Chapitre 34 - Salim et la mort
Plus personne ne respirait et Léo encore moins, les yeux rivés sur la bouche mortelle, s'attendant à en voir jaillir la balle qui n'aurait presque pas de distance à parcourir pour se loger dans son crâne.
Il devait reconnaître que si, effectivement, il était demeuré sur ses gardes et avait relativement prévu ses actions durant sa diversion qu'il avait pensé à organiser, il n'avait absolument pas songé à la fin ou à ce qu'il se produirait lorsque Lavande serait soignée et qu'il cesserait de déployer ses pouvoir pour détourner son attention. Pourtant, il était évident qu'il ne pourrait pas rejoindre le groupe de ses camarades, toujours tassés contre le mur du fond, comme si de rien n'était, avec la permission de leur attaquant qui le laisserait tranquillement faire sans rien dire.
Après tout, il l'avait attaqué, avait défié son autorité qu'il maintenait avec son arme, qui plus était, à l'aide de sa magie, ce qu'il abhorrait et était venu détruire d'après ses dires.
Comment cela aurait-il pu bien se terminer ? Comment n'avait-il pas réfléchis aux conséquences de cette action ?
Car il était inconséquent et qu'il n'avait pas vu plus loin que le fait que Lucille avait besoin d'une diversion pour soigner Lavande. Alors, sans réfléchir davantage, comme bien souvent sauf que, aujourd'hui,c'était véritablement sa vie qu'il mettait en jeu par son irresponsabilité, il lui en avait fourni une sans songer à ce que cela impliquait réellement pour lui.
Le coup ne partait toujours pas et le temps paraissait se dilater, les secondes se muant en heures.
Relevant le regard, il croisa de nouveau celui de Lison aux pupilles tremblantes. Il la sentait prête à bondir pour intervenir, ce qu'il ne souhaitait pas. Non pas qu'il tenait davantage à adopter la figure du héros se sacrifiant qu'un peu plus tôt mais qu'il était inutile qu'un autre se retrouve ainsi en aussi mauvaise posture, et surtout pas Lison. Elle risquerait de devenir la cible de leur agresseur et Léo préférait vraiment recevoir cette balle plutôt qu'elle soit blessée. Pas question qu'elle le soit par sa faute.
Sauf que la jeune fille n'avait pas non plus l'intention de le laisser être blessé, elle ne permettrait pas qu'il soit tué sous ses yeux et son clin d'œil ne suffisait pas à lui faire croire que tout irait et allait bien. Le pistolet était contre son front, il ne s'agissait pas seulement d'une plaisanterie qui tournait mal dont il pourrait s'échapper d'une pirouette.
Alors pourquoi agissait-il comme si avec ce sourire et ce clin d'œil qu'il lui adressait comme sereinement ? Certainement ne voyait-elle pas le tremblement de ses mains ni le spasme qui déformait son sourire sur la gauche.
Quoi qu'il en était, elle n'assisterait pas impuissante à cette exécution, pas question. Certes, elle ne pouvait pas grand chose pour l'empêcher, à part se jeter sur l'homme, contre qui elle n'avait guère de chances de victoire, bien plus fluette, ce qui n'aurait comme conséquence que d'offrir quelques secondes à Léo avant de le rejoindre. Seule, il n'y avait pas de réel secours qu'elle puisse apporter et les autres se demandaient également que faire.
Tentant le tout pour le tout,faisant la seule chose qui était en son pouvoir, Lison usa de sa magie. Un son discordant et affreusement strident résonna dans la salle de classe, poussant tout le monde à se plaquer les paumes sur les oreilles pour se protéger les tympans, y compris l'homme qui, pour ce faire, éloigna involontairement le canon du front de Léo, pointant l'arme vers le plafond.
Cette attaque sonore ne dura pas longtemps, seulement quelques secondes, mais laissa à leur agresseur l'ouïe défaillante, envahie d'acouphènes, et l'esprit déstabilisé, regardant autour de lui sans comprendre ce qu'il venait de se produire, oubliant totalement Léo et l'arme qu'il braquait sur lui et qui ne visait maintenant plus rien, tournoyant au rythme des mouvements de son propriétaire perturbé.
L'instant semblait parfait pour en profiter, c'était ce que pensa Léo, mais il commençait à peine à se relever que le pistolet se dirigea de nouveau vers lui, son mouvement ayant rappelé sa présence à l'homme.
Pas pour longtemps car on le saisit fermement par le poignet en lui tordant le bras pour éloigner l'arme de Léo.
Personne n'avait vu Salim bondir ni ne l'avait prévu ou s'y attendait. Pourtant, c'était bien lui qui serrait l'avant-bras de l'homme, le forçant à le lever vers le plafond, l'empêchant ainsi de tirer sur Léo. Trop épuisé par sa forte dépense de magie, ce dernier ne songea pas à prêter main forte à Salim ni même à s'éloigner.
Résistant et luttant, l'homme envoya son coude dans l'abdomen de Salim, le faisant se plier en deux alors que tout l'air était chassé de ses poumons, mais il ne le libéra pas contrairement à ce qu'il espérait. À l'inverse, il resserra sa prise autour de son poignet par réflexe, enfonçant ses ongles dans sa peau. Sauf que l'homme ne comptait pas abandonner, persuadé d'être porté par la plus grande des causes, et, se moquant de la douleur provoqué par les griffures, il chercha à s'arracher à la poigne de Salim, tirant son bras vers l'avant, mais Salim ne lâchait toujours pas, aussi déterminé et obstiné que lui.
Ne pouvant cependant pas résister à la traction, il se retrouva plaqué contre le dos de son adversaire qui avança de quelques pas.
Grognant d'effort, il referma sa deuxième main sur la crosse du pistolet, tentant de le lui arracher, mais sa prise n'était pas idéale, tout comme sa position. Sans compter qu'il peinait de plus en plus à garder ses mains en place à cause des ruades et des coups que donnait l'autre. Pour ajouter à cela, il était déconcentré par la vision qui l'assaillait et se rejouait dans son esprit depuis qu'il était en contacte avec leur attaquant qui, lui, pouvant se focaliser entièrement sur leur affrontement et ne se privait pas pour frapper Salim dans le but de le faire lâcher prise.
Heureusement, le jeune homme subissait une telle torture psychologique chaque jour que la douleur physique n'avait guère d'emprise sur lui. Seulement, il n'allait pas pouvoir rester ainsi à se contenter de s'accrocher au pistolet, surtout que ses doigts glissaient dessus, et à encaisser les coups dont l'homme lui labourait le ventre et la poitrine.
Il devait s'emparer de son arme pour annuler ce qui faisait la majorité de sa menace et rendait le danger réel.
Gagnant quelques centimètres d'un bond, plus petit que leur agresseur, Salim change de prise sur l'arme. Ses doigts se refermèrent autour du canon qu'il s'efforça de ramener en arrière, vers lui. En réaction, l'homme raffermit sa propre prise sur l'arme et, dans l'empoignade, il pressa involontairement la gâchette.
Le bruit de détonation résonna encore entre les murs de la salle de classe.
Tous sursautèrent et s'observèrent les uns les autres, en panique, cherchant qui était blessé, avant de comprendre que la balle s'était logé dans le plafond, comme en témoignait l'impacte et la poussière de plâtre qui tomba sur Salim et son adversaire.
Bien qu'ils en furent tous deux surpris, n'ayant pas eu l'intention d'actionner la détente, ce coup de feu ne permit pas à l'un d'entre eux de prendre l'avantage. Du moins, pas immédiatement, car, se reprenant le premier, Salim remonta violemment son genou dans le dos de son adversaire, le faisant tituber et chuter contre une table sur laquelle il se rattrapa.
S'appuyant contre lui, le plaquant davantage contre la table, le jeune homme essaya de récupérer le pistolet mais l'autre réagit rapidement et riposta. Dressant le pied vers l'arrière, il frappa Salim au tibia, ce qui ne le fit toujours pas lâcher sa prise. Enchaînant en relevant vivement la tête, son crâne heurta brutalement Salim au visage et son nez craqua douloureusement.
Sa vision se voilà momentanément de noir et sa poigne faiblit à cause du coup mais il s'obligea à demeurer alerte,s'empêchant de vaciller en arrière, et gardant les doigts serrés d'un côté sur l'arme de l'homme et de l'autre sur le bras de ce dernier, qui put se redresser sans que le jeune homme n'oppose de réelle résistance, sonné malgré ses efforts. Salim toujours donc accroché à lui dans son dos, il recula de quelques pas jusqu'au mur le plus proche puis, prenant un peu d'élan, il écrasa violemment le jeune homme contre, l'assommant à moitié et se libérant enfin.
Salim resta appuyé contre le mur où il s'agrippa pour ne pas s'affaisser au sol avec le goût du sang dans la gorge.
Se forçant à remettre ses pensées en ordre et à retrouver ses esprits, il secoua la tête de gauche à droite, projetant des gouttelettes de sang autour de lui depuis son nez blessé. Se reprenant, il découvrit le canon du pistolet braqué sur lui, Léo réfugié auprès des autres et Raphaël sur le point d'exploser, bien que Salim savait qu'il se contiendrait en conservant sa magie enfermée car, si il la libérait,les dégâts seraient certainement plus graves et importants que ceux que causeraient leur agresseur avec seulement son arme or, c'était bien l'une des dernières choses que le garçon souhaitait.
Apparemment, l'homme avait oublié Léo qu'il avait remplacé par Salim, qui se retrouvait donc en fort mauvaise posture.
Pourtant, il ne parut pas s'en inquiéter. Au contraire, un sourire étira ses lèvres. Pas un sourire joyeux ou victorieux, ni même fou, mais en coin, amer et désabusé, reflétant son intériorité. Il essuya le sang maculant son visage et lança, pas un défis ou une provocation, mais juste comme une simple déclaration :
« Allez-y, tirez, parce que vous n'obtiendrez rien de moi avec ce flingue.
Ne prenant visiblement pas ses propos au sérieux, les jugeant être uniquement une bravade pour dissimuler sa peur et lui prouver qu'il ne gagnerait rien à le menacer de la sorte, le faire hésiter comme lorsqu'un interrogé affirmait à l'interrogateur qu'il ne lui dirait rien.
Alors, il raffermit sa prise sur la crosse du pistolet en précisant sa ligne de visée, l'air déterminé. Salim secoua la tête de gauche à droite avec une expression consternée, en constatant que ses paroles n'étaient considérées que comme une provocation sans fondement alors qu'elles étaient plus que la vérité, puisée dans son ressenti intérieur.
La menace de la mort n'avait effectivement aucun effet sur lui, qui y était habitué par toutes ces visions de décès mais surtout par son désir de la trouver lui-même pour être délivré de ces mêmes visions.
Pour bien le prouver, le jeune homme avança de quelques pas jusqu'à n'être plus séparé du canon de l'arme par quelques centimètres sans qu'aucune frayeur ne vienne marquer son visage ou ne traverse son regard toujours masqué par ses lunettes aux verres éclaboussés de quelques projections de sang. Surpris par cette attitude passant pour stupidement téméraire, l'homme redressa encore davantage son pistolet, visant droit la poitrine de Salim, et les camarades de ce dernier se raidirent, brûlants d'intervenir mais, craignant de ne faire qu'envenimer la situation, ils ne bougèrent pas.
Ses yeux rouges foncés rivés dans ceux de leur agresseur, Salim annonça calmement et gravement, sans ciller, sans qu'aucune hésitation de peur ne vienne troubler son ton posé, ce qui était bien plus effrayant pour son adversaire que si il avait seulement seulement hurlé :
- Allez-y, je n'ai pas pas peur de la mort de toute manière, alors tirez.
- Reste où tu es, démon ! Ordonna l'homme, apparemment gagné par la panique face au comportement de Salim.
- Vous savez pourquoi ? Parce que je sais déjà comment je vais mourir et, malheureusement, ce n'est pas avant longtemps alors que j'aimerais que ce soit maintenant. Par contre, vous, vous devriez faire attention lorsque vous traversez la rue.
- Ferme la !
Cria l'homme en agitant le canon de son arme qui tremblait sous son affolement.
Toute son assurance et sa détermination semblaient avoir disparu, totalement déstabilisé par Salim, ses paroles et son attitude. Ce qui, après avoir sauvé Léo de la balle lui était destinée, était un peu le but.
Même si, peut-être, qu'il avait cru et espéré que braver la mort en la regardant en face à travers cet homme et son arme la ferait venir à lui plus rapidement pour le délivrer de cette existence qui lui pesait tant. Sauf que les circonstances de sa mort ne paraissaient toujours pas changer. Qu'importe.
Actuellement, le principal était de se débarrasser de cet homme et que tous puissent quitter cette salle en entier et, pour l'instant, les propos de Salim semblaient contribuer à faire progresser la situation en ce sens. L'homme était vraiment troublé sans savoir comment réagir face à la prédiction à peine voilée de son décès prochain, ce qui était certainement le plus perturbant de tout cet échange déjà fort déstabilisant.
Comme le profond trouble et la panique de leur agresseur se présentaient comme une ouverture pour supprimer sa menace, Salim ouvrit la bouche pour insister dessus mais pousser l'homme dans ses retranchements en forçant de la sorte sur son trouble eut une conséquence que le jeune homme n'avait pas prévu.
Paniqué et refusant d'en entendre davantage, l'homme envoya soudainement son pistolet au visage de Salim, le frappant sous le menton de la crasse et lui rejetant violemment la tête en arrière, ce qui fit que son crâne heurta le mur derrière lui. Il s'écroula alors que son saignement de nez reprenait et que Raphaël criait son nom.
Cependant, le garçon ne put le rejoindre comme il l'aurait voulu, comme en témoignait son amorce de mouvement pour se lever, car le canon du pistolet se braqua sur lui avant de se pointer sur chacun des élèves un à un.
Tous se contractèrent, redoutant de le voir appuyer sur la gâchette, mais il se contentait de seulement les mettre en garde. Les seuls qui n'en inquiétèrent pas, exceptée Shikou toujours aussi mentalement absente de la réalité immédiate, était Roxanne et Irwan dont les esprits et la concentration étaient dirigés ailleurs, vers l'extérieur.
En effet, guidée par le jeune homme et sa vision puissamment améliorée par sa magie, Roxanne utilisait ses propres pouvoirs pour envoyer un message de détresse à tous ceux qui passeraient dans la cour. Influençant sur la terre, comme l'indiquait son regard couleur chocolat, elle faisait remonter des roches pour les placer au milieu de la pelouse de façon à inscrire S.O.S en larges lettres boueuses pour avertir toutes les aides éventuelles de leur situation plus que problématique.
Ils avaient confiance en Monsieur Moreau et savaient qu'il ne les abandonnerait pas mais ils ne pouvaient pas uniquement se contenter d'espérer qu'il ramènerait les renforts nécessaires pour les délivrer alors, pour mettre toutes les chances de leur côté, ils préféraient envoyer eux-mêmes un message.
Évidemment ils ne pouvaient pas se douter avec certitude que les autorités se réunissaient déjà dans l'institut en mettant en place la procédure pour sauver. Ils ne pouvaient pas le savoir, du moins, pas jusqu'à ce que Irwan s'exclame, oubliant leur attaquant et son ordre de silence dans son soulagement de voir un espoir concret de se voir sortir de ce piège :
- Les flics sont là !
Quelques exclamations et soupirs soulagés s'élevèrent du groupe d'élèves,voyant dans cette annonce l'imminence des secours et de la fin de ce cauchemars, mais ils se turent lorsque le pistolet se dirigea de nouveau vers eux, en particulier sur Irwan qui avait fait cette observation.
Le jeune homme se mordit l'intérieur des joues, se reprochant ce manque de discrétion qui pourrait desservir les policiers qui s'efforçaient de les sauver car les manœuvres auraient certainement été plus évidentes à mener si l'agresseur n'avait pas été vigilant ou sur ses gardes. Dans son soulagement, il n'y avait pas songé et avait commst cette erreur mais ce qui était fait l'était et il serait inutile de s'assommer de reproches. Ce dont il n'aurait peut-être plus guère le temps de faire.
Ce fut ce qu'il pensa alors que l'arme le visait à la poitrine et que l'homme s'agenouillait à sa hauteur pour le saisir par son épaisse chevelure auburn. Le tirant vers lui, son visage à quelques centimètres du sien, il lui intima de garder le silence si il ne voulait pas de problème. Irwan acquiesça lentement en déglutissant puis l'autre le relâcha en le repoussant contre le mur.
Il ne repartit cependant pas tranquillement. En effet, ne comptant pas obéir en baissant les yeux plus longtemps, prises par une montée de révolte, Alana tendit sa jambe en travers de celles de l'homme qui chuta durement au sol non loin de Roxanne qui lui cracha au visage avec mépris et dédain.
L'homme essuya la salive coulant le long de sa joue avec un rictus de dégoût et termina son mouvement en décochant une gifle sonnante à Roxanne, qui fendit la lèvre de cette dernière. S'attendant à écoper de la même punition, Alana se raidit, se préparant à recevoir le coup, mais, n'ayant pas vu sur quoi il avait trébuché exactement, l'homme ignorait qu'elle avait un rapport avec sa chute et il se releva sans lui accorder un regard, l'épargnant.
Se détournant du groupe, il s'approcha de l'une des fenêtres pour vérifier si les paroles d'Irwan, qui s'avérèrent véridiques.
Comme l'avait signalé le jeune homme, des personnes équipées de gilets en kevlar se réunissaient dans un coin de la cour, évaluant la situation et attendant les ordres.
Après un juron, l'homme retourna auprès de Salim qui commençait tout juste à revenir à lui avec un léger mal de crâne. Il le saisit par le devant de son sweat pour le relever sans aucune douceur et ainsi le forcer à lui faire face.
Encore sonné, le jeune homme vacilla légèrement mais il s'obligea à se reprendre alors que l'homme prenait la parole pour s'adresser à lui dans un sifflement de colère :
- Puisque ça te plaît de jouer les petits malins, tu vas parler pour moi, allez !
Retournant Salim, il le poussa dans le dos pour l'obliger à avancer vers la fenêtre. Le jeune homme tituba et eut besoin de s'appuyer sur une table avant que l'homme ne le saisisse par son bras droit qu'il lui tordit dans le dos, limitant ainsi les risques d'opposition de sa part. Une légère grimace tordit les traits de Salim mais il ravala rapidement sa douleur et marcha jusqu'à la fenêtre où il le guida.
Salim posa sa paume contre la vitre pour conserver son équilibre,encore un peu incertain sur ses jambes après les deux coups consécutifs qu'il avait reçu, et regarda à travers.
Dans la lumière chiche de ce début de mâtinée hivernale, le jeune homme compta une quinzaine de policiers protégés par des gilets part-balles amassée à l'opposée du bâtiment principal,n'attendant qu'un signal pour agir sauf que se précipiter vers la salle sans réfléchir risquerait de causer plus de dégâts qu'autre chose.
Il leur fallait en connaître davantage sur la situation et l'homme avant de tenter quoi que ce soit. D'un côté, c'était rassurant de constater qu'ils privilégiaient la prudence dans leur stratégie mais, de l'autre, cela signifiait que les secours attendus n'arriveraient pas dans les prochaines minutes.
Portant son regard plus loin, à quelques mètres derrière le S.O.S tracé par la magie de Roxanne, Salim remarqua, garés le long du trottoir devant les grilles de l'institut, les voitures et le fourgon qui avaient conduit les policiers ici. Autour, commençaient à se réunir quelques badauds qui se demandaient quelle était la raison d'un tel déplacement des forces de l'ordre. Cela ne tarderait guère avant que la presse ne soit avertie de la situation et se rende sur place pour couvrir l'incident. Les choses semblaient devenir de plus en plus incontrôlables.
Du moins, pour le preneur d'otages. Ce qui n'était pas une mauvaise chose puisque, plus il serait déstabilisé, moins il aurait d'emprise sur la situation et plus il serait simple à maîtriser.
D'ailleurs, lui-même devait avoir conscience que sa maîtrise lui échappait, comme en témoignait le rictus qui tordit son visage alors qu'il jurait. Cependant, il avait toujours une position de force avec les otages à sa merci et il comptait bien le faire savoir. S
e protégeant derrière Salim, qu'il tenait toujours fermement, l'homme brisa la vitre à l'aide de son arme. Par réflexe pour se protéger, Salim eut un mouvement de recule qu'il ne put réellement plus qu'entamer car l'homme le retint et un morceau de verre lui lacéra le dos de la main. Une grimace fit remonter le coin gauche de ses lèvres mais, encore une fois, il étouffa sa douleur.
Les officiers postés dans la cour relevèrent le regard vers la fenêtre dont quelques éclats retombèrent à l'extérieur et certains braquèrent leurs armes dessus, comprenant qu'il se passait quelque chose, que la situation évoluait et que, ainsi, ils pourraient avoir un moyen de savoir ce qu'il se passait exactement qu'en attendant que l'homme monté sur le doit du dortoir pour tenter d'obtenir un visuel de l'intérieur de la classe redescende avec des informations approximatives.
L'un d'entre eux couru à l'intérieur pour avertir leurs supérieurs qu'il y avait du mouvement. Salim reconnu les inspecteurs Carmody et Guyon qui rejoignaient leurs collègues, le premier n'ayant pas prit le temps de revêtir un manteau et la deuxième emmitouflée dans une épaisse veste grise, les yeux rivés sur la fenêtre brisée par laquelle s'engouffra un souffle glacé qui refroidit les otages.
Salim frissonna en fronçant les sourcils, se demandant pourquoi l'homme l'avait amené devant la fenêtre. Certes, il souhaitait vérifier les propos d'Irwan ainsi que la position et l'organisation des forces de l'ordre mais il n'avait pas besoin de lui pour cela.
Le jeune homme comprit lorsque, enfonçant le canon du pistolet entre ses côtes, il lui ordonna de s'adresser aux policiers pour lui. Un sourire en coin méprisant releva le coin gauche des lèvres de Salim alors qu'ils secouait la tête de gauche à droite avec dédain.
Tournant légèrement la tête sur le côté, regardant son agresseur en coin à travers ses lunettes teintées, il lança avec toujours le même ton sombre mais détaché :
- Vous me croyez pas quand je vous dis que je n'ai pas peur de la mort ? Sauf que je mens pas alors inutile de vous amuser avec votre flingue. Allez y, tirez, vous me soulagerez d'un poids.
- Pas peur de la mort, hein ? Répéta l'homme. Mais quant est-il de celle des autres ? »
Avant même de terminer de formuler sa question, l'homme se détourna de Salim, éloignant l'arme de son flanc, sans pourtant le lâcher, pour faire face aux autres, toujours massés contre le mur les uns contre les autres, et tira sans sembler viser.
Tous sursautèrent à la détonation et les tremblements de Raphaël devinrent difficilement contrôlables alors qu'un peu de plâtre coulait sur son épaule, tombant de l'impacte de la balle dans le mur juste à côté et quelques larmes échappèrent à Sylvain.
Salim les observa enserrant les poings à s'en faire craquer les phalanges. Si, comme il l'avait affirmé, il ne cillait pas à l'évocation de sa propre mort et à la menace, s'en moquant bien et souhaitant même l'accueillir, il ne supportait pas celle des autres, surtout si il en serait la cause, sinon, il ne serait pas à ce point plongé dans une telle détresse quotidienne à cause de sa magie et des visions qu'elle lui infligeait.
Les dents serrées à se les rompre, il acquiesça sèchement à la demande de l'homme. Ce dernier décocha un coup de poing à Salim, pour la forme, pour prouver une fois de plus qu'il ne plaisantait pas et montrant à Salim que c'était une mauvaise idée que de tenter de désobéir ou de s'opposer.
Lui tordant toujours le bras dans le dos et braquant à présent son arme sur ses camarades, il jeta le jeune homme contre la vitre et lui ordonna dans un sifflement colérique de transmettre ses directives aux policiers, qui venaient de le repérer en le montrant du doigt.
Salim cracha une glaire où se mêlaient sang et salive, qui s'écrasa contre la fenêtre, puis, obéissant à l'homme, ou, plutôt, se pliant à son chantage pour le bien des autres, il s'adressa aux deux inspecteurs qui le fixaient depuis la cour :
« L'intégralité de la classe de Monsieur Moreau est ici et on est tous relativement en bonne santé, pour le moment. L'homme qui est avec nous est armé et n'hésitera pas à tirer si jamais vous vous approchez, sur vous ou nous alors ne tentez rien et restez où vous êtes, pour la sécurité des otages.
- Salim, nous avons entendu plusieurs coups de feu. Es-tu sûr que personne n'est blessé dans la classe ? S'assura l'inspecteur Guyon.
- Ouais, on se pisse dessus et on préférerait être ailleurs mais ça va. Je suis le plus amoché alors tout va bien.
- La ferme. Grogna l'homme à l'oreille de Salim.
- Excusez-moi mais mon conseiller en communication m'interdit de poursuivre sur le sujet.
- Qui êtes-vous et que voulez-vous ? Demanda Guyon en s'adressant directement au preneur d'otages.
- Il ne vous répondra pas. Affirma Salim à la place de l'homme. Mais peut-être pouvez-vous vous renseigner sur le 42 de l'impasse du 8 février. »
Les sourcils froncés, l'inspecteur Guyon ouvrit la bouche pour demander quelques précisions à Salim sur cette mystérieuse adresse, qui ne paraissait pas avoir le moindre rapport avec la situation actuelle, mais elle n'en eut pas le temps car le jeune homme disparut, violemment tiré en arrière et brutalement éloigné de la fenêtre brisée.
Il fut jeta au sol par l'homme, dont le visage était déformé de rage, et son crâne alla cogner contre le pied d'une chaise, le sonnant encore légèrement mais pas suffisamment pour qu'il ne remarque pas la colère que leur attaquant dirigeait sur lui.
À présent, il prenait conscience du risque qu'il avait prit en mentionnant cette adresse, celle qu'il avait vu dans sa vision du décès de l'homme. Il ne pensait pas qu'il en serait aussi furieux, songeant qu'il s'agissait certainement d'un bon moyen de mettre les inspecteurs sur la piste de l'identité de leur agresseur, mais, à présent, il craignait que cet indice ne coûte cher à l'un de ses camarades.
Sauf que ce fut sur lui que le pistolet s'abaissa et dans son genou que la douleur explosa. Dans un hurlement, il serra sa blessure en se tordant alors que le sang imbibait son jeans.
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