Chapitre 4
Les parents d'Arwen patientent dans la salle d'attente de l'hôpital pour avoir des nouvelles de leur fille. Ils ressemblent à des robots : deux êtres dépourvus d'émotions et de conscience. Les personnes présentes dans la salle les regardent avec peine, se doutant de ce qui a pu se produire. Eux, ne semblent rien voir de cette salle, ils sont dans un autre monde.
Un médecin s'approche, évitant de justesse un malade en fauteuil roulant puis se pose sur le comptoir de l'accueil et demande des renseignements. Il hoche la tête et se retourne vers les parents d'Arwen puis s'approche calmement.
— Bonjour, vous êtes bien les parents d'Arwen ?
Le mari semble sortir de sa bulle et regarde le médecin.
— Oui, souffle-t-il avec mélancolie.
— Veuillez me suivre s'il vous plaît.
Il hoche la tête et aide sa femme à se relever. Celle-ci ne semble pouvoir revenir dans la réalité. Le médecin les conduit à travers le labyrinthe que forme l'hôpital, dans ces couloirs fades aux néons parfois grésillants. Ils finissent par arriver devant une chambre silencieuse, le médecin ouvre la porte et les invite à entrer. Arrivée dans la pièce, la mère pousse une petit cri étouffé en voyant sa fille et s'approche d'elle mais son mari la retient.
— Votre fille a reçu un choc très violent, peu de temps après avoir survécu miraculeusement à un accident. Elle ne survivra malheureusement pas plus de quelques heures, nous n'avons rien pu faire pour empêcher ça. Actuellement elle ne souffre pas, elle est plongée dans un coma dans lequel elle restera jusqu'à sa mort.
— Arwen... chuchote la mère en tendant la main vers sa fille mourante.
Le médecin regarde la jeune adolescente allongée dans ce lit en se disant que la vie peut-être terriblement injuste quelque fois. C'est pour cela qu'il faut profiter de chaque instant.
— Je suis désolé, dit-il en se reculant un peu.
Il y a un long silence durant lequel seuls résonnent les sanglots de la mère qui se cale dans les bras de son mari et murmurant des choses incompréhensibles. Il lui caresse doucement le dos pour essayer de la soutenir comme il le peut.
— Je vais vous laisser, si vous avez besoin de quelque chose n'hésitez pas, les prévient le médecin en sortant de la chambre.
Le père se rappelle de la lettre que leur a laissé Arwen et éprouve un profond regret. Il l'a totalement délaissée après la mort de sa petite sœur et plus jamais il ne pourra rattraper ce temps perdu. C'est en partie à cause de lui que sa fille est là aujourd'hui. Elle a écrit à la fin de sa lettre que quand un lien se brisait aussi longtemps, il était impossible qu'il revienne un jour. Lorsqu'il l'a lue il n'était pas d'accord, il était alors accablé par la surprise. Maintenant il comprend, si elle n'avait pas fait ça, jamais il ne se serait rendu compte de son erreur et leur vie aurait continué pareillement jusqu'à ce qu'Arwen parte vivre sa vie ailleurs. Une larme coula sur sa joue, déjà trempée par celles de sa femme.
***
Je suis encore dans ce monde étrange. Mon esprit flotte dans cet endroit qui semble infini. Alors c'est ça la mort ? Je regarde autour de moi et avance sans resssentir la moindre douleur dûe au choc. Si j'avais su qu'après la mort nous restions dans cet endroit, seul pour toujours, je ne serais pas restée sur la route. Y serais-je restée même si ce monde était merveilleux ? Non, je ne pense pas. La vie m'a quittée depuis peu de temps - enfin je crois étant donné que je pense que nous n'avons plus conscience du temps après la mort - et déjà elle me manque.
Je ressens comme un courant d'air dans mon dos et fais volte-face.
La femme de mon rêve est devant moi, toujours avec cette robe si surprenante. Ses yeux me scrutent désormais avec douceur. Un fin sourire se dessine sur ses lèvres rouge sang.
— Bonjour Arwen.
Sa voix semble résonner partout et nulle part à la fois.
— Bonjour. Qui... qui êtes-vous vous ?
— Je suis La Mort, lâche-t-elle naturellement.
J'ai l'impression qu'un frisson me traverse. Tout va bien.
— Oh. Je ne sais que répondre de mieux. Suis-je morte ?
— Pas encore. C'est pour cela que tu es ici. Je veux savoir si tu souhaites vraiment mourir, toi qui a reçu ce merveilleux don.
— Ce merveilleux don, vous dites ! C'est une malédiction, je hausse le ton en entendant ses paroles dépourvues de sens.
Sa tête se penche sur le côté et ses yeux m'analysent. C'est vrai qu'en cet instant elle ne semble pas entièrement humaine.
— Tu ne le maîtrises pas encore assez bien. Je te l'ai offert, c'est une chance.
S'il existait un asile pour morts, j'aurai bien envie de l'y inscrire. Elle est totalement dérangée.
— Je n'en veux pas, laissez-moi mourir en paix !
Mes paroles résonnent dans cet océan de néant, elles sonnent faux. Je ne sais plus si j'ai envie de mourir. Peut-on en avoir réellement envie ? Je n'en sais strictement rien et ça me tracasse.
— Tu en es certaine. ?
Non.
— Oui, c'est ce que je veux.
— Très bien, je voudrais te montrer une dernière chose avant que tu ne meurs vraiment.
Elle ferme les yeux et se concentre très fortement. Je me demande bien ce qu'elle peut vouloir me montrer. Je baisse la tête pour regarder mes pieds mais il n'y a rien en dessous. Que du vide. C'est très... étrange.
— Arwen ? demande une petite voix fluette que je reconnaîtrai parmis mille.
Mon cœur saigne des larmes quand je lève la tête : ma sœur se tient devant moi. Elle a toujours huit ans, ses magnifiques yeux verts, qu'elle tient de notre père, ne me regardent pas avec terreur comme la dernière fois que je les ai vus. Ils luisent d'une joie débordante, qui se transforme vite en incompréhension. Je ne peux prononcer le moindre mot.
— Mais que fais-tu ici ? Que t'est-il arrivé ? me questionne-t-elle en fronçant les sourcils.
— Je... c'était dur... les parents... ces gens morts, ta mort... je n'y arrivais plus.
Les mots se mélangent dans ma bouche sans que je ne les contrôle.
— Tu n'arrivais plus à quoi ? me demande-t-elle en s'approchant de moi.
— À vivre, je souffle honteusement.
Ma sœur qui était si pétillante de vie est morte par ma faute il y a maintenant cinq ans et j'ose lui dire que je suis morte parce que je n'arrivais plus à vivre.
— Ce jour-là j'aurais du mourir à ta place, j'observe en baissant la tête.
Je n'ai pas le courage de la regarder en face.
— Non, ce jour là aucune de nous deux n'aurait dû mourir mais je suis morte et personne ne pourra rien faire contre. Tu dois revenir à ta place dans le monde des vivants, Arwen. Tu n'as pas le droit de mourir comme ça. Ici, tout le monde voudrait revenir à sa vie d'avant, changer le passé pour l'améliorer. Chacun voudrait vivre de nouveau, profiter de ses proches, profiter de sa vie, des moments difficiles comme des moments heureux. Ils seraient tous prêts à revivre leurs souffrances et leurs joies parce que c'est ça, vivre.
Mon regard se lève sur elle malgré mes réticences. Contrairement à ce que j'aurais pu croire, son regard n'est pas dur ou sévère, il est emplie de compassion et de nostalgie. Elle a mûri, sûrement plus que moi. Je me sens idiote à coté d'elle car elle a raison, je dois bien l'admettre.
— Excuse-moi, si tu savais comme je m'en voulais, moi aussi je voudrais changer le passé.
— Arwen, ce n'était pas ta faute, je suis partie sans t'attendre et j'ai sauté sur ce lac gelé. Tu n'aurais rien pu faire, la glace aurait craqué sous ton poids et tu aurais coulé comme moi. Je t'appelais au secours parce que je sentais que la mort venait me cueillir mais au fond de moi je voulais que tu restes bien à l'abri sur cette rive. Je ne t'en veux pas Arwen et sache que chaque jour que je passe ici, ta présence me manque un peu plus mais paradoxalement je ne veux pas que tu me rejoignes. Alors pars vivre, un jour on se retrouvera.
Je suis subjuguée par ce discours. Ma bouche s'ouvre sans produire le moindre son, mes paroles sont étouffées par l'émotion. J'aimerais la prendre dans mes bras et la serrer fort une dernière fois mais je ne le peux pas. Je me contente de la regarder avec un amour et une gratitude infinis.
— Alors, quel est ton choix maintenant Arwen ?
— Je veux vivre, je réponds en faisant le plus sincère des sourires à ma sœur.
Petit à petit tout disparaît autour de moi et la dernière chose que je vois est ma sœur qui me fait un petit coucou de la main pour me dire qu'on se reverra bientôt.
Je ressens mon corps, mes courbatures, mes coupures. Je ressens mon cœur battre. Je me sens vivante.
***
J'entends la voix de mes parents alors que je reviens de loin. J'ouvre péniblement les yeux et tourne la tête pour les voir. Dès qu'elle remarque que je me réveille, ma mère me bondit dessus, me broyant les côtes au passage. Je ris en la sentant me serrer comme si j'étais la chose la plus précieuse au monde et je sens ses pleurs mouiller ma magnifique - noter l'ironie - blouse d'hôpital. Mon père arrive de l'autre coté du lit et me tapote affectueusement la tête, ne pouvant faire plus étant donné que ma mère s'étale de tout son long sur moi. Je leur fais un grand sourire.
***
Quelques jours plus tard, je suis sortie de l'hôpital. Je me promène sur les bords du lac où ma sœur nous a quittés, avec mes parents qui sont heureux comme ils ne l'avaient plus été depuis le drame. J'ai encore un plâtre et de nombreux pansements mais je me sens bien.
Je vois toujours les morts mais je m'y suis habituée. Et puis je ne sais pas si on peut réellement empêcher la mort de quelqu'un, mais j'ai promis à Ezio que j'essaierai en dissuadant les gens de faire certaines activités en attendant que mes visisons passent. Pourquoi ? Parce que je l'ai recroisé dès ma sortie de l'hôpital et il pleurait à chaudes larmes, il m'a parlé de son père. C'était l'homme que j'avais vu dans mon cauchemar dans la forêt le premier soir après mon accident. Depuis, nous avons décidé de nous voir souvent pour parler de nos proches perdus et pour jouer. Nous nous complétons, chacun panse la douleur de l'autre.
Un cri retentit derrière moi. C'est Ezio qui m'appelle, suivi comme toujours de sa mère qui lui court après en lui disant de ralentir. Ils nous rejoignent tous les deux et disent bonjour à mes parents. Je regarde ces quatres personne en souriant et en pensant à ma sœur, qui sera toujours dans mon cœur et que je suis impatiente de retrouver... enfin pas trop vite non plus, j'ai une vie qui m'attend tout de même !
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