Après un premier baiser éclaté au sol, qui m'a presque valu la mort (non je ne veux pas en parler, merci), je m'attendais à passer une soirée normale. Spoiler alert : c'était pas le cas. Mon frère a donc disparu, j'ai croisé Jay qui courrait à travers le bâtiment, on aurait dit qu'à chaque pas il allait s'évanouir. Il est venu me demander si je savais où était mon frère, mais malheureusement je n'ai que des cheveux magiques et aucun radar à Lutsu. Ce serait quand même plus pratique, mais bon, chez les Dragnir on ne fait pas les choses pour qu'elles soient pratiques. 
Puis David a jeté son dévolu sur Zeleph (j'ai enfin retenu son prénom, youhou) après qu'il ait gagné au cache-cache sans être caché. Du génie. 

Platon et moi n'avons pas reparlé du baiser. On va faire comme si c'était jamais arrivé. Quand à Lix, elle a manqué de se battre avec moi. Pourquoi ? Je l'ai mal regardé apparemment. Lix est complètement taré, mais je ne sais pas laquelle est la pire entre les deux. Heureusement que je suis là pour relever le niveau de l'entourage de Platon. Qu'est-ce qu'il ferait sans moi ? Rien, évidemment. 

Pour finir, mon frère m'a répondu. Il ne m'a rien dit de spécial, juste qu'il allait bien. J'espère que Jay a arrêté son footing et qu'ils ont pu s'expliquer sur la situation. Je verrais Lutsu demain, après une bonne nuit de sommeil. 

- Alors c'était comment ce baiser avec Platon ? me demande Lix. 
Chacune est dans son lit, j'étais en train de m'endormir. 
- Je veux dormir Lix .. 
- Réponds, ordonne-t-elle. 
Je soupire. Laisse-moi dormir. 
- T'es pas obligée de me menacer pour avoir une réponse. 
- Je te menacerai pas si tu me répondais. 
- C'était juste un accident, il y a rien à dire dessus. 
- Pfff.. T'es pas marrante. 
Je m'endors, sans répondre à Lix. On parlera demain. J'ai besoin de dormir là, pas de parler d'un truc pas intéressant. Je l'entends m'appeler, mais j'arrive pas à dire si c'est dans mon rêve ou dans la réalité. 

Le lendemain matin, nous nous retrouvons tous pour le petit-déjeuner. Lix m'a reveillé dès l'aube, car elle faisait du sport. On va faire du ski toute la journée, et elle s'embête à faire du sport ? Quelle idée. Puis elle est sortie faire de la boxe contre.. de la neige ? Je ne vais pas chercher à comprendre. Chacun son truc. 

A la table, il y a les mêmes gens qu'hier soir. Sauf que l'ambiance est différente. Jay et Lutsu ne parlent pas vraiment, Platon ne me parle pas non plus. Il n'y a que Lix qui fait des blagues nulles. Lutsu est épuisé après avoir aidé le chef dès le matin, alors il manque de s'endormir dans son bol de céréales. Pas ouf comme mort, noyé dans le lait de ses céréales. 

- Vous avez déjà fait du ski ? 
Je crois que je n'ai pas posé une question aussi normale depuis le début de l'année scolaire. 
- J'ai mon galop 2 moi Nashi ! Je suis meilleure que toi ! crie Mavis depuis la table d'à côté. 
- Ça n'a rien à voir.. Le galop c'est pour le cheval, pas pour le ski.. dit mon frère, complètement dépassé par les événements. 
- Puis qui t'as causé ? Pourquoi tu t'incrustes Mavis ? répond violemment Lix. 
- Pardon ? Toi qui t'as causé ? T'as vu ta tête ? 

Les deux commencent à se disputer. Je soupire, désespérée. Personne n'a répondu à ma question finalement. Platon pose sa main sur mon épaule, pour me rassurer. Je le regarde, et il retire aussitôt sa main, gêné. Faudra qu'on parle tous les deux. 

- Allons allons les filles ! La justice ne ferait pas ce genre de choses ! Aimez-vous ! Pour l'amour de la justice ! dit JJ en interrompant les filles au milieu de leur dispute. 
Il se fait acclamer par les autres élèves. On s'attendait à voir David surgir derrière, mais il n'est pas là. Tant mieux. 
- Tu veux quoi avec ta justice toi ? On t'a sonné ? demande Lix. 
Platon se lève brusquement, et embarque Lix, lui disant de ne pas parler comme ça à JJ. Pardon Platon, elle peut se protéger toute seule. Ça m'énerve. Il ne me parle pas, et après il s'enfuit avec une autre fille. Heureusement que c'est sa cousine, et pas Mavis, sinon ça m'énerverait vraiment. 

Nous sommes tous dans le bus pour aller sur les pistes. Lutsu et moi avons déjà fait du ski, évidemment avec nos grand-parents. Il a un meilleur niveau que moi (c'est rare qu'il me dépasse à quelque chose) mais je me débrouille pas trop mal non plus. En revanche, les autres, je ne sais pas du tout. Connaissant Lutsu, et si ca s'est arrangé avec Jay il fera en sorte d'être dans son groupe pour lui éviter de passer du temps avec David. Enfin, même si ça ne s'est pas arrangé il le fera. 

Mais si Jay et David se connaissaient d'avant, il doit certainement avoir un bon niveau en ski. 

Je suis assise toute seule, Platon étant avec Lix et Lutsu avec Jay. Ils n'ont pas l'air de parler, mais au moins ils se côtoient. C'est mieux que rien. 

Chacun prend ses skis, et est reparti par groupe de niveau. Contre toute-attente, Mavis est dans le groupe des nuls avec Gajeela. Vu sur caractère, et ce qu'elle a dit tout à l'heure je m'attendais à ce qu'elle ait déjà fait du ski mais apparemment non. Et bizarrement, Lix est aussi chez les nuls. 

Je me retrouve dans le groupe des gens moyens, avec Platon. On est enfin que tous les deux. On va pouvoir parler. C'est ce que je pensais naïvement, mais il descend les pistes à toute vitesse. Même si on doit prendre le télésiège en groupe, il y a toujours quelqu'un qui se met entre nous. Je ne vais pas passer ma vie à lui courir après. 

Une fois arrivés en haut de la montagne, le moniteur (qui n'est pas David) nous parle un peu, mais je suis en retrait avec Platon. 
- Arrête de me fuir. 
- Je fuis pas, dit-il en s'éloignant de moi. 
Je soupire. Il me fatigue. 
- On va faire une course : si je gagne, on parle. 
Platon se rapproche de moi. Je savais qu'en faisant une compétition il allait m'écouter. 
- Et si je gagne ? 
- Tu fais ce que tu veux. 
Il sourit. 
- Ça me va. 

Une fois que le moniteur a finit de parler, nous lançons le départ. Platon se donne de l'impulsion avec ses bâtons, et je suis un peu à la traîne. Je ne sais pas ce qu'il a en tête, mais il veut vraiment gagner. Je ne vais pas me laisser faire comme ça, je veux gagner tout autant que lui. Alors je le double en prenant un virage plus serré, avant qu'il me dépasse à son tour. Le bas de la piste arrive bientôt et nous sommes au coude-à-coude. Je profite de la ligne droite pour bien fléchir mes genoux, et donc accélérer. Il fait de même mais étant plus légère que lui, je suis plus rapide. 

Je termine la course en un magnifique dérapage pour m'arrêter, et regarde avec beaucoup de fierté Platon qui arrive, perdant. 
- Dommage pour toi. 
- On se fait une revanche ? 
Quel mauvais perdant. 
- Non. 
Je l'entraîne avec moi dans le télésiège, et nous nous asseyons à côté. Une fois la barrière baissée, nous sommes coincés. Il ne peut plus s'enfuir. 
Je tiens fermement mes bâtons pour éviter qu'ils ne tombent. 

- De quoi tu voulais parler ? 
- Pourquoi tu me fuis ? 
- C'est toi qui agit comme si rien ne s'était passé ! Pas moi ! 
Il est vraiment en train de m'accuser ? Wow. 
- Parce qu'il ne s'est rien passé ! 
- On s'est embrassés Nash, c'est pas "rien". 
-  T'appelles ça un baiser ? C'était un accident. Nos lèvres se sont juste touchées ! Rien de plus ! 
- On s'est embrassés. 
Il reste campé sur ses position. 
- Non ! Si tu veux je te montre ce que c'est un baiser, parce que c'était pas ça ! 

Platon sourit en me regardant. Je rougis. Merde. Je me suis coincée toute seule. Je suis vraiment débile. 
- Avec plaisir. 
Il m'a eu. Merde merde merde. Comment je me sors de là moi maintenant ? 

Platon se rapproche de moi. Merde. Il faut que je fasse diversion. Je regarde rapidement en bas, et lâche un bâton. 
- Oh non merde ! 
Je joue ma meilleure comédie. Je vous rappelle que je suis comédienne de base. 

Je regarde en bas, et aperçoit mon frère. Il prend le bâton, et me crie qu'il va me le rendre, avant de continuer sa route. Il était avec Jay, et faisait du hors-piste. J'aurais pu le tuer, mais tout va bien. 

- Tu l'as fait exprès ? demande Platon. 
- C'est pas mon genre tu le sais bien. 
Il soupire. 
- Tu changeras jamais hein...
Bisou évité. Mission accomplie. 

💛💛💛💛💛

Comme si le karma avait décidé de me filer un bon coup de pied retourné dans les couilles, je me retrouve dans le groupe de David. Même la présence de Jay ne peux adoucir mon humeur massacrante. Mêlée a la fatigue, je suis un putain de zombie vivant. Vous voyez Walking Dead ? Vous me reconnaîtrez sûrement dans certaines scènes, dépeçant un quelconque personnage secondaire. 

Tout ca pour dire que malgré l'excellente humeur de David, j'étais prêt à sauter du télésiège pour mettre fin à mes souffrances. La poudreuse empêcherait peut être ma mise à mort précoce mais au moins je n'aurais plus à entendre ses caquetages incessants.

Jay est assis à ma droite et tente tant bien que mal de maintenir une conversation malgré la présence légèrement perturbante de mon cadavre fixant le vide assis entre lui et son ex.

« - Les pistes noires y'a que ca de vrai les jeuns ! C'est un peu comme le karaté, le noir c'est pour les pros ! 
 - Les jeuns ? 
 - Parce que je suis votre moniteur. Il faut que j'emprunte des expressions d'adultes pour asseoir mon autorité.
 - En tant qu'adulte tu embrasses souvent tes élèves ? », réplique Jay d’un ton légèrement acerbe. 

« - Jayounet, c'est pas juste ! C'est juste parce que c'était toi !
 - Et Zeleph ?
 - Oui bon, s'ils sont beau gosses je peux faire des exceptions. 
 - Je pense que tu oublies un concept hyper important appelé « consentement ». 
 - Ouch. »

Je laisse ma tête tomber contre la barre de métal.

« - Fermez la s’il vous plait. »

Jay me jette un coup d’oeil inquiet.

« - Désolé Lulu. », fait-il en posant une main rassurante sur mon dos.

Le télésiège nous dépose en haut des pistes, en face d’une grande cabane de bois proposant diverses boissons. Certains élèves ont déjà abandonné le ski et y ont acheté un chocolat chaud, qu’ils sirotent assis dans la neige.

« - Je vois que ca bosse dur ici ! », s’exclame David en plantant un bâton dans la neige. « Avalez moi ces chocolats et barrez vous ! »

Les élèves se bousculent et se précipitent vers les pistes, abandonnant leur boisson. David en saisit une et la boit nonchalamment.

« - Bon les gars, vous avez quel niveau en ski ? »

Je hausse les épaules alors que Jay lève un sourcil, comme si la question était une insulte.

« - Plutôt bon. »

David s’illumine.

« - Parfait alors ! On va faire des pistes noires ensemble ? 
 - Euh, non ? », intervins-je pour une de mes rares remarques constructives. « David, je ne veux pas paraître impoli, mais l’idée de skier avec l’ex de mon mec ne me rend pas hyper entousiaste. Étrangement. 
 - Je suis d’accord avec Lutsu. », remarque calmement Jay, « J’espérais éviter ce genre de situation. »

David nous fait une tête de chiot battu.

« - Mais allez les gars, j’étais sur qu’on avait réglé ce petit différend ! 
 - A quel moment exactement ? » 

Il commence à trépigner. 

« - Je veux faire des pistes noires enfin !
 - Mais fais les seul bordel ! », m’exaspérais-je, prêt à craquer.

« - Mais si je les fais seul je risque pas de voir qui que se soit se casser la gueule puisque je suis trop bon pour ca... », fait-il, faisant se toucher le bout de ses index d’un air innocent.

J’hésite à l’empaler avec un de mes bâtons, trépigne de frustration en me rendant compte que tuer mon moniteur est illégal, et finis par évacuer ma rage en le plantant violemment dans la neige. 

Le bâton hein. Pas David.

« - Si c’est si facile, tu n’as qu’a descendre les pistes à l’envers », propose Jay.

David bondit d’excitation.

« - Super idée Jayounet ! » 

Il se positionne, et tente une rapide descente vers le panneau menant aux pistes. Il a l’air de galérer beaucoup, mais en meme temps les skis ne sont pas du tout faits pour ca et il ne voit pas du tout ou il se dirige.

« - Ca a l’air super ! On se revoit en bas des pistes, les nazes ! »

Jay et moi nous dirigeons avec soulagement vers la piste bleue, avant qu’un cri de surprise ne retentisse. Quand nous nous retournons, notre moniteur a disparu.

« - Jay. » grognais-je en me pincant le nez. « S’il te plait ne me dis pas que ce qu’on vient d’entendre c’est David qui est tombé de la piste. 
 - En fait, », me réponds Jay, « Je n’utiliserais pas le terme tomber puisque la piste est bordée par une forêt, mais il a définitivement du se prendre un sapin.
 - Eh merde. »

Nous faisons demi tour pour notre première expérience de hors piste, que j’intitulerais « sauvetage d’un crétin ».

« - J’arrive pas à croire que je suis en train de me paumer dans la forêt pour ton imbécile d’ex.
 - S’il te plait, Lutsu... Je ne suis pas responsable de lui. » Jay a l’air presque aussi épuisé que moi par toute cette histoire, et je culpabilise un peu. 

« - Désolé. Je crois que... »

Un bâton vient se planter juste devant mes pieds, me faisant sursauter. Un instant je crois a une vengeance divine, mais en levant les yeux nous voyons ma soeur et Platon passer au dessus de nous en télésiège. 

Si j’avais su qu’il passait là je ne me serais pas donné en spectacle. 

« - Je te le rends Nashi ! », lui criais-je en agitant l’arme potentiellement mortelle.

Nashi a l’air soulagée, mais je suis presque sûr que ce n’est pas parce que j’ai récupéré son matériel.

« - Bon, reprenons. », soupirais-je en me tournant vers Jay. « Tu as repéré ses traces de ski ? »

Jay me pointe un arbre. 

« - Il a du se prendre celui-ci, et l’autre juste derrière. Ensuite les traces continuent donc il a du glisser plus bas. »

J’ai envie de rire, mais le reste de la situation est tellement merdique que rien ne sort.

Nous suivons les traces plus bas, plus bas encore, jusqu’à ce qui semble la totalité de la descente de la montagne. La poudreuse n’aide pas. 

Quelques heures ont passé quand nous retrouvons enfin David, qui a atterri sur une souche d’arbre qu’il enlace comme un amant. Il semble avoir perdu connaissance.

« - Ne me dis pas qu’on va devoir le porter. 
 - A vrai dire je pensais qu’on pourrait aussi rentrer et n’en parler a personne », fait Jay, et je le dévisage avec surprise. Il émet un rire embarrassé. « Je plaisantais. On a pas le choix. Il va mourir si on le laisse là. »

Jay vérifie notre position sur son GPS, qui oh miracle fonctionne malgré le réseau incertain.

« - On est a deux kilomètres de la station.
 - Deux ?? », m’étranglais-je. « Mec, je suis épuisé. Je peux pas faire deux kilomètres en portant un gars mort. 
 - Peut être qu’on peut le réveiller ? », tente Jay.

Il s’approche de David et lui sort une gifle de daron que je n’aurais osé infliger à mes propres enfants. Le moniteur ne réagit pas.

« - Il est mort ? »

Mon copain attrape son poignet et vérifie son pouls. Il secoue la tête. 

« - Malheureusement non. »

S’ensuit un calvaire long et difficile. Nous parvenons tant bien que mal à redresser David sur ses skis, et passons le bâton de Nashi dans son blouson pour stabiliser ses bras que nous passons chacun autour de nos épaules. Ensuite, lentement, trop lentement, nous nous laissons glisser jusqu’a la piste la plus proche, une verte, qui nous permet de rejoindre la station. La bas nous attendent la plupart des élèves qui ont fini leur cours, meme ceux du groupe des forts qui se sont bien mieux débrouillés que leur moniteur apparemment.

David est embarqué à l’hopital par le professeur, laissant un JJ légèrement dépassé en charge de la situation.

« - Bon, on, on va aller déposer le matos avant de rentrer a l’hôtel ! », bégaie JJ, que le pouvoir de la justice n’aide pas beaucoup pour une fois.

Lorsqu’enfin on rentre à l’hôtel, nous sommes accueillis par un Yajima inquiet.

« - Enfin vous êtes la ! Vite Lutsu, on est en retard pour le repas ! » 

A ces mots toute trace d’espoir s’envole pour moi. Mon lit... Si proche et si lointain a la fois. Si fourmillant de cafards et pourtant si confortable. 

Jetant un regard désespéré à ma soeur, je m’éloigne la tête basse vers la cuisine.