Chapitre 4_2

Eliott & Tiago

Le dimanche matin, lorsque Tiago et Eliott partirent chercher Solaufein, les triplettes préparaient leurs affaires. Mira avait réussi à faire entrer un nombre incalculable de jeux dans un petit sac, assorti à sa salopette verte parsemée de petits krapos. Elle portait cet habit pour de rares occasions, c'est pourquoi ses frères la taquinaient ; leur sortie du jour n'avait rien d'exceptionnel.

En effet, la famille des jumeaux aimait se réunir régulièrement autour de pique-niques dans l'une des îles voisines de Mirina. Mais les jumeaux savaient que ce n'était pas la sortie qui était exceptionnelle, c'était leur invité, le jeune Sorn. La fillette voulait absolument devenir son amie, même si elle ne le connaissait pas encore. Cette obsession lui avait valu plusieurs moqueries, mais elle était plus têtue qu'une mule, alors elle les laissait parler.

Julia avait préparé des biscuits au baies d'Izokoko, des petites baies bleues au goût légèrement chocolatée. Elle en avait trouvé un bocal dans l'une des épiceries du port mais elle n'en avait jamais vu autre part depuis, alors elle économisait sa réserve. Sa mère fut donc surprise lorsqu'elle vit la petite glisser des baies dans ses gâteaux. Elle aussi, à sa manière, voulait faire de ce jour, une journée exceptionnelle.

Luna avait ressorti sa palette à dessins, et rangeait soigneusement des feuilles dans son sac en chantonnant. Son père sourit en voyant ses filles heureuses et excitées de rencontrer un nouveau jeune. Il avait quant à lui préparé un pique-nique digne d'un grand cuistot - ce qu'il était -, Yann tenait l'un des plus grands restaurants de Mirina. Sa femme, Nellie, avait pris leur chariot à pique-nique et elle y avait glissé une nappe assez grande pour une douzaine de personnes.

Les jumeaux avaient décidé qu'ils rejoindraient leur famille sur l'île à midi sous le grand saule-pleureur. Cet immense arbre était le point de rendez-vous des amoureux de sortie. De plus de cinquante mètres de haut, il avait de grandes branches assez larges pour pique-niquer. Des échelles et quelques barrières étaient installées afin d'aménager l'arbre de pique-nique. Cet arbre était au centre d'une grande clairière, il y avait autour une forêt assez dense, principal lieu de jeux pour les adolescents. Une multitude de cabanes y étaient construites, mais seulement à l'orée de la forêt. Peu de personnes s'étaient réellement enfoncées dans les sous-bois de peur de ne plus retrouver leur chemin.

Eliott vit de loin que Sofein les attendait déjà. Ils avaient décidé de se donner rendez-vous dans le milieu de la matinée afin de pouvoir se balader dans le port et accueillir les pêcheurs qui revenaient de leurs sorties matinales. Cette ambiance un peu désordonnée mais chaleureuse lui plaisait, il aimait discuter avec les vieux pécheurs et écouter leurs aventures. Tiago qui préférait les plantes aux poissons et fruits de mer, allait régulièrement à la rencontre des herboristes qui venaient de finir de ramasser les ingrédients nécessaires aux médicaments et cataplasmes. Souvent on pouvait voir, étendues sur de grandes bâches, des plantes de toutes sortes qui séchaient. C'était là que Tiago apprenait les secrets des herboristes.

— Bonjour ! Leur lança Solaufein avec un grand sourire.

— Salut ! Répondirent les jumeaux.

Le jeune Sorn portait un petit sac, il était habillé de couleurs assez foncées ce qui contrastait avec sa peau, ses yeux et ses cheveux très clairs. Les jumeaux se mirent en marche et il les suivit. Il ne savait plus où donner de la tête et aurait aimé que ses mentors ralentissent le pas pour pouvoir observer plus longuement chaque étalage.

Au bout d'un bon quart d'heure de marche dans les rues de Mirina, ils arrivèrent devant un grand escalier assez raide. Eliott sourit :

— Dernière étape et on sera arrivés, dit-il.

Tiago s'engagea le premier dans l'étroit escalier, Sofein le suivit et Eliott ferma la marche. Solaufein faillit rentrer dans Tiago lorsqu'il arriva au bout de l'escalier, celui-ci s'était arrêté à quelques mètres des marches et admirait le paysage. Lorsque le garçon regarda lui aussi la vue, il se figea. Depuis le haut de l'escalier on pouvait voir les îles proches de Mirina, le reflet du soleil sur la mer faisait briller le paysage, des oiseaux traversant les airs en criant. En baissant la tête on apercevait le port et son animation, quelques bruits remontaient ainsi on entendait les cris des marchands et les chants des musiciens de rues. L'amphithéâtre n'étant pas très loin, on pouvait aussi entendre la chorale qui répétait.

— Vous comptez me laisser dans l'escalier ou ça se passe comment ?

Tiago avança le regard toujours fixé sur le paysage. Sofein s'excusa de son mieux, puis trop gêné se transforma, ce qui fit beaucoup rire Eliott, obligeant Tiago à se décrocher de la vue pour venir en aide au jeune Sorn qui balbutiait des excuses. Tiago fusilla du regard son frère, hilard.

— Ce n'est pas grave, je rigolais, réussit à dire Eliott entre deux fous rires.

Puis il se calma, et le gomph réussit petit à petit à déstresser et enfin, après quelques minutes, il redevint "normal".


Kathlina

Lorsque son père arriva le matin suivant avec une Aline très désorientée, Kathlina ne lui dit bonjour que très rapidement puis se dépêcha d'emmener Aline dans sa chambre. Un peu avant, Kathlina était arrivée à convaincre sa mère que ça lui ferait du bien d'avoir la compagnie d'une fille de son âge. Elle avait utilisé le prétexte qu'Aline était une bonne amie qu'elle avait rencontré sur internet et que ça faisait longtemps que les deux voulaient se rencontrer en direct. Contre cet argument Hana, sa mère, n'avait pas pu riposter.

Lorsque ses parents furent enfin sortis de sa chambre Kathlina put finalement parler à Aline. D'abord celle-ci l'accusa de la traiter comme un objet, puis lui demanda où elle se trouvait. Elle n'avait pas tort sur ce point. En effet Kathlina et Jules avaient décidé à sa place. Heureusement, Aline était très compréhensive, et voyait bien dans quelle situation elle avait mis Jules. En effet elle affirma que si elle emmenait un garçon chez elle, elle aurait aussi eu des problèmes.

Toutefois, lorsque Kathlina lui montra une carte pour situer Montarnaud la jeune fille lui fit comprendre qu'elle n'avait aucune idée d'où c'était. Elle ne connaissait pas non plus Montpellier, ni Paris, ni la France entière. Lorsque Kathlina lui montra une photo de la Terre puis de la lune Aline commença à sangloter car chez elle rien ne ressemblait à ce que Kathlina lui montrait. Elle venait donc vraiment d'un autre monde. Pour lui changer les idées, Kathlina proposa de lui prêter quelques habits.

En effet, elle portait toujours la même robe noir gothique que lorsqu'ils s'étaient rencontrés la première fois dans le centre commercial. La jeune malade s'étonna que ni sa mère, ni son père aient fait de commentaire sur le style vestimentaire et la couleur des cheveux de sa copine. Aline fut étonnée de trouver des pantalons dans le placard de Kathlina. Elle expliqua que chez elle, les filles portaient des robes, des jupes ou au moins des tuniques afin de bien se distinguer des garçons. Kathlina s'attendait à ce qu'elle choisisse quelque chose de rose, puisque ses cheveux l'étaient. Mais Aline lui expliqua que sa couleur était naturelle et qu'elle la détestait. Au lieu de sa robe noire elle choisit ainsi un simple t-shirt et un short afin de tester ce que ça faisait de ne pas porter de robe.

Une fois changées, les filles se remirent à parler. Pour commencer elles se présentèrent et Kathlina lui expliqua sa maladie. Puis c'était au tour d'Aline : son vrai nom était Aliénore mais elle préférait qu'on l'appelle Aline. Elle avait 16 ans et était une Sorn et une étudiante à Lothon. Vu que Kathlina n'avait aucune idée ce que c'était un Sorn ou ce qu'était Lothon, Aline fit de son mieux pour l'éclaircir : Lothon était la plus grande ville de l'île où elle habitait qui s'appelait aussi Lothon. Les Sorn quant à eux, étaient un peuple qui se transformaient en un animal particulier lorsqu'ils étaient soumis à des d'émotions fortes.

Jules et Kathlina avaient pu voir sa forme animale dans l'arène : elle devenait un tankilo, une sorte de lapin volant associé au froid ou à la chaleur. Elle trouvait même cela étonnant, de ne pas encore s'être transformé car elle était vraiment sous le choc depuis la veille. Peut-être, qu'elle avait vraiment atteint un super niveau d'autocontrôle. Avant qu'Aline puisse continuer, Hana arriva et appela les filles pour dîner. Comme à son habitude Kathlina se prépara à manger toute seule dans son petit royaume, mais Aline insista pour manger avec elle. Cela était du jamais-vu pour la jeune fille : jamais encore sa mère n'avait permis qu'une amie mange avec elle.

Après le repas, Kathlina expliqua à Aline comment son monde fonctionnait et lui fit découvrir son ordinateur. Vu qu'Aline ne savait pas ce qu'était une moto, un bus ou une voiture, Kathlina s'attendait à ce qu'elle soit impressionnée par la haute technologie. Toutefois à sa surprise, Aline dit que c'était un vieux modèle et qu'il ne savait pas faire grande chose. Chez elle tout le monde avait un accessoire qui pouvait en faire autant et même plus.

Pour démontrer ce qu'elle avançait, elle sortit d'une petite poche une barrette pour faire une démonstration. Mais Kathlina fut déçue : rien ne se passa. Aline fut donc forcée d'expliquer de quoi était capable cette barrette dans son monde. Lorsqu'on la pliait légèrement dans le mauvais sens, elle se transformait en une feuille et un stylo. De plus, tout ce que le propriétaire écrivait, s'enregistrait sur la barrette. Puis sur simple demande le propriétaire pouvait à nouveau avoir accès à ses données, mais aussi à toutes les données publiées par les autres Sorn. Cette barrette, toutes les étudiantes de son lycée l'avaient reçue lors de leur inscription, alors que les garçons avaient ce système dans un simple porte clef.

Elle expliqua que dans son monde ils existaient plein d'autres objets technologiques leurs permettant de faire des choses simples, comme cette barrette, mais ils existaient aussi des objets beaucoup plus développés. Toutefois les jeunes, comme Aline, n'avaient ni le droit, ni la possibilité de tous les utiliser.

Kathlina n'était pas convaincu par l'histoire de la barrette, mais d'un autre côté dans un monde où des lapins volants existaient vraiment, tout était possible !


Eliott & Tiago

Vers onze heures, les garçons descendirent de leur point de vue pour se rendre vers l'embarcadère. En passant dans les rues, Solaufein eut, cette fois ci, le temps d'admirer les étals. Ils arrivèrent vers les bulles seulement quelques minutes avant que celles-ci ne démarrent. Eliott avait pourtant essayé de faire accélérer ses compagnons mais Tiago, qui n'était jamais stressé pour la ponctualité, avait réussi à convaincre le Sorn qu'ils avaient le temps et Eliott avait dû céder.

— Tu vois on avait le temps, lui dit Tiago alors qu'ils s'installaient dans la bulle.

— Mouais, je ne suis pas convaincu, répondit son frère avec un sourire un peu crispé.

— On démarre ! Hurla Solaufein tout à coup.

Ceci eut pour effet d'apaiser la tension entre les deux frères. Ceux-ci se regardèrent et sourirent à leur ami.

Lorsque les garçons arrivèrent sur l'île, il y avait déjà beaucoup d'effervescence, des gens étaient réunis de partout et discutaient tranquillement autour d'un pique-nique. De jeunes enfants jouaient dans les branches de l'arbre et couraient dans tous les sens, sous le regard attendris des personnes plus âgées. Des adolescents étaient réunis en petit groupe autour de musiciens. Flûte, hautbois, lyre, des sons mélodieux et variés se mélangeaient. De temps à autre, une voix s'élevait et chantait sur une musique. Des danseurs s'entraînaient dans la clairière, parfois atterrissant dans l'herbe à cause d'un mauvais mouvement.

Quelques artistes étaient venus avec leurs tableaux qu'ils continuaient et d'autres peignaient l'activité de l'île sur de grandes bâches tendus entre deux arbres. Certains plus modestes avaient apporté de petites toiles qu'ils s'amusaient à remplir, assis tranquillement dans un recoin de l'arbre. Des groupes d'acrobates avaient fini d'installer leur équipement et se préparaient à donner un spectacle de haute voltige. C'est pourquoi, des trapézistes étaient en pleine répétition sous le regard admiratifs des gamins. Les plus âgées retenaient leur souffle chaque fois que les funambules tentaient d'effectuer des figures, manquant de peu de tomber.

Cette ambiance idyllique ne pouvait laisser personne insensible. Solaufein était à la fois excité, admiratif et stupéfait par cette animation. Les jumeaux, complices, commencèrent à se diriger vers le point de rendez-vous. Ils durent prendre chacun l'une des mains du jeune Sorn, car sinon celui-ci étant trop absorbé par la magie de ce lieu, se serait rapidement perdu.

— Juste, comment va-t-on retrouver votre famille avec tout ce monde ? S'inquiéta Sofein.

— Pas de panique ! Le calma Eliott, qui ne voulait pas que le Sorn se transforme. On a l'habitude, et puis on a nos repères car contrairement à ce que l'on pourrait croire il n'y a pas tant de monde que ça. Et puis dans l'arbre, il est facile de s'y retrouver car chaque branche est différente, seulement il faut l'avoir visité en long, en large et en travers pour s'en être rendu compte.

— Et vous y êtes passé en long, en large et en travers ?

— Pas tout à fait, mais on connaît bien le deuxième étage, c'est sur la branche qui a vue sur la mer, entre les sylions.

— Je vais encore passer pour un imbécile, murmura le jeune, mais c'est quoi les sylions ?

— Peu de gens le savent, même ceux qui sont de la région, le rassura Tiago toujours très pédagogue. C'est une espèce d'oiseau très coloré de petite taille, ils vivent en groupe et aiment particulièrement l'Arbre...

— En fait, ici c'est leur maison ? demanda le citadin.

— C'est ça, c'est un peu leur point d'attache, les petits grandissent ici, puis lorsqu'ils sont en mesure d'effectuer des plus grands trajets, ils partent avec leur groupe et quelques adultes vers certaines petites îles.

— S'ils ne reviennent jamais ici, pourquoi il y a autant d'oiseau ?

— Pas exactement, en fait, lorsque la femelle a des petits, elle couve ses œufs ici, sous la protection du père. Une fois les œufs éclos, et les petits étant en mesure de se débrouiller seuls, les parents repartent. L'arbre est le lieu de vie des plus jeunes, c'est pour cela qu'il y a beaucoup d'oiseau, ils y sont en sécurité, car certaines branches sont creuses ainsi les juvéniles nichent dedans, et les insectes aussi, nourriture dont raffolent les oisillons. Mais malheureusement, j'ai l'impression que chaque année, les petits se font moins nombreux.

— Tu en connais des choses, c'est trop génial ! S'exclama Sofein ébahi, mais est-ce si grave qu'il y ait moins de jeunes ?

— C'est une question difficile, mais je pense que oui. Car depuis la diminution, il y a de plus en plus d'insectes, qui dévorent l'Arbre. De plus, les oisillons mangeaient les miettes des pique-niques, maintenant il en reste de plus en plus, ce qui attire les insectes nuisibles aux plantes de l'île. M'enfin... Es-tu prêt pour un super pique-nique au milieu des jeunes sylions ?



Ariane

Le lendemain, Lydia me propose de m'entraîner à passer dans l'autre monde. Après tout, nous devons y retourner pour récupérer son pendentif, et je suis la seule pouvant nous y emmener. Après plus d'une heure d'échec, elle me propose de faire une pause. Je nous emmène deux verres d'eau avant qu'elle ne me demande :

— Sérieusement, comment avais-tu fais pour te rendre dans mon monde si tu es tout simplement incapable d'y retourner ?

— Je n'en ai pas la moindre idée... Mon pendentif s'était mis à briller et puis j'étais là-bas.

— Rien de plus ?

— Non, j'ai juste pensé à un mystérieux garçon et pour revenir chez moi...

— Mmmmh et sinon, étais-tu dans une humeur particulière ?

— Je ne m'en rappelle pas bien pour tout te dire... la seule chose que je me rappelle c'est que j'étais terrifiée quand on m'a mise sur la chaise pleine de sang !

Je la vois réfléchir avant de me pincer.

— Aie ! Arrête ! Ça fait mal !

— Désolée ! Je voulais tenter quelque chose. Les émotions fortes semblent être la clé chez toi vu que pour le moment tu ne maîtrises pas grand chose.

— Ce n'est pas une raison pour me pincer, tu aurais juste pu m'en parler !

— J'avoue que ce n'était pas forcément malin. Tu sais quoi on a qu'à arrêter pour le moment, je ne suis pas sûre que continuer serve à quelque chose. Il faut d'abord qu'on comprenne ce qui te permettra de créer un lien avec le pendentif.


Kathlina & Aline

Toute la fin de la journée, les deux filles discutèrent et chaque fois qu'Aline évoquait et décrivait un nouvel endroit ou animal, Kathlina avait l'impression qu'elle les connaissait déjà. C'était comme si les informations se trouvaient au fin fond de son cerveau et qu'il fallait que quelqu'un déclenche l'interrupteur afin qu'elle ait accès à ces connaissances. Par exemple, lorsque la jeune visiteuse lui expliqua ce dont le tankilo était capable. Elle savait sans qu'Aline ait besoin de le dire, que ce petit animal existait en fait sous deux formes : soit liée au feu et à la chaleur - exactement comme celui qu'elle avait touché lorsqu'elle était perdue dans la forêt avec Jules - soit liée à la glace et au froid. Dans le deuxième cas, au lieu de dégager de la chaleur le petit lapin dégageait du froid. Aline fut bien surprise des connaissances de Kathlina. Lorsqu'elle lança le défi à Kathlina de deviner si elle était un tankilo froid ou chaud, elle fut encore plus surprise car Kathlina lui répondit sûre d'elle :

— Tu es les deux bien sûr !

— Mais non ! Je viens de te dire qu'il y a deux types de tankilos : un qui est lié au froid et un qui est lié au chaud ! Donc je ne peux être que l'un des deux, et moi je suis un tankilo-feu.

— Qu'est-ce que tu racontes ? Comme tous les autres tankilos, tu peux voler dans les courants froids et les courants chauds. Tu n'as jamais testé de voler dans l'air chaud ou dans l'air froid pour dire que tu n'es qu'un tankilo-feu ? répliqua la jeune fille avec une assurance qu'elle ne se connaissait pas.

Aline ne pouvait pas croire ce qu'elle entendait.

— Tu essais de me dire que les tankilo-feu et les tankilo-glace ne font qu'un enfaite ? Je sais que je peux voler dans l'air de chez nous, l'air à température ambiante qu'il y a dans tout Lothon, mais je ne pense pas que je puisse voler dans le froid. D'un autre côté je n'ai jamais essayé puisqu'il fait toujours chaud chez nous.

— A Lothon vous avez toujours la même température ? Même avec les changements de saison, vous n'avez jamais de la neige ou des vents froids comme on a nous avec le mistral ?

— Bien sûr que non ! Lothon est notre capitale et donc la ville la plus moderne, on n'a ni pluie, ni neige, ni vent. Je n'ai donc jamais essayé de voler dans un courant frais.

— Mais tu n'es jamais sortie de ta ville ? Et comment faites-vous pour ne pas avoir de changements météorologiques ?

— C'est assez simple en soit : Lothon est une grande ville composée d'énormes gratte-ciels et à l'intérieur de ces gratte-ciels, il règne toujours la même température. Lorsqu'on veut se déplacer d'un gratte-ciel à l'autre, par exemple pour aller à l'école ou au travail, on utilise un sas de téléportation. Je n'ai donc jamais besoin de sortir des gratte-ciels et à l'intérieur, il y a toujours la même température.

Kathlina était vraiment fascinée par ce monde. Elle n'hésita donc pas longtemps avant d'interroger la jeune fille sur sa ville. Mais elle se rendit vite compte que lorsqu'elle posait des questions sur la famille de sa nouvelle copine, celle-ci se refermait et s'attristait. Pour cette raison, elle décida de changer de thème et demanda à Aline quel métier elle souhaitait faire plus tard. Par rapport à d'autres jeunes de son âge- dont Kathlina-, elle savait exactement ce qu'elle voulait devenir plus tard. Elle voulait remettre une vraie justice en place et donc devenir policière. Toutefois le système actuel, qui se basait sur la loi du plus fort l'empêchait de suivre ce chemin. Même une fois ses études finies, elle ne pourra jamais être acceptée en tant que tankilo, soit en tant que petit lapin rose volant, dans la force policière. En effet, elle ne pourra pas "faire régner la justice" grâce à sa force physique.

Actuellement seul les Sorn se transformant en animal farouche, faisaient partie de la police car eux-seuls arrivaient à combattre un autre Sorn sous sa forme animalière. C'est vrai que sans eux, les forts feraient tout ce qu'ils voudraient. Mais malgré la présence de la police, en ce moment, ceux qui se transformaient en animaux imposants avaient des facilités dans la vie et Aline trouvait cela très injuste ! Dans l'arène, ils s'étaient retrouvés dans l'un de ces "actes de justice" qu'organisait la police. Ceux-ci permettaient à des criminels et des victimes de se faire face, sous le regard et le soutien des policiers. 

Cependant comme ils avaient pu le remarquer à leurs dépens, les policiers adoraient ce genre de combat, ainsi pour le moindre délit, ou suspicion de délit, ils imposaient un combat. Kathlina se rappelait très bien de l'arène et avait du mal à imaginer en quoi un combat permettait de rendre justice, néanmoins elle s'était rendu compte qu'Aline s'acharnait sur ce sujet et que c'était quelque chose qui lui tenait à cœur. Elle n'avait pas de mal à s'imaginer qu'Aline avait dû vivre des moments difficiles à cause de sa transformation en un animal faible, ainsi elle n'insista pas sur le fait qu'une partie du peuple était oppressée.


Eliott & Tiago

Les jeunes amis avaient passé une après-midi sympathique, et les triplettes avaient beaucoup apprécié la présence d'un nouveau compagnon, qui malgré sa timidité avait fini par se sentir à l'aise. Eliott et Tiago étaient maintenant allongés dans leurs lits, les petites filles devaient dormir depuis un certain temps car on entendait à présent seulement le souffle endormi des habitants de la petite maisonnée.

Malgré le calme doux et reposant qui les englobait, les jumeaux ne pouvaient fermer les yeux. N'osant pas parler de peur de réveiller les dormeurs, ils réfléchissaient chacun de leur côté, afin de trouver une solution seul. Mais, les jumeaux avaient cette particularité - qui leur était propre - d'avoir des idées et des solutions complémentaires. Cependant ce soir était différent, ce n'était pas une nervosité due à un tracas quelconque qui régnait, une peur, une peur qui vous englobe et vous dévore mais que vous ne pouvez arrêter.

La journée s'était pourtant déroulée sans embûche majeure, quelques conflits entre frangins sans grand importance étaient survenus certes, mais les jeunes en garderaient un tout autre souvenir que ces quelques différents. Une fois arrivés sur l'île, ils avaient rejoint leur famille en compagnie de Solaufein. Les fillettes avaient déjà préparé le pique-nique : les affaires étaient disposées sur une grande table ronde mise à disposition des visiteurs. De la branche où ils se trouvaient, ils avaient vue sur la mer. Le soleil haut dans le ciel, se reflétait dans les vaguelettes qui venaient s'écraser contre le sable chaud de la petite crique, accessible seulement pour des plongeurs ou grimpeurs expérimentés.

Après le déjeuner, pendant que les parents se reposaient tranquillement, Tiago expliqua aux plus jeunes que si l'on restait assez longtemps sans faire de bruit le regard posé sur l'océan, on pouvait voir des meduliz. Ces immenses animaux, très clairs, presque transparents vivaient à la surface de l'eau, lorsque l'on voulait les voir il fallait rester paisible un certain temps afin de les apercevoir respirer et ainsi former des bulles dans les vagues de la mer. La légende dit que si l'on arrive à apercevoir ces reines de l'océan, c'est que l'on a une âme pure.

Pendant que son frère contait des histoires sur les êtres peuplant leur monde, Eliott en profita pour grimper au sommet de l'arbre, afin de profiter de la vue et de pouvoir observer la jeune fille qu'il aimait. Elle était acrobate, et ne le connaissait pas. Il ne cherchait pas à se faire connaître, il aimait juste la regarder de loin faire ses numéros de voltige. Il aimait sa façon de tendre ses muscles lorsqu'elle s'apprêtait à sauter dans le vide, il aimait la regarder méditer avant de faire une acrobatie dangereuse, il aimait la voir sourire lorsqu'elle était fière d'avoir réussi à impressionner son public, il aimait la voir rire avec ses amis et ses partenaires de voltige. Il aimait aussi la voir préoccupée par une quelconque histoire, mais ce qu'il appréciait le plus chez elle c'était son regard, un regard pur, sans gêne, qui vous dévisage sans pour autant vous juger, un regard plein d'espoir, simple et heureux. Eliott était perdu dans la contemplation de son ange quand Tiago arriva pour s'asseoir près de lui et profiter ainsi de la vue.

— Toujours autant amoureux ? Tu devrais lui dire avant qu'elle ne le découvre lors d'un bal !

— Toujours aussi drôle ! Je ne la connais même pas, je ne sais rien d'elle, ni son nom, ni même son âge... Mais dis-moi, tu as laissé tomber ton rôle de baby-sitter seulement pour me reprocher de ne pas me déclarer à une fille que j'aime à sens unique ?

— T'inquiètes pas pour les petits, ils sont en plein jeux de croquis, ils doivent dessiner un animal grâce à mes histoires et les autres doivent deviner lequel c'est. Sinon tu as remarqué que l'horizon est étrange ?

Eliott regarda son frère étonné, et trouva rassurant qu'il ait remarqué et pensé la même chose que lui. L'horizon n'était pas net, or un jour de grand soleil la vue devrait être dégagée même au loin, le brouillard se faisant rare dans leur région. Et pourtant ce jour-ci, on ne pouvait à peine voir à plus de milles nœuds féérien. L'étendue d'eau semblait se faire grignoter par un brouillard assez dense. Mais ce qu'avait remarqué Eliott, ce n'était pas seulement ce grignotage de leur océan, c'était aussi le grignotage de leurs satellites.

En effet, sept satellites tournaient autour de leur planète, chacun avait une apparence légèrement différente et une fois par an lorsqu'ils s'alignaient on pouvait apercevoir dans le ciel un phœnix, cet oiseau formé par les lunes symbolisait la déesse de la planète : Monia. Eliott qui aimait particulièrement le ciel, les étoiles et les astres, avait remarqué un halo qui se trouvait autour de leurs lunes. Cet halo faisait disparaître un bout de leur déesse, comme si celle-ci disparaissait.

Eliott n'avait pas parlé de cette découverte à Tiago de peur qu'il le prenne pour un fou ou un idiot, et maintenant, allongé dans son lit, il regrettait de ne pas avoir fait confiance à son frère. Il aurait aimé lui parler, lui demander ce qu'il en pensait : si l'horizon était seulement grignoté ou s'il avait remarqué quelque chose qu'il n'avait pas voulu lui dire. Il était près de minuit lorsque les jumeaux s'endormirent, leur nuit fut malgré tout paisible, et reposante.

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