Chapitre 1
Je me réveille dans une pièce inconnue. Le blanc éclatant des murs et du plafond me force à plisser les yeux. Un drap fin recouvre mon corps endolori. Le soleil est déjà haut dans le ciel et il n'y a plus aucun signe de l'orage de la veille. Le ciel est d'un bleu immaculé, sans le moindre nuage, les oiseaux volent dans le ciel suivant leurs trajet qui forme des dessins magnifiques. Ce calme m'apaise et fait ressurgir les souvenirs de la veille. L'orage, le renard, la foudre, cette douleur indescriptible, les phares de la voiture, ma mort. Ma mort ? Comment se fait-il que je sois ici actuellement alors ? Je n'ai pas le temps de me poser plus de question, une infirmière entre dans ma chambre.
Lorsque son regard se pose sur moi, elle se fige. Sa bouche s'ouvre puis se ferme sans produire le moindre son et ses yeux sont exorbités. Elle se pince, fait une petite grimace et part en courant dans le couloir. Étrange personne...
Quelques minutes plus tard, elle revient accompagnée d'un autre infirmier en blouse blanche. Il me semble plus expérimenté. Ses sourcils se froncent et il s'approche de moi :
—Bonjour, comment te sens-tu ? me demande-t-il avec douceur.
— J'ai un peu mal partout mais ça va, je grimace en essayant de bouger.
— Tu te rapelles de ton nom et de ton âge ?
Je fronce les sourcils face à cette question. Bien évidemment que je m'en rapelle !
— Oui, je m'appelle Arwen, j'ai 17 ans et je vis avec mes deux parents dans une maison.
Le médecin prend quelques notes sur une feuille puis reporte son attention sur moi.
— Te souviens-tu de ce qui s'est passé il y a une semaine, le soir ?
— Il y a une semaine ?
— Oui le soir de ton... ton accident.
— C'était il y a une semaine ? m'écriai-je, tout à coup paniquée.
Il se contente de me fixer sans répondre pour me laisser le temps de digérer cette information.
— Et bien je me souviens qu'il y avait de l'orage, ce soir là, beaucoup d'orage. Je rentrais chez moi quand j'ai vu un renardeau blessé sur la route. Je suis alors allée lui porter secours et là, la foudre m'a frappée. Ensuite j'ai lâché le renardeau, il s'est enfui et une voiture m'a percutée de plein fouet, j'énonce en essayant de me rappeler de chaque détail.
Le médecin continue de noter des choses sur sa feuille au fur et à mesure que je parle, relevant une ou deux fois la tête vers moi. À la fin de mon récit, il dit :
— Bien. Tout cela est... fascinant. Émeline, veuillez appeler et prévenir ses parents s'il vous plaît.
L'infirmière qui attendait jusque-là sur le côté hoche positivement la tête et disparaît de nouveau dans le couloir.
Je m'assoie sur mon lit sous le regard émerveillé du médecin, puis me sers un verre d'eau. Je ne sais pas pourquoi ils semblent tous si impressionnés mais j'espère le découvrir bientôt. Le médecin finit par partir, me laissant seule dans cette pièce au silence empli de mystère.
***
Je suis encore assoupie quand quelqu'un toque à la porte. Je réponds un faible "entrez" et la porte s'ouvre, dévoilant les visages inquiets de mes parents. Ma mère ne perd pas une seconde et se jette dans mes bras, ignorant mon gémissement de douleur. Elle se relève puis prend ma tête entre ses douces mains, me rappelant ainsi mon enfance heureuse avant le drame, et pose son front contre le mien.
— J'ai eu si peur ! Je t'aime, ma fille, me murmure-t-elle.
Je regarde son visage fin, ses beaux yeux marrons qui sont noyés de larmes. J'y vois de la douleur et du soulagement, de la tristesse et une joie infinie. Ces émotions me touchent. J'aimerais lui dire que moi aussi, je l'aime. Je l'aime plus que tout au monde. Mais mes mots restent bloqués dans ma gorge alors j'enfouis ma tête dans son cou et la serre fort contre moi. Je n'ai plus l'habitude de ses marques d'affection. Moi aussi je t'aime, maman.
Nous restons dans cette position, sans bouger, durant plusieurs minutes le temps que nous nous calmions toutes les deux. Je finis enfin par me détacher d'elle et mon père me prend à son tour dans ses bras. Ils ont eu peur de me perdre aussi, je le vois à leur attitude, mais maintenant je suis devant eux, en chair et en os et cela leur procure un soulagement sans nom.
Le médecin de tout à l'heure s'approche et prends la parole :
— Que de belles retrouvailles, c'est magnifique. Je dois vous avouer que votre fille est un cas à part. Jamais une personne s'étant faite percuter par une voiture en s'étant pris la foudre avant n'a survécu au choc. Et encore moins dans un état pareil. Je ne comprends pas comment c'est possible mais tant mieux, c'est merveilleux ! Elle pourra sortir de l'hôpital dès demain, après quelques examens.
— Merci monsieur. Un infini merci ! s'exclame ma mère.
— Oh, je n'y suis pour rien, répond-il modestement, c'est un coup du destin. Merveilleux et inattendu.
Les adultes continuent de discuter de mon état pendant que je me perds dans mes pensées. Je me sens bien. L'attention de mes parents m'avait terriblement manqué, j'ai l'impression d'être redevenue une petite fille pleine de joie de vivre. Quel plaisir.
Après quasiment une heure, tous sortent de ma chambre car il se fait tard. Mes parents me disent qu'ils ont hâte que je rentre à la maison demain. Moi aussi.
***
TW : suicide
Je marche dans la forêt de nuit. Une chouette effraie, sublime reine blanche, passe au-dessus de ma tête en poussant un petit cri. J'avance dans une direction inconnue mais mon corps refuse de s'arrêter. J'ai besoin de découvrir le monde, de partir à l'aventure ! De m'éloigner du lieu du drame qui m'attire inlassablement comme un aimant. Les feuilles mortes, formant un tapis infini sur le sol, bruissent sous mes chaussures. Un coup de vent les soulève pour créer une petite tornade éphémère aux couleurs chatoyantes. Jaune, rouge, oranges, marrons. Les couleurs de l'automne.
J'entends au loin un crissement semblable à une corde qui se balance. C'est étonnant qu'il y ait quelqu'un d'autre que moi ici, à cette heure si tardive. Je m'arrête quelques minutes, ferme les yeux et essaie d'entendre d'où provient ce crissement régulier. Le vent fait voler mes cheveux châtains qui protègent mon visage. Le bruit vient de la droite. Je recommence donc à marcher vers lui. Il se rapproche de plus en plus. Les bois se font plus profonds, plus sombres. Je frissonne, peut-être est-ce le froid ? Peut-être est-ce l'adrénaline ? Je ne sais pas ce que je vais découvrir et ce sentiment de liberté, me donnant l'impression d'être une aventurière solitaire sur une terre inexplorée et inhabitée de l'homme est grisant.
Dans un recoin protégé par l'ombre des arbres peu éclairés par la lune, je discerne une ombre. Je sais que la corde est là. Quelque chose pend au bout. Quelque chose ne contenant plus la vie. Je déglutis en sortant doucement une lampe de poche, comme si je ne voulais réveiller la chose qui pend mollement devant moi. Mon rythme cardiaque accélère, je lève le bras, pose mon pouce sur le bouton, inspire profondément et appuie.
Je recule en poussant un cri strident. Une racine me fait tomber au sol, je ne vois plus que cette image horrible. Toute tremblante, j'ai le courage de me relever et je pars en courant. J'entends des pleurs. Serait-ce lui ? Il me fait entendre sa peine, sa douleur. Mais non, ce n'est que moi. Je cours à m'en brûler les poumons dans cette forêt noire de malheur. Obsédée par cette image, je ne fais pas attention au chemin que j'emprunte. Je glisse dans un fossé et m'assome la tête en arrivant violemment au sol. La dernière image que je vois, c'est celle qui me hantera toute ma vie : cet homme pendu, le visage pâle, les yeux révulsés. Cet homme mort.
Je me réveille en sueur dans ma chambre d'hôpital. Je n'ai pas bougé d'ici, j'ai juste fait un cauchemar, ça arrive. Mais c'est la première fois qu'il est de ce genre là. Le soleil commence à se lever, le personnel de l'hôpital commence à sérieusement s'activer pour nous servir nos petits-déjeuners. Mais je n'ai pas faim.
On toque à la porte de ma chambre. C'est Émeline, l'infirmière d'hier qui vient me chercher pour les examens. Elle me soutient dans le couloir, une semaine sans marcher ça engourdit les jambes ! Arrivée dans la salle d'examen on m'allonge et ça commence. Une demi-heure plus tard je suis sortie. Mes parents m'attendent devant l'hôpital avec une petite pile de cadeaux. Ça n'en valait pas la peine. Ils m'aident à monter dans la voiture et je les entends chuchoter à l'avant. Ils parlent d'un homme qui s'est suicidé la nuit dernière. Je baisse la tête. Il s'est suicidé dans les bois. Je ferme les yeux. En se pendant. J'étouffe un cri de surprise.
— Vous en êtes sûrs ? je leur pose la question d'une voix fébrile.
— Oui, c'est un horrible drame, répond ma mère avec mélancolie.
- Je peux voir une photo de lui ?
Mon père me jette un coup d'œil interrogateur dans le rétroviseur mais je l'ignore. Il me tend son téléphone. Je me fige.
L'homme sur la photo est celui que j'ai vu cette nuit dans mon cauchemar.
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