Chapitre 13_1

Jules

Jules voulait partir tout de suite à la recherche de la source infinie pour terminer cette histoire le plus rapidement possible. Il ne voulait pas gaspiller plus de temps que nécessaire. Lorsqu'il exprima son empressement, le meneur désigna deux des gardes qui allaient le suivre et le surveiller durant sa mission. Leur première action fut d'immobiliser Jules afin que leur dirigeant puisse lui ôter son pendentif. Même s'il avait décidé de ne plus se battre contre ces hommes, l'adolescent essaya de protéger sa pierre précieuse. En vain. Pour récupérer son pendentif il n'avait d'autre choix que de trouver cette mystérieuse source .

Alors qu'ils étaient en chemin pour sortir de cette prison oppressante, un garde s'approcha du chef et demanda s'il pouvait se joindre au groupe. Jules sentit l'atmosphère se tendre et entendit l'un des gardes derrière lui souffler. Lorsqu'il se tourna vers l'homme pour regarder ce qui l'exaspérait, Jules le vit lever les yeux aux ciel et lancer un regard énervé à son camarade. Un haussement d'épaule et un pourquoi pas de la part du chef concluèrent cependant l'affaire. Jules et ses trois surveillants avaient l'autorisation de sortir de la prison. Enfin libre de ses mouvements, l'adolescent se tourna vers les trois Walans et demanda :

- Et maintenant, où va-t'on ?

Deux des gardes échangèrent un regard avant d'afficher un sourire narquois. Le volontaire demanda, ahuri :

- On ne peut pas te le dire, tu le sais, non ?

Jules lui lança un regard interrogateur, mais l'homme ne réagit pas. Le jeune garçon exprima donc son incompréhension. Même s'il s'attendait à des cachotteries de la part des Walans, leur réponse le pris au dépourvu :

- Mais on ne sait pas où la source infinie se trouve !

Stupéfait le terrien ne sut pas quoi faire, on lui avait assigné des vrais incompétents ! Comment pouvait-il trouver la source avec cette bande d'incapables ? Ne sachant quoi faire d'autre, il commença à s'éloigner de la prison à la recherche du point d'eau. Cela lui semblait une tâche impossible sur cette île rocheuse. Partout où il regardait, il ne voyait que du sable et des roches noires. Aucune trace d'eau ou de verdure. Suivi à la trace par ses chaperons, il continua ses recherches sur l'île volcanique. Fatigué de la quête infructueuse, la bouche asséchée et le nez irrité par les coups de vents sableux, le jeune garçon à bout de nerfs brisa le silence exaspérant de ses accompagnateurs :

- Vous savez au moins si votre maudite source est sur cette île ?

Encore une fois c'était le volontaire qui lui répondit par la négative. C'était quoi cette mission ? Comment devait-il puiser de l'eau dans la source infinie si personne ne lui disait où se trouvait cette source ? Pourquoi était-il entouré d'ignorants ? Raaah, il n'avait pas le temps pour cela ! Il fallait qu'il retrouve Kathlina ! Énervé, il fit demi-tour et demanda :

- Où se trouve votre meneur maintenant ? J'ai des questions à lui poser !

D'abord aucune des trois sentinelles ne lui répondit. Puis Harvé - le seul des gardes à s'être présenté - murmura :

- Erwan a dû retourner à Shengale.

- Dans ce cas, en route pour Shengale ! Ça ne sert à rien qu'on continue de chercher ici !

Harvé se tourna vers les deux autres gardes restés silencieux. Les trois hommes commencèrent à chuchoter. Pendant qu'ils discutaient, Jules observait le soleil se coucher sur l'océan. Le stress et l'incertitude de la journée l'empêchèrent de profiter pleinement de la vue magnifique des rayons de soleil sur l'eau.

Une fois leurs cachotteries fini, Harvé partagea leur décision :

- Il faut qu'on se dépêche si on veut aller à Shengale, d'ici minuit les courants vont tourner et le labyrinthe changera de forme.

Jules ne comprit rien à cette réponse. Lorsque l'un des gardes sortit un petit cahier de sa besace et prit la tête du groupe, il le suivit tout de même. Suivant un chemin de pierraille - peut-être un ancien cours d'eau -, le guide les mena jusqu'au bord de la mer. Mais le nouveau meneur ne s'arrêta pas là, il continua à marcher tout droit dans l'eau suivi de près par les autres. Une fois que l'eau leur arriva au torse, les Walans plongèrent. Hésitant, Jules suivit les trois hommes. Juste après son plongeon, une main forte engloba son poignet et le tira vers les profondeurs océaniques.

Le terrien retint sa respiration, puis au bout d'une minute se rendant compte que ses accompagnateurs n'avaient point l'intention de remonter à la surface il essaya de se dégager de l'emprise d'Harvé. Celui-ci se retourna mais ne lâcha pas sa prise. Jules essaya de crier, mais l'eau emplit ses poumons. Le Walan arrêta sa descente et enveloppa l'adolescent de ses bras musclés, l'empêchant ainsi de nager vers le haut. Jules se débattit. Pourquoi ce fou l'empêchait-il de remonter à la surface ? Il avait besoin de respirer ! Alors que le jeune garçon pensait se noyer, Harvé lui fit un signe de respirer. Mais oui, bien sûr ! Respirer sous l'eau... quelle excellente idée ! Pourquoi ne pas y avoir pensé avant ? S'il n'avait pas été en train de voir des points noirs danser devant ses yeux, l'adolescent les aurait roulé d'exaspération.

Alors qu'il sombrait dans l'inconscient, on le secoua fortement. Un spasme violent le sortit de sa torpeur et le fit inspirer profondément. Respirer sous l'eau ? Ce n'était pas possible ! C'était pourtant bien ce qu'il faisait. Et il n'était pas le seul capable de cette prouesse, de toute évidence ses accompagnateurs n'avaient aucun mal à respirer eux aussi. Tout le groupe s'était arrêté et ils lui jetèrent des regards interrogateurs. Harvé avait posé sa main sur la poitrine du terrien comme pour vérifier que Jules respirait bien. Pour la première fois du voyage le meneur pris la parole :

- Vous avez-fini vous deux ? On n'a pas toute la nuit !

Puis il continua son ascension comme si de rien n'était, suivi par le reste du groupe.

Après de longues minutes de descente et de nage dans le monde sous-marin, l'adolescent entraperçu un éclat lumineux au loin. Il avait enfin un repère dans ces profondeurs qui lui permettait de distinguer le haut du bas. Tout se ressemblait dans l'eau. Au point que s'ils avaient nagé en rond, il ne s'en serait pas rendu compte.

Lorsqu'ils s'approchèrent de la lumière, Jules discerna un arc en pierre recouvert de plantes grimpantes. Ces plantes bioluminescentes vertes donnaient un air mystérieux à cette entrée. Dès qu'ils passèrent l'arc en marchant sur le sol marin, un long couloir devint visible. Comme par magie ils se trouvèrent entourés de colonnes soutenant un toit recouvert de plantes lumineuses. L'ensemble formait une sorte de pergola scintillante. Jamais encore le terrien n'avait vu pareille structure. C'était vraiment à couper le souffle !

L'émerveillement de Jules céda à l'angoisse qu'il avait ressenti en perdant tous ses repères. En avançant, il se rendit compte que l'ensemble formait un labyrinthe. C'était donc de cela que les gardes avaient parlés toute à l'heure. À présent il était incapable de dire par où se trouvait l'entrée, tellement ils avaient passé d'intersections.

Lorsqu'après de nombreux tournants, le garçon essaya de trouver un raccourci en se frayant un passage à travers les plantes grimpantes, un courant d'eau l'aspira en dehors du chemin. Il fut projeté au milieu d'un tourbillon d'eau. Sous la pression de l'eau, les poumons de l'adolescent se rétractèrent et il fut incapable de respirer. Il était impuissant face à l'eau. En moins de deux secondes - qui ressemblèrent à une éternité pour l'adolescent - ses accompagnateurs arrivèrent à le retirer à l'intérieur de la structure. Il eut de la chance que l'un des gardes était parvenu à le retenir par sa cheville !

Cette expérience malencontreuse et le regard plein de réprimande que deux des gardes lui lancèrent, le dissuadèrent de retenter cette tentative. Sentant le désarroi de Jules, Harvé expliqua :

- Ce labyrinthe aquatique est le seul moyen d'aller à Shangale. Tu as dû remarquer qu'il n'était pas visible d'en haut alors qu'on s'en approchait à la nage. Ce dédale et notre ville sont protégés par de forts courants empêchant les intrus de venir chez nous. Ils t'empêchent par la même occasion de prendre des raccourcis. Chaque nuit à minuit, ils changent de sens entraînant alors une reconfiguration du labyrinthe. D'un jour à l'autre ce n'est donc jamais le même dédale. C'est pour cela que l'on suit les directions que Miguel a écrit dans son carnet. Ça n'a pas de sens de s'éloigner du chemin, vois-tu ?

Jules n'osant ouvrir la bouche pour parler, de peur d'avaler de l'eau, hocha la tête. Le garde reposa sa question :

- Hé ! C'est compris ?

- Oui !

Il n'avait eu aucune difficulté à parler dans l'eau ! C'était fou ! Il ne savait pas seulement respirer, mais aussi parler sous l'eau ! Cette découverte lui permit de poser sa question :

- Qu'est-ce qu'il se passe si on se trouve dans le labyrinthe à minuit ?

- Tu meurs, répondit Miguel.

- C'est ça. Les courants qui entourent le dédale entrent dans les couloirs de la pergola et ils sont tellement forts qu'ils t'écrasent sur les colonnes. Tu ne pourras plus respirer, même nos corps ne seront plus capables de tirer de l'oxygène de cette eau turbulente. Tu finiras donc soit écrasé, soit noyé. Mais comme Miguel a dit, dans les deux cas, tu mourras, ajouta Harvé.

- C'est quelle heure alors ? J'ai aucune envie de me trouver dans ce truc à minuit !

- On a encore deux bonnes heures. Arrêtez de tchatcher et bougez vous !

Jules était incapable de dire si c'était clone un ou clone deux qui avait dit cela. Il n'arrivait pas à distinguer les deux gardes imposants. Pendant qu'ils avançaient il essaya donc de leurs trouver des traits distinctifs : les deux étaient habillés d'un haut blanc et portaient un blouson gris ouvert au dessus. Tout comme Harvé, ils portaient un pantalon sombre et des bottes assortis. Ils avaient des corps musclés et leur peau était très bronzée. Les clones étaient coiffés de casquettes de patrouille, empêchant Jules de les différencier par leurs couleurs de cheveux. Jusqu'à présent l'adolescent ne les avait pas encore regardé dans les yeux, il ne connaissait donc pas leurs couleurs. Le tout faisait, qu'il n'arrivait pas à savoir qui était Miguel et qui était le garde sans nom. De toute manière, clone un et clone deux leur convenaient mieux comme noms.

Enfin, après plus d'une heure de marche, les couloirs fleuris se terminèrent et cédèrent leur place à une ville des plus impressionnantes. Tout en marchant le long de la grande rue les menant hors du labyrinthe, Jules observa chaque recoin l'entourant. Dans cette plaine abyssale se trouvait une vraie petite ville : des deux côtés du chemin se trouvaient des petites maisonnettes blanches quasiment identiques, chacune avec son propre petit enclos et jardinet.

En continuant, ils passèrent un espace ouvert avec un terrain de jeu et ce qui ressemblait à un terrain de foot, puis de nouveau des rues pleines de petites maisonnettes faites de grès. Après une quinzaine de minutes de marche, ils aboutirent sur une grande place où se trouvaient des bâtiments plus imposants. L'architecture de cette ville sous-marine rappela à Jules les "Sun-City", ces villes américaines entièrement construites pour des retraités. Chaque maison était une copie conforme de sa voisine. La ville entière semblait dater de la même époque et construite par un seul architecte. Le tout formait un ensemble bien structuré, mais donnait à Jules une impression de leurre, comme si la ville entière essayait d'imiter ce qu'une vrai ville devait être. Les murs blancs et froids contrastèrent cependant avec la vie qui se trouvait dans Shangale.

La ville aquatique n'était absolument pas une ville morte ou une ville pour les retraités. Les quatre voyageurs croisèrent de nombreux enfants - surtout sur les terrains de jeux- et de partout où son regard se posait, Jules aperçu des animaux aquatiques se cachant entre les coraux et les algues. Il aurait pu passer des heures à observer les poissons multicolores nager le long des routes illuminés par les plantes luminescentes. La ville ressemblait fortement à Tazon - la ville que l'adolescent avait aperçu avec Ariane et Lydia - toutefois Shangale était bien plus vivante. Et la plus grande différence était que Shangale était sous l'eau.

Jules ne savait pas quoi penser de cette ville, elle avait un côté accueillant avec toutes ses couleurs et elle respirait la vie. Cependant, d'un autre côté, le perfectionnisme et le blanc lui donnait un air sérieux et inhumain, qui provoquaient en lui une sensation très désagréable. Puis il y avait cette chose bizarre, quelque chose que l'adolescent ne parvint à comprendre : chaque petite maisonnette blanche était entourée d'une paroi transparente.

Lorsque les gardes s'arrêtèrent et franchirent l'une de ces bulles, l'adolescent essaya de faire de même. Toutefois la paroi était infranchissable et comme submergé par une vague il fut repoussé en arrière. Le râle du jeune garçon attira l'attention d'Harvé qui fit demi-tour pour attraper sa main et le tirer dans la bulle d'air. Jules s'emmêla les pieds et se retrouva au sol. Cela faisait plusieurs heures qu'ils nageaient et marchaient dans l'eau, il avait donc été surpris de ne plus devoir se confronter à la résistance de l'eau. Avec l'aide d'Harvé, il se remit debout et suivit les gardes dans le bâtiment. C'était un dortoir déjà bien rempli. Grâce à la lampe de poche de l'un des clones, les quatre aventuriers choisirent leurs lits le plus silencieusement possible afin de ne pas réveiller les dormeurs. Toutefois Harvé heurta le pied d'une des couchettes. L'occupante de celui-ci fut réveillée par la secousse et l'engueula :

- Tu ne peux pas faire attention ?

- Pardon, ce n'était pas exprès !

- Pff, regarde où tu vas !

Heureusement ce fut le seul dérangement, et sans autre échange tout le monde se coucha.

En passant la matinée au sein des soldats, Jules appris que chaque enfant walan en atteignant ses seize ans était envoyé à la recherche de la source infinie. Celle-ci se trouvant à un endroit caché au reste du monde. Les rares parvenant à trouver l'eau magique devenaient alors les protecteurs de la source. Ils suivaient ensuite un entraînement spécial afin d'être capable de canaliser son eau dans sa forme solide : seule une personne ayant suivi la formation pouvait réaliser cette action. Jusque là aucun problème. Cependant il y a environ cent ans, lors de la guerre tous les protecteurs de la source avaient été tués et depuis aucun enfant n'avait trouvé la source infinie, aussi le peuple des Walans n'avait plus accès à son eau sacrée. Incapable de trouver leur source sacrée, ils ne pouvaient que supposer que celle-ci avait été détruite. Jules était censé trouver un point d'eau disparu depuis cent ans ! Comprenant qu'on lui avait confié une mission impossible, l'adolescent redemanda à voir le meneur.

Accompagné de ses infatigables surveillants, il se présenta ainsi à la maison d'Erwan. Toutefois celui-ci n'étant guère avenant, se contenta de lui annoncer que du moment que l'adolescent ne rapportait pas d'eau de la source infinie il ne lui rendrait pas son pendentif. Jules commençait à sérieusement détester ce peuple de fou, tout particulièrement leur chef. Ce qu'il lui demandait de faire n'avait aucun sens. Au lieu de cette mission il pouvait aussi bien chercher une aiguille dans une botte de foin, sans que celle-ci y ai été jeté dedans. Ça reviendrait au même.

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