Chapitre 5

Eliott & Tiago

Eliott et Tiago avaient repris les cours depuis une semaine et un début de fatigue se faisait sentir entre les jumeaux. Des disputes régulières éclataient entre eux, et le week-end fut le bienvenu pour les deux frères qui purent l'entamer par une grasse matinée bien méritée après une semaine particulièrement chargé. En effet, chacun avait pu découvrir sa spécialité.

Tiago fut agréablement surpris par le contenue du cour de botanique. En plus, d'apprendre à mieux connaître les plantes, il suivait des cours d'histoire de la botanique avec un prof passionnant qui en savait plus que tous les élèves réunis. Il leur expliquait l'origine des découvertes, l'évolution des techniques, mais surtout il parlait des plantes comme s'il parlait de ses amis, comme s'il pouvait entrer en contact avec elles. Les cours de pratiques étaient donnés par le même professeur, mais celui-ci attendait que ses élèves soient assez bon et aient assez de connaissance avant de leur faire tester les bases de la botanique.

Eliott, quant à lui, fut vite déçu par ses professeurs et l'enseignement. En effet, lorsqu'il avait voulu parler de l'halo lumineux qui se trouvait autour de la lune, ses enseignants s'étaient moqués en lui disant qu'il avait du mal régler sa lunette ou que celle-ci était sale. Les élèves spécialisés en astronomie avaient plus de cinq professeurs différents, mais pas un seul ne souhaitaient reconnaître qu'Eliott avait raison : le phœnix se faisait manger. Eliott n'avait pas eu le temps de tester les activités avec les appareils d'astronomie, car en milieu de semaine il avait commencé à pleuvoir et depuis le temps n'avaient pas changé. Le garçon s'était promit de faire des recherches dans la grande bibliothèque de leur île afin de découvrir s'il n'existait pas une légende parlant de cette disparition.

"Eliooooott !!!" cria une voix de la cuisine de l'appartement. C'était Yann, son père, qui voulait envoyer un recommandé à ses fournisseurs, leur demandant des pommes d'eau, corossols ainsi que des marangs. Ces fruits poussaient sous la pluie et Yann aimait inventer de nouvelles recettes en accord avec le temps et les disponibilités des paysans. Il venait d'avoir une idée de plat : un jus de corossols avec ou sans alcool, accompagné d'un peu de viande et de marangs - des fruits légumes au goût délicat et acidulé -, et pour finir des pommes d'eau - un fruit au goût très sucré - cuit avec en son centre un peu de citron. C'est pour cela qu'il avait besoin du Nithiel afin de demander aux agriculteurs s'ils avaient assez de fruits pour qu'il puisse servir ses nouvelles inventions culinaires dans son restaurant.

Eliott descendit de sa chambre à l'aveugle et arriva tout juste réveillé devant son père et ses sœurs. À la vue de cet épouvantail mal réveillé, les chipies explosèrent de rire.

— Tu voulais ? Demanda celui-ci.

— As-tu revue le Nithiel depuis la rentrée ? lui demanda son père toujours aussi sérieux.

— Euh... non, je l'avais chargé de transmettre une lettre demandant à ne pas être dans la même classe que Tiago, mais je pense qu'elle n'est pas arrivée à destination. Tu crois qu'il lui est arrivé quelque chose ?

Yann ne répondit pas mais resta sceptique. Qu'était-il arrivé à leur petit messager ? De plus, qui oserait s'attaquer à un Nithiel ? En effet, cette espèce de messager était réputé pour sa discrétion et ses pouvoirs de déplacement. Hirë était rattaché aux jumeaux, en particulier à Eliott, ils étaient devenus complices dès son arrivée, et ils avaient monté beaucoup de farces ensemble. Voyant son fils désemparé, son père lui promit de faire des recherches à condition qu'Eliott lui fasse confiance et aille voir les paysans pour leur transmettre sa demande.

C'est ainsi, qu'Eliott se retrouva sous la pluie muni d'un ciré vert pomme, il avait décidé de passer par les champs et de continuer ensuite vers la bibliothèque. Après une bonne heure sous la pluie, il arriva enfin au sec dans l'immense bibliothèque de Mirina. Comme le veut la coutume, il alla se présenter au guichet d'accueil et déposa sa carte d'étudiant lui permettant un accès plus grand aux ouvrages.

Il se dirigea ensuite vers une femme vêtue d'un haut de forme et d'une longue robe bleu marine, qui contrastait avec son teint pâle. Eliott était incapable de dire à quel peuple elle appartenait, mais son regard froid lui fit opter pour les Sorn. Lorsqu'il arriva à sa hauteur elle appuya sur un bouton de son talkie-walkie, et un immense plan se dessina dans les airs. Un hologramme du bâtiment, plus exactement. Eliott pris soin de rechercher le coin mythes et légendes d'autrefois ; une fois trouvé, il mémorisa son emplacement dans le troisième sous-sol, et s'y dirigea.

La bibliothèque était immense, ses plafonds s'élevaient à plus de cinq mètres et des milliers de livres tapissaient les murs. Dans chaque salle, une ambiance propre au thème avait été créée. Eliott passait rapidement les coins horreur et prenait tout son temps dans les endroits plus calmes et romantiques. Il n'était encore jamais descendu si bas et il croisait les doigts pour que son badge lui permette d'y accéder. Peu de personnes n'osaient s'aventurer dans les sous-sols du bâtiment à cause de la difficulté d'orientation. Mais Eliott ne s'était même pas posé de question, il existait peut-être une réponse à sa remarque et il était prêt à tout pour connaître le fin mot de l'histoire.

La salle correspondante était mi-accueillante, mi-effrayante : des monstres étaient dessinés au plafond chevauchés par des sortes d'anges. Les lumières plutôt chaudes créaient une sensation de bienêtre. Eliott s'approcha du bibliothécaire et lui expliqua ce qu'il cherchait. Le vieil homme sourit et lui dit simplement :

"Autant que l'union fait la force, autant la discorde expose à une prompte défaite". Si tu veux trouver la véritable raison à ce que tu cherches, tu ne dois le trouver seul, car il te manquera la moitié.

— La moitié de quoi ? Demanda Eliott. Et avec qui dois-je venir, personne n'a l'air de remarquer que la lune se fait manger.

— C'est exactement ce que je te dis, si tu viens seul tu manqueras des informations essentielles car toi non plus, tu ne t'intéresses pas à tout et beaucoup de choses t'échappent. De plus, tu as une particularité assez spéciale, tu ne peux être bon en tout, car tu as une moitié, c'est seulement ensemble que vous êtes au même niveau que les autres.

— Selon vous qui est ma moitié alors ? Je la connais au moins ?

Le vieux sourit et fut soudain absorbé par le livre qui était ouvert sur son bureau.

— Vous voulez dire que je suis venu pour rien ? Que vous ne m'indiquerez pas de livre concernant ma demande ?

— Pour te faire plaisir je vais t'en choisir un, mais si tu veux tes réponses revenez à plusieurs.

Le poids du livre pesait maintenant sur le dos d'Eliott, l'étrange vieillard lui avait donné un manuscrit qui selon lui allait l'aider à trouver sa moitié.

★ 
Ariane

Le lundi matin arrive enfin après un long week-end plein de rebondissements. Durant toute la fin du week-end, Lydia a essayé de m'apprendre comment passer d'un monde à l'autre. Cependant, j'avais beau me concentrer de toute mes forces, je n'y arrivais pas...

J'arrive ainsi dépitée à notre arrêt de bus en compagnie de Lydia qui trépigne d'impatience à l'idée d'aller dans une école humaine. Là encore je ne la comprends pas, il n'y a rien de plus pénible et d'ennuyant que l'école. Après faut avouer qu'elle était dans le même état ce week-end quand elle a vu une voiture. C'était vraiment très drôle !

Arrivée au bus, Charlotte me sert dans ses bras avant de s'excuser de son comportement de samedi. Elle me complimente pour ma tenue et je lui explique que je me la suis achetée ce week-end avec Lydia. En entendant son nom, Charlotte lève les yeux au ciel avant de monter dans le bus qui venait juste de s'arrêter.

13h30, cours de français, la vision de Jules tout sourire me désespère. Mais quel imbécile ! J'ai envie d'encastrer sa tête dans le mur... Je m'assois à ma table sans lui adresser un regard. Au bout de trente minutes de cours, je sens sa main me taper sur l'épaule :

— Tu veux quoi ? Je lui demande énervée.

— Du calme ! Je voulais juste te demander s'il était possible que tu me passes les cours de ce matin, vu que je n'étais pas là ?

— Pff ! Si tu veux. Mais uniquement car le fait que tu n'étais pas là, a égayé ma journée.

Apparemment ma réponse le surprend, car il va jusqu'à demander :

— Tu me déteste à ce point-là ?

— On va dire...

Mais il ne me laisse même pas finir ma phrase qu'il m'interrompt à nouveau :

— Je t'ai fait quoi, sérieux ?

— Tu oses poser la question ! Sérieusement ! Tu as piqué la place de ma meilleure amie et tu te crois tout permis or je déteste les mecs dans ton genre ! Sans parler du fait que tu m'as envoyé sur les roses quand je t'ai parlé du pendentif alors excuse-moi de ne pas pouvoir te voir en peinture !

J'aurais pu continuer encore pendant longtemps comme ça, toutefois notre professeur ne me laisse pas faire :

— Monsieur Huchet, mademoiselle Col, je vous dérange ? Maintenant au travail et arrêtez de discuter, vous êtes en cours !

Et voilà que maintenant je me fais remarquer à cause de cet imbécile... Il est vraiment prise de tête ce garçon !

À la fin de la journée, je vois Jules se diriger vers moi, bien déterminé à me parler.

— Suis-moi, il faut qu'on parle !

— Là, vois-tu je n'ai pas le temps, sinon je vais louper mon bus.

— Si ce n'est que ça je peux te ramener.

— Désolée, mais je ne peux pas laisser tomber Lydia !

C'est à ce moment, bien sûr, que Lydia se sent obligé d'intervenir :

— T'inquiète pas pour moi Ariane je suis une grande fille, j'arriverai parfaitement à rentrer chez toi toute seule, en plus Charlotte sera avec moi.

J'envoie un regard noir à mon amie avant de répondre dans un profond soupir à Jules que ça marche. Je n'ai vraiment pas envie de lui parler, mais les filles ne m'ont pas trop laissé le choix. Ne trouvant pas d'autre excuse, je le suis dans le parc situé près de l'école. Durant tout le trajet personne ne prononce un mot. On s'assit finalement sur un banc à l'écart de tout le monde.

— Qu'as-tu à me dire alors ? Je n'ai pas toute la soirée moi !

— Bon alors pour commencer, je m'excuse d'avoir pris la place de ton amie même si je trouve personnellement ta réaction immature.

— Tu appelles ça des excuses ?

— Oui enfin... bref... Pour ce qui est du pendentif, c'est compliqué...

— C'est à dire ?

— Tu me prendrais pour un fou si je te le disais !

— Franchement je pense que l'image que j'ai de toi ne peut être pire alors vas-y !

— Sympa dit donc ! Bon disons que c'est mon chien qui me l'a apporté. Puis ce week-end, il m'a en quelque sorte transporté dans un autre monde... Je sais tu vas me dire que je suis complètement taré, mais je te promets que c'est la vérité !

— De tout ce que tu m'as dit depuis la rentrée, ça reste la chose la plus sensée que tu m'aies dite.

— Tu te moques de moi ?

Je sors alors mon pendentif de ma poche sous son regard médusé.

— Comme tu le vois, j'en ai un aussi et il m'est arrivé la même chose que toi, excepté le fait que j'ai ramené Lydia avec moi de cet autre monde...

— Ce n'est vraiment pas drôle Ariane arrête de te moquer de moi ! Je sais que tu ne m'apprécie pas du tout ! Mais là tu franchis la limite !

— Je ne blague pas du tout ! Si tu veux on peut aller chez moi et je te montrerai, enfin Lydia te montrera car moi je ne maîtrise rien du tout. Après elle ne t'emmènera pas dans son monde vu qu'elle n'a plus son pendentif à cause d'une Vénifi... Je ne sais quoi. Mais je te promets qu'elle pourra te prouver que ce que je dis est vrai !

— Allons-y alors !

— J'habite pas la porte à côté tu sais, je suis à vingt minutes en bus et une bonne trentaine en courant.

— Je ne t'aurai pas proposé de te ramener si je n'avais pas un moyen de transport, on va prendre ma moto !

Il ne pouvait pas faire plus cliché ! Cependant, je dois bien avouer que c'est agréable de rouler à toute vitesse. Cela me rappelle les sensations que je ressentais lors de mes compétitions de saut d'obstacle. Une fois arrivés, je descends en vitesse bien contente de pouvoir finalement m'éloigner de lui. La moto a ses avantages mais aussi ses inconvénients. Dans mon cas c'est clairement la proximité. Devoir serrer Jules contre moi pour ne pas tomber, très peu pour moi. Après lui avoir rendu son casque, nous nous dirigeons vers la porte. Une fois entrée, je crie :

— Lydia ! Charlotte ! Vous êtes où ?

— Dans le salon !

Nous les retrouvons, avachie sur le canapé avec une certaine distance entre elles. Ce n'est pas gagné pour le rapprochement... Interrompant mes pensées, Lydia demande :

— Du coup ?

— Et bien j'ai besoin de ton aide pour prouver à Jules que je ne lui ai pas raconté de bêtises ! Monsieur pense que je lui ai dit que j'avais aussi été dans un autre monde pour me foutre de lui. Du coup pourrais-tu lui montrer que je ne suis pas une menteuse ?!

— Ça marche, par contre c'est pas dit que tu apprécies la manière dont je vais le faire.

— Ne t'inquiètes pas, tant que tu lui montres que je ne mens pas, ça me va et puis comme ça, Charlotte nous croira aussi par la même occasion.

Elle sourit à Charlotte, touche mon collier puis celui de Jules avant de fermer les yeux et de faire un drôle de signe avec ses mains. Je sens mon corps se mouvoir tout seul, et se rapprocher dangereusement de celui de Jules. Qu'est ce qui m'arrive ? Je me rappelle alors des aptitudes de Lydia. Qu'a-t-elle l'intention de me faire faire ? Soudain, le paysage change : je suis maintenant dans un champ de fleurs multicolores, habillée d'une robe blanche. Jules, quant à lui, est habillé d'une chemise et semble aussi surpris que moi. Je ne suis plus qu'à un mètre de lui. C'est là que je lui saute dans les bras et qu'il me fait tournoyer. Cette situation est vraiment bizarre mais je ne peux me détacher de lui... Je ne contrôle plus rien ! C'est cette sadique de Lydia qui me contrôle. Elle va me le payer ! Quand l'illusion prend fin et que je retrouve le contrôle de mon corps, je me détache immédiatement de Jules. Charlotte et Lydia sont mortes de rire et Jules est rouge comme une tomate, sûrement de honte.

— Sérieusement Lydia ! Tu ne pouvais pas te contenter de créer une illusion !

— Ça n'aurait pas été aussi drôle sinon ! Et puis, si j'avais juste créé une illusion il aurait pu penser que c'était dans sa tête.

Jules ne dit rien. C'est tellement agréable - même s'il faut se l'avouer - ce n'est pas normal. Charlotte toujours morte de rire nous dit :

— Vous auriez vu vos têtes, c'était vraiment énorme !

— C'est bon, vous avez fini de vous moquer !?

Je me tourne ensuite vers Jules et lui demande :

— Tu me crois maintenant ?

Jules ne répond toujours pas, il commence à m'énerver à ne pas dire un mot ! J'essaye de le sortir de sa transe :

— Jules ?

— Oui oui pardon ! C'était euh...

Il a l'air vraiment embarrassé, et n'arrive même plus à finir sa phrase, je lui viens donc en aide :

— Bizarre ! Oui, bon, on oublie tout ?!

— Oui, oui, totalement d'accord !


— Pour une fois qu'on l'est !

Une fois Charlotte et Jules partis, il nous faut ranger la maison. Mon frère arrivant dans la soirée, il ne manquerait plus que ce soit le bazar. Alors que l'on s'active à tout nettoyer, je rappelle à Lydia ce qu'elle devra dire à mon frère. Il ne faudrait pas qu'il se pose de question vis à vis de sa présence à la maison.

Une fois celle-ci propre, je décide de partir en balade pour m'éloigner un peu de Lydia. Je n'ai pas tellement apprécié sa façon de montrer à Jules que je ne lui mentais pas. Une fois Tyara sellée et fin prête, nous partons au galop vers un petit parcours de saut installé plus en amont de ma maison. L'adrénaline me parcourant après chaque obstacle me rappelle la moto de Jules. A cette simple pensée, je me mets à accélérer. Tyara s'emballe et je ne tarde pas à finir les fesses par terre. Je me relève lentement avant de récupérer ma jument et de m'excuser. C'est de ma faute après tout. Je vérifie ensuite ses antérieurs et postérieurs pour vérifier qu'elle ne s'est pas blessée. Voyant qu'elle n'a rien, je préfère quand même m'arrêter pour ne pas qu'on ne finisse réellement blessées. Je la laisse alors brouter et m'allonge sur le sol.

La couleur orange du ciel me rappelle l'autre monde. D'un côté j'ai envie d'y retourner, mais de l'autre j'ai peur de revoir la femme qui a pris le pendentif de Lydia et faillit nous tuer. C'est peut-être cela qui bloque le changement de monde... J'ai trop peur. Pourquoi faut-il que je sois si faible derrière mes airs de fille déterminée ? La façade suffit à me protéger mais elle m'empêche de faire de mes paroles des actes concrets. Je me déteste tellement pour ça.
Il faut que j'arrive à changer, à devenir plus forte. Devenir la Ariane déterminée et sans peur lorsqu'elle monte à cheval. Celle qui n'a pas peur de sauter toujours plus haut pour gravir les échelons des compétitions et gagner. C'est cette Ariane que je veux être, une Ariane forte qui n'a pas besoin des autres pour se sentir vivante. Voyant la nuit pointer le bout de son nez, je grimpe sur le dos de Tyara avant de partir en direction de la maison. Un fois arrivée, je la desselle puis me dirige vers la cuisine pour rejoindre mon amie. Je la trouve en grande conversation avec mon frère, Simon. Je rêve où ils sont entrain de flirter ? Cette fille n'est pas possible !

— Salut vous deux !

Ils se retournent tout gênés.

— J'interromps quelque chose ?

Sans aucune gêne, mon frère me répond :

— Non non rien du tout, je parlais juste avec ton amie.

— Je vois... Bon sinon on mange quoi car là j'ai vraiment faim !

— Ma sœur est une vraie morfale !

Je lève les yeux au ciel puis me dirige vers la table.

— Ça à l'air super bon Lydia ! Je ne savais pas que tu savais faire un gratin de crozets.

Toute gênée, elle me répond :

— Disons que ton frère m'a aidé.

— Mon frère ? C'est une blague ? Il ne cuisine jamais d'habitude !

Ça bien sûr, il ne peut pas simplement encaisser devant Lydia et se sent obligé de se défendre :

— C'est même pas vrai ! Tout comme toi, je fais à manger de temps en temps !

Finalement je ne rêvais pas, ils étaient bien en train de flirter tout à l'heure. Mon frère qui cuisine c'est le monde à l'envers ! Mais bon le gratin semble succulent alors on ne va rien dire et faire comme si tout était normal.


Kathlina & Aline

Le dimanche, les filles avaient essayé plusieurs fois de retourner dans le monde d'Aline, mais elles n'y étaient pas parvenues.

Le lundi Kathlina n'avait plus le temps pour ces essais, au lieu de cela, elle devait suivre ses cours en ligne. Jamais encore elle avait eu autant envie de faire semblant, toutefois sa mère venait toutes les demi-heures, vérifier qu'elle travaillait vraiment. Elle avait proposé auparavant à Aline de participer à ses cours, mais autant qu'Aline n'avait aucun mal de comprendre le français, autant elle n'arrivait pas à déchiffrer un seul mot des cours que Kathlina suivait.

Puisque les jeunes ne savaient pas combien de temps Aline allait devoir rester dans ce monde qui lui était inconnu, Kathlina avait pris l'initiative de lui apprendre son écriture. Aline trouva cela surprenant que pour dire exactement la même syllabe, ils puissent exister des écritures différentes, cependant en comparant l'alphabet latin à l'alphabet qu'Aline avait marqué sur une feuille, les deux filles se rendirent vite compte qu'il y avait beaucoup de similitudes, ainsi un "A" devenait un "ム". De plus il y avait aussi 26 lettres. Kathlina remarqua que même si les lettres finales obtenus se ressemblaient, leur tracé ne se faisait pas du tout de la même manière.

Le soir, comme à son habitude, Jules appela. Quand Kathlina décrocha, elle se rendit vite compte qu'il y avait quelque chose qui le tracassait et qui l'énervait. Elle ne devait pas attendre bien longtemps avant qu'il se mette à en parler :

— Tu te rappelles de la fille qui dès le premier jour de cours n'a pas arrêté de me poser des questions personnelles et qui fait un énorme cirque parce que je me suis mis à la place de sa meilleure copine ?

— Oui je m'en rappelle, elle s'appelle comment déjà ? Anne ? Aria ?

— Presque oui, Ariane. En tout cas, ce matin, j'étais en retard au lycée et j'avais la tête ailleurs, du coup j'ai fait l'énorme faute de me remettre à la même place que la dernière fois. C'est à dire à la place de la copine d'Ariane, Charlotte. Tu ne t'imagines pas le cirque qu'elle a à nouveau fait, non mais on n'est plus en primaire où on peut pleurer et se plaindre pendant des heures parce qu'on n'est pas à côté de son ami. Cette fille c'est une vraie gamine ! Plus tard, je me sentais quand même un peu mal, après tout elle devait avoir l'impression que j'avais fait exprès de piquer la place à Charlotte, du coup je suis allé m'excuser. De plus, puisqu'elle avait l'air vraiment intéressée par mon pendentif je lui ai dit qu'il m'a permis de visiter un autre monde. Je ne lui ai rien raconté en détail, mais je pensais qu'elle allait se moquer de moi et enfin me laisser en paix.

— Vu comme tu es énervé je ne pense pas que ce soit ce qu'elle a fait ? Si ?

En effet, Kathlina avait vu juste, et Jules continua à raconter son aventure aux filles : Ariane et une autre fille, Lydia qui apparemment venait du même monde qu'Aline, avaient eux aussi des colliers contenant une pierre précieuse. Malgré ces détails, Kathlina n'arrivait pas à comprendre pourquoi Jules était dans tous ses états. Il devait y avoir autre chose qui l'irritait.

Quant à Aline, en entendant qu'il y avait une autre fille d'Amoni, elle devint toute excitée et arrêta de faire ses lignes de lettres. Elle persista jusqu'à ce que Jules lui décrive à quoi elle ressemblait : Lydia était une belle fille blonde, elle devait avoir à peu près le même âge qu'Aline et avait des yeux bleus vif, presque hypnotisant. Dans sa posture et ses façons de parler elle était soit arrogante et présomptueuse, soit elle faisait juste comme si elle était la meilleure et la plus parfaite. Dans tous les cas elle avait l'air très manipulatrice et faisait ce qu'elle avait envie de faire.

Pendant un court moment, Aline avait espéré que ce soit quelqu'un de son peuple qui était à sa recherche. Toutefois comme elle l'avait deviné, elle ne la connaissait pas. Son nom ne lui disait rien, et elle ne connaissait personne avec son physique. Aline compris pourquoi, lorsque Jules ajouta qu'elle pouvait créer des illusions très réalistes, et contrôler les corps d'autres personnes. Cette jeune fille, Lydia, était une Lajil, elle venait donc d'un autre peuple qu'Aline.

La déception qu'Aline ressentait parce que Lydia n'était pas sa sauveuse espérée, se lisant facilement dans son visage, Kathlina décida de la laisser tranquille toute la soirée. Elle raccrocha aussi assez rapidement, car Jules avait encore des devoirs à faire. Néanmoins, elle arriva avant à soutirer à Jules le détail que jusque-là il avait contourné. Elle ne put s'empêcher d'exploser de rire lorsqu'il lui décrivit la scène de danse. Mais elle fut aussi surprise par l'aplomb qu'avaient ces filles.

Ce soir-là, les pensées des adolescents étaient focalisées sur le rôle et l'origine de ces pierres. À quoi pouvaient-elles servir ? Pourquoi seulement Jules, Ariane et Lydia en avait-ils ? Pour quelle raison avaient-ils reçu ces pierres ? Comment allaient-ils faire pour retourner dans ce monde ? Et voulaient-ils vraiment retourner dans ce monde ? Kathlina se douta qu'Aline avait envie de rentrer chez elle, mais qu'allait-elle devenir si elle ne pouvait pas retourner dans son monde ?

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