléa qu'ils étaient noirs mais, en y regardant mieux, elle remarqua qu'ils étaient en réalité d'un indigo profond. Elle était donc télépathe. Ce qui expliquait sans doute l'imposant casque bleu dur qu'elle avait sur les oreilles et qui diffusait la musique tellement fort qu'Eléa en captait quelques notes de là où elle se tenait.
La dernière personne présente dans la classe, et donc logiquement la dernière de ses camarades, était elle aussi une fille.
D'approximativement la même taille que Sylvain, elle était vraiment très belle. Sa peau était délicatement rosée, surtout au niveau des joues, et ses traits harmonieux avec des pommettes hautes, un petit nez mutin, des mâchoires arrondies, d'élégantes fossettes aux coins de ses lèvres parfaitement dessinées et légèrement charnues et un front étroit. Ses longs cheveux bruns ondulés étaient coiffés avec une fine tresse maintenue par une pince en forme de nœud. Quant à ses yeux immenses, ils étaient d'un pourpre brillant, maquillés d'une légère touche de fard. Elle rappelait l'image des jeunes et délicates princesse de contes de fées. Cet effet était appuyé parla robe couleur aigue-marine aux manches longues bleu persan et à la jupe évasée volantée qui lui donnait des airs de petites filles sages. Assise à l'écart, elle observait le reste de ses camarades avec un rictus en coin peu engageant.
C'était donc sa classe, avec un groupe centrale soudé et animé et quelques marginaux gravitant autour sans se mêler aux autres. Eléa se doutait déjà de la catégorie à laquelle elle allait appartenir, ne serait-ce que par habitude et réflexe, nichée dans sa coquille de laquelle elle ne savait plus sortir.
À côté d'elle, Sylvain toujours agrippé à son bras, promenait son regard blanc sur la salle en s'arrêtant quelques secondes sur chaque personne pour la détailler, comme elle, visiblement toujours aussi intimidé et peut-être même davantage. Eléa le laissait s'accrocher à elle, celle qu'il connaissait le mieux au milieu de cette classe d'inconnus, c'était à dire qu'il savait comment elle s'appelait et pas tellement plus.
Les avisant depuis sa place, Marianne adressa un signe de la main à Eléa, l'encourageant avec un sourire calme .Remarquant les deux arrivants par le mouvement de Marianne, les regards convergèrent dans leur direction. Sylvain dû se retenir pour ne pas se dissimuler derrière Eléa, ce qui n'aurait pas été très efficace de toute manière puisqu'il l'aurait dépassé, bien qu'il ne soit pas très grand, son intimidation allant croissante.
L'une des filles, celle sportive aux yeux roses maquillés de noir,s'exclamant en signalant, même si tous s'en étaient aperçut sans aucune difficulté :

« Eh, y a les nouveaux !

La plupart de leurs camarades, ceux formant le groupe principal, vint vers eux plus ou moins calmement.
Un peu rassuré mais toujours impressionné tout de même, Sylvain osa s'écarter un peu d'Eléa, mais en restant prudemment de moitié derrière elle, la main serrant la manche de son pull.
La jeune fille, elle, promena son regard sur ces magiciens se trouvant dans sa tranche d'âge, qui semblaient, certes, curieux mais surtout impatients de les connaître et d'en apprendre davantage sur eux, les deux nouveaux dans l'école, virevoltant de l'un à l'autre, troublée et ébahie par cet accueil enjoué et sympathique. En effet, elle avait plutôt l'habitude d'être observée de loin avec animosité et mépris, comme une bête curieuse qu'on soupçonnait de vouloir attaquer quiconque passerait à sa portée.
Comme lorsqu'elle avait vu son nom marqué sur la porte de sa chambre, l'émotion la saisit alors qu'elle constatait qu'elle avait véritablement sa place, ils le lui confirmaient par cet accueil chaleureux, bien que tous n'y participaient pas.
En effet, la jeune fille asiatique ne fit aucun mouvement dans leur direction, pas même des yeux, le garçon en noir releva le regard sur eux avant de les redescendre sur l'écran de son portable et Salim se tourna vers eux pour les détailler avec attention avec toujours son visage fermé et antipathique. Quant à celle aux allures de petite princesse, elle s'approcha sans se mêler aux autres, demeurant en retrait tout en les étudiant, à l'instar de Salim.
Eléa ne savait que dire ni comment se comporter.
Devait-elle prendre les devait en se présentant, si oui, quels éléments devait-elle préciser, ou bien se contenter de répondre aux questions qu'on allait lui poser ? Dans ce cas, allait-elle seulement rester piquée devant ses camarades en silence avec son air perdu et ignorant que faire ?
Elle n'en avait pas la moindre idée et hésitait en se demandant ce qui pouvait être le mieux face à ces inconnus avec qui elle allait certainement partager beaucoup de choses, à commencer par les journées de cours et la chambre pour certaines.
Finalement, Marianne, la seule qu'elle connaissait déjà un peu, intervint la première. Elle se posta à côté d'Eléa avec son attitude protectrice, qui surprit et toucha grandement cette dernière, et sermonna les autres sans réellement de colère et de violence,seulement avec son ton posé qui semblait lui être coutumier :

- Doucement. Vous voyez bien qu'ils sont intimidés.
- Mais on est pas méchant ! Se justifia le garçon aux dread locks décolorés en passant un bras amical autour des épaules d'Eléa, ce qu'elle n'était pas certaine d'apprécier puis, baissant les yeux vers elle, trente centimètres plus bas, il commenta, mais t'es toute petite !
- Oui, je sais. Grommela Eléa, n'aimant pas qu'on fasse des commentaires sur sa taille.
- Et c'est adorable ! Sourit la blondinette au col jabot. Dis, c'est vrai ? Tu manies vraiment le sang ?
- Ouvre les yeux, Lison, regarde les siens et devine ! Lui lança la fille au regard rose.
- C'est trop classe ! S'exclama la dénommée Lison. C'est comme dans Dead Man Wonderland !
- Euh... Quoi ? Demanda Eléa sans comprendre.
- Laisse tomber, lui conseilla le garçon aux lunettes. Hoche la tête d'un air entendu en la laissant dire et dis-toi qu'elle fait certainement référence à un animé.
- C'est un manga où certains ont un don spécial qui se manifeste par la manipulation spécifique de leur sang, genre faire des lames de sang. Précisa Lison.
- Ça peut correspondre. Marmonna Eléa, n'aimant pas parler de sa magie qu'elle détestait encore plus depuis l'incident.
- Ce n'est pas toujours facile d'assumer ses pouvoirs, surtout lorsqu'ils ne sont soit-disant pas corrects ou de mauvais goûts d'après certains mais nous n'allons pas nous excuser de ce que nous sommes. Nous sommes des magiciens et c'est tout. Sourit la jeune fille aux yeux bleus, cherchant à rassurer Eléa.
- C'est facile pour toi. Grogna Salim depuis le fond de la salle alors que son crayon décrivait de larges mouvements sur une feuille blanche.
- Ouais, on n'y peut rien, reprit celle aux apparences de petite fille sage. Mais certains sont clairement des monstres par rapport à d'autres et c'est à cause d'eux qu'on est obligé de se cacher. On ne veut pas de tels phénomènes avec nous. C'est vrai ce qu'on dit ? Que tu as failli tuer une fille ? Ça t'a plut, je paris. Tu ferais mieux de te suicider tout de suite parce que, même ici, tu seras toujours un monstre et on ne t'acceptera jamais.
- La ferme, Lavande ! Ordonna le garçon aux lunettes.
- Sinon, quoi, Irwan ? Tu vas me frapper peut-être ?
- Moi, non, je n'aime pas frapper les filles mais Léo, ça ne le dérange pas (il montra le garçon aux dread locks).
- Oh, je vois. Tu te planques derrière ton pote, quel courage chevaleresque !
- Lavande, on t'a dit de la fermer. Siffla Marianne d'une voix basse et vibrante, très menaçante.
- C'est bon. Ils ne méritent pas plus d'attention de toute manière. Déclara Lavande avant de se détourner pour s'éloigner vers l'opposé de la salle.
- Ce n'était pas très gentil... Murmura Sylvain.
- Je ne suis pas sûre qu'on s'apprécie. Grinça Eléa, les poings serrés, les mâchoires contractées, tremblante de rage et les yeux luisants de larmes.
- T'en fais pas, la rassura la fille aux yeux roses. C'est Lavande, elle est toujours comme ça avec tout le monde.
- Garce. Siffla Irwan entre ses dents.
- Nous, on ne pense pas ça du tout ! Assura Lison. »

Eléa hocha la tête en s'efforçant de chasser les émotions, la rage et la détresse éveillées par les mots de Lavande.
Cette dernière avait parfaitement su où appuyer pour la blesser avec une surprenante précision. Émue par cet accueil, Eléa avait baissé ses barrières et les propos de Lavande avaient donc eu plus d'impact sur elle. Sans compter que le sujet de ses pouvoirs dangereux était particulièrement sensible mais elle était également fortement touchée par l'attitude des autres membres de la classe, du moins, de ceux étant venus à leur rencontre, qui s'étaient resserré autour d'elle pour la protéger.
La jeune fille ouvrit la bouche pour les remercier mais elle n'en eut pas le temps car le professeur entra dans la salle en exigeant que tout le monde regagne sa place.






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