Chapitre 17_2
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Jules
Après avoir passé de nombreuses heures à voyager dans l'océan, Jules et Harvé étaient arrivés à leur destination : Mirina. Du moins, c'est ce qu'un panneau leur avait affiché dans les profondeurs de l'eau. Toutefois lorsque Jules avait fait remonter la bulle vers la surface il n'y avait pas d'île en vue. Pourtant Mirina lui avait semblé une grande île lorsqu'il l'avait visitée avec les filles. Si la pancarte pointait vers le haut, elle aurait dû être en vue !
Perplexe, le jeune garçon avait fait redescendre la bulle en profondeur pour vérifier qu'il avait bien lu, puis compris son erreur. La flèche montrant vers le haut ne signifiait pas qu'ils devaient remonter à la surface mais continuer tout droit. Les jeunes aventuriers avaient donc continué leur chemin jusqu'à reconnaître les contours d'un grand port : les déchets et le sable mélangé à l'eau les avaient empêchés de le voir clairement. Sans encombre les jeunes hommes avaient accosté et laissé leur bulle dans le bassin portuaire.
Une fois sur terre ferme, Jules avait tout de suite voulu aller à la grande bibliothèque, cependant la faim leur avait tellement tiraillé le ventre qu'ils avaient décidé de se rassasier dans un premier temps. Petit problème à cela : ils n'avaient aucune monnaie et ils ne pouvaient pas simplement pêcher dans les bassins des darses, pour cela l'eau était bien trop polluée. Affamé, Jules avait suivi une odeur appétissante jusqu'à se trouver devant un stand de krebas grillé. Désireux d'en manger, il avait essayé de marchander avec le vendeur en lui promettant de revenir et de le payer plus tard. Le marchand n'avait pas été prêt à accorder foie à sa promesse et lui avait proposé un marché à la place : pour payer son repas les deux jeunes devaient l'aider à préparer les krebas pour le restant de la journée.
Reconnaissants, ils avaient accepté, mangé puis travaillé jusqu'au coucher du soleil. Avec le soir qui tombait, le froid se faisait de plus en plus ressentir et les deux aventuriers s'étaient mis à grelotter sans blouson. Leur nouvel employeur s'était rendu compte de leur détresse et leur avait proposé de coucher dans l'auberge de son frère. Au vu de leur excellent travail, il avait été prêt à payer les frais de leur nuit dans la chambre des employés, sous conditions qu'ils reviennent travailler pour lui le lendemain. Avec l'hiver qui approchait ils n'avaient pas voulu coucher dans leur bulle et après avoir négocié trois heures de quartier libre le lendemain matin, ils avaient accepté.
Le petit jour venu les jeunes hommes avaient été censés aider à la pêche aux krebas, cependant leurs mains et pieds avaient été couverts d'eczéma. Au lieu de partir pêcher à cinq heures du matin, ils avaient donc été envoyés voir un herbologue, puis une fois que leur réaction allergique avait été calmée, un nouveau travail leur avait été attribué : plongeur. Non pas dans les profondeurs de l'océan mais dans les bacs d'évier de l'auberge.
Cette mésaventure avait décalé leurs heures de sortie et ce n'est qu'après la vaisselle du petit déjeuner qu'ils avaient enfin pu se rendre à la bibliothèque de Mirina. Alors que leur recherche n'avait pas porté ses fruits – Jules ayant eu beaucoup de mal à déchiffrer l'écriture et Harvé en ayant été complètement incapable - ils avaient rencontré Ariane. Celle-ci leur avait été d'une grande aide, cependant leur recherche n'avait guère avancé : ils n'avaient trouvé aucune trace écrite d'une source infinie. Plus le temps passait et plus Jules avait été désespéré de ne rien découvrir, tandis qu'Harvé n'en avait été point surpris puisqu'il savait que la source infinie était un secret bien gardé.
Lorsque les garçons avaient dû repartir pour reprendre leur service de plongeur, Ariane leur avait fait une proposition : elle voulait essayer de voyager dans le temps afin de trouver la source. Elle avait coupé court à toutes les questions de Jules et à présent le jeune garçon mettait tous ses espoirs sur cette proposition.
Alors qu'il lavait la vaisselle du repas du soir, il se distrayait en s'imaginant à quoi un voyage dans le temps pourrait ressembler. En levant la tête il vit Harvé grimacer de douleur. Depuis les dernières heures cela ne lui était plus une vision inhabituelle et lorsqu'il replongea les mains dans l'évier il dû se faire violence pour ne pas l'imiter. Ses mains pleines de plaques grattantes le faisaient toujours souffrir. Toutefois le plus difficile était de ne pas céder à la tentation de les gratter. À plusieurs reprises auparavant il n'avait su résister à l'apaisement temporel qu'apporter le fait de se gratter, pour le regretter juste après. Heureusement la crème que l'herbologue leur avait donné faisait des miracles !
Une fois la dernière assiette rangée et les torchons jetés sur la pile de linge, attrapant la main de Harvé, Jules se dépêcha vers les darses.
Ils n'avaient pas eu besoin de se concerter puisque l'un comme l'autre ressentait un besoin impérial de nager. Ignorant le froid, ils plongèrent la tête la première et en quelques coups énergiques, ils se retrouvèrent au fond du bassin portuaire.
— Ar...gll...
Comment était-ce possible qu'Harvé soit en train de s'étouffer ? Alors que Jules se posait cette question, il remarqua que lui non plus il n'était pas capable de respirer. Rapidement il attrapa le bras de son ami, le poussa vers le haut avant de remonter le plus rapidement possible à la surface.
— Harv ! Qu'est-ce qu'il se passe ?
Au lieu de lui répondre Harvé commença à se battre avec l'eau, puis sans crier garde il se mit à nager à toute vitesse vers l'océan. Jules essaya de le suivre, mais le Walan était bien trop rapide dans son élément pour lui. Chamboulé et apeuré à l'idée de savoir son ami handicapé seul dans l'océan, l'adolescent nagea vers leur bulle. À une vitesse à peine contrôlable, Jules dirigea leur véhicule en dehors du port à la poursuite de son camarade. Après ce qui lui parut une éternité, il le rattrapa enfin : dans l'eau profonde Harvé s'était calmé et respirait de nouveau normalement. Soulagé de le voir se déplacer aisément, Jules ramena la bulle transparente au port, puis l'attendit sur un brise-lames.
Lorsqu'il le revit dans son champ de vision, la même scène d'horreur qu'avant était en train de se produire : le jeune homme n'arrivait pas à respirer et avait du mal à se tenir à la surface. Sans réfléchir, Jules se jeta à l'eau, et nagea à sa rescousse. Quand il arriva à son niveau il essaya de glisser ses mains sous ses aisselles, cependant Harvé le repoussa et se mit à appeler frénétiquement son camarade. A ce moment, Jules se rendit compte que son ami n'avait pas peur de couler, il avait peur parce qu'il ne comprenait pas ce qu'il se passait. Afin de le calmer, il commença à parler doucement. En nageant à la surface et se parlant tout le long, les deux garçons retournèrent sur Mirina.
Complètement essoufflés, ils arrivèrent à leur auberge. Ils avaient besoin de discuter de ce qu'il venait de leur arriver, mais les deux n'avaient qu'une envie : se coucher le plus rapidement possible dans leurs lits chauds. Depuis qu'ils étaient sortis de l'eau - qui pour la première fois de leur vie les terrifiait - ni l'un ni l'autre n'avait osé prendre la parole. Cette expérience les avait chamboulés et fit monter d'innombrables questions et incertitudes en eux. Après de nombreuses minutes à se tourner dans tous les sens, Jules chuchota dans le noir :
— Tu as pu manger ?
— Oui, quand j'étais loin de Mirina.
Au moins un peu rassuré après cette journée bien tumultueuse, il arriva enfin à s'endormir.
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Eliott & Kathlina
Lorsque Eliott fut réveillé par la lumière du jour passant par la fenêtre, son premier réflexe fut de se cacher sous sa couverture à l'abri. Tel un animal apeuré, il sortit doucement la tête du drap, s'adaptant doucement à cette luminosité nouvelle. L'horloge de la chambre indiquait dix heures. Il jeta un œil à la jeune fille qui dormait dans ses bras. Estimant qu'elle avait besoin de récupérer, au vu des précédant évènements, il se leva délicatement, sans bruit.
Mal réveillé, les yeux toujours collés, les cheveux en pétard, le haut de pyjama à moitié débraillé, il avait fière allure. Arrivé dans la cuisine, il remarqua que le beau temps de la semaine précédente avait laissé place à une pluie torrentielle, ordinaire à cette époque de l'année. Sortant le vieux grimoire de cuisine de son père, il se mit en tête de cuisiner ces délicieuses vaflo. Lorsque sa pâte fut prête, il la disposa dans un moule avec des trous afin d'obtenir un gâteau assez plat percé de toute part. Il recouvrit ensuite les ouvertures avec la pâte de fruit qui avait le goût du chocolat selon Kathlina. Il trempa son gâteau dans la pâte et le refit cuire une nouvelle fois. Il recommença l'opération avec de nouvelles vaflo jusqu'à ne plus avoir de pâte. Il les disposa ensuite dans une assiette sur un plateau, puis servit deux grands verres de lait aux fleurs et monta à l'étage sans renverser son précieux repas.
Dans la chambre, Kathlina commençait tout juste à ouvrir les yeux lorsque le jeune homme entra, un plateau bien garni et sentant délicieusement bon. Eliott laissa son amie prendre son temps pour se réveiller, il en profita pour leur installer un cocon pour déjeuner. Il avait disposé sa couette en boule contre le mur sur son lit, il récupéra celle de son frère ainsi que tous les coussins de la pièce et finit de compléter son dossier. Il rapprocha ensuite la petite table - qui servait de bureau - près du lit. Une fois installé, il ouvrit les volets puis s'assit à une extrémité du lit, incitant la jeune fille à se mettre de l'autre côté. Avachis dans le monticule d'objet moelleux, les pieds sortant du lit, la nourriture à portée de main, Eliott se sentait enfin en sécurité. Sécurité qui lui avait manqué ces derniers jours...
Aucun des adolescents n'osait briser le silence réconfortant du matin. Lorsque la nourriture eut disparu, Eliott proposa à son amie de se doucher, puis il descendit faire la vaisselle. Il venait de nettoyer le dernier objet de l'évier quand Kathlina arriva. Le garçon s'assit sur l'un des tabourets du comptoir et invita la jeune fille à en faire de même.
— Je... J'ai... J'ai besoin de mettre au clair tous les événements qui se sont passés depuis que Tiago a disparu. commença Eliott.
Voyant que l'adolescente lui accordait toute son attention, il continua :
— J'ai un journal intime et j'ai besoin d'écrire pour avoir un point de vue global sur la situation.
Kathlina ne réagit pas se demandant où voulait en venir son ami.
— Je pensais que tu pouvais en faire de même, je peux te passer du papier, il y a peut-être un vieux cahier qui traîne dans la maison. Je peux même mettre la robe et aller te chercher un journal sous la pluie, s'il le faut !
La jeune fille sourit à ces mots.
— Je préfère t'avoir à côté de moi, qu'en prison ! Du papier m'ira bien, le rassura-t-elle.
— Cool ! J'avais peur de devoir sortir sous cet orage !
—* Alors pourquoi tu lui as proposé, idiot !*
— Tiago !
—* Le seul, l'unique ! *
—* Tu vas bien frérot ? Que s'est-il passé depuis la dernière fois ? Tu t'occupes comment ? T'as réussi à parler avec ton Atheris ? *
Un éclat de rire résonna dans la tête d'Eliott.
—* Qu'est ce qui te fait rire comme ça ? Tu ne serais pas en train de te foutre de ma gueule quand même ?*
—* J'oserais pas !* ricana son frère. * Mais sinon, oui tu avais bien raison, le serpent est bien un membre des Sorns, mais pas seulement, c'est aussi un Ingatan par son père. On discute, ça fait de la compagnie, heureusement que je suis télépathe par contre sinon ce serait compliqué ! Après ici, il ne se passe pas grand chose tu sais, alors quand j'ai vu que tu avais établi la connexion je me suis dit que je pourrais me divertir ! *
— Gnagnagnagna...
Kathlina regarda son ami surprise, que se passait-il ? Tiago explosa de rire dans la tête de son jumeau, se délectant du spectacle.
— Mon frère se moque de moi. répondit Eliott à la question muette de la jeune fille. Bon je vais chercher mon journal, du papier et des crayons, je reviens ! * Et toi, tiens toi prêt, je vais avoir une mission pour toi !*
—* Je t'écoute. *
Pendant qu'Eliott cherchait le nécessaire pour écrire, il expliqua à son jumeau son besoin de mettre les choses à plat afin de trouver une explication à leur situation actuelle. Il allait avoir besoin de lui et de ses souvenirs pour que les choses soient le plus réaliste et logique possible.
Après un bon quart d'heure, il revint dans la cuisine avec son journal, un vieux cahier vierge et des stylos. Quand Kathlina vit la couverture du journal d'Eliott, elle ne put réprimer un petit sourire en coin : la couverture était toute poilue et de couleur rose fuchsia. Son sourire se transforma en surprise quand Eliott chatouilla le livre et qu'un grand œil apparut sur la couverture. Sa stupéfaction augmenta lorsqu'une bouche apparu et que le livre dit :
— Eliott ! Ça faisait longtemps, comment vas-tu ? Je serais heureux de garder tes secrets à nouveau.
— Hello Taglibro, tu m'as manqué ! Et je vais avoir besoin de toi, il s'est passé trop de choses bizarres ce début d'année.
— Au boulot alors !
Eliott n'ayant pas remarqué la stupeur de son amie fut surpris de voir que celle-ci regardait avec interrogation son livre.
— Bah quoi ? Ça n'existe pas sur la Terre ?
— ... Si, mais... mais pas sous cette forme ! Chez moi, un journal intime n'est pas vivant.
— Hein ? Bah comment faites-vous pour que personne ne lise vos secrets alors ?
— Un cadenas ?! lui répondit la jeune fille, pas sûr que le mot existe.
— Oh, d'accord ! C'est bizarre, un journal c'est un peu comme un compagnon qui nous comprend mais s'il n'est pas vivant.... bah...
— On s'y met ? coupa Kathlina qui n'avait pas envie d'expliquer à son ami la relation des humains avec leurs journaux intimes.
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On espère que ce chapitre vous aura plu ! N'hésitez pas à nous laisser un commentaire et / ou une étoile si cela vous aimez :)
Au plaisir,
Becky, Candy, Yaya
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