Chapitre 2
Eliott & Tiago
Les jumeaux se rendirent dans la salle de réception, c'était dans cette immense salle remplie de tables rondes que les camarades d'une même chambre se voyaient pour la première fois. À l'entrée sur le panneau d'affichage, les frères repérèrent le numéro de leur table et allèrent à la rencontre de leurs nouveaux colocataires. Eliott ne cessait de regarder son frère, celui-ci gardait la tête haute et abordait un sourire satisfait aux lèvres. Il voulait que les nouveaux ressentent la même force que lui lorsqu'il avait vu pour la première fois - ceux qu'il considérait aujourd'hui comme ses grands frères - ses propres tuteurs. Lorsque les deux grands étaient arrivés la tête haute, un sourire complice aux lèvres, il avait ressenti une force de caractère, une classe qu'il ne possédait pas. Pour ces raisons, il avait été subjugué par ses deux ados qui étaient devenus avec le temps une part de sa famille.
Alors, aujourd'hui, c'était à son tour de surprendre et de donner envie aux plus jeunes de devenir grands, imposants, sûrs d'eux et surtout heureux. Il voulait leur transmettre tout ce que ses propres mentors lui avaient appris sur l'école, mais aussi sur la vie.
C'est avec ces pensées qu'il arriva devant leur table. Un jeune homme blond aux racines rousses, y était déjà assis. Il les regardait surpris mais aussi admiratif, lorsqu'il descendit de sa chaise ce fut aux jumeaux d'être surpris. En effet, il leur arrivait à peine aux épaules, ils en conclurent qu'il faisait partie du peuple Farur. Ce peuple vivait sur l'une des îles voisines et il était rare d'en croiser en ville. Les Farurs vivaient dans les forêts de pin, dans de petites maisons suspendues à plus de trente mètres d'altitude.
— Je m'appelle Erle, se présenta le petit bonhomme.
Les jumeaux se présentèrent, et comme le nouveau n'était pas vraiment timide, ils discutèrent tranquillement. Ce n'est qu'une demi-heure plus tard, qu'un deuxième jeune homme se présenta. Les trois autres eurent à peine le temps de le voir, qu'il disparut. Enfin, qu'il se transforma. En effet, au pied de la table se tenait un petit animal bleu très pâle, très poilu, avec des oreilles rondes et un museau allongé, un gomph. Le petit animal pesta :
— Ce n'est pas possible, pourquoi aujourd'hui...
Puis il commença à sangloter en se repliant sur lui-même. Eliott réagit le premier, il descendit de sa chaise et prit le petit gomph dans ses bras, il se présenta, et les deux autres en firent de même. Il posa ensuite l'animal sur la dernière chaise, et lui expliqua qu'il n'avait aucune raison d'avoir peur, qu'il pouvait déstresser, car son retard n'était pas grave. Ils attendraient qu'il se retransforme avant de monter dans les chambres. Erle regardait Eliott d'un air interrogateur, mais qui était ce gomph assis sur la chaise ? Et pourquoi parlait-il de transformation ? Ce fut Tiago qui mit fin à ces interrogations.
— Ce gomph n'est pas un animal, en réalité c'est un Sorn...
— Un Sorn ? Un vrai ? C'est vraiment une personne du peuple Sorn ? Donc il peut aller plus vite que la lumière ? Et il se transforme en un animal lorsqu'il est stressé ? Ce n'est pas seulement une légende ?
— En effet, je ne sais pas si tu l'as remarqué, mais il est arrivé très vite. De plus, il est facile de différencier un animal d'un Sorn : lorsque le Sorn se transforme, son pelage est de la même couleur que ses cheveux. Les gomphs sont de couleurs flashy normalement, mais regarde bien celui-ci : il est bleu pâle.
Erle était émerveillé, c'était la première fois qu'il voyait un gomph et un Sorn. Il avait beaucoup de questions, mais il n'osait pas les poser de peur de blesser son camarade. De plus, il était impressionné par les connaissances de Tiago, qui lui avait expliqué comme si c'était normal quelque chose que beaucoup d'adultes ne savaient même pas.
Pendant qu'il réfléchissait à la manière dont il allait poser ses questions, le Sorn repris son apparence humaine. Un jeune garçon, à la peau blanche, presque transparente, pris place sur la chaise. Il avait les cheveux bleu pâle exactement de la même couleur que l'animal. Ses yeux très clairs se posèrent sur Eliott et Tiago, il semblait un peu perdu mais très reconnaissant envers eux. Puis les yeux de Erle et les siens se croisèrent et il sut qu'il n'allait pas se transformer avant un bon moment en présence de ses camarades. En effet, il se sentait à sa place, apprécié, et il avait hâte de découvrir qui étaient ces gens.
— Je m'appelle Solaufein, Sofein, pour les amis, dit-il avec un grand sourire.
Les jeunes discutèrent un moment attablé, puis ils montèrent se coucher heureux de découvrir que les autres dépassaient toutes leurs attentes.
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Ariane
À mon plus grand désarroi, je n'ai finalement pas rêvé du mystérieux garçon cette nuit. Je me suis réveillée tôt. Aussi, j'arrive au bus à l'heure au grand étonnement de Charlotte. De toute mon existence, je n'ai jamais réussi à être à l'heure deux jours d'affilée, c'est donc un véritable exploit !
— Depuis quand tu te lèves à l'heure, madame la marmotte ?
— Depuis deux jours ! J'arrive à me lever quand mon réveil sonne maintenant.
— C'est une date à mettre dans les annales !
— Ne te moque pas !
— Je ne me moque pas, je suis réaliste ! Ça ne t'est jamais arrivée avant ! En plus ça coïncide avec l'arrivée du pendentif.
— Comme si un pendentif m'empêcherait d'être en retard, tu délires un peu trop je crois.
— D'ailleurs rien de nouveau avec ce pendentif ? Tu sais d'où il vient ?
— Non toujours pas, mais hier il s'est mis à briller durant ma balade avec Tyara ! C'était vraiment étrange.
— Comme son apparition, non ?
Le bus arrive à ce moment-là, notre conversation se trouve alors repoussée à plus tard, ne voulant pas en parler entouré d'inconnus.
Lorsque je rentre dans ma salle de cours, Jules est une nouvelle fois assis à la place de Charlotte. Celle-ci m'envoie un regard compatissant avant de s'asseoir à la même place qu'hier. Je m'assoie alors, la mort dans l'âme. Notre seul échange de la matinée a concerné son pendentif. Cependant je fus vite envoyée sur les roses, renforçant alors ma mauvaise opinion sur lui. Quand la sonnerie du midi retentit, c'est comme une délivrance. En sortant de la salle, je vois que Jules veut me dire quelque chose, mais je pars directement attendre Charlotte au réfectoire, trop vexé par sa réaction. Je n'ai aucune envie de parler à Monsieur je-sais-tout. Quand Charlotte arrive enfin, on va manger dehors. Je lui explique alors les conditions dans lesquelles le pendentif s'est mis à briller. Charlotte me regarde avec un air perplexe. En même temps, elle ne jure que par la science depuis qu'on est petites, or un phénomène tel que celui-ci déjoue toutes les règles.
Face à sa perplexité, je lui propose de venir chez moi ce soir pour qu'on aille à l'endroit où le pendentif s'était mis à briller. Elle appelle alors sa mère pour la prévenir que ce soir elle dort chez moi et qu'on passera le week-end ensemble. Le reste de la journée se déroule merveilleusement bien, vu que Jules n'est pas dans mon groupe en science. Ainsi je peux de nouveau me mettre à côté de ma meilleure amie.
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Kathlina
Après avoir passé la nuit entière à se réveiller en sueur et à rêver de la photographie, le matin Kathlina chercha l'image qui la hantait et l'analysa à nouveau. Elle ne laissa échapper aucun coin de la photo. Elle se rappelait exactement le moment où elle l'avait prise : quelques minutes avant leur adieu alors qu'elle espérait qu'il resterait encore un peu. Elle s'était plainte car ils n'allaient plus pouvoir se voir jusqu'aux prochaines vacances et elle trouvait cela vraiment injuste. Son ami avait essayé de la réconforter en lui rappelant qu'ils pouvaient toujours s'appeler. Mais lui aussi savait que ce n'était pas pareil. Elle savait bien que ce n'était pas de sa faute, qu'il devait aller au lycée. En plus, il était resté avec elle ces derniers jours, alors que ses cours avaient déjà commencé. Mais maintenant il n'était plus là, et il lui manquait.
Enfin ! Kathlina sut ce qui avait retenu son attention : c'était un rayonnement légèrement bleuté qui venait de sous le t-shirt de son ami. Savoir ce qui l'obsédait fut un énorme soulagement pour la jeune fille. Cependant cette nouvelle découverte la laissa une nouvelle fois perplexe. Elle savait ce qui avait attiré son attention, mais elle ne savait ni d'où cela venait, ni ce que c'était. Il ne lui restait donc qu'à continuer ses recherches. Toutefois malgré ses efforts, elle ne trouva pas, en tout cas c'est ce qu'elle pensait. Au lieu de passer comme à son habitude son après-midi à essayer de contacter son ami, - depuis la rentrée elle n'était pas arrivée à le joindre -, elle se mit à dessiner. Elle esquissa ce qui lui passait par la tête.
C'est seulement lorsqu'elle s'arrêta qu'elle se rendit compte de ce qu'elle avait crayonné : un pendentif. La couleur du cristal lui fit tout de suite comprendre pourquoi elle l'avait dessiné. Il était bleu, bleu comme le reflet qu'elle pouvait voir sous le t-shirt de son ami. Elle comprit que ça devait être son subconscient qui savait d'où venait le rayonnement bleuté. Ainsi elle venait de résoudre le mystère qui la hantait depuis le départ de son confident. C'était un collier avec une pierre précieuse de couleur azur. Jamais avant elle n'avait remarqué que Jules portait un collier.
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Eliott & Tiago
La semaine se finissait, et les garçons s'entendaient chaque jour un peu mieux. Erle habitait loin de l'île mais il rentrait exceptionnellement chez lui ce week-end, pour fêter l'anniversaire de sa mère. Il devait se rendre à pied au port pour prendre les bulles, et rentrer ainsi à la tombée de la nuit chez lui. Solaufein ne rentrerait chez lui que lorsque l'internat fermerait. Il proposa donc à son ami de l'accompagner jusqu'au port. Les jumeaux qui habitaient dans un village non loin du port, se joignirent à eux. C'est dans une humeur joyeuse que les jeunes sortirent.
Le port était un lieu de rencontre, il y régnait une ambiance joyeuse et festive : des boutiques bordaient les rives, des marchands criaient à tout rompre le nom de leur produit. Poissons frais ! Krebas grillé ! Venez découvrir les nouveaux modèles de sous-eaux ! Erle était tout excité et ne savait plus où donner de la tête. Eliott le regardait avec amusement, lui donna une gentille tape sur la tête et lui dit, qu'ils allaient avoir tout le temps cette année pour aller flâner dans le port, mais que sa mère allait l'attendre s'il loupait sa bulle.
Après cinq minutes de marche, ils arrivèrent devant l'embarcadère : des bulles flottaient dans l'eau autour d'un pylône, des passerelles permettaient d'y accéder. Les engins partaient ensuite en direction de toutes les petites îles de l'archipel. Solaufein qui n'en avait jamais vu, les regardait avec attention.
— Tu verras, lui expliqua Tiago, lorsqu'elles sont lancées à pleine vitesse on dirait qu'elles volent au-dessus des flots. C'est une sensation unique !
Le jeune Sorn ébahi regardait avec envie son ami monter dans la bulle. Tiago, qui avait deviné sa jalousie, lui proposa de se rendre le dimanche à Isil, la petite île non loin de Mirina - l'île où était située l'école. Il suggéra à son ami de se joindre à sa famille afin de pique-niquer tous ensemble. Solaufein fut ravi de cette idée, et Tiago put lire dans ses yeux qu'il avait déjà hâte d'y être ! Avant qu'Erle ne réagisse, Eliott le rassura et lui promit qu'un jour ils iraient tous les quatre sur l'île.
Une fois que le Farur fut installé dans sa bulle, ses amis le regardèrent partir. La bulle démarra lentement puis en accélérant, elle s'éleva au-dessus de la mer. Le petit bonhomme faisait des signes de la main à ses compagnons. Lorsque ceux-ci ne le virent plus, ils décidèrent de se balader un peu dans le port en attendant dix-neuf heures, heure à laquelle ils durent se séparer car les jumeaux devaient manger chez eux.
Les petites sœurs accueillirent leurs frangins avec de grands sourires. Elles les assaillirent ensuite de questions sur l'école, mais surtout sur les nouveaux qui partageaient leur chambre. Tiago les informa que dimanche elles allaient en rencontrer un, et que celui-ci était un Sorn.
— Un Sorn ? Un vrai de vrai ?
— Est-ce qu'il est beau ?
— Est-ce qu'il va aussi vite que la lumière ? C'est quoi son animal ? Vous l'avez déjà vu transformé ?
Eliott éclata de rire. Son frère avait voulu couper court aux interrogations des triplettes, mais il fut questionné deux fois plus. Tiago regarda son jumeau d'un air désespéré. Alors, celui-ci proposa à ses sœurs de les laisser se poser, puis de s'asseoir tranquillement dans le canapé pour répondre à leurs questions.
Mira, la plus chipie du trio, prit leurs affaires, les déposa dans la chambre puis s'assit dans le canapé et attendit. Eliott qui venait tant bien que mal de se calmer repartit dans un fou rire. Un jour, ses sœurs allaient le tuer.
Tiago qui trouvait cela moins drôle, prit congé et partit dans sa chambre. Il s'allongea sur son lit. Il n'avait pas spécialement envie de tout partager avec les chipies, encore moins lorsqu'il s'agissait de ses amis. De plus, une chose, le préoccupait et depuis il avait du mal à s'endormir. Le visage de cette fille réapparaissait sans cesse. Une foule de question le taraudait. Qui était-elle ? De quel peuple faisait-elle partie ? Quel âge avait-elle ? Où vivait-elle ? Il n'eut pas le temps de s'attarder plus sur le sujet, effectivement il entendit des petits pas s'approcher. L'une de ses cadettes avait repéré que son frère était tourmenté, et elle souhaitait le réconforter. Lorsqu'elle entra, voyant son frère allongé sur le lit, elle grimpa et s'installa à cheval sur son ventre. Le grand frère n'avait pas besoin d'ouvrir les yeux pour reconnaître laquelle des trois il s'agissait. Rien qu'à leur façon de marcher, il les reconnaissait. Mira était toujours excitée, elle était aussi dynamique que timide. Julia était plus réservée, pourtant c'était elle qui donnait le tempo au groupe. Un petit peu cheftaine, elle était très complice de ses sœurs. La dernière plus calme et plus humble se nommait Luna. Elle était cependant la plus dangereuse des trois, en effet, imprévisible, elle était toujours là lorsqu'on avait besoin d'elle. C'était aussi la seule à réussir à voir juste du premier coup dans les pensées de ses frères. Pour la taquiner ses frères l'appelaient la voyante.
C'était elle qui était assise sur le ventre de Tiago. Elle le regardait avec attention en attendant le moment où il serait prêt à lui parler. Celui-ci ne la fit pas attendre. Il lui expliqua sa rencontre avec la fille, puis sa disparition subite.
- Suis-je amoureux d'elle ? Lui demanda-t-il d'un air grave.
- Hum, je ne sais pas, peut-être. Mais le plus étrange c'est comment a-t-elle pu rentrer dans l'école ? Même moi, je ne peux pas rentrer. On a déjà testé plusieurs fois... L'école est inaccessible aux filles.
- Je ... Je ne sais pas... à vrai dire, je n'y ai jamais pensé.
En effet, Tiago était tellement obnubilé par la disparition soudaine de la demoiselle, qu'il n'avait même pas pensé à interroger le gardien de l'école sur la présence d'une fille au sein de l'établissement. Il remercia sa sœur d'un bisou sur la joue, puis la fit grimper sur son dos. C'est ainsi qu'il rejoignit son frangin.
Eliott et les deux gamines étaient assis sur le canapé, les filles étaient subjuguées par le récit de leur grand frère. Tiago déposa Luna sur les genoux de son frère, puis il prit les deux autres sur ses propres genoux. La fratrie réunie, Tiago prit le relais et continua le récit. Eliott regardait les triplettes, elles avaient tellement grandi. Il se souvenait encore de leur naissance, il avait sept ans et était excité, mais aussi un peu apeuré à l'idée d'avoir trois petites sœurs. Aujourd'hui, il était ravi qu'elles soient là, bien que Luna commençait à peser sur ses genoux. En effet, pour lui elles restaient les petites filles hautes comme trois pommes, pourtant c'était bien trois fillettes attendrissantes qui lui tenaient compagnie. Elles avaient chacune leurs caractères, mais au fond elles étaient très proches et très liées. Un peu comme lui et Tiago, mais en encore plus complice. Parfois la nuit, il les entendait raconter mille et une histoires fantastiques. Cette ambiance lui manquait, mais il aimait aussi beaucoup celle qu'il y avait à l'internat.
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