Chapitre 2

Il entrouvrit les yeux, l'esprit encore endormi. Il attendit que ses pupilles s'habituent à la luminosité et que sa vision se précise avant de se redresser. Une douleur lui rappela qu’il était blessé et qu’il avait intérêt à ne pas trop bouger pour le moment. Il s'assit donc contre la roche de la cavité et tenta de rassembler ses souvenirs. Il se souvenait qu’Illë était avec lui, et l’était toujours d’après les braises encore chaudes à l’endroit où il avait dû faire un feu de camp. Il avait été découvert et il avait pris la fuite avec l’enfant. Il ne se souvenait plus pourquoi le sorcier l'avait accompagné, mais il lui devait la vie. Pendant la fuite, ils s’étaient séparés mais il avait dû revenir assez vite vers Illë. Pour cela, il avait tué ses poursuivants. Puis, il avait tué les quatorze qui était derrière l’enfant, aggravant la blessure qu’il s’était précédemment faite en descendant de l'arbre avec le sorcier. Tout était à peu près clair…

Il regarda autour de lui et remarqua que ses affaires avaient posées non loin de là. Il se traina jusqu’à elles et enfila son manteau, il n'aimait pas le quitter. C’était comme une doudoune de protection entre lui et le monde, et il lui permettait de cacher son vrai visage dans les situations où il était obligé de se montrer. Il enroula son écharpe autour de son cou, par principe, il l'avait toujours sur lui, été comme hiver, qu’il pleuve ou qu’il vente. Il vérifia qu'il avait tout dans son sac, et remarqua alors que Illë y avait mis son poignard, qui ne présentait plus aucune tache rouge. D’ailleurs, son t-shirt aussi était propre… le sorcier avait tout lavé.

« Vas-y doucement ! fit celui-ci qui venait de rentrer, quand on parle du loup…
- Oui.
- Ça va mieux ?
- Oui, merci.
- Je suis content, il y a des moments j'ai vraiment cru que tu n’allais jamais te réveillé ! Refais plus jamais ça ! Compris ?
- Désolé.
- C'est pas grave, l'essentiel c'est tu ailles mieux. »

Ren le regarda rallumer le feu, il semblait fatigué. Depuis combien de temps veillait-il sur lui ? Sûrement un bout de temps… l'assassin s'en voulait de lui avoir fait subir ça. Il n'avait aucune idée de comment se faire pardonner, ni comment rembourser ses dettes. À vrai dire, cela faisait des années qu’il n'avait pas parlé à quelqu’un autres que les Faucheurs survivants, il ne savait pas trop comment s'y prendre. Est-ce qu'un “merci” suffisait ? Qu'est-ce qu'Illë attendait en retour ?

« Ren ?
- Hm ?
- Merci d’être revenu.
- De rien.
- Dis-moi, quand tu seras totalement rétabli, où irons-nous ?
- Comment ça ?
- Tu n'as pas de destination particulière ?
- Non, pas pour l’instant.
- Depuis le début, tu erres tout seul sans savoir où tu vas ?
- Je ne suis pas seul. Et peu importe où je suis, je peux tuer n’importe où du moment qu’il y a du monde.
- Pourquoi tu tues, Ren ?
- Parce qu'on m'a appris à le faire. Tu sais soigner, moi je sais tuer.
- On ne t'a jamais dit que c’était mal ?
- Sûrement que si.
- Alors pourquoi ? À part prouver que tu sais le faire. Ce n'est donc que de l’autosatisfaction ?
- Ça ne te regarde pas ! lâcha sèchement Ren. »

Surpris, Illë le regarda, il s’était replié sur lui-même. Qu’est-ce qu’il cachait comme douleur ? Qu'est-ce qui avait bien pu lui arriver pour qu’il renferme sur lui-même comme ça ? Qui lui avait appris à tuer ? Ce n'est pas une chose qu’on apprend aux enfants normalement. Qui a envie que ses enfants tuent des gens ? Franchement, qui voudrait d'un tueur ? Il lui faisait presque pitié, ce n’était pas étonnant qu’il soit seul. Déjà qu’il tuait tous ceux qu’il croisait mais si en plus, il refusait de s'ouvrir… c’était pas gagné. Avoir sa confiance serait un exploit et lui faire entendre raison encore plus, mais l’enfant n'allait pas abandonner comme ça, il reviendrait à la charge. Il finirait bien par obtenir quelque chose. De toutes façons, c’était trop tard pour faire marche arrière, en aidant l'un des assassins les plus recherché du pays, il s’était mis dans un beau pétrin. Il avait tout intérêt à faire profil bas pendant un moment… et qu'est-ce qu'allaient devenir ses parents ? Il espérait qu’ils ne seraient pas mis dans le même sac et qu'on les laisse tranquilles. Il ne les avait même pas prévenu, il ne leur avait rien dit, même pas un mot d'au revoir. La situation ne le lui avait pas permis mais quand même… il n'avait aucun moyen de les contacter. S'il allait voir un pigeonnier, on le reconnaitrait et le poursuivrait, et dresser un oiseau de lui-même lui paraissait impossible. Il pourrait y retourner à pied mais on risquait de le voir et Ren ne serait sûrement pas d'accord. Il soupira, il n'avait plus qu’à attendre.

L'assassin leva un œil vers lui, à quoi pouvait bien penser Illë au point où il en était ? Est-ce qu'il regrettait ? Forcément… il avait quitté son village et sa maison douillette pour dormir dans une grotte avec un tueur en série avec des hommes à ses fesses. Qui ne regretterait pas ? Il fallait être complètement fou pour faire ça. Ren ne comprenait pas l'enfant. Pourquoi ce choix ? Pourquoi l'accompagner ? Avait-il vraiment mesuré tous les risques ? C’était impossible sinon il serait resté bien sagement chez lui. Surtout qu’il n'avait jamais accepté la demande d’Illë. C’était trop risqué pour eux deux. Le sorcier n'avait jamais vécu poursuivi par le monde entier, il n'avait pas les compétences pour le faire. Et puis si c’était pour qu’il lui fasse la morale à chaque fois qu’il abattait une cible, ce n’était même pas la peine d'y penser ! Et de toutes façons, il n'avait pas envie de s’encombrer de quelqu’un, c’était une gêne inutile, même s’il bien admettre qu'Illë lui avait sauvé la vie à deux reprises. Même si pour la deuxième, sa vie n'aurait pas été en danger s’il n'avait pas été là. Peu importe, il n’était prêt à trainer avec quelqu’un. Illë n'avait pas le droit de forcer les choses. Surtout qu'il devait bien y avoir des personnes qui l'attendent chez lui, qui s’inquiètent. Il ne voulait pas leur enlever le jeune sorcier. Ce dernier serait plus en sécurité avec eux qu’avec lui, et plus heureux. C’était décidé, il ramènerait Illë à Sazu et il le laisserait là-bas. L'enfant savait soigner, il avait un bel avenir devant lui, pas question de le gâcher pour une personne comme lui.

Il ferma les yeux, à la recherche du sommeil, il devait vite être en état de repartir, c’était dangereux de rester trop longtemps au même endroit, et puis autant écourter le plus possible le calvaire d’Illë. Plus vite il serait rentrer, plus vite on le pardonnera.

***

Une fois que Ren eut trouvé toutes ses capacités, ou presque, il regarda Illë qui surveillait ses mouvements d'un œil attentif.

« On y va ?
- Tu ne tiens vraiment pas en place, à peine debout qu’il faut déjà repartir ! rit Illë. »

Ren sourit intérieurement, le jeune sorcier n'aurait plus s’inquiéter pour ça, c’était la dernière fois qu’ils partaient tous les deux. Après, ce serait fini, ils ne se verraient plus. Leur routes se sépareraient là, définitivement. Et le plus vite serait le mieux, l'assassin concentra son énergie dans l'index de sa main droite et le posa sur le dos de sa main gauche. Un cercle lumineux blanc apparut immédiatement sur celui-ci.

« Qu'est-ce que tu fais ? s’étonna Illë.
- Il arrive, patience, répondit calmement Ren, désignant le ciel. »

Intrigué, l'enfant leva les yeux vers l'immense étendue bleue. Il ne vit tout d'abord rien puis un point apparu, grossissant à vue d'œil. Illë discerna la silhouette d'un oiseau, un gros oiseau blanc. Ce dernier se posa devant Ren et avança vers lui d'une démarche maladroite. L'assassin caressa la tête du volatile qui se laissa faire, appréciant cela. Puis, il se redressa pour permettre à son maître d'attraper facilement le message attaché à sa patte. C’était sa mission, transmettre les messages entre les trois assassins et Ren. Ce dernier récupérer le parchemin et le déroula. Les messages étaient toujours brefs mais celui-ci était anormalement long, même s'il ne dépassait pas quatre lignes. Une fois lu, il le plia et le rangea soigneusement dans sa poche, il répondrait après avoir emmener Illë à Sazu. Il grimpa sur le dos de l'oiseau et fit signe à l'enfant d'approcher. Celui-ci s’exécuta jusqu’à que l'oiseau lâcha un cri de protestation.

« C'est exceptionnel, le calma Ren. »

Il tendit sa main à Illë pour l’aider à grimper. Le sorcier la saisit et se hissa derrière l'assassin, peu rassuré à l’idée de faire confiance à un oiseau dont la taille du cerveau ne devait pas dépasser celle d’un chou de Bruxelles. Le volatile interrogea Ren du regard, celui-ci répondit par un hochement de tête et les ailes de leur monture se mirent au travail. L’enfant s'accrocha solidement à Ren, de peur de perdre son équilibre. Le garou ne broncha pas, occupé à manœuvré l’oiseau.

« On va où ? finit par demander Illë.
- À Sazu.
- Tu as oublié quelque chose là-bas ?
- Ce serait plutôt le contraire, je ramène quelque chose là-bas.
- Ah bon ? Quoi ? fit le sorcier qui ne percuta pas.
- Toi.
- Pardon ?! C'est quoi cette histoire ?!... »

L'oiseau ne lui laissa pas le temps de finir qu’il fit un looping, coupant le souffle de ses passagers. Effrayé, Illë s’accrocha encore plus fort à Ren.

« Ne crie pas, lui indiqua calmement Ren.
- D’accord, souffla le sorcier, sans lâcher l'assassin.
- Pour quelqu’un qui sait voler, je pensais que tu serais plus à l'aise.
- Je vole pas tous les jours… pourquoi tu veux me ramener ? Qu’est-ce que j'ai fait ? Si ce sont mes questions qui t'ont gêné, je peux me taire !
- Je ne veux personne pour m'accompagner.
- Pourquoi ? La solitude ne te pèse jamais ? Tu ne sens pas ce vide quand tu es seul et que les autres sont ensembles ?!
- …
- Réponds Ren !
- Tu parles comme si tu savais ce que c’était.
- Parce que je sais ce que c'est !
- Soit. Qu’est-ce que cela change ?
- Tu n'as pas envie de combler ce trou ? Tu n'as pas envie de partager des choses les autres ? Tu ne veux pas d'amis ?
- Pourquoi faire ?
- Pour être heureux, Ren, pour que tout le monde soit heureux !
- Je ne souhaite pas le bonheur des autres.
- Et le tien ?
- Non plus.
- Sincèrement ?
- Sincèrement.
- Alors qu'est-ce que tu fais là ?
- Comment ça ?
- Pourquoi vis-tu ?
- Je ne sais pas.
- Je ne te crois pas.
- Tu n'es pas si naïf que tu en as l'air.
- Réponds ! »

L'oiseau décrivit un nouveau looping puis plongea vers le sol, Illë lâcha un cri de surprise et se tut, le souffle coupé. Ren enfouit son visage dans son écharpe et mis sa capuche, ils étaient arrivés. Il laissa le volatile gérer l’atterrissage qui se posa un peu à l’écart de la ville, au bord du fleuve où l'enfant avait trouvé l'assassin.

Ren fit glisser Illë à terre de force, celui-ci ne voulait absolument pas le lâcher. L'assassin n'avait pas envie de se battre avec lui.

« Lâche-moi s’il te plait, Illë.
- Non !
- Ne m'oblige pas à utiliser la force !
- Pourquoi tu ne veux pas que je t'accompagne ? Je suis trop faible c’est ça ?! Je suis un poids pour toi parce que je ne sais pas me protéger seul ?! Parce que tu as dû faire demi-tour pour moi ?!
- Entre autre.
- Dans ce cas fait comme si je n’étais pas là, laisse-moi me débrouiller mais s’il te plait, laisse-moi t'accompagner !
- Je n'ai besoin de personne.
- On a tous besoin des autres Ren ! Tu ne fais pas exception ! Ça ne te gêne pas de pourrir seul dans ton coin ?!
- Je ne suis pas seul.
- Je ne te crois pas.
- Cela m'est égal. On a assez joué, maintenant rentre chez toi ! Si on te pose des questions, tu n'as qu’à dire que c’est de ma faute.
- Je ne veux pas rentrer ! Je veux venir avec toi ! »

Ren soupira et glissa à terre. Il jeta un regard entendu à sa monture avant de prendre gentiment Illë par la main comme les petits enfants. Après tout, c'en était un, n'est-ce pas ? Surpris, le sorcier le regarda, l'assassin lui répondit par un sourire doux, puis l’entraina calmement vers le village. Comprenant où voulait l'emmener Ren, Illë tira dans le sens inverse et le garou le lâcha sans opposer de résistance au plus grand étonnement de l'enfant.

L'assassin continua sa route vers Sazu sans faire vraiment attention à Illë, qui le suivait, intrigué. Il était plus occupé à s'assurer que personne n’était dans les parages, il ne tenait pas à refaire une énième course poursuite. Il se glissa dans le jardin de la maison de la famille de son soigneur et regarda la fenêtre par laquelle ils s’étaient enfuis. Il ne pouvait les faire passer tous les deux par là et prendre par la rue était trop risqué. Au pire, il n'avait pas besoin de rentrer, il pouvait laisser l’enfant dans le jardin. Il se tourna vers Illë qui ne l'avait pas lâché d'une semelle.

« C'est ici que nos routes se séparent.
- Hors de question !
- C’est comme ça, que ça te plaise ou non.
- Ce n'est pas comme ça !! J'ai aussi mon mot à dire ! Pourquoi tu es si égoïste ?!
- Moins fort, tu vas alerter le quartier.
- Si ça peut nous faire reprendre la route ensemble !
- Tu n'es pas moins égoïste que moi. Seul ton bon vouloir compte si je t'écoute.
- Mais mon bon vouloir veut aider les autres !
- Qu'est-ce que cela change ?
- Tout !
- Bon, assez bavarder… »

L'assassin fit volte-face mais Illë tenta de l'attraper pour le retenir. Cette fois c'en était trop pour Ren, il avait assez patienté, il poussa violemment l'enfant en arrière avant qu’il puisse s’accrocher à lui.

« Laisse-le ! »

Un homme qui devait être dans la quarantaine s'interposa.

« Papa ! lâcha Illë, surpris. »

Ren sortit son couteau, ça sentait mauvais pour lui. Autant en terminer vite fait, et puis s’il tuait le père d’Illë, ce dernier aurait déjà sûrement moins envie de “l’aider”.

« Ne fais pas ça Ren ! s'écria l'enfant en comprenant les intentions de l'assassin. »

Ren, toujours caché sous sa capuche, sourit. C’était toujours amusant de voir les gens le supplier de ne pas tuer.

« Je peux savoir ce qu’il y a de drôle ?! gronda Illë, croyant que Ren se foutait de lui.
- La manière dont tu as réagis lorsque j'ai manifesté mon envie de le zigouiller. »

Un large sourire qui n'avait rien de charmant illumina le visage à demi-caché de l'assassin. Effrayé, l'homme recula d'un pas, entrainant Illë. L'assassin se sentait tellement supérieur, ils n’étaient que des pions dans le creux de sa main. Il avait un droit de vie ou de mort sur eux et voir leur peur et leur crainte était amusant. Il était tellement puissant par rapport à eux, c’était indéniable.

Soudain, Illë fit un pas vers lui, sans manifester de peur et planta son regard dans celui de Ren.

« Ça suffit maintenant ! Tu vaux mieux que ça !
- Ne dis pas de bêtises ! rit nerveusement l'assassin.
- Je le pense vraiment, Ren ! »

Le sorcier accompagna ses paroles d'un sourire joyeux et franc. Ren sentit le sol se dérober sous lui mais ne bougea pas d'un pouce. Pourquoi est-ce que tout chez Illë le ramenait en arrière ? Pourquoi est-ce que tout le ramenait en enfance ? Pourquoi est-ce qu’il faut que ce soit si douloureux ? Pourquoi est-ce qu’il ne parvenait pas à se détacher de sa peine ? Cela faisait déjà plusieurs années quelle s’était emparée de son cœur pourtant, alors pourquoi ? Pourquoi est-ce que le temps ne la détruisait pas ? Il finissait toujours par tout emporter, alors qu’attendait-il ?!

Soudain, un cri le ramena à la réalité. Un groupe d'homme apparu de chaque côté de la bâtisse. Il était répéré, Illë n’était vraiment pas discret ! Quelle plaie ! Il jeta un regard derrière lui, il était encerclé… comment avait-il pu être aussi inattentif ?

Il ne pouvait pas passer sans attaquer les hommes, sauf que s'il se lançait d'un côté, on le prendrait par derrière. S'il appelait son oiseau blanc à la rescousse, celui-ci se ferait blesser à coup sûr. Il ne pouvait pas fuir… il y avait forcément une solution. Il jeta un regard circulaire autour de lui, cherchant un détail, une faille, qui pourrait lui permettre de se tirer de là.

« Ça ne sert à rien de chercher à fuir, tu es fait sale rat ! lâcha un homme en s’avançant. »

Ren lâcha un léger grognement, être rabaisser à un rat… n'importe quoi. Un magnifique chat blanc comme lui vaut mieux qu’un vulgaire rongeur. L'homme s'approcha, Illë recula, sur ses gardes, imité par l'assassin. S'il avançait autant, c'est qu’il était sûr de lui, et donc qu’il cachait quelque chose… à moins qu’il soit complètement fou.

« Pose tes armes ! ordonna-t-il. »
Mais bien sûr ! Ren avait trouvé la solution. D'un geste calme, il posa au sol son poignard et son revolver. Illë le fixait, stupéfait, puis leva les yeux vers l'homme, qui se trouvait être le chef du village.

« Qu'est-ce que vous allez faire de lui ? demanda l'enfant.
- Que veux-tu en faire ? Le tuer, évidemment. Mais avant… j'aimerai lui poser deux ou trois questions, répondit-il, un large sourire sur le visage.
- Des questions ? »

Soudain, une explosion fit sursauter Illë. Affolé, il se tourna vers Ren. L'assassin avait sorti un deuxième pistolet et avait tirer sur les hommes qui étaient entre lui et la maison. Les balles, du moins il pensait que c'en était, explosaient dans des nuages de fumées grises. Avant qu'Illë eut pu l'en empêcher, le garou bondit dans la fumée après avoir ramassé ses biens, c’était sa chance. Surpris, l'enfant s’élança à sa poursuite mais le perdit vite de vue, trébuchant. Il se releva vivement et remarqua qu’il était tombé sur un corps en partie brûlé. Peu importe, le sorcier détourna le regard pour repartir à la recherche de Ren. À travers l’épaisse fumée, il vit des ombres d’hommes commencer à se relever à son grand soulagement. Soudain, l'un d'eux se dirigea vers lui. Illë le reconnut immédiatement et se jeta dans ses bras.

« Pardon Papa, s'excusa l'enfant.
- C’est fini maintenant… il est parti… »

Le sorcier s’apprêta à reprendre la parole mais un puissant souffle, suivi d'une violente déflagration les sépara et les envoya rouler à terre une dizaine de mètres plus loin. Illë, sonné, peina à se relever. Il remarqua qu'une fumée noire couvrait tout le ciel. Qu’est-ce qu’il s’était passé ? Il chercha son père du regard et remarqua que de nombreux corps brûlés gisaient à ses pieds. Un vertige le prit et il manqua de tomber. Qu'est-ce qu’il s’était passé ? Il ne savait pas. Il ne savait plus. Sa vision commençait à se brouiller, la fumée le faisait tousser. Où était Ren ? D’où venait le danger ? Quelle direction prendre ? Est-ce que son père avait survécu ? Probablement pas. D’où venait le danger ? Par où fuir ? Où serait la prochaine explosion ? Il secoua la tête, peu importe il devait avancer. Malgré l’odeur de la mort, les fumées omniprésentes, les vertiges qui l'assaillaient, les corps qui lui faisaient des croche-pied, Illë marchait, il ne savait pas vers où, mais il avançait.

Soudain, une légère lumière attira son attention. Il s'approcha. Elle provenait d'un corps… Ren ! Illë s'agenouilla, il respirait, il était vivant ! C’était le dos de sa main qui brillait, comme lorsqu’il avait appelé son oiseau. Mais si celui-ci venait, est-ce qu'il verrait l’assassin avec toute cette fumée ? Il ne savait pas comment appeler le volatile. Avait-il un nom ? Lequel ? Il regarda le garou et tenta de le réveiller. Celui-ci émit un léger grognement.

« Ren ! Ren, tu m'entends ? On doit partir ! Tu dois te lever, on doit partir ! fit Illë sans cacher sa panique. Sa plus grande peur était qu’il y ait une nouvelle explosion. »

Le garou ne lui répondit pas, Illë n’était même pas sûr qu’il l'ait entendu. Il semblait totalement sonné. Qu'est-ce qu’il s’était passé ? Le sorcier ne comprenait pas. Jusque là, il avait essayé de contenir sa peur, mais il ne trouvait pas de réponse, Ren était incapable de faire quoique ce soit, son père était probablement mort et ils allaient tous crever ! Une larme coula sur sa joue, il ne savait plus quoi faire. Il tenta de réveiller Ren, c’était seule chance.

« Ren ! Je t'en supplie ! Debout ! Me laisse pas tout seul ! Ren ! »

Il n'obtenait pas de réaction, alors c’était vraiment fini ?! Soudain, il sentit un souffle derrière lui et se recroquevilla, croyant que c’était encore une explosion. Mais rien ne vint. Il entrouvrit les yeux et remarqua que c’était l'oiseau. Il les avait enfin retrouvé ! Une immense joie envahie l'enfant et si fuir n’était pas urgent, Illë lui aurait sauté au cou. Il aida le volatile à hisser Ren sur son dos et grimpa à son tour. L'animal volant ne protesta pas et attendit sagement qu’il se soit installé pour décoller.

Une fois sorti du nuage noir, Illë se sentit soulagé. Il se pencha légèrement pour contempler le paysage. C’était sa maison qui avait explosé… il n'avait nulle part où aller à présent. Sa mère ne voudrait plus de lui à présent, ni son père s’il s'en était sorti. Après tout, c’était sa faute. Il aurait dû écouter Ren dès le début. Il n'aurait jamais dû l'obliger à venir jusqu’à la maison. Tout cela ne serait pas arrivé. C’était sa faute, uniquement sa faute…

***

Ren entrouvrit les yeux. Où est-ce qu’il était ? Il n’était pas prisonnier, qu'est-ce qu’il s’était passé ? Il se redressa péniblement, soudain quelque chose lui sauta dessus sans qu’il puisse réagir. C’était Illë. L'enfant s’était blotti contre lui et pleurait silencieusement. Qu'est-ce qu’il se passait ?

« Illë…
- Je suis… désolé. J'aurais dû t’écouter
- Illë… où est-ce qu'on est ?
- Je sais pas… c'est ton oiseau... qui nous a emmené là, renifla l'enfant.
- On est seuls ?
- Oui.
- Tout va bien alors… pourquoi tu pleures ?
- Parce que… c'est de ma faute.
- Qu'est-ce qui est de ta faute ?
- Tu ne te souviens plus ? Quand on a été encerclé…
- Vaguement, le coupa Ren.
- J'aurais dû rentrer tout seul… je ne nous aurais pas mis en danger, ni toi, ni moi, ni les autres et j'aurais encore une maison ! Je t'aurais écouté, personne ne serait mort ! cria Illë avant de serrer Ren contre lui. »

Surpris, l'assassin le laissa faire. Qu'est-ce qu’il devait faire dans cette situation ? Faisant confiance à ses souvenirs, il entoura Illë de ses bras pour le réconforter. Son frère avait fait la même chose pour lui lorsqu'il avait perdu son père.

« Tu n'y es pour rien, tu ne pouvais pas savoir que ça finirait comme ça. Et puis, je m'excuse pour la maison, c'est de ma faute. C'est moi qui ais tué, j'ai provoqué l'explosion.
- Comment ça ?
- Regarde ! »

Ren l’écarta un peu et sortit son deuxième pistolet. Il le tendit à Illë qui le prit timidement.

« C'est un pistolet à magie. Il n'y a pas besoin munitions comme un pistolet normal. Tu vois la pierre violette ? L'énergie magique est stockée dedans. Lorsque tu appuis sur la détente, ton doigt touche la pierre, et celle-ci réagit en fonction de ton envie, notamment au niveau de l'aspect des projectiles.
- Mais comment tu recharges la pierre ?
- Je demande à Sorah.
- Ah d'accord.
- Comme tu l’as vu, je peux faire des explosions plus ou moins grosses. Sauf qu'un des projectiles explosifs est rentré dans la maison par la fenêtre et il a dû touché quelque chose d'explosif, d’où la grosse explosion.
- Comment tu t'es retrouvé inconscient ?
- Je me suis rendu trop tard qu'un des tirs n'a pas été je voulais et je me suis fait surprendre par l'explosion. J’étais sur le toit à ce moment.
- Si près ?!
- J'ai eu beaucoup de chance…
- C'est un miracle même. »

Ren lui sourit, Illë semblait s’être calmé. L'enfant lui rendit son arme et l'assassin la rangea soigneusement, prête à servir.

« On est quel jour ?
- Jeudi, pourquoi ?
- On va rester ici jusqu’à demain soir. J'ai quelque chose à faire, seul, demain après-midi, donc tu resteras là sauf changement de plan et je reviendrais te chercher.
- J'ai ta parole que tu reviendras ?
- Ma parole ne vaut rien, Illë.
- Ren !
- Tu as ma parole.
- Qu'est-ce que tu vas faire ?
- Rien qui te regarde.
- Hm… c'est si secret que ça ?
- Plus que tu ne le penses.
- Bon… et on ira où après ? À moins que tu ne veuilles toujours pas de moi, fit Illë en se levant.
- J'imagine que je n'ai pas le choix d'accepter ta présence, puisque je ne peux plus te rendre. J’espère que tes parents ne m'en voudront pas trop.
- C'est vrai ?! Je peux m’accompagner ?
- Tu as écouté ce que je viens de dire ?
- Merci beaucoup !!
- De rien. Après, je verrais. Il y a un endroit où tu aimerais aller ?
- Hm… j'aimerai aller à la capitale ! Il parait que c'est joli et qu’il y a des magasins partout !
- D'accord, souffla Ren, peu enthousiaste.
- Tu n'aimes pas Lulla ?
- Peu importe.
- Comme tu voudras… »

Ren se leva à son tour, s'appuyant contre la paroi de la grotte dans laquelle l'oiseau blanc les avait laissé. Il attendit quelques secondes d'avoir trouver son équilibre et sortit dehors après avoir vérifié qu’il n'y avait personne. Peu de gens connaissait cet endroit mais il valait mieux rester prudent. Illë le suivit.

« Je me demandais, c'est quoi le cercle de lumière sur ta main quand tu appelles l’oiseau. Il s'appelle comment ?
- Oiseau messager n°4, mais je l'ai rebaptisé Fuyu.
- Messager ? Il transmet les messages entre toi et les autres assassins de ta bande ?
- Oui.
- En fait… demain, tu vas les voir, c'est ça ?
- Tu es perspicace.
- Pourquoi je ne peux pas venir ? Ils ne vont pas me manger !
- Ça c’est ce que tu crois…
- Quoi ?! Ils sont cannibales ?
- Non, soupira Ren d’exaspération.
- …
- Pour en revenir à ta question, lorsque le cercle s'allume, c'est qu’il émet des ondes que seuls Fuyu et ses trois collègues peuvent sentir. Ça leur permet de me repérer et de m'aider en cas de besoin.
- C'est de la magie ?
- Oui.
- Mais… tu es un chat-garou. Normalement, tu ne pratiques pas de magie.
- C'est compliqué à expliquer… en faite, nous avons passer un contrat magique. Tu sais ce que c'est ?
- Vaguement. C'est un contrat qui engage les personnes qui y appose une signature de magie à faire ou à donner quelque chose mais si elles faillissent alors elles meurent.
- Pour faire simple, c’est ça. Dans le contrat, les oiseaux peuvent savoir où je suis dès que je le souhaite et doivent m’obéir et en contrepartie, si Fuyu meurt d'autre chose que de vieillesse ou de maladie ou de manque à un contrat magique, je meurs aussi. De plus, il a connaissance de ce que j'ai vécu par le passé.
- Hm… je comprends pourquoi tu ne l'as pas appelé lorsqu'on était encerclé.
- Oui, c’était trop risqué.
- Tu as passé d'autres contrats ?
- Oui. Je t’expliquerai plus tard en quoi ils consistent. »

Ren sortit un papier de sa poche, heureusement intact, et le déplia. Il relu le message, qui était codé.

“ Vendredi 7 juin, après-midi,                                 réunion.
Restez sur vos gardes d’ici-là,
Explications vendredi.
Lieu caché. ”

Il se demandait ce qui inquiétait tant Ylis. Il savait pertinemment qu'on n’était jamais trop prudent mais jamais il ne les avait mis en garde ainsi. De là à ne pas faire de réunion à leur repère… la situation devait vraiment être grave. Qu'est-ce qu’il pouvait bien se passer ?

« Qu'est-ce que c'est ? demanda Illë, intrigué.
- Le dernier message que Fuyu a transporté.
- Il dit quoi ?
- Rien qui te concerne.
- Tu es décidé à ne pas me dire grand-chose sur ta bande.
- Je n'ai le droit que de me taire.
- Contrat magique ?
- Non.
- Vraiment ?
- Ça t’étonne ?
- Oui, vous n’avez pas peur que l'un d'entre vous vous trahisse ?
- Nous avons confiance.
- Comme quoi ta parole ne vaut pas rien.
- Ce sont des exceptions.
- Entre assassins, on se comprend, rit l'enfant.
- Si tu le dis.
- Comment vous vous êtes connu ?
- Qu’est-ce que cela peut faire ?
- Je suis curieux c’est tout… »

Ren soupira, trop curieux même...

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