11
Devant la caserne, Noah sortit une cigarette et se l'alluma. Elle prit une longue bouffée avant de souffler la fumée en un épais nuage. Sherlock en profita pour allumer la sienne en les mettant bout à bout. Elle réfléchit sur les trois personnes déjà interrogées. Elle avait d'office éliminé l'espagnol, il était beaucoup trop petit pour avoir tué sa patronne, il faisait presque une tête de moins que la rousse. Mais Hamilton, Galtes et Drake mesuraient tous entre un mètre soixante-dix et quatre-vingt, talons compris bien évidemment. Ce qui faisaient d'eux trois suspects potentiels.
Le premier avait passé la soirée dans un resto chic, lequel avait confirmé quand elle avait appelé et les caméras montraient qu'il n'avait pas bougé jusqu'à une heure du matin. Elle avait demandé à Lestrade de vérifier, s'étant sentie gênée de demander ça à un policier. L'assistante était allé voir un film au cinéma, à trois rues de la scène de crime. Elle avait même donné son ticket comme preuve. Mais c'est facile de sortir de la séance en plein milieu et d'y revenir pour la fin. Combien de fois l'avait-elle elle même prouvé étant ado? Ou même acheté un ticket une bonne heure après le début du film afin de donner un alibi bidon à ses parents pour expliquer son retard? Trop pour qu'elle ne puisse compter. Et il était si simple pour le voisin de s'éclipser prétextant de devoir aller aux toilettes et de s'introduire chez Marilyn. Seulement elle avait ouvert la porte à cette personne et était allée jusqu'à lui faire un café. Elle n'aurait jamais fait ça si quelqu'un qu'elle ne supportait pas avait sonné.
Adossé à sa voiture, Holmes semblait perdu dans le même genre de réflexion. À la différence près que lui n'avait pas les yeux perdu dans le vague, mais dans des cheveux roux et ondulés. Au bout d'un certain temps, il écrasa son mégot sur le sol et se dirigea vers la double porte en verre du bâtiment en briques rouge devant lui.
Noah resta un instant de plus le regard dans le vague. Elle ne bougea que quand elle se rendit compte que sa cigarette s'était entièrement consumée et que son mentor la fixait intensément depuis le trottoir d'en face. Ce fut le rouge aux joues qu'elle passa devant lui et poussa la porte.
"Tu pensais à quoi?
-Et toi?" Répondit-elle mystérieuse.
Quelques minutes plus tard, ils étaient dans le bureau du chef de brigade à parler avec l'ex de la victime, Ryan Crossford.
"Quoi? Non c'est pas possible! Pas ma Mary non... Pourquoi? Pourquoi?
-Monsieur Crossford, c'est une épreuve difficile, je le sais..." elle parlait d'une voix douce et réconfortante, de celle d'une mère qui parle à son enfant. "Mais nous devons vous poser des questions... Ça ne sera pas long mais c'est très important, ça nous aidera à savoir ce qu'il s'est passé."
L'homme en face d'elle avait l'air d'être au bout de sa vie. Grand, brun, les yeux verts remplis de solitude et d'une réelle tristesse. Il était habillé de son uniforme de pompier, sa garde ne se finissait que dans la soirée. Il était clair qu'il l'aimait encore, malgré le fait qu'il l'ait quittée, c'était évident.
"Je savais que je n'aurais pas dû partir... J'aurais dû rester, la protéger.
-Ce n'est pas la peine de culpabiliser pour rien." et pour la énième fois de la journée, Sherlock ajouta "avait-elle des ennemis? Des gens qui lui en voulaient?
-Elle n'avait pas vraiment d'amis vous savez... Mais avant que je la quitte, elle venait de se disputer avec son voisin dans son bureau, et elle avait crié sur son assistante qu'elle n'avait qu'à changer de boulot si elle n'arrivait pas à se souvenir de comment elle prenait son café. Avec un sucre et du lait..."
Un rictus léger se forma sur les lèvres du détective.
"Les gens qui prennent leur café avec du sucre ou du lait n'aiment pas réellement le café" pensa-t-il en son fort intérieur.
La française le remarqua et lui lança un regard noir.
"Rien d'autre?
-Non, enfin... Je pense que son patron ne devait pas être heureux quand il a appris que j'avais découvert leur liaison. Si moi je m'en étais rendu compte, d'autres personnes pouvaient aussi le savoir.
-En effet... Puis-je vous demander où vous étiez hier soir?
-J'ai pris ma garde hier soir, on a eu un appel pour un incendie à East End vers neuf heures. On est resté sur place jusqu'à onze heures. Et ensuite on a eu besoin de nous pour un accident de voiture sur Abbey Road. Un truc de dingue, y avait dix voitures encastrées les unes dans les autres. Je suppose que ça a dû faire la une des journaux. Ou pas... Elle était connue dans le monde de la communication... Toujours est-il que je suis revenu ici vers trois heures du matin.
-Une dernière questions Monsieur Crossford" ajouta Noah. "Vous n'avez pas la télévision ici? Ou de radio? La nouvelle passe en boucle depuis ce matin, comment cela fait-il que vous ne soyez au courant que maintenant?
-La TV de la salle de repos est en panne. La matinée a été plutôt calme et j'étais vraiment crevé après la nuit que j'ai passé. Alors je suis allé dormir vers six heures du matin jusqu'à onze heures. On a fait la révision des camions jusqu'à une heure, je suis allé manger et puis vous êtes arrivés."
Ils saluèrent le pompier et regagnèrent la Fiat. Noah semblait perplexe, ce qui n'échappa bien évidemment pas à son acolyte.
"Qu'est-ce qui te tourmente?
-Rien..." tenta-t-elle, coupée par son ventre réclamant un peu d'attention. "Si on allait manger?
-Tu proposes, mais c'est moi qui payes, c'est ça?" demanda Sherlock, tout sourire face aux joues rougies de son interlocutrice
Le moteur se mit en marche et, comme toujours, le silence se fit maître de l'habitacle. Mais ça ne dérangeait pas la jeune femme, bien au contraire. C'était un silence calme, reposant et chaleureux, comme elle aurait tant aimé en avoir connu avant de rencontrer son professeur. Ce dernier, voulait connaître la raison du fronçage de sourcils de la rouquine alors qu'ils sortaient du grand bâtiment. Il se gara alors devant le 221 Baker Street et ouvrit la portière à la demoiselle.
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