X


Un fracas assourdissant. Puis le vide. Un vide tiède, moelleux. Une odeur âcre. Les ombres dansent, le diable hurle. C'est la fin, c'est la fin. Je l'entends, il le répète, le murmure. Il hurle, sanglote, ricane. C'est la fin, c'est la fin. L'obscurité l'emporte, c'est la fin. L'écho me susurre quelque chose, mais c'est indistinct. La chair brûle, la douleur est libératrice. Les mots grésillent, un marteau frappe l'asphalte. Je ne suis que sensations, que douleur et extase à la fois. C'est la fin, je le sais. Je coule, la pénombre me submerge. J'étouffe, les ombres pénètrent dans ma bouche, mes narines, mes yeux. Je suis aveuglée, la souffrance est extrême. Plus rien n'a de sens. Je vole, chute, m'écrase. C'est la fin, dit-il encore. Mon esprit se brise contre un mur, se rassemble avant de s'effondrer aussitôt. Le choc se répercute et je devine mes membres. Des os, de la chair, des organes. Un braiser immense. Toutes ces voix hurlent, elles hurlent à la mort. Un chant funèbre. Le cygne se laisse glisser dans les eaux de l'inconscience, coule jusqu'à la porte des enfers. Je plonge pour le rejoindre, mais les algues me retiennent. Les végétaux s'enroulent autours de mes poignets, je n'ai plus d'oxygène. Je suffoque, me débats. C'est la fin.

- La tension chute, il faut la transférer de toute urgence à Hale Ho'Ola Hamakua ! ordonna un homme.

J'ouvris les yeux avec difficulté et les plissais tant les lumières de l'ambulance m'aveuglaient. Quelque chose m'empêchait de tourner la tête. Je crachais de l'eau rouge.

- Elle reprend conscience ! cria une femme.

Un homme s'approcha.

- Bonjour ma belle, comment t'appelles-tu ? s'inquiéta-t-il, le front plissé.

Je tentais de dire quelque chose, mais mes paupières tombaient lourdement sur mes yeux, et bientôt, l'homme disparut, ainsi que toute l'agitation autour.

Le liquide chaud et épais continua de couler dans ma bouche, l'air peinait à remplir mes poumons. Les voix, elles sont toujours là. Elles savent, mais je ne veux pas savoir. J'hurle à mon tour, et elles reprennent ma plainte funeste. C'est la fin, c'est la fin. Nous chantons les mêmes paroles. Mes lèvres remuent d'elles-mêmes, un son puissant fait vibrer mes cordes vocales. Je suis à bout de souffle, j'aimerais arrêter, me taire, disparaître définitivement. Mais ils me tiennent entre leurs longs doigts frêles. Les os craquent, l'étau se resserre. Cela ne finira donc jamais ? C'est la fin, crient-ils pourtant. Tout se consume, les cendres s'effritent au creux de mes paumes brûlées. Je tourne la tête et aperçois leurs visages blêmes.

*****

Ce même fracas assourdissant.

J'ouvris les yeux. Une douleur lancinante me vrillait le crâne.

Ce même fracas assourdissant.

Des machines en tout genre m'entouraient, des perfusions étaient enfoncées dans le creux de mes bras, un tube en plastique bleu m'alimentait en oxygène.

Ce même fracas assourdissant

Mes parents discutaient avec une infirmière de l'autre côté de la baie vitrée de ma chambre. Je voyais leurs lèvres trembler, s'agiter, frémir. Un spectacle étrange et pathétique.

Ce même fracas assourdissant.

Quelque chose se tordit douloureusement dans mon ventre. Un rêve, un seul rêve. C'était tout ce que j'avais réussi à voler à cette vie.

Ce même fracas assourdissant

Je clignais des yeux lentement, encore amorphe. Mais les murs blancs chuchotèrent un nom. Rafael, Rafael, Rafael.

Il fallait que je sache s'il allait bien.

Ce même fracas assourdissant.

Mes parents entrèrent dans la chambre, se précipitant vers moi. Des larmes mouillèrent ma chemise bleu pâle. Ma mère pleurait. Les gouttes chaudes dégoulinèrent au creux de mes clavicules. Des mots dénués de sens glissèrent sur ma peau dans un crissement aigu.

Ce même fracas assourdissant.

- Où est Rafael ?

Ce même fracas assourdissant.

- Qui est Rafael ? pleurnicha ma mère.

Ce même fracas assourdissant.

- Le... Le garçon qui était avec moi... dans la voiture, comment va-t-il ? murmurais-je, le souffle court.

Ce même fracas assourdissant.

Un doute horrible se creusa dans mon estomac, s'enfonçant profondément entre mes organes, tapant du poing contre mon ventre.

- Je... Je crois que tu devrais te reposer mon ange, on reparlera de tout ça plus tard, bafouilla-t-elle.

- Non ! Dites-moi s'il va bien ! criais-je.

Ce même fracas assourdissant.

Je connaissais ces regards. Ces regards qui voulaient mentir, toujours mentir. Arranger les choses. Ignorer la réalité. Tuer les rêves.

- Mon cœur...

- Dites-moi ! hurlais-je.

Ce même fracas assourdissant.

Mon père prit ma mère par les épaules pour qu'elle me lâche. Il sembla chercher ses mots. Il humecta ses lèvres plusieurs fois, retardant l'échéance de quelques secondes, espérant qu'elles m'apaiseraient, que je fermerai les yeux et m'endormirai le sourire aux lèvres. « Ce n'est pas grave papa, je n'ai pas besoin de savoir. ». Il attendait des mots qui ne sortiraient jamais de ma bouche, des mots impossibles. Des phrases, une vie qui n'existaient pas. Il attendait quelqu'un d'autre. Il refusait de déclencher la bombe, priant pour que je sois une autre. Mais j'étais Hayden et j'attendais ces mots, ces mots que je redoutais, ces mots que ces voix me gravaient sur la roche, laissant une empreinte indélébile. Le claquement de leurs langues, l'intonation brutale, presque gutturale. Un son froid, une mélodie glaciale.

- Hayden... Rafael, le garçon dont tu parles... Il est mort. Rafael est mort.

*****


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top