Chapitre 35 - Christophe Sarbes
Julie se tourna vers son collègue dont les sourcils étaient encore davantage froncés que les siens au-dessus de ses yeux toujours rivés sur la fenêtre au carreau brisé depuis laquelle Salim s'était adressé à eux et où restaient quelques traces de sang.
Au coup de feu, tous se raidirent, prêts à intervenir, et plus particulièrement les membres du Raid qui portèrent la main à leurs fusils en regardant les deux inspecteurs, attendant leurs directives. En réponse à cette question silencieuse, Martial secoua négativement la tête, leur ordonnant de ne pas intervenir et de seulement rester en position ici.
Le preneur d'otages leur avait clairement certifié qu'il n'hésiterait pas à faire feu si ils approchaient et l'état dans lequel se trouvait Salim laissait grandement supposer qu'il était tout à fait capable de mettre sa menace à exécution or, la sécurité des élèves demeurait la priorité, déjà que la détonation ayant résonné quelques secondes après la disparition de Salim à la fenêtre n'était guère pour les rassurer.
Cela ne signifiait pas qu'ils ne comptaient pas agir, bien au contraire, mais seulement qu'ils ne pouvaient pas le faire sans connaissances précises de la situation. Ils devaient en apprendre davantage sur l'identité et les motivations de l'homme, sur la position et l'état de santé des élèves qu'il ne fallait pas risquer de blesser. Leur priorité et objectif premier demeurait de les sauver, neutraliser le preneur d'otages était secondaire, bien qu'ils devraient certainement passer par cette étape pour les en délivrer.
Il leur fallait donc obtenir davantage d'informations et ils ne disposaient pas de beaucoup de moyens pour ce faire. En charge de l'opération puisque déjà sur place, les deux inspecteurs s'isolèrent de quelques pas pour se concerter, Julie s'en remettant à son collègue plus expérimenté qui, lui recherchait son assentiment. Ils convinrent qu'ils n'avaient réellement qu'une seule piste pour se renseigner sur leur homme : l'adresse fournie par Salim, qui ne l'avait sûrement pas fait pour rien, et avait donc une importance peu anodine. Avec quelques recherches, ils devraient obtenir quelques informations d'intérêt et pourraient même envoyer un officier subalterne sur place pour voir de quoi il s'agissait.
Après quelques minutes d'échange, ils décidèrent donc que Martial se chargerait de s renseigner sur cette mystérieuse adresse,seul réel indice qu'ils possédaient, pendant que Julie s'efforcerait de communiquer avec la preneur d'otages, à la fois pour récolter plu d'informations, plus sur son état d'esprit que sur son identité, mais surtout car, tant qu'il parlerait, il ne menacerait et ne blesserait personne.
Peut-être même réussirait-elle à le convaincre de relâcher l'un des élèves. Même un seul serait déjà une victoire et avancée encourageante ainsi qu'un espoir pour le reste des prisonniers. Ce n'était pas par hasard qu'ils avaient préféré confier cette tâche à l'inspecteur Guyon. Premièrement car les gens s'ouvraient plus facilement à une femme et deuxièmement car elle glaçait nettement moins ses interlocuteurs que son collègue. Elle pouvait également compter sur son expérience gagnée au fil des différents interrogatoires menés dans le cadre de ses fonctions pour décrypter les réponses et interpréter le comportement de l'homme ainsi que sur une licence de psychologie. Des deux, elle était clairement la plus apte à mener cet échange et à parvenir à le faire révéler des informations sur ses intentions et libérer l'un des élèves.
Gardant son arme dissimulée sous sa veste, elle s'avança sous la fenêtre partiellement brisée qu'elle observa, les yeux plissés pour accroître son acuité visuelle, mais elle ne voyait rien à travers, seulement le mur opposé peint d'une couleur pêche, celui où s'ouvrait la porte qui était actuellement bloquée par l'une des tables. Julie hocha le menton avec une pointe de satisfaction.
Ils avaient déjà une connaissance supplémentaire sur la disposition de la salle et l'organisation que l'homme avait adopté pour sa prise d'otages. Crayon en main, elle sortit son calepin, toujours sur elle dans l'une de ses poches, et y inscrivit que la porte était obstruée de l'intérieure mais pas impossible à ouvrir, avec un bélier par exemple.
Après avoir noté ce détail, qu'elle n'aurait certainement pas oublié de toute manière, elle se retourna pour voir son collègue s'engouffrer dans le dortoir, où ils avaient installé le poste de commandement, pour mener les recherches sur l'adresse. Martial lui adressa un signe d'encouragement, conscient qu'elle appréhendait grandement comme elle n'avait jamais participé à ce genre d'opération et qu'elle savait parfaitement que la sécurité, la vie, des otages reposaient sur ses épaules mais également confiante en ses capacités à réussir.
Prenant une grande inspiration pour s'encourager, elle fit de nouveau face à la fenêtre et appela sans citer aucun nom, criant seulement à la cantonade,mais personne ne répondit. Cependant, elle crut tout de même apercevoir furtivement un regard dans l'angle de la fenêtre. Bien, même si on ne lui répondait pas, elle avait la confirmation qu'elle avait l'attention de son interlocuteur.
En effet, plaqué contre le trumeau et les deux mains serrées autour de la crosse de son pistolet, l'homme observait l'inspectrice d'un regard discret, tenter d'observer sans se faire repérer vérifiant que son ordre était respecté et qu'aucune approche ne se faisait, ce qui était effectivement le cas. En revanche, il ne semblait pas davantage disposé à communiquer avec les autorités.
À l'inverse, les élèves se mordaient l'intérieur des jours pour résister à la tentation de répondre à l'appelle de l'inspectrice. Estimant qu'il fallait qu'ils lui réponde, et surtout que Salim reçoive des soins – le jeune homme grognait toujours de douleur à terre – Gabriel ouvrit la bouche mais Eléa l'empêcha de formuler en serrant plus fortement sa main dans la sienne.
Scellant de nouveau ses lèvres l'une contre l'autre, il regarda la jeune fille qui secoua la tête de gauche à droite pour le dissuader d'aller au bout de sa décision, ses yeux rouges remplis de larmes. Elle ne voulait pas le voir dans le même état que Salim ou que Lavande quelques minutes auparavant ou encore pire, elle ne le supporterait pas.
Si elle n'avait pas craqué en cédant totalement à la panique c'était uniquement grâce à sa présence à ses côtés, à ses doigts entre les siens, et elle ne pourrait pas affronter cette situation si elle perdait ce contacte. Gabriel le comprit à travers son expression et les mouvements nerveux qui traversaient son aura bordée de rouge. Saisissant qu'il remplirait aussi bien son rôle, si ce n'était davantage, en continuant à soutenir Eléa qu'en se sacrifiant, il renonça à son idée et s'installa de nouveau contre le mur et, comme les autres, s'efforçant de garder le silence. Eléa soupira de soulagement.
Même si, actuellement, sa seule envie était de se jeter sur leur agresseur pour lui arracher son arme et s'en servir pour le rouer de coups, elle demeurait réaliste et savait que, si elle ou un autre tentait quelque chose du genre, ils échoueraient avant même d'avoir réellement commencé. Dans ces circonstances, le secours viendrait certainement de l'extérieur et non d'eux-mêmes, leur tâche étant de demeurer en vie.
D'ailleurs, la police se chargeait de les faire sortir et l'inspecteur Guyon reprenait :
« Peut-être pourriez-vous nous dire ce qui vous motive et ce que vous voulez. Nous pourrions trouver un arrangement, quelque chose qui vous satisfasse.Tout ce que nous voulons, c'est que les élèves restent en bonne santé et nous sommes prêts à de nombreuses concessions pour cela alors vous pouvez nous faire part de vos exigences.
L'homme parut hésiter, les mains crispées sur son pistolet mais les paroles de l'enquêtrice semblaient cheminer dans son esprit alors qu'il se faisait la réflexion qu'il tenait le meilleur moyen d'accéder à son objectif, chose qu'il n'avait guère planifiée en venant ici, uniquement poussé par le besoin d'agir, de faire quelque chose. Un sourire victorieux et satisfait étira ses lèvres.
Il se détacha du mur mais sans s'approcher des fenêtres où il serait visible. À la place, il s'approcha de Salim, gisant toujours entre deux tables, qu'il avait écarté en chutant.
À travers ses lunettes et ses larmes de douleur, le jeune homme lui adressa un regard meurtrier. Comme Eléa, il aurait souhaité s'emparer de son arme pour le neutraliser mais il était encore plus impuissant que la jeune fille.
Ne pouvant donc rien faire d'autre que de le fusiller de ses yeux furieux, Salim se laissa empoigner par la capuche de son sweat. Tirant, l'homme l'obligea à se lever et, pas en position de résister, le jeune homme se mit debout avec difficulté. Par réflexe, il prit appuis sur ses deux jambes mais son genou blessé se déroba sous lui en lui envoyant une onde de douleur fulgurante à travers toute sa jambe et il s'écroula dans un grognement.
Sensible à sa douleur, la majorité de ses camarades se raidit, en particulier Lucille et Raphaël, mais ils se retinrent de bondir,sachant parfaitement comment cela se solderait d'avance. Plus prudent lors de ce second essaie, Salim garda sa jambe droite légèrement levée et se tint à une table d'une main, conservant comme il le pouvait son équilibre.
Entrainée par l'homme, Salim s'avança jusqu'à la fenêtre brisée pour servir d'intermédiaire entre le preneur d'otage et les autorités, représentées par l'inspecteur Guyon, toujours en attente d'une réponse.
Il s'agrippa au montant et un éclat de soulagement passa sur le visage de l'enquêtrice lorsqu'elle le découvrit au carreau brisé, car il était vivant, mais la crispation de ses traits l'inquiéta cependant. Il hocha le menton pour indiquer que ça allait, du moins, aussi bien que possible dans ces circonstances, puis, écoutant les instructions de l'homme, qui se tenait en retrait dans son dos, il les transmit à l'inspectrice dans un ton légèrement sifflant à cause de l'amas de souffrance qu'était son genou où il sentait la balle logée dans sa rotule :
- Il veut que les droits du magicien soient revus à la baisse. Qu'ils soient répertoriés dès leur naissance et encadrés, fichés en gros juste à cause de leurs couleurs d'yeux (le canon du pistolet qui s'enfonça entre ses côtes rappela à Salim que ce commentaire n'était pas inclus dans les exigences à communiquer. Souhaitant éviter une deuxième blessure, acceptant plus facilement l'idée de la mort que de la douleur, ou bien que la punition retombe sur l'un de ses camarades, il reprit en citant l'homme:) Il veut aussi que, pour commencer, cette école soit fermée, son personnel fiché pour sympathie avec les magiciens et ses pensionnaires placés en garde à vue puisque le meurtrier est parmi eux, forcément.
- Très bien, acquiesça Julie. Nous allons en parler avec le directeur mais vous devez nous prouver que vous êtes prêt à coopérer de votre côté. Libérez l'un des otages (quelques secondes s'écoulèrent, le temps que l'homme transmette sa réponse à Salim qui la répéta:)
- Il refuse.
- Ce n'était pas une proposition. Relâchez l'un d'entre eux, s'il vous plait, ce sont des enfants. Regardez Salim, il a besoin de soins et je pense que sa petite sœur aimerait le savoir en bonne santé. Elle s'appelle Aïsha, elle a quatorze ans, elle vit avec ses parents à Toulon. Il y a Sylvain aussi, le garçon aux yeux blancs. Il n'a que quinze ans. Il est arrivé au cours du mois de septembre, ses parents n'ont que lui. Eléa aussi est fille unique et arrivée tout récemment avec ses yeux rouges. La famille de Raphaël l'attend aussi. Il a deux frères aînés, Jean-Baptiste et Adrien. Irwan, lui, vit chez sa grand-mère depuis le décès de ses parents et Shikou est venue du Japon avec ses parents lorsqu'elle avait quelques mois. Mais il y en a certains qui ont été abandonné par leurs familles, Alana, Marianne, Lison, Léo, Lavande et Gabriel. Lui, il habite ici depuis qu'il est bébé. Cette école, c'est toute sa vie. Vous voyez, ce sont des personnes avec leurs proches, leur passé et leur histoire, comme vous, comme moi, alors soyez humain et acceptez de les relâcher, au moins les blessés. Ce serait un geste qui prouverait votre bonne foi et permettrait de débuter cet accord sur de bonnes bases de confiance (de nouveau, quelques secondes de silence puis Salim répondit pour son agresseur:)
- Il refuse. Il conteste votre vision des choses. Il dit que nous sommes des monstres, des abominations qui ne devraient pas être sur Terre.
Les mâchoires de Salim se contractèrent alors qu'il transmettait cet avis à l'inspectrice, de toute évidence visiblement en opposition avec cette conception de l'existence des magiciens.
Ils avaient le droit de vivre, lui comme les autres, mais le preneur d'otages n'avait apparemment pas la même vision des choses. C'était d'ailleurs pour cela qu'il les avait attaqué.
Dans la cour, l'inspecteur Guyon grinça des dents en ravalant un grommellement, s'obligeant à demeurer stoïque et impassible, ne laissant pas ses émotions la déstabiliser et ainsi faire croire à son interlocuteur que la situation lui échappait, qu'il avait un ascendant et que le contrôle total lui appartenait. Être aussi lisse que possible était primordial.
Cependant, la frustration d'échouer à faire libérer ne serait-ce qu'un seul élève était forte et, à part obtenir la fermeture de l'école, supprimer les droits des magiciens étant impossible de toute manière, ce qui serait difficile, surtout en l'absence de Monsieur Belforde, qui n'était pas descendu de son bureau, il n'y avait plus grand chose qu'elle pouvait faire mais elle ne souhaitait pas le faire de toute manière.
Pas question de supprimer le seul refuge aussi abouti pour les magiciens car un forcené l'exigeait. Il fallait que ce lieu continue d'exister pour tous les magiciens qui se faisaient rejeter,passés comme présents. Si ils avaient connu cet endroit, si elle en avait entendu parler il y avait quelques années, son frère aurait pu recevoir l'aide dont il avait besoin et il serait toujours vivant.
L'enquêtrice secoua la tête de gauche à droite pour chasser cette pensée et se focaliser de nouveau entièrement sur sa tâche.
Pas question de céder à ce fanatique et d'accepter de fermer l'institut Belforde. Le but était de lui faire croire qu'ils allaient accéder à sa demande pour pouvoir sauver les élèves. Pourtant, après s'être recentrée sur le présent et son objectif, elle ne savait pas vraiment que répliquer pour contredire l'homme et le faire aller dans le sens qu'elle souhaitait. Les angles d'attaque manquaient pour le persuader de les libérer. Les arguments se raréfiaient et le peu qu'elle avait employé se brisait sur la folle détermination du preneur d'otages.
Ne sachant donc plus vers quelle tentative se tourner, elle restait silencieuse face à Salim, qui continuait à ravaler sa douleur en déployant d'importants efforts, mais elle refusait d'admettre son impuissance. C'était son travail que de résoudre de pareilles situations, de protéger les victimes et arrêter les coupables.
Heureusement pour elle et sa frustration, Martial quitta le dortoir, sans davantage prendre la peine de se vêtir de son manteau que la première fois, pour la rejoindre en lui tendant son propre calepin, beaucoup moins actif que celui de sa collègue, où elle avait d'ailleurs inscrit quelques informations sur l'état psychologique de leur homme, sur lequel s'alignaient plusieurs faits récoltés en se renseignant sur l'adresse donnée par Salim.
Remerciant son coéquipier d'un hochement de menton formel, ne comptant délaisser son impassibilité que lorsque les élèves seraient en sécurité, elle prit la carnet et parcouru rapidement les notes.
Un fin sourire étira ses lèvres. Elle avait de nouveau les munitions nécessaires pour amener le preneur d'otages où elle voulait.
Rendant son calepin à Martial, elle fit de nouveau face à la fenêtre brisée, qui lui servait donc de sas de communication, et appela sans passer par Salim, qui avait pourtant le rôle d'intermédiaire dans cet échange :
- S'il vous plaît, Christophe. Si c'était Margaux ou Xavier qui étaient dans cette salle, retenus par un homme armé ? Ne voudriez-vous pas que cet homme les libère pour qu'ils puissent rentrer en bonne santé à la maison ? C'est vrai qu'ils sont un peu plus jeunes mais ce pourrait très bien être eux à la place de ces otages que vous retenez en estimant que c'est légitime.
Légèrement en retrait derrière elle, Martial adressa un acquiescement à Julie, approuvant sa méthode et la technique qu'elle y employait
Cependant,bien que le moyen semble bon, la réaction de celui que Martial avait découvert se nommer Christophe Sarbes, grâce à l'adresse fournie par Salim et qui s'était avéré être la sienne qu'il partageait avec ses enfants Margaux et Xavier, ne fut pas absolument pas celle escomptée. Au lieu de retrouver sa famille dans ses otages pour ainsi provoquer en lui la compassion nécessaire pour que naisse en lui le désir de les laisser repartir, il entra dans une violente fureur, enragé par le fait que son identité ait été découverte,que la police ait fait des recherches sur sa personne et, surtout,par celui que l'enquêtrice se soit permis de faire un rapprochement entre ses enfants et les élèves de cette école, ceux qu'il qualifiait de monstre, d'abominations de la nature.
Furieux, il quitta sa position de retrait où il restait dissimulé, ce qui était devenu inutile puisque son nom était à, présent connu, et, se postant à côté de Salim, qu'il bouscula de l'épaule et qui dû se rattraper au montant de la fenêtre pour ne pas chuter, il passa le bras à travers l'ouverture qu'il avait créé en brisant le carreau,et tira trois coups jusqu'à ce que son chargeur soit vide.
L'inspecteur Guyon se jeta au sol en réflexe de protection. De la terre projetée par les impactes des balles pénétrant le sol retombèrent sur son dos alors que Martial se précipitait vers elle en criant son prénom, visiblement inquiet et oubliant sa propre sécurité. Contrairement aux membres du Raid qui dressèrent leurs boucliers devant eux, assez inutilement puisque chacun des trois projectiles s'enfoncèrent dans la sol à moins d'un mètre de Julie.
Cette dernière se releva, aidée par Martial qui l'entraîna à l'abri derrière l'équipe d'intervention. Conscients que les possibilités d'une négociation et d'une résolution sans affrontement direct leur échappait, ils relevèrent le regard vers la fenêtre, inquiets pour la suite des événements et les conséquences.
Christophe Sarbes se détourna de la fenêtre en repoussant violemment Salim. Déséquilibré et incapable de se rattraper à cause de sa jambe inutilisable, le jeune homme s'écroula dans un grognement de douleur, qui fit se raidir Raphaël qui ne supportait pas de le voir souffrir ainsi.
S'étant donc libéré le chemin avec brutalité, Christophe alla jusqu'à son sac, posé sur le bureau du professeur pour en extirper un chargeur neuf par lequel il remplaça le vide qu'il laissa tomber à terre et écarta d'un coup de pied.
Vibrant toujours de colère, il se dirigea à grandes enjambées vers les élèves, qui se resserrèrent tous instinctivement les uns contre les autres en tremblant. Eléa crut même entendre quelqu'un murmurer une prière et, même si elle n'était guère croyante, elle se prit à en faire de même, tous craignant ce qu'il pouvait leur faire dans un tel état de rage. Il les examina l'un après l'autre, les visant chacun leur tour, pour finalement s'arrêter sur Roxanne qui lui lança un regard de défis malgré la peur nettement perceptible et qui augmenta encore lorsqu'il la saisit par le bras pour la forcer à se lever.
La jeune fille tenta de résister, ruant et se débattant, mais elle cessa bien vite de lutter lorsque le pistolet s'appuya contre sa tempe. Tremblante, elle se laissa faire, le cœur tambourinant avec angoisse dans sa poitrine. Le dénommé Christophe la tira jusqu'à la fenêtre alors qu'elle lançait un regard désespéré à ses camarades, bien qu'elle sache parfaitement qu'ils ne pouvaient rien pour elle.
Plaquée contre la fenêtre, elle regarda les forces de police réunies dans la cour et qui conservaient leurs regards sur elle.
L'empoignant à lui faire mal, Christophe pressa encore davantage la bouche de son canon de son arme contre son front et il hurla à travers le carreau brisé en réponse à la tentative de l'inspecteur Guyon :
- Je vous interdis de parler de mes enfants ! Eux sont pas des monstres ! Alors, maintenant, vous allez faire fermer cet infâme refuge à aberrations de la nature ! Et tout de suite, sinon, je vais exécuter les otages un à un ! Je plaisante pas et je vais vous le prouver !
Comprenant pourquoi il l'avait amené jusqu'ici, Roxanne écarquilla les yeux en paniquant.
Peut-être qu'elle cherchait l'auto-destruction et la fuite dans tous les excès auxquels elle se livrait mais elle ne voulait pas mourir d'une balle dans le crâne pour autant.
Elle se débattit en cherchant à tout prix à se libérer, en proie à une peur et un affolement qu'elle n'avait jamais ressenti, mais elle pouvait seulement s'écarter de plusieurs centimètres, distance dérisoire pour une arme à feu. La détonation résonna à l'instant où Sylvain bondissait, ne supportant pas de voir quelqu'un mourir sous ses yeux.
Roxanne fixa la balle figée à quelques millimètres de sa tête en déglutissant.
Sylvain cligna des paupières en observant leur agresseur totalement immobile, n'ayant même pas eu conscience d'avoir usé de ses pouvoirs mais, pour une fois, il s'en félicitait grandement. Autour de lui, tous échangèrent des regards surpris et soulagés en remerciant silencieusement Sylvain pour son intervention salvatrice.
Roxanne se tourna vers eux avec un sourire tremblotant puis, terrassée par sa peur, elle s'écroula, inconsciente.
N'étant plus forcé de demeurer sagement assis contre le mur sous la pression du pistolet, son propriétaire étant actuellement gelé dans le temps, Irwan se précipita vers elle pour l'installer plus confortablement, aussi galant que Gabriel, pendant que Léo, vidé de son énergie par son fort déploiement de magie précédent, se trainait jusqu'à la balle suspendue. Puisant dans ce qu'il restait de ses forces, il produisit une étincelle qui fit exploser le projectile. Vacillant, il se rattrapa à la table à côté de lui et Lison vint le soutenir.
Déstabilisés et quelques peu sonnés,les élèves se levèrent et firent quelques pas dans la salle. Alana s'avança jusqu'à leur ravisseur contre qui elle amorça un coup mais elle fut stoppée par Marianne qui la retint par le poignet en secouant la tête de gauche à droite, la dissuadant.
- Que...qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Demanda Lucille du bout des lèvres, le bras toujours passé autour des épaules de Shikou pour la réconforter.
- Le sort de Sylvain ne va pas durer éternellement. Expliqua Gabriel.
- Alors que ceux qui le peuvent se barrent. Grogna Salim, toujours à terre et serrant son genou.
- Mais ça ne réglera pas le problème, s'opposa Sylvain d'une petite voix, il sera toujours là à tirer sur qui il veut...
- Avec nos pouvoirs, on devrait avoir les moyens de le neutraliser. Proposa Léo.
- J'ai justement un plan, annonça Gabriel. Il faudra que ceux qui n'ont pas de pouvoirs offensifs fassent un bouclier avec les tables pour se protéger. Pour le reste, nous aurons besoin de Marianne, Irwan, Eléa et Lavande.
- Pas question ! Refusa Lavande. Moi, je fais plus rien !
- Tu veux sortir de là ou pas ? Alors tu fais ce que te dis Gabriel !
S'agaça Alana et, Lavande, ne pouvant la contredire sur son désir que tout soit fini, acquiesça à peine du menton, ses mains agitées de spasmes nerveux incontrôlés.
Personne d'autre que la jeune fille ne manifesta une opposition, accordant toute leur confiance à Gabriel, qui avait déjà souvent prouvé qu'il la méritait, et ils se réunirent autour du jeune homme qui exposa son plan. Après une concertation et quelques ajustements, ils se préparèrent à appliquer l'idée de Gabriel.
Pendant que les autres installèrent les tables comme convenu, Irwan et Raphaël entreprirent de ramener Salim et Roxanne à l'abri. Le tout fut prêt en quelques minutes, et tant mieux pour eux car la magie de Sylvain perdait son effet.
À peine Salim, après Roxanne, fut-il tiré derrière les tables renversées pour servir de protection, par Léo, qui, épuisé, ne pouvait plus utiliser sa magie, et sa main serrée dans celles de Raphaël, inquiet, trop faible pour le repousser et trouvant un peu d'apaisement dans ce contacte, que Christophe revint à lui.
Déstabilisé et perturbé, il regarda autour de lui, ne comprenant pas pourquoi Roxanne ne se trouvait plus devant lui, pourquoi ses otages ne se massaient plus contre le mur du fond mais s'abritaient derrière une muraille de tables. Il avait l'impression que quelque chose lui avait échappé, comme si il s'était endormi, ce qui, en un sens, était effectivement le cas.
Devinant, après quelques instants de réflexion, qu'il avait certainement été victime d'un maléfice jeté par l'un des élèves magiciens, sa rage augmenta et il braqua son arme sur les tables derrière lesquelles ils s'étaient réfugié et tira un coup de semonce pour appuyer son ordre qu'il formula pour leur intimer de sortir de cette stupide cachette pour reprendre leur position le long du mur du fond.
Personne ne bougea mais ils se raidirent et se tassèrent à l'abri des tables, les yeux posés sur Gabriel, s'en remettant entièrement à lui et à sa stratégie, qui était finalement fort simple. Le jeune homme se tourna vers Lavande, lui indiquant d'un regard qu'elle devait passer à l'action, enclenchant la première phase du plan.
Agenouillée légèrement à l'écart, Lavande se mordit les lèvres, ravalant son envie de refuser, comme le lui hurlait son instinct, se répétant que c'était l'unique moyen de sortir d'ici, et, se concentrant durant quelques secondes, elle invoqua sa magie.
Gabriel vit le halo pourpre qui entourait son aura croître pour qu'un morceau s'en détache et se dirige rapidement vers l'arme de Christophe.
Ce dernier, constatant qu'il n'était nullement obéit, voulu une nouvelle fois manifester le sérieux de sa menace en tirant mais rien ne se produisit lorsqu'il pressa la détente, juste un bruit de mécanique grippée. Son pistolet semblait s'être enrayé mais les élèves savaient qu'il s'agissait en réalité de l'action des pouvoirs de Lavande.
Après un court débat, ils avaient conclu qu'il valait mieux qu'elle empêche l'arme de fonctionner correctement plutôt que de le détruire complétement par une explosion de magie de psychokinésie, jugeant cela trop dangereux à cause des balles contenues à l'intérieur. Elle devait donc maintenir un apport de pouvoir pour que son sort demeure actif sur le pistolet, ce qui consommait son énergie mais, pour le moment, elle tenait.
En effet, Christophe appuya sur la gâchette à plusieurs reprises sans davantage d'effet. Enchaînant les jurons, il entreprit de retirer le chargeur pour ensuite le remettre puis nettoyer sommairement la mécanique, ce qui ne permit toujours pas au pistolet de fonctionner. Cependant, la fatigue commençait à gagner Lavande, comme en témoignait la ride qui creusait son front.
N'attendant donc pas davantage, Marianne usa à son tour de sa magie, en veillant à en contrôler la puissance et le champs d'action, pas uniquement de sa rigueur naturelle mais car la destruction du bâtiment n'était absolument pas le but de l'opération, sinon, ils auraient choisi de laisser Raphaël libérer toute la force de la magie brute qu'il contrôlait. Utilisant donc ses pouvoirs avec prudence, Marianne augmenta la gravité autour de Christophe.
Ce dernier perçut soudainement une forte pression qui pesait sur ses épaules, le forçant à se courber vers l'avant, pliant sous cette force qui l'écrasait subitement sans qu'il ne comprenne d'où elle provenait.
Face à ce phénomène, cette attaque, il oublia rapidement son pistolet, qui était pourtant sa préoccupation première il y avait seulement quelques secondes. Constatant que l'arme n'était donc actuellement plus une menace immédiate, Lavande relâcha sa magie,libérant le pistolet de son incapacité à fonctionner, et s'affaissa sur le côté, s'appuyant contre l'une des tables renversées, le souffle court et la vision légèrement floue à cause de la fatigue.
Marianne, elle, continuait à exercer son pouvoir sur la gravité qui pesait sur leur agresseur,l'immobilisant. En effet, la gravité était trop forte par l'action de Marianne pour qu'il puisse se déplacer normalement. Du moins, il ne l'aurait pu si il avait essayé car il n'avait pas essayé d'avancer.
En revanche, il lutta contre cette force pour se redresser, tous les muscles bandés, les dents serrées et un rictus d'effort déformant son visage mais, après avoir réussi à gagner quelques centimètres, il se courba de nouveau dans un grognement, ne pouvant résister à cette pression. Cette essaie se soldant par un échec confirmait qu'il était dans l'impossibilité de se mouver comme il le désirait et, derrière la table, les élèves échangèrent des regards entendus et des hochement de la tête,prêts à passer à la suite.
Malgré son épuisement, Léo puisa encore une fois dans le peu d'énergie qu'il lui restait sous les yeux inquiets de ses camarades, conscients qu'il empiétait sur ses limites, pour user des quelques gouttes de magie qu'il pouvait encore trouver. Les doigts tendus, tremblants et la sueur perlant sur ses traits, il dirigea ses pouvoirs vers la portion du mur qui séparait deux fenêtres, à la droite de Christophe.
Même avec toute la volonté sur laquelle il s'appuyait, il ne put produire davantage qu'une étincelle de flammèches, qui explosèrent avant de disparaître en quelques secondes, mais ce fut cependant suffisant pour détourner l'attention de Christophe, qui, si il voulu certainement se tourner vivement dans cette direction en un sursaut, ne put qui pivoter lourdement avec une grimace d'effort pour voir de quoi il s'agissait.
Profitant qu'il regardait ailleurs et qu'il ne pourrait pas réagir rapidement, toujours écrasé par la forte gravité que maintenait Marianne, Eléa, Gabriel et Irwan jaillirent de la protection des tables pour se déplacer dans la salle, la jeune fille se plaquant contre le mur est en s'efforçant de ne pas se faire remarquer alors que les deux jeunes hommes venaient à la hauteur de leur agresseur, sans se mettre réellement sur leurs gardes puisqu'il ne pouvait pas se défendre ou riposter, à moitié paralysé par la magie de Marianne.
Du moins, ils le croyaient car, n'ayant plus un œil sur ce qu'il se passait derrière les tables, ils ignoraient que Marianne avait cessé d'utiliser sa magie, victime d'un étourdissement à force de consommer son énergie de la sorte, juste quelques secondes après leur départ et Gabriel ne dû l'esquive d'une blessure par balle qu'à Irwan et à ses capacités augmentées à un niveau égale.
Sa vision améliorée lui permit de repérer l'amorce de mouvement du coin de l'œil et, grâce à la vitesse que lui faisait gagner sa magie, il se jeta sur Gabriel, le plaquant à terre juste avant que Christophe ne presse la détente et ils entendirent la belle siffler au-dessus d'eux.
De l'autre côté de la classe, longeant toujours le mur avec lenteur pour ne pas se faire repérer, Eléa stoppa, les dents enfoncées dans sa lèvre inférieure, résistant à la forte envie de se précipiter vers eux pour s'assurer qu'ils allaient bien, en particulier Gabriel, visé par le tire. Elle se força à la réprimer en se signalant mentalement à elle-même que le meilleur moyen pour être certaine que le jeune homme, et le reste de ses camarades par la même occasion, se portait bien et ne soit pas blessé était d'aller au bout de leur plan et, pour ce faire, elle devait conserver sa discrétion pour réaliser le rôle qui était le sien dans cette entreprise.
Prenant une grande inspiration pour calmer son inquiétude et, s'obligeant à se concentrer sur autre chose, à savoir le point qu'il lui fallait atteindre, elle se détourna et reprit sa progression prudente. Pourtant, elle aurait souhaité s'intéresser à la situation des deux jeunes hommes, qui se retrouvaient en fort mauvaise posture.
En effet, toujours à terre, Gabriel était légèrement sonné, et, pour rajouter à cette précarité, Christophe avançait en brandissait son pistolet sur eux, pistolet qui, à présent, fonctionnait parfaitement sans l'influence des pouvoirs de Lavande. Le sachant très bien, les deux jeunes hommes déglutirent, ayant conscience que plus rien ne les protégeait de la balle qui allait certainement jaillir.
Cependant, cela ne signifiait pas qu'ils comptaient seulement subir en se contentant d'attendre de recevoir le projectile mortel. Un rapide regard sur les auras alentours apprit à Gabriel que Irwan possédait encore suffisamment de forces pour faire appel encore plusieurs fois à sa magie.
Sans perdre davantage de temps en hésitation ou en réflexion, et sans se concerter, n'en ayant pas la possibilité, Gabriel frappa Christophe au genou, le déstabilisant et le faisant vaciller. En profitant, Irwan bondit sur ses pieds, sa vitesse toujours augmentée, et fusa vers leur agresseur, le projetant violemment contre une table qui recula sous l'impacte.
Se levant vivement à son tour, Gabriel saisit Christophe par le poignet, tentant de lui arracher son arme mais l'autre se reprit rapidement et le repoussa d'un coup de genou à l'abdomen. Le jeune homme tituba en arrière en bousculant involontairement Irwan qui cilla lui aussi, cherchant à récupérer son équilibre.
De nouveau parfaitement libre de ses mouvements, libéré que ce soit de la gravité trop forte ou de ses deux adversaires, Christophe les visa de son pistolet, prêt à se débarrasser de manière radicale de cette gêne et étouffer l'opposition de ses otages.
Observant la scène à travers le léger interstice entre deux des tables les protégeant, Lison se tourna vivement vers Lavande à qui elle donna un coup de coude pour lui ordonner de saboter de nouveau l'arme pour sauver Gabriel et Irwan. La jeune fille commença à formuler quelques réticences, ne compter pas consommer toutes ses forces comme Léo et préférant attendre que tout cela se termine sans s'impliquer pour sa sécurité, mais tous les regards que lui adressèrent les autres lui firent comprendre qu'elle n'avait pas le choix avant qu'elle ne puisse prononcer une seule syllabe.
Se résignant donc à tenir un rôle trop important à son goût dans cette opération, elle usa de nouveau de sa magie, alourdissant la chape de fatigue qui pesait sur ses épaules et son crâne, à l'instant même où Christophe pressait la détente. Elle sut cependant qu'elle avait agit à temps puisqu'une montée de soupirs de soulagement s'éleva dans la salle et, épuisée, elle suspendit aussitôt l'effet de ses pouvoirs en s'écroulant vers l'avant.
N'attendant pas que, après un juron, Christophe s'aperçoive que le dysfonctionnement de son arme n'était que temporaire et n'avait duré que quelques secondes, Gabriel se rua sur lui pour lui décocher un coup de poing à la mâchoire, qui lui fit rejeter la tête en arrière, offrant une ouverture à Irwan.
Ce dernier se désolidarisa de leur duo, laissant Gabriel faire face à leur agresseur, non pas qu'il fuyait en l'abandonnant mais qu'il allait à la porte pour la dégager de la table qui la bloquait et ensuite l'ouvrir à l'aide de sa force décuplée comme ils en avaient convenu, Léo n'étant pas en mesure de forcer la serrure.
Cependant, Gabriel ne pouvait pas faire grande chose dans cette affrontement en solitaire, devant faire avec la menace constante du pistolet et il ne pouvait que réellement demeurer mobile pour ne pas permettre à son adversaire de le viser, conscient que Lavande ne pouvait plus rien faire pour le protéger et que, la prochaine fois,il recevrait la balle. Les autres avaient bien insisté pour l'accompagner à cette étape du plan mais il avait refusé catégoriquement face aux risques que cela représentait pour eux, qu'il devait protéger, et aucun argument n'avait pu le déloger de sa position.
Sans compter qu'il n'y avait guère plus que Sylvain, Raphaël ou Lison encore en état pour lui prêter main forte et le premier souffrait déjà d'un léger état de choc. Le deuxième veillait sur Salim, qui repoussait les propositions de Lucille à soigner son genou. Quant à Lison, elle en avait assez de rester dissimulée derrière ces boucliers de fortune en laissant ses camarades tout faire pour les sortir de cette terrible situation et s'exposer au danger alors, comptant bien seconder Gabriel tout en respectant sa volonté de ne pas risquer de blessure ou pire, elle s'approcha du bord de la table de droite, la dernière, pour avoir une meilleure vue sur ce qu'il se passait, délaissant Léo presque inconscient à cause de sa grande utilisant de magie.
Ayant à présent la situation en visuelle, la jeune fille appela ses pouvoirs pour les libérer. L'effet apparu rapidement en se manifestant sous la forme d'un fort bruit strident vaguement apparenté à un frottement métallique qui résonna dans la salle, sortant de nul part et vrillant les tympans de tous, y compris de Christophe, ce qui était le principal but recherché. Par un réflexe, il porta les mains à ses oreilles sur lesquelles il plaqua ses paumes, tentant de se protéger de ce son insupportable, qui s'éteignit après plusieurs secondes.
Ayant davantage l'habitude de subir cette magie par sa vie à l'institut où se côtoyaient tous les pouvoirs,Gabriel se remit plus rapidement de cette attaque sonore, qui ne le visait pas de toute manière, et cogna de nouveau Christophe à la mâchoire, l'arrachant à sa torpeur. Le coup lui fit pivoter le visage vers le mur où s'alignaient les fenêtres et son regard tomba sur Eléa, qui revint à la réalité face à ses yeux au-dessus desquels se froncèrent ses sourcils alors qu'il se demandait ce qu'elle faisait là.
Gabriel grommela un juron, se reprochant d'avoir fait ainsi repérer Eléa alors qu'elle venait justement d'atteindre la fenêtre brisée. L'angoisse qui l'étreignit ne provenait pas uniquement de la crainte de constater que leur plan était possiblement compromis mais de celle, bien plus profonde, de voir que rien ne séparait Eléa du pistolet, qu'elle était totalement à découvert et vulnérable. Elle en avait aussi parfaitement conscience et se doutait que seule sa vélocité pourrait la sauver et changer la suite qui semblait se profiler.
Se forçant donc à ne pas demeurer paralysée face à la bouche de l'arme, bien qu'il y avait de quoi, elle se tourna vivement vers le carreau brisé et passa la main sur l'un des bords acérés, se l'entaillant. Ce qu'il se produisit la seconde suivante fut flou à son regard.
Elle entendit seulement une puissante détonation, une de plus, qui précéda de fort peu la violente douleur qui explosa dans son épaule gauche. Sonnée, elle s'appuya contre la fenêtre, la respiration haletante, et se retourna difficilement, cherchant à comprendre ce qu'il s'était passé.
En voyant Gabriel au sol à côté de leur agresseur, elle comprit qu'elle ne devait sa survie et cette blessure relativement bénigne, ou, du moins, moins grave qu'elle aurait pu l'être, qu'à l'intervention du jeune homme qui, se jetant sur Christophe, avait changé la trajectoire de la balle.
Ne s'apercevant pas véritablement de ce qu'il venait d'arriver, certainement choquée, elle se focalisa sur sa tâche, qui restait inchangée malgré cet incident, elle fit remonter sa magie à ses doigts par lesquels elle s'écoula. Son sang, provenant aussi bien de sa plaie à la paume que de sa blessure à l'épaule, réagit bien vite en s'élevant en de longues volutes rouges et frémissantes. Obéissant à Eléa, qui les façonnait avec une simplicité et une concentration, qui la surprenaient elle-même dans ses circonstances, ils se dirigèrent vers leur agresseur alors que la jeune fille modifiait leur consistance et leur structure.
Sur injonction de cette magie, elles s'enroulèrent autour de la gorge de Christophe enserrant. L'homme se redressa, écartant Gabriel, en portant les mains à son cou, la bouche grande ouverte à la recherche d'oxygène qui commençait à manquer à ses poumons, la trachée comprimée par ces liens de sang qui l'étranglaient. Des points noirs ne tardèrent pas à apparaître devant sa vision qui se floutait aux extrémités. Il tenta de se relever mais ne parvint qu'à tituber avant de s'écrouler de nouveau sans trouver davantage d'air.
Les doigts comprimant son épaule, Eléa le regardait suffoquer sans ressentir la moindre compassion ou culpabilité, animée d'une froide détermination, pas seulement par volonté d'échapper à cette situation et de lui faire payer ce qu'il leur avait fait subir en débarquant dans la classe ce matin mais également enivrée par la magie, cette puissance qu'elle percevait couler dans ses veines sous sa peau, et fascinée de constater ce qu'elle était capable de faire grâce à ces pouvoir, grisée par la sensation que rien ne pourrait lui résister, par toutes les possibilités qui semblaient s'ouvrir à elle, par la puissance insoupçonnée que lui apportait sa magie, tout simplement.
Cependant, elle revint à la réalité lorsque Christophe perdit connaissance à cause du manque d'oxygène. Eléa rappela sa magie, libérant le sang de son influence. Les liens se défirent pour redevenir liquide en tachant les vêtements de Christophe.
La fatigue retomba sur Eléa qui s'appuya contre la fenêtre derrière elle alors qu'un frisson la parcourait, pas causé par la soudaine fatigue qui retombait mais par la frayeur de découvrir à quel point elle était attirée par la puissance, par cette possibilité, cette capacité à écraser les autres. Découvrir cet aspect de sa personnalité l'effrayait. Peut-être que, avant de les maîtriser, ce n'étaient pas ses pouvoirs qui l'inquiétaient mais le pressentiment de ce sombre instinct de domination qui sommeillait au fond d'elle.
Elle s'extirpa de ces pensées lorsque Gabriel vint s'agenouiller à côté d'elle. Un peu hagarde, elle releva les yeux sur lui et remarqua seulement qu'elle tremblait, qu'elle n'entendait qu'un brouhaha difficilement compréhensible et que ses yeux peinaient à suivre les mouvements de ses camarades, qui, pour ceux qui le pouvaient encore, s'agitaient autour d'elle, se chargeant notamment de prévenir les autorités, mélange de fatigue, de choc, du manque de sang et de la douleur. Elle comprit, surtout par déduction, que Gabriel appelait Lucille pour qu'elle soigne son épaule.
Délaissant Salim, qui refusait toujours autant qu'elle l'approche, la jeune fille accourut auprès d'Eléa, qui posa sur elle un regard quelque peu vitreux. Sans attendre, elle posa ses paumes sur sa blessure en convoquant ses pouvoirs.
Eléa perçu une douce chaleur envelopper son épaule en la pénétrant profondément alors que les tissus se réparaient, repoussant la balle vers l'extérieur. Eléa l'entendit tomber au sol, expulsée de son épaule alors que les lèvres de la plaie se ressoudaient.
À présent, les seules traces qui subsistaient de cette blessure était le trou dans son pull aux contours tachés de sang ainsi que la douleur qui persistait encore. Cependant, si la blessure avait été éliminée, restaient la fatigue, le choc et le manque de sang.
Si bien qu'elle s'appuya contre Gabriel, à moitié inconsciente alors que les policiers pénétraient enfin dans la salle, neutralisant le preneur d'otages et vérifiant l'état des élèves, signant la fin de cet éprouvant incident.
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