1. Complicité
En cette nuit d'automne,une légère brise venait troubler le calme alentour. Un homme se tenait haut-perché sur le toit d'une tour,assis nonchalamment,une épée beaucoup trop longue reposant contre ses jambes. Il la caressait du bout des doigts,des doigts longs et abîmés,preuve des multiples batailles auxquelles il avait dû participer. Il passa son pouce le long de la lame tranchante,le regard perdu dans le vague face à la vue qu'il avait depuis le toit. La nuit était noire mais les étoiles brillaient de mille feux ce soir-là,éclairant la plaine qui entourait la citadelle.
Guts,car ainsi était le prénom de cet homme,grimaça quand son pouce se fit entailler par la lame à force de trop divaguer. Une goute de sang roula le long de l'épée jusqu'au bout pointu,ou elle pendit un instant avant de s'échouer sur le sol à quelques mètres plus bas. Guts suivit son parcours des yeux avec une certaine fascination. Soudainement,son camp de vision fut rempli par une touffe de cheveux blancs et longs,tellement qu'on aurait dit ceux d'une dame. Mais ce n'en était pas une ; c'était Griffith. Les yeux d'un bleu transperçant de celui-ci croisèrent ceux diablement opposés de Guts et il eut un mouvement de recul. Il dessert la main sur son épée qu'il tenait fermement.
-Putain,tu pourrais prévenir !
S'exclama le grand brun,lançant un regard boudeur au nouvel arrivant qui semblait s'amuser de la situation,un sourire malicieux aux lèvres. Un petit rire cristallin s'échappa de celles-ci et les joues du mercenaire prirent une légère teinte rouge. Sûrement de honte. Ou peut-être était-ce dû à autre chose.
-Allons,que fais-tu ici tout seul,à une heure pareille ? Tu devrais être en train de te reposer. Une rude journée nous attend demain.
Le chef de la troupe du faucon observa son guerrier avec intérêt. Guts ne put s'empêcher de détourner les yeux face à ce regard ; en deux ans,il n'avait jamais réussi à le maintenir plus de quelques secondes sans savoir pourquoi,et cela avait le don de l'énerver.
-Je pourrais très bien dire la même chose de toi,répondit-il sur un ton abrupt,toujours en faisant la moue.
Griffith grimpa habilement sur le toit et s'installa à côté de lui,le tout avec une grâce qui lui était propre. Leurs épaules se touchèrent et Guts sentit des frissons lui remonter le long de la nuque,qu'il mit sur le compte de la fraîcheur.
-Je pense à demain,répondit enfin l'homme aux allures de prince. Comme à chaque veille d'une bataille,je ne peux m'empêcher de penser à tous ces hommes qui perdront la vie,en particulier aux miens. Je ne peux m'empêcher de me dire que c'est,en parti,de ma faute.
Derrière ses airs de gros dur,Guts se sentit touché par les appréhensions de son chef. Il était toujours étonné de voir à quel point Griffith se souciait du sort de chacun de ses hommes qui combattaient fidèlement pour lui. Bien évidemment,il en faisait lui-même parti. Le brun daigna enfin le regarder et il posa une main sur l'épaule de Griffith qui semblait si frêle,mais qui,il le savait,derrière cette apparence délicate se cachait une grande force. Moins brut que la sienne,certes,mais une force qui l'avait déjà mis au tapis et dont il ne fallait pas sous estimer.
Guts n'était pas doué pour ce genre de choses,il ne savait que dire pour le réconforter,alors il se contenta de cette main sur cette épaule. Mais cela sembla marcher car,sous ses doigts,il sentit le corps du blond se détendre. Cela lui fit chaud au cœur ; Guts voulait se persuader qu'il était un être à part pour Griffith,quelqu'un qui était à un échelon de plus élevé que les autres. Il ne savait pas pourquoi il ressentait ça,pourquoi il désirait tant l'attention de cet homme,lui qui était si indépendant et solitaire d'habitude.
-Nous gagnerons cette bataille,je ferais tout pour. Comme tu l'as dit le jour de notre rencontre ; je t'appartiens. Je me dévouerai corps et âme à toi,quoi qu'il advienne.
Enfin il arrivait à parler. Les yeux des deux hommes se rencontrèrent de nouveau et ils s'observèrent intensément,Griffith semblant réfléchir aux paroles de son homme de main,mais il savait qu'il ne devait pas douter de Guts qui lui était d'une loyauté infaillible. C'était l'homme en qui avait le plus confiance en tout points ; il ne l'avait pas choisi pour rien.
-Dis donc mon cher Guts,on dirait que tu te fais sentimental ce soir. Serait-ce la pleine lune qui te rend ainsi ? Vas-tu te transformer en énorme loup et me dévorer,la bave aux lèvres ?
Le mercenaire accueilli la plaisanterie avec une bourrade à son ami en guise de réponse et tous les deux rigolèrent,complicité comblant le vide de leur cœur. Ils restèrent ensuite là,sans rien dire,à simplement regarder la vue qui s'offrait à eux. Ce calme et ce silence étaient apaisant pour l'un comme pour l'autre.
Une bourrasque d'air glacial se leva soudainement et souffla sur les deux hommes. Guts ne frissonna pas cette fois-ci contrairement à son compagnon qui grelota sous le coup et se frotta les épaules. Le grand brun n'hésita pas et il retira sa grande cape noire de sur son dos pour la mettre sur celui de Griffith. Sans s'y attendre,il le sentit alors se coller contre lui et une partie de sa cape l'envelopper,l'autre partie couvrant le corps beaucoup plus fin que le sien. Cette proximité ne sembla pas gêner le moins du monde Griffith qui avait fermé les yeux et semblait si paisible. Guts en profita pour observer son visage détendu en se disant à quel point ses traits pourraient se confondre avec ceux d'une fille. Si c'en avait été une,il l'aurait volontiers mise dans son lit. Le guerrier secoua vigoureusement la tête à cette pensée,se traitant lui-même de goujat.
Mais tout de même...
Sous cette nuit paisible d'automne,deux hommes se tenaient hauts perchés sur le toit d'une tour. Ils ne remarquèrent pas la paire d'yeux luisant de jalousie les observer dans la tour voisine,sans se douter de la supercherie qui se tramait.
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