11
Lila se réveilla dans un souffle, haletante. Mais elle n’était plus dans la maison. La lumière douce du matin filtrait à travers les rideaux, et le monde semblait étrangement calme. Ses mains tremblaient alors qu’elle les posa sur ses genoux. Un rêve, pensa-t-elle. Tout cela n’était qu’un rêve. La maison, les ombres, son frère… tout cela n’était qu’une illusion.
Elle se leva lentement et se dirigea vers le miroir. Son reflet la fixait, mais quelque chose clochait. Ses yeux semblaient vides, éteints. Elle les scruta plus attentivement, mais rien n'y fit. Un vide insondable, un abîme sans fond, habitait désormais son regard. Ce vide… il n'était pas là avant.
Elle ferma les yeux, essayant de se rappeler, mais tout semblait flou. Des bribes de souvenirs revenaient par vagues : la clé noire, les ombres, la voix de son frère. La maison. Ces souvenirs étaient là, présents, mais impossibles à saisir. Comme des grains de sable glissant entre ses doigts.
Elle se dirigea vers la porte, sa démarche hésitante. Le monde extérieur était exactement comme elle s’en souvenait, mais rien n’avait la même texture. Tout semblait distordu, irréel. Les sons étaient plus graves, l’air plus lourd. Elle se laissa porter par un instinct qu’elle ne comprenait pas, comme si une force invisible la guidait.
Lorsqu’elle franchit la porte, un frisson la traversa. Lila n’avait plus l’impression de marcher, mais plutôt de flotter, comme si elle n’avait jamais été tout à fait vivante, tout à fait elle-même. Elle s’engouffra dans la rue, ses pas rapides, presque frénétiques, résonnant sur les pavés. Elle ne savait plus exactement où elle allait, mais elle avait l’impression qu’il fallait qu’elle avance.
Au détour d’une rue, elle aperçut une silhouette familière. Il était là, au loin. Son frère. Mais ce n’était pas lui. Ce n’était plus lui. Il était plus jeune, plus vivant, mais aussi plus étrange. Il avait ce sourire figé, cette expression que Lila n’avait jamais vue avant. Un sourire qui semblait faire écho à quelque chose de bien plus sombre.
« Tu as cru que tu pouvais t’échapper ? » dit-il, sa voix claire et glaciale.
Lila s’arrêta, son cœur battant dans sa poitrine. Elle avait l’impression que tout autour d’elle se resserrait. Le monde était devenu une prison. Le sol semblait se dérober sous ses pieds. Elle s’effondra à genoux, luttant pour reprendre son souffle. Le vide dans ses yeux s’intensifiait.
« Il n’y a pas de sortie, Lila. » Il s’approcha d'elle, sa silhouette floutée dans l’air lourd. « Tu as fait ton choix. La maison t’a prise, et tu n’échapperas plus à elle. Elle est en toi maintenant, dans tes pensées, dans ton cœur. »
Lila leva les yeux vers lui, la douleur frappant son esprit comme un éclair. Elle tenta de parler, mais aucune parole ne sortit. Elle voulait crier, demander pourquoi, comment, mais elle savait déjà que ses questions resteraient sans réponse. Elle n’était plus une simple victime. Elle était devenue une part du tout. Une partie de l’ombre, de la maison.
La silhouette se dissipa lentement, se fondant dans l’air comme un mirage. Elle se retrouva seule, au milieu de la rue déserte. Le bruit du vent dans les arbres était tout ce qui lui parvenait, aussi irréel que tout le reste. Mais quelque chose d'encore plus terrifiant s’empara d’elle à ce moment-là : elle ne savait plus si elle rêvait ou si elle était éveillée.
Elle leva la main, la clé noire serrée dans sa paume, glacée, métallique. Elle sentit son cœur se briser un peu plus. La maison n’était pas un lieu. La maison était elle-même. Et elle, elle faisait partie de la maison.
Un cri résonna dans sa gorge, mais il resta bloqué, comme un écho, une vague. Elle se tourna pour rentrer chez elle, mais son appartement semblait à des années-lumière de distance. Le monde avait changé, elle le savait maintenant. Il n’y avait plus de retour en arrière.
Elle entra dans le bâtiment, ses pas lourds. Le silence était lourd, suffocant. Il n’y avait plus rien à attendre. Rien à espérer. Elle n’était plus qu’un reflet dans une maison sans fin. La clé noire l’avait déjà marquée. Et plus rien ne serait jamais comme avant.
Elle s’effondra sur le sol, les bras tendus devant elle. L’ombre de la maison l'enveloppait, se resserrant autour de son âme. Elle l’avait cherché, elle l’avait trouvé. Et désormais, tout ce qu’elle pouvait faire, c’était attendre.
Dans le silence total de la pièce, elle entendit une voix, faible mais distincte :
« Lila… tu n’as plus rien à perdre. »
Et la porte de la maison se referma.
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