« Et ne pas, [...] , découvrir que je n'ai pas vécu » - Eleda_i

<<- CE SOIR JE LEVE MA COUPE ,

C'est ainsi que Henri Léville commença son discours sous les yeux d'un public attentif.

Beaucoup de gens était venus voir la remise du prix LAROBERT à celui que l'on disait fou , inconscient voire dément. Dans la salle se trouvait des lords , des personnalités plus ou moins connues ou influentes , des dames parées de leurs plus beaux atours et des hordes de journalistes impatients. car pour la première fois dans l'histoire le prestigieux prix était remis a un écrivain.

"Ce soir je lève ma coupe à ceux qui depuis le début me guident dans cette belle aventure qu'est la vie. A ceux -avait-il continué- sans qui je ne serais pas ici ce soir ; je veux bien évidemment parler des amis qui me sont les plus chers, et ces précieux amis qui ne sont pas là matériellement dans cette salle, ne sont autres que, vous l'aurez peut-être compris, mes rêves et de mes espoirs !"

Un murmure parcourut l'assemblée mais Léville n'en tint pas compte et poursuivit :

"Mes très chers rêves ! C'est eux qui m'ont poussés à devenir un homme plus grand, plus fort et plus intelligent. Ils ont fait de moi l'homme que je suis aujourd'hui en cette année 1935 ! Car C'est en cette année et en ce mois que je suis enfin arrivé au bout de mes projets et de mes ambitions, les plus folles soient elles !"

Il but une gorgée de la coupe de champagne qu'on lui avait donnée plus tôt dans la soirée, savoura un instant sa boisson en fermant les yeux ; et certains dans le public affirmèrent plus tard que durant ce court moment il avait prononcé des mots indistincts du bouts des lèvres. Finalement il reposa son verre sur le pupitre et reprit son monologue.

"Mais au fond, que serait un homme sans ses rêves ? Je vous le demande ! Et bien il ne serait rien ! Tout simplement rien ! Rien sans ses démons qui vous habitent et vous poussent à décrocher la lune , rien de plus qu'une coquille vide , qu'un pantin désarticulé, qu'un chevalier sans arme ni armure , qu'un arbre sans écorce !"

une deuxième gorgée de champagne alla rejoindre la première dans son estomac.

"Grâce à mes rêves , je jouis d' une existence heureuse , voir passionnante où je ne m'ennuie jamais, et où il m'arrive un tas d'aventures extraordinaires ; tout ça car je ne pense qu'à une chose : arriver au bout du long chemin qu'ils ont tracé pour moi !"

Sa voix se fit plus forte et plus assurée et son regard qui jusqu'a présent n'avait d'yeux que pour son verre se porta vers la salle et il dit aux centaines de personnes assises en face de lui ces mots que tous retiendront :

" Alors quand je vois tout ceux qui, à peine leur existence entamée s'accrochent au bras d'une belle dame qu'ils n'aimeront vraiment que trois jours , pour rester finalement aux côtés de cette même personne tout au long de leur vie; en la comblant de fausses promesses d'amour dans l'espoir qu'elle ne les quitte pas pour un autre, qui lui l'aimerais pour ce qu'elle est !"

Peut-être les hommes et quelques femmes de l'assemblée crurent se reconnaître dans cette description peu élogieuse , mais si ce fût le cas il n'en dirent rien.

" Ou encore ceux qui s'enferment dans le travail et s'y acharnent à tel point que leurs cerveaux ne deviennent plus que des machines , et dont leurs coeurs finissent imperméables à tous sentiments !"

A ces mots certains vieux lords tiquèrent. Léville fit semblant de ne pas les remarquer et continua.

"Sans parler des gens coincés dans le vice de la drogue ou celui de la boisson ! Ceux là se bernent d'illusions pour le restant de leurs jours !"

L'écrivain avala une troisième gorgée de champagne qu'il avait l'air de particulièrement apprécier ; comme les deux fois précédentes, il ferma ses paupières et parut rêver une fois de plus.

" Alors quand je les vois tous , aussi grands , aussi importants qu'ils soient ! Ces gens qui , dès le début ratent l'essentiel de leur vie ... Je me dis : "Ah , mes chers rêves , merci ! Merci de m'avoir permis de vivre jusqu'à présent , une belle vie ! J'ai tellement besoin de vous pour vivre ma vie comme je l'entends , et ne pas, quand viendra la vieillesse, découvrir que je n'ai pas vécu ."

Il regarda avec désespoir son verre vide et acheva le toast qui faisait office de discours.

" Je finirai ce discours le verre toujours levé quoique vide , sur cette question : Qui d'entre vous , a déjà été au bout de ses rêves, qui ? "

Sur ce dernier mot il termina son discours, et alla se rassoir dignement à sa place sous les regards médusés de l'assistance .

Dans les jours qui suivirent les journaux publièrent plusieurs articles sur l'étrange discours d'Henri Léville et la morale qu'il avait essayé de faire comprendre à son public.

De lui on ne sut jamais ce qu'il advint, certains dirent qu'il était reparti à l'aventure à l'autre bout du monde et que il n'était jamais rentré ; d'autres encore assurèrent qu'il était fou et que sa famille l'avait fait interné dans un hôpital psychiatrique où il avait fini par mourir ; quelques un prétendirent que après la remise de prix il était monté dans une voiture qui l'avait emmené loin de cette société qu'il jugeait comme décadente et qu'il avait terminé sa vie en Bretagne.

Et pourtant même si l'Histoire ne retint pas son nom , son discours incita des milliers de personnes à aller au bout de leurs rêves;

Des nouveaux artistes apparurent des peintres, des poètes, des écrivains , des chanteurs , des danseurs ...

Mais aussi d'autres : des hommes politiques, des personnalités en tout genre , des juges , des hommes et des femmes vaillants , courageux , intelligents avec une volonté et une détermination hors pair . Ces hommes et ces femmes étaient l'héritage d' Henri Léville !

Car, et si au fond il disait vrai ? Si aucun d'entre eux n'était allé au terme de leurs ambitions et de leurs envies ? Dans ce cas , pourraient-ils encore se rattraper ? Peut-on vraiment récupérer sa vie ?

Et si oui comment ?

(Henri Leville et le prix Larobert n'existent pas ils sortent tout droit de mon imaginations)

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