— Roxanne ! appela Angelina de la cuisine. Viens manger !

— Cinq minutes, maman, j'ai pas encore fini ! répondit la fillette.

Assise sur le plancher de sa chambre, Roxanne avait étendu devant elle les pièces du casse-tête qu'elle avait reçu le matin-même. C'était son premier casse-tête sorcier, où tous les morceaux restaient noirs jusqu'à ce que le dernier soit placé au bon endroit ; alors, seulement, l'image apparaissait-elle. Le jeu ne faisait que cent morceaux, mais elle espérait qu'un jour elle réussirait à en faire de cinq cent pièces, comme Fred, ou même de mille, comme ses parents.

En quatre heures, elle avait réussi à faire le contour et une grande partie du centre. Il ne lui restait qu'une quinzaine de morceaux à placer, qu'elle essayait dans tous les sens dans les endroits qui étaient toujours libres.

Elle avait trouvé la place de la moitié de ceux-ci quand Angelina apparut dans l'embrasure de sa chambre à coucher.

—Roxie, je t'ai laissé un quart d'heure, ton dîner est en train de devenir froid, dit-elle. Ton casse-tête va toujours être là dans une heure.

— J'ai presque fini, maman !

Angelina sourit. Visiblement, la passion de son mari pour ce jeu avait été transmise à ses deux enfants. Fred et Roxanne n'étaient jamais aussi calmes que quand ils étaient assis devant un casse-tête. Elle s'assit à côté de sa fille.

— Tu veux que je t'aide ?

— Non ! s'exclama Roxanne sans la regarder. Je veux le finir toute seule.

Pendant les dix minutes suivantes, Angelina regarda donc la fillette, le front plissé de concentration, placer les six prochains morceaux dans les trous. Quand elle plaça le tout dernier, appuyant dessus jusqu'à ce qu'il prenne sa place avec un petit « clic », le casse-tête fini sembla vibrer quelques secondes puis le noir s'évanouit pour laisser la place à un joli paysage forestier dans lequel volaient de petites fées, leurs ailes frétillant dans les rais de lumière qui transperçaient les feuilles. Roxanne poussa un cri de joie et passa les bras autour du cou de sa mère.

— J'ai réussi toute seule ! Il est super beau, merci maman !

Angelina rit en lui ébouriffant les cheveux.

— Ça me fait plaisir, ma chérie. Maintenant, viens manger.