Chapitre 13_2

Jules

Après s'être morfondu pendant deux jours dans Shengale, Jules reprit ses recherches. Même si la ville des eaux avait des endroits et vues magiques à lui offrir, il n'était pas prêt d'y finir ses jours. Pour le sortir de ses idées noires, Harvé lui avait appris comment passer d'une bulle d'air à une autre. Pour la plupart des bulles c'était assez simple : ils étaient comme des rideaux de perles que l'on pouvait facilement traverser. D'autres, comme celle du dortoir étaient équipés d'un système de sécurité. Afin de pouvoir entrer ou sortir on avait besoin d'un mot de passe qu'il suffisait de dire dans les flots. Cependant, aucun des mots de passe fut partagé avec Jules.

Chaque fois l'un de ses gardes devait lui tenir la main pour traverser une paroi sécurisée. L'adolescent compris qu'on ne lui faisait pas confiance. Alors que physiquement il ne se différenciait en rien des Walans, il se savait étranger. Et il n'était pas le seul à sentir cette différence, puisque toute la communauté le dévisageait sans arrêt comme un intrus.

Un soir, le terrien avait été invité à un match de kalbas : un jeu d'équipe où le but est d'empêcher le ballon de toucher le sol marin. Les joueurs n'ont cependant pas le droit de toucher le ballon directement, à la place il faut créer des courants d'eau avec sa raquette pour faire remonter le ballon et empêcher l'équipe adverse de pouvoir le sauver. Lorsqu'il en revint, un jeune garçon s'approcha et lui demanda :

- Tu ne viens vraiment pas de Shangale ?

- Non, je ne suis pas d'ici. Je viens du Grau...

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase que le garçonnet disparu en criant :

- Mamaaannnn ! Y a un Kralun qui m'attaque !

En deux secondes l'adolescent fut encerclé par cinq soldats qui sans questions le clouèrent au sol. Un tour de main plus tard, Jules se trouva projeté dans une bulle d'air. Il n'avait aucune idée de ce qu'il se passait, mais après avoir touché la paroi de la bulle il compris que c'était une bulle sécurisée. Pourquoi se retrouvait-il toujours enfermé ? Rahh ! Déjà que dans la matinée il avait pensé quitter cette ville de fou, mais alors là, il n'en pouvait plus ! Sans hésiter, il avait été désigné comme fautif par les mêmes personnes avec qui il partageait un dortoir. Ils n'avaient même pas cherché à comprendre les raisons de son accusation. C'était de l'acharnement !

Heureusement pour le jeune garçon le malentendu fut rapidement résolu lors d'une discussion des plus houleuses entre les soldats et ses trois gardiens assignés. Profitant de leur attention, il leur fit part de son intention de vouloir aller à Mirina. Depuis qu'il avait repris ses recherches, il n'avait rien trouvé au sein de ce peuple susceptible. Le peuple aquatique ne possédant pas de bibliothèque ou de base de données digne de ce nom - quelle surprise, la technologie et les livres ne survivant pas très bien dans l'eau salé - l'adolescent avait l'impression de stagner dans sa quête. Jules voulait donc retourner à la grande bibliothèque des Ingatans. Ses surveillants n'en semblèrent point enchantés. L'un des clones commença à s'énerver :

- Ça ne te servira à rien ! C'est notre source infinie, tu ne la trouveras pas sur le territoire d'un autre peuple ! Les Ingatans ne savent rien sur notre source !

- Comment peux-tu savoir qu'elle est sur le territoire Walan ? Tu sais où elle est toi ?

- Non.

- Eh ben, tu vois, moi je veux la chercher autre part qu'ici. Une source ne va pas se trouver au milieu d'un océan !

Cela fit taire le garde, mais le deuxième repris l'attaque :

- Pas question qu'on aille à Mirina ! Je ne pars pas d'ici pour chercher un truc mythique qui n'existe même pas !

Harvé essaya de calmer les esprits après les derniers événements turbulents. Toutefois, les trois étant trop têtus, il n'y parvint pas. La discussion fut abandonnée lorsqu'ils arrivèrent enfin au dortoir et que leurs chemins se séparèrent.

Lorsque Jules se réveilla au milieu de la nuit, les ronflements irréguliers inondant le dortoir l'empêchèrent de se rendormir. Il se sentait seul et étouffé par la surveillance constante des Walans. Jamais il n'avait eu du temps pour lui. L'évènement de la journée lui avait bien montré que ce n'était pas son chez-lui ici, et qu'il devait trouver la source infinie s'il voulait retourner sur Terre. Peut-être qu'un peu d'air frais l'apaisera ? À pas feutrés, le terrien se glissa à l'extérieur. Il ne pouvait aller bien loin puisque la maison était entourée d'une paroi sécurisée, ainsi il se posa sous le porche de la maisonnette. Fatigué il était sur le point de s'endormir lorsqu'il entendit le raclement de pieds nus sur le sol râpeux suivi par un coup de vent de la porte s'ouvrant derrière lui. Puis il entendit une voix étouffée l'appeler :

- Jules ? Tu es là ?

C'était Harvé. Il ne voulait pas s'attirer des ennuis avec le garde. Autant répondre.


- Oui. Je suis juste sur le devant du porche.

Il faisait nuit noir dans les profondeurs de l'océan, sans lampes torches les deux jeunes hommes ne pouvaient se voir alors qu'ils étaient à quelques mètres l'un de l'autre. Harvé arriva tout de même à rejoindre Jules dans le noir absolu. Il s'assit à côté de l'adolescent.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

- Je réfléchi, et toi, pourquoi es-tu réveillé ?

- Tu réfléchis à un moyen pour sortir d'ici, c'est ca ?

- Mmmm...

- Je connais un moyen tu sais... Si tu m'attends ici deux minutes, j'attrape mes affaires.

La tournure de la discussion surpris Jules. Il n'eu pas le temps de donner sa lampe torche à Harvé que celui-ci était déjà reparti aussi silencieusement qu'il était venu. Deux minutes plus tard, une main froide le fit sursauter. Le garde était de retour, apportant son sac en bandoulière et les affaires de Jules. L'adolescent s'habilla rapidement puis saisi la main tendu du soldat. Dans le noir absolu, celui-ci le guida jusqu'au labyrinthe. Lorsque Harvé s'engagea dans celui-ci, Jules parvint, de nouveau, à voir où ils allaient grâce aux plantes luminescentes. Contre toute logique les couloirs du dédale le faisaient se sentir en sécurité, le jeune garçon commença donc à poser les questions qu'il voulait poser depuis leur départ. Toutefois le garde l'interrompit rapidement  :

- Chut ! Il faut que je me concentre !

Après trente minutes de marche, exaspéré par le silence et curieux Jules retenta sa chance :

- Hem Harvé, tu n'as pas de carnet où sont écrites les directions à prendre pour aujourd'hui, si ? Je pensais que le dédale changeait tous les nuits.

- Il le fait, et je ne connais pas le chemin par cœur si c'est ça ta question. Aucun de nos chercheurs n'est parti pour le moment. À mon avis, on est les premiers à entrer dans le labyrinthe aujourd'hui.

Jules commença à se demander s'il avait fait le bon choix en suivant Harvé.

- Mais comment ça se fait que tu sais où on doit tourner alors ?

- J'ai ma méthode.

- Ça veut dire quoi ça ?

D'habitude le garde était bien plus loquace, pourquoi était il aussi cachottier d'un seul coup ?

- Tu vois cette fiole, elle contient de l'eau de la source infinie. Pour m'orienter j'envoie quelques gouttes de l'eau sacrée dans un couloir puis le fait revenir à moi. Grâce aux vibrations des gouttelettes, j'arrive à savoir s'il y a un obstacle à la fin d'un couloir comme un cul-de-sac. Dès que j'en sens un, je choisis l'autre côté. Ça ne marche pas pour tout, tu as dû t'en rendre compte, nous avons tourné en rond plusieurs fois déjà, puisqu'il y a des chemins qui se retrouvent. Mais au moins cette méthode nous évite de faire des aller-retours dans des voies sans issues.

Jules fut impressionné par la méthode du jeune soldat, mais surtout par l'eau de la source infinie. Elle existait donc vraiment ! Maintenant qu'il y faisait attention, il pu observer la fiole émettre un léger rayonnement bleu chaque fois qu'Harvé en sortait de nouvelles gouttelettes. C'était le même rayonnement qu'émettait le pendentif -qu'il s'était fait enlever-, et les piercings des Walans !

Peu de temps après leur échange, ils arrivèrent à la fin du labyrinthe. La sortie était plus grande que l'entrée de la dernière fois. Il y avait même un chemin éclairé montant jusqu'à la côte. Lorsqu'ils le suivirent, Jules sentit que l'eau était différente de celle du labyrinthe. Elle était plus calme et plus froide. C'était bizarre de dire cela, mais lorsqu'il respirait, elle avait un goût plus fruité, plus agréable dans sa gorge.

Les deux nagèrent jusqu'à arriver sur une plage paradisiaque. Essoufflés ils observèrent le brisement des vagues sur le sable blanc et le jeu de lumière entre la lune dansante sur l'eau et les plantes aquatiques des profondeurs émettant leur rayonnement vert. Incapables de s'éloigner de ce spectacle, ils s'y installèrent pour finir leur nuit.

L'émerveillement que les jeunes hommes avaient ressentis en voyant la plage pour la première fois, parti avec les premiers rayons de soleil. À quelques pas de leur camps provisoire commençait une ville. Ou plus-tôt ce qui restait d'une ville détruite il y a longtemps. Harvé expliqua qu'ils se trouvaient sur l'île de Shangale où toutes les habitations avaient été mis en cendres lors de la grande guerre. Après l'attaque des Kraluns tout ce qui restait de la plus grande ville des Walans - Tazon - étaient les ruines qui les entouraient. Ce nom rappela à Jules quelque chose, mais il ne sut quoi.

Jules avança en tâtonnant le long des anciennes rues. Grâce aux quelques fondations encore visibles il arrivait à s'imaginer une belle ville portuaire. Les pierres au sol étaient du même blanc brillant que la plage et que les maisonnettes de la ville sous l'eau. Mais ici et là, des traces noirs contrastants sur le blanc témoignaient de l'incendie révolue. Harvé s'étant arrêté à l'entrée de la ville, l'adolescent continua seul son avancée à la recherche d'une source. Il dû lutter contre son intuition qui lui disait de faire demi-tour mais il devait bien y avoir un point d'eau au milieu de toutes ces ruines ! Alors qu'il continuait son avancée il entendit un sifflement sec. Intrigué il essaya d'en trouver l'origine. Se tournant vers l'océan il vit un bateau proche de la rive et distingua plusieurs vaisseaux au loin. Curieux et voulant s'approcher du navire il revint sur ses pas. En chemin il croisa Harvé :

- Tu as trouvé la source ?

- Non, mais il y a un bateau qui s'approche. Tu ne l'as pas vu ?

- Hem...non.

- On peut leur demander s'ils peuvent nous amener à Mirina ! C'est l'occasion parfaite !

- Dis-moi, il ressemble à quoi ce bateau ?

- Mais il est juste là ! C'est un bateau à voile carrée avec trois mâts. Je n'arrive pas à voir combien de voiles il a, mais il y en a pleins ! Il a une coque en bois longue et je dirais qu'il n'est pas très large. On dirait vraiment un bateau du dernier siècle !

Au fur et à mesure de sa description, le garde avait de plus en plus pâli.

- Ah et au loin j'arrive à distinguer encore au moins trois autres navires semblables.

Harvé le traîna en direction de l'océan, puis le tira sous l'eau. Une fois accoutumé à la respiration inhabituelle, Jules pesta :

- Mais qu'est-ce que tu as ? C'est notre meilleure chance pour partir d'ici ! À mon avis, la source infinie n'est pas ici, et même si elle est ici, l'île est trop grande ! On passerait des mois à chercher cette foutue source ! Surtout avec toi, qu'est-ce que tu faisais là d'ailleurs ? Pourquoi tu ne m'aides jamais pour chercher ? Plus tôt on trouve cette saleté de source, plus tôt tu peux rentrer chez toi !

- Ça suffit maintenant ! Laisse moi parler ! Ton bateau de sauvetage est un bateau de braconniers, donc si tu as envie de voyager avec des pirates, vas-y, je ne te retiens pas.

La remontrance décoléra l'adolescent qui se rendit compte du danger. À aucun moment il avait songé à des pirates en voyant le bateau. Cette recherche pour la source infinie obnubilait son esprit !

- En grande partie ce sont des anciens Walans qui ont été exclus de la communauté. Ce sont les pires membres de notre peuple ! expliqua Harvé.

- Dans ce cas, on n'est pas en sécurité dans l'eau ! Si ? Et que font-ils ici ? Après cent ans, ils ne doivent plus trouver de trésors dans les ruines !

- Tu as raison, on aurait dû se cacher sur l'île. Ma première réaction n'était pas la plus logique... Et oui, le trésor qu'ils pourchassent se trouve au fond de l'océan. Ils chassent les meduliz qui sont très fréquentes dans ces eaux.

Jules remonta doucement à la surface pour observer le navire de loin, puis il appela Harvé :

- Viens, le bateau est encore assez loin, s'ils ne nous ont pas encore vus, ils ne devraient pas nous voir.


Sur ce, il courut hors de l'eau et se cacha derrière les ruines d'un ancien bâtiment. Harvé le suivit de près, mais ne vit pas une pierre, chancela, puis tomba. Il eut du mal à se remettre debout et se tourna à nouveau vers l'océan. Pendant une seconde, Jules cru qu'il allait retourner dans l'eau, mais lorsqu'il l'héla, le jeune garde couru dans sa direction et le rejoignit dans sa cachette. Les cœurs battant la chamade, ils décidèrent de rester cachés tant que le bateau pirate resterait accosté à proximité de Tazon.

Maintenant qu'il avait le temps d'observer le navire sans interruption, le terrien distingua beaucoup de mouvements dans l'eau : plusieurs petites barques tournaient autour du grand bateau à voile, sûrement rempli de braconniers en train de chasser les meduliz. Harvé expliqua la scène :

- Comme je te l'ai dit, à mon avis ce sont des anciens Walans. Ils pourchassent les meduliz pour vendre leurs os qui permettent de fabriquer des bijoux très rares. Chaque meduliz n'a qu'un seul os qui brille d'une couleur précise. Ainsi pour créer un seul collier, ces tarés tuent des dizaines de meduliz. Mon peuple protège les reines de la mer, et lorsqu'un de nos membres est surpris à en tuer, il est systématiquement exclu de la communauté. En théorie, ils n'ont pas le droit d'être dans ces eaux, puisqu'elles nous appartiennent mais c'est sur les côtes de Shangale que les meduliz sont les plus fréquentes.

- Beaucoup de personnes ont dû se faire bannir de chez vous alors ! Je vois beaucoup de bateaux de pirates ici, et point de protecteurs !

- Moui. C'est un peu plus compliqué que ce que tu penses.

- A mon avis, on a encore un peu de temps avant que ces braconniers partent, je veux bien t'écouter en attendant.

- Mmm. Oui, tous les avides d'argent sont exclus de notre communauté, mais être exclu des Walans ne veut pas seulement dire qu'ils n'ont plus le droit de vivre chez nous, tous leurs piercings et bijoux fait d'os de meduliz leurs sont retirés. Tu as sûrement pu observer que certains d'entre nous portent des pierres bleues. L'eau de la source infinie peut être stockée dans elles. Avant, nous récupérions les os de meduliz dans les profondeurs de la mer, mais à cause de la pollution il y en a de moins en moins, et du coup depuis plusieurs décennies certains d'entre nous se sont mis à chasser les meduliz. À cause du braconnage il y en a encore moins. En plus, ces os ne servent à plus rien aux Walans ! Sans la source infinie et ses gardiens nous ne pouvons stocker l'eau magique dans ces bijoux. Tuer ces pauvres créatures n'a plus aucun sens, mais les pirates continuent de le faire !

- Eh ! Doucement ! Tu viens de dire que les os de meduliz ne servent à plus rien au Walans. Mais avant, ils servaient à quoi ?

- Mais tu ne sais vraiment rien toi ! C'est l'eau de la source infinie qui nous permet de passer du temps sur la terre ferme et d'utiliser notre pouvoir.

- Quel pouvoir ?

- Nous pouvons contrôler l'eau magique à notre guise et en faire ce que l'on veut. Ton imagination est la limite de ce tu peux faire avec l'eau sacrée. Du moins, c'est ce que je crois.

- Trop cool ! C'est comme ça que tu arrivais à trouver le chemin dans le labyrinthe, c'est bien ça ?

- Exactement.

- Tu penses que je suis capable de le faire aussi ?

- Sûrement, puisque tu es aussi un Walan. Mais il te faudra du temps pour l'apprendre !

- Combien de fois dois- je encore vous dire que je ne suis pas Walan ? Je ne viens pas de ce monde ! Je suis un terrien !

- Tu peux dire ce que tu veux, tu es un Walan. Autrement tu n'aurais jamais survécu dans les profondeurs de Shangale ! Je ne sais pas grande chose sur les autres peuples, mais ce qui est sûr, c'est qu'ils ne peuvent pas respirer sous l'eau comme nous !

Jules dut assimiler cette information. Le jeune garde ne lui mentait pas. Ce n'était vraiment pas normal de pouvoir marcher au fond de l'océan et de ne pas manquer d'air. L'adolescent ne voulait pas se creuser les méninges sur ce phénomène physique et ce que cela impliquait, il venait d'avoir une idée :

- Est-ce que tu peux créer de grandes vagues avec ton eau magique ?

- Tu as vu la quantité que j'ai !? Avec ce flacon je ne peux pas aller bien loin. Et je ne vais pas utiliser le peu d'eau sacré que j'ai pour te montrer ce dont je suis capable de faire. Ce serait du gâchis total ! Tu n'as pas écouté ce que je viens de dire ? L'eau sacrée est hyper rare, on n'a pas le moyen d'en trouver plus !

- Calme toi ! Je m'étais juste imaginé comment faire fuir les pirates. Tu ne serais pas prêt d'utiliser au moins une petite partie de ton eau précieuse pour empêcher ces braconniers de tuer les meduliz ?

Un hochement de tête, une course pour les vagues et un plongeon dans l'eau salée plus tard, les deux jeunes hommes s'approchèrent du bateau de pirates. Une fois assez proche de leur cible, ils commencèrent à exécuter leur plan : Harvé ouvrit son flacon et en fit sortir un filon d'eau. Ensuite il fit tourner le liquide autour de son index, tout en agitant son doigt. Ce mouvement de rotation permit de créer rapidement un petit tourbillon. Une fois que l'eau sacrée prit de la vitesse et de l'ampleur, le garde l'envoya en direction de l'une des barques des braconniers. Il savait que son tourbillon d'eau était trop petit pour faire de réels dégâts, mais l'idée de Jules était d'effrayer les marins ou au moins d'attirer leur attention.

Lorsqu'ils entendirent un cri étouffé, ils surent que leur distraction avait marché. Cependant ils ne s'attendaient pas à ce que l'un des pirates plonge la tête première dans le tourbillon. Ce fou n'avait pas peur du tourbillon mais voulait l'explorer ! Attirés par les cris, toute l'équipe s'approcha de la découverte à présent. Il était temps de passer à la deuxième phase de leur plan. Encouragé par Jules, le jeune homme se concentra et fit de son mieux pour guider le tourbillon loin de la plage. Comme espéré les pirates mirent cap sur cette étrangeté. Doucement, mais sûrement, le navire s'éloigna de la côte.

Jules était extasié : son plan avait fonctionné !

Harvé était exténué : il avait usé toute son énergie et toute sa concentration pour créer puis contrôler le tourbillon.

Puisque le jeune garde avait les jambes flageolantes, Jules préféra ne pas se séparer de lui. Ensembles, ils retournèrent au milieu des ruines. Il fallait absolument qu'ils trouvent cette source ! Depuis que l'adolescent avait vu ce que le jeune Walan était capable de faire avec son eau magique, il comprenait l'importance de celle-ci. Le terrien guida son compagnon vers ce qui lui semblait être la route principale. Jetant des regards dans toutes les directions - en particulier vers les navires au loin - ils avancèrent dans les débris.

Vers midi, les chercheurs se protégèrent du soleil tapant en se frayant un chemin dans un sous-sol. L'air frais que celui-ci leur offrait était la bienvenue après leurs recherches infructueuses. Pendant leur repos les deux apprirent à se connaître un peu plus.

Après avoir passé une semaine à se jauger et à se méfier, de toute évidence leur fuite et la lutte contre les braconniers les avaient rapprochés. Penser à sa vie lointaine en France et ses amies délaissés accablait le jeune Graulen, il préféra donc écouter son compagnon conter les histoires et particularités de son peuple.

Ne se faisant pas demander deux fois, le garde raconta une nouvelle anecdote :

- Ces braconniers que nous avons vus tout à l'heure n'étaient pas tous des Walans. Je pense qu'il n'y en avait que deux ou trois sur le bateau. Ils ont dû rejoindre une équipe de pirates constituée d'Ingatans ou alors de Lajils, ceux-là sont attirés par tout ce qui brille. Toute à l'heure, tu m'as demandé si beaucoup de personnes se sont fait bannir de notre communauté. On n'est pas un grand peuple, tu as pu voir par ces ruines que mon peuple s'est fait décimer lors de la guerre il y a cent ans. Et du moment qu'on se tient aux règles de la communauté et que l'on fait sa part, on y est à vie. Mais les règles sont claires, et nous n'avons aucun pardon pour les tueurs de meduliz. Leur sort est juste !
Mais avant ma naissance un Walan s'est fait bannir injustement. Son nom était Guerric et c'était un jeune rebelle qui voulait utiliser la magie des os de meduliz. Pour parvenir à cela, il a volé les derniers os de meduliz qui étaient gardés par le meneur. Toutefois, il fut rapidement trouvé, dépossédé des pierres précieuses et exclu de la communauté. Tous les os de meduliz qu'il avait volé étaient retournés à Shangale, sauf la plus grande. Les autorités ne sont jamais arrivées à la récupérer.

- Je suis un peu perdu. Tout ça fait une belle histoire à raconter aux petits pour les empêcher de se révolter, mais en quoi a-t-il été banni injustement ? Tu as pourtant dit qu'il a volé vos pierres magiques ?

- Oui, parce qu'il a été banni pour les mauvaises raisons ! Tout ce qu'il voulait c'était utiliser la magie pour retrouver la source infinie et renouer contact avec l'extérieur. Il voulait s'enfuir de la communauté et pour vivre sur terre, il avait besoin des os de meduliz. En plus il était à peine plus âgé que toi, du coup tout le monde pensait qu'il allait revenir, qu'il n'arriverait pas à survivre en dehors de la communauté. La plupart de ceux qui se font exiler reviennent après peu de temps. C'est difficile de survivre parmi des peuples qui n'ont pas les mêmes besoins que nous.
Sans pierre de meduliz enchanté avec l'eau de la source infinie, c'est impossible pour nous de passer une journée entière sur la surface sans devenir fou. C'est pour ça que tôt ou tard tous les exilés reviennent supplier Erwan de les laisser revenir. Mais pas Guerric. Il n'est jamais revenu à Shangale, et il n'a jamais été observé parmi les pirates. C'est sûr, il n'est pas le premier ni le dernier à être banni de la ville aquatique, mais il est le seul à en être banni pour les mauvaises raisons.

Avant que le Walan s'emballe trop dans son histoire de martyre, Jules se leva et s'approcha de la sortie de la cave. Ils devaient continuer leurs recherches. Afin d'attirer l'attention d'Harvé il tapota doucement sur le poteau porteur.

Il n'aurait pas dû faire ça !

Le tapotement suffit au poteau centenaire pour se fissurer puis lâcher. Jules eu à peine le temps de réaliser sa bêtise que l'entrée s'effondra. Avec plus de chance que de raison, l'adolescent s'en tira sans graves blessures. Dans le nuage de poussière et encombré par les débris de l'écroulement il eu du mal à rejoindre Harvé. Une fois retrouvés, les deux se rendirent compte qu'ils ne pouvaient plus utiliser leur entrée pour sortir de la cave. Jules se senti honteux. Mais comment pouvait-on être aussi malchanceux ?

Ça ne servait à rien de se lamenter sur leur sort ! Heureusement qu'Harvé était là :

- Je sens une brise venant de là bas, et si on allait voir s'il y a une autre sortie vers là ?

Une fois accommodé à la vue poussiéreuse Jules se dirigea dans la direction désigné. Pris de court il trébucha lorsqu'il découvrit une marche. C'était leur sortie ! Doucement les deux descendirent l'escalier interminable. Ils devaient faire attention aux marches constamment variantes. Le terrien pesta lorsqu'ils arrivèrent en bas et qu'ils se retrouvèrent les pieds dans l'eau. Un coup d'œil à ses alentours lui fit remonter le moral : ils se trouvaient dans une grotte aquatique et devant eux se trouvaient des bulles transparentes bizarres. Harvé en toucha une avec sa paume puis expliqua :

- Ce sont des anciennes bulles-sous-eaux. Autrefois mon peuple les utilisait pour se déplacer d'une île à la prochaine. Je pensais qu'elles avaient toutes été détruites lors de la grande guerre. Regarde ça !

Le jeune Walan était rentré dans unes des bulles transparentes et tenait un petit ballon entre ses mains. Lorsqu'il le secoua, celui-ci émit un rayon bleuté. Jules commençait à bien connaître ce rayonnement : c'était la magie de l'eau de la source infinie. Entraîné par l'excitation de l'autre garçon, il le rejoignit dans la bulle. Il demanda :

- Tu sais à quoi ce ballon sert ?

- Non, aucune idée. Répondit-il en continuant à scruter le ballon.

D'un seul coup la bulle pencha vers la gauche, puis elle fit un tour complet. Dans la rotation Harvé s'exclama :

- J'ai compris !

Sans crier gare, il fit plonger la bulle, puis le monde fut de nouveau sens dessus dessous. Ils se trouvaient dans un tunnel et grâce aux supers manœuvres du Walan, la bulle-sous-eau n'arrêtait pas de se cogner contre tous les murs. Jules espéra que la paroi de celle-ci était solide, il ne voulait pas s'écraser contre un rocher ! Nauséeux, il s'écria :

- Arrête ce truc !!

Une éternité plus tard, la bulle s'arrêta d'elle-même après avoir été projetée dans l'océan. Avant de faire un deuxième tour en montagne russe ou d'être saisi par un courant au hasard, Jules saisit la balle afin de stabiliser la bulle-sous-eaux. En sortant du tunnel, il avait aperçut des panneaux. Prudemment l'adolescent mania leur moyen de transport jusqu'à ceux-ci. Les pancartes avaient perdu toutes leurs couleurs et les caractères étaient à peine lisibles, effacés par le temps. Seules des flèches épaisses étaient encore bien visibles. Sous l'une d'elles, Jules parvint à déchiffrer les lettres V, u et a. Sous une autre la fin du mot -ina était encore bien visible. Harvé confirma, il n'y avait pas d'autre île dans l'archipel terminant en -ina. Le panneau leur affichait donc bien la direction à prendre pour Mirina !
Avant de poursuivre dans ce sens, Jules fit monter la bulle à la surface. Anticipant le moment où la bulle ferait des rotations imprévues et qu'ils perdraient ainsi leur sens d'orientation, Harvé retint la direction à prendre en s'orientant grâce au soleil. Ne sachant combien de temps leur voyage prendra, les deux garçons s'installèrent aussi confortablement que possible dans leur étrange moyen de transport puis commencèrent leur déplacement

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