Treize

Je sais très bien que c'est une mauvaise idée. Très mauvaise. Mais, (comme me l'ont bien fait remarqué mon doux frère et ma merveilleuse mère) je n'ai pas d'amis à qui demander conseils. Et si jamais j'avais parlé de mon plan à Lutsu, il aurait trouvé un moyen pour m'enfermer à l'intérieur de la maison, évitant ainsi les problèmes. 

Finalement je n'en ai parlé à personne. Mais les petits carnets de ma mère se sont avérés très utiles. Enfin, j'ai remanié quelques idées avec des choses faisables en seulement quelques minutes, et réalistes. 

Ma mère pouvait se permettre de dépenser à tord et à travers pour créer un immense faux panneau de l'école pour que mon père se cogne dedans (je sais pas si elle l'a réellement fait, mais c'était si précis et détaillés que j'en ai pleuré tellement c'était génial), ou mettre une énorme pelote de laine au bout d'un hélicoptère, pour que mon père l'attrape et se retrouve plongé dans un  pot énorme de sirop. Pourquoi une pelote de laine ? Pourquoi du sirop ? Je ne sais pas, mais honnêtement l'imagination de ma mère me fait un peu peur. 

J'ai décidé de faire plus soft. Déjà pare que si je commence à dépenser mon argent de poche pour faire des crasses aux gens, je devrais dire adieu à mon meilleur ami le fast-food. Et ensuite, car même si Mavis est une personne exécrable, je ne veux pas la mettre totalement hors d,'état de nuire, mais m'amuser. M'amuser en l'embêtant et en la mettant dans des situations plus que cocasses, mais m'amuser quand même. 

Sur mon chemin, j'abandonne Lutsu et croise l'amour de ma vie (rires) Platon. 

- Bah alors ? T'en fais une tête, t'es pas heureuse de me voir? demande le blond en riant. 

Je me mets à bailler. 

-  Pardon j'ai oublié qui tu étais. Je devrais être heureuse ? 

Il sourit. 

- Evidemment, tout le monde est heureux en voyant le grand Platon. 
- T'es pas si grand pourtant, et t'as un nom de merde. 

Je m'éloigne. 

- Eh ! Qu'est-ce qui t'arrives ? C'est parce que tu t'es disputée avec Mavis que tu réagis comme ça ? 

Il est au courant de notre petite altercation ? 

- Elle t'a dit quoi ?
- Juste qu'elle te détestait et qu'elle voulait pas que je te parle. 
- Alors pourquoi tu me parles ? 
- Parce qu'on est amis. 

Il me fait un grand sourire qui se veut plein de sous-entendus. Je souris à mon tour. 

- J'avais oublié. 

---

Platon a réussi à recruter Jay pour le rendez-vous de demain. J'ai bien vu le regard que Lutsu m'a lancé en mode "veille sur lui, il est à moi". Sauf que s'il était vraiment à toi Lustucru, il ne viendrait pas au karaoké. Donc fais en sorte qu'il soit à toi au lieu de le laisser comme ça. 

Mais bizarrement Lutsu l'a laissé. Connaissant Coquillette, il va certainement trouver un moyen de s'incruster. Ca risque d'être très amusant à voir. 

C'est l'heure de mettre mon plan à exécution. Désolée Platon, tu as choisi de continuer de me parler malgré l'interdiction de ta folle d'amie d'enfance, mais vu ce qui va lui arriver dans les prochaines minutes, ça m'étonnerait que tu continues toujours. 

Je devrais peut-être me calmer, car je ne veux pas non  plus que ma vengeance de Mavis affecte trop ma relation avec Platon, même si nous sommes amis.... 

J'ai fait le tour de l'école pour récupérer ce dont j'avais besoin. 

- Tu peux m'expliquer à quoi va te servir tout ça ? demande Lutsu, en portant le matériel. 

Je comprends pourquoi ma mère pouvait profiter si facilement de mon père. C'est un truc de Dragnir de se laisser faire comme ça, je ne sais pas si c'est à cause de la bêtise ou de la gentillesse, mais c'est très pratique. Cœur sur toi la famille de Papa d'avoir cette faculté de larbin qui se transmet de père en fils. 

- Tu verras au moment voulu. 
- Où est-ce qu'on va ? 
- Au gymnase. 
- Pourquoi ? Tu comptes l'étouffer avec le filet de volley ? 
- C'est trop classique comme idée. T'as pas hérité du gêne démoniaque de Maman, ça se voit ! 
- Heureusement ! 

Nous arrivons au gymnase. 
- Merci de m'avoir aidé à tout ramener. Maintenant va chercher Mavis. 
- Comment ? 
-  Je lui ai glissé une lettre dans son casier lui demandant de venir au gymnase. Normalement elle devrait pas tarder à arriver, mais tu dois vérifier qu'elle vienne bien. Si c'est pas le cas... utilise ton imagination.. Tu peux lui dire que tu vas lui faire une déclaration d'amour, ça t'entraînera pour Jay. 

Lutsu se met à rougir. 
- T'es sérieuse Nash ? 
- Dépêche-toi ! 
Torti soupire et s'en va. Vu le caractère de Mavis, aucune chance qu'elle refuse de le suivre. Elle doit avoir un carnet avec tous les noms des élèves qui lui ont fait une déclaration, ça doit être son trésor. Flippant. 
Même si c'est très possible qu'elle soit déjà en route. J'ai rédigé cette petite lettre rapidement avant de partir. Rien de bien fou, juste un mot qui dit "je dois te parler, rejoins-moi". J'ai évidemment signé. Mais pas de mon nom. 

Je sais que c'est mal de l'utiliser pour ma vengeance, mais j'ai signé "T". Comme le surnom qu'elle donne à Platon, ou comme ... Torti. 

J'ai enfin tout terminé. Mon plan est parfait. Si mon frère fait bien sa part du boulot, tout devrait bien se passer. Mais je ne doute pas de lui, il y arrivera. Il amènera Mavis ici. Si jamais le mot ne l'a pas faite venir, je sais que Lutsu trouvera un moyen de convaincre Mavis. J'espère juste que Jay ne verra pas ça, sinon ça risque de mettre en péril leur couple. 

Mavis est là. Je suis planquée dans les gradins, prête dès que l'occasion se présentera. 

- Ton ? Tu es là ? 

Elle a mordu au mot. Je vois les cheveux blonds de Lutsu surgir de nul part. 

- Eurk, tu es l'autre affreux Dragnir ? Qu'est-ce que tu me veux ? 
Merci Mavis. 
- Je.. Désolé, c'est moi qui ait signé, pas Ton. Je voulais te parler parce que je.. 
- Ca m'intéresse pas. 

Quoi ?! Non non ça ne va pas du tout !

- Mais je.. 
- Pourquoi je devrais écouter ce que tu as à me dire après ce que m'a fait ta sœur ? 
- Je sais pas. Mais on est différents tous les deux, je ne te ferai pas la même chose qu'elle. Je suis sincère, je veux simplment apprendre à mieux te connaître, car tu vois... 

C'est si beau. Je suis fière de lui avoir aussi bien enseigné le mensonge. Mais il est temps de passer à l'action. 

J'appuie sur le bouton de la petite télécommande que je tiens dans les mains, et la lumière s'éteint. Les rideaux de la scène s'ouvrent, pour laisser place à des centaines de millier de billes, qui roulent encore et encore. Lutsu a eu le temps de s'échapper, mais Mavis perd l'équilibre sur les billes, sans comprendre ce qui lui arrive. J'arrive, toute heureuse, lui tendant ma main, pour qu'elle me l'attrape et enfin arrête de tomber. 

- J'ai pas besoin de ton aide idiote ! lâche Mavis avant de s'écraser au sol. 

Si tu en avais besoin. 

- C'est tout ? Juste des billes ? Je m'attendais à mieux ! 
- Ce serait moins marrant s'il n'y avait que ça. 

Je tire sur une corde, qui tient un seau rempli de ballons, gonflés avec du liquide vaisselle. Les ballons s'éclatent, et la voilà entièrement recouverte. J'ai choisi senteur menthe. La petite particularité ? Elle aura beau se frotter et se rincer pour tout faire partir, elle continuera à mousser pendant un moment. 

- Sale garce ! 
Je lui passe un sac rempli d'éponges. 
- Ca pourrait t'aider en cas de besoin ! Allez, à plus ! 
- Tu vas me le payer ! 

Elle s'apprête à courir à mes trousses, mais elle glisse et s'écrase contre le sol. Par chance, j'ai choisi des billes qui fondent avec du liquide, donc tout sera bientôt fondu si elle continue de glisser ainsi. 

Je quitte le gymnase en courant, et rejoins Lustucru. 

- Juste des billes et du liquide vaisselle ? C'était ça ton plan diabolique ? 
- Normalement il y avait une troisième étape. 
On entend un cri strident provenir de l'intérieur du gymnase. 
- Qu'est-ce que tu as fait ? 
- Il y avait des araignées très réalistes dans le cagibi, je les ai caché dans les vestiaires. Je savais pas si elle en avait particulièrement peur, mais avec le cri qu'on a entendu, je pense qu'on est fixés. 

--- 

- T'as fait quoi à Mavis ? me surprend Platon en me bloquant le passage. 
- C'est entre Mavis et moi. Je dois retourner en cours. 
Il ne me laisse pas partir. 
- C'est pas juste entre vous, Mavis est venue me voir en disant que tu lui avais fait du mal. Elle pleurait. Pourquoi ? 
- Juste une petite plaisanterie, rien de bien méchant. 
- T'as les cheveux verts. 
- Les tiens sont blonds, où est le problème ? 
- Je .. 

Je profite de ces micro secondes d'hésitation pour m'échapper. 
- On se voit demain "Ton" ! 

💛💛💛💛💛

Je tourne en rond dans ma chambre, furieux de mon impuissance. Je sens que quelque chose va se passer pendant le karaoké, mais évidemment je ne serais pas la pour aider en cas de besoin puisque Platon m'a gentiment invité a ne pas venir !

C'est n'importe quoi. Pourquoi moi je n'aurais pas le droit d'y aller ? 

En soi c'est une bonne chose que je n'aie pas a chanter en public, parce que je peux vous assurer que Platon aurait regretté de m'avoir invité.

Mais d'un autre côté c'est une réunion avec les gens et je veux y aller ! 

Plongeant sur mon lit avec frustration, je roule sur la couverture pour m'enfoncer dans mon oreiller, frappant le matelas d'une série de coups de poings faiblards.

Soudain j'entends ma porte s'ouvrir et Nashi entre dans la chambre, posant un papier sur mon bureau.

« - C'est quoi ? », demandais-je.

« - L'adresse. », réponds-elle.

Quand je me retourne, consterné, elle explique :

« - Je sais que tu vas y aller de toutes façons alors autant te faciliter la tâche. 

 - Comment...

 - Je te connais comme si on avait passé neuf mois en colocation dans le même ventre. », soupire-elle avant de s'éclipser.

« - Et je te rappelle que même a cette époque tu avais essayé de m'étrangler avec ton cordon ombilical ! », lui rappelais-je, sachant pertinemment qu'elle n'écoutait plus. « Les gènes Heartfilia sont terrifiants. »

Je me demande d'ailleurs ce qui va se passer avec Platon. Il doit être furieux de ce qu'on a fait a Mavis. 

J'espère que Nashi s'en sortira. Je sais que ces deux là jouent beaucoup au « je t'aime, moi non plus », mais je shippe leur couple et c'est un devoir personnel que de le voir se réaliser. Enfin, en temps normal. Platon est un imbécile donc je ne suis plus trop sûr.

Saisissant le papier avec l'adresse et l'heure, je l'observe en silence, débattant de la manœuvre à adopter. Mais finalement, un choix s'impose. Nashi avait raison, comme d'habitude.

Mission incrustation !

Deux objectifs : protéger Nashi en cas de besoin, et empêcher une pimbêche quelconque de poser ses papattes sales sur Jay. Oh, et faire chier Platon si possible. Il l'aura cherché.

Trois objectifs donc. Parfait. 

Je passe le reste de la soirée a m'entraîner à produire un rire diabolique et a mettre au point cette mission de discrétion.

Arrive enfin samedi, le jour J.

Puis l'heure H ou Nashi quitte la maison.

« - J'en reviens pas qu'ils aient invité Nashi et pas toi », s'étonne mon père en croquant dans une tartine carbonisée préparée avec amour par notre mère. « Je pensais que tu avais un peu plus de sociabilité.

 - Déjà, a quel moment tu as appris a utiliser des mots de plus de trois syllabes, et ensuite ce genre de choses peut arriver même si on est sociables. », répondis-je.

« - Mais pourquoi je me fais victime par tout le monde, sérieux ? », souffle mon père. « J'ai quand même un minimum de cerveau.

 - Assez pour te souvenir de tes vaccins d'aujourd'hui ? », demande notre mère en souriant diaboliquement.

« - Vaccins ?

 - Je me disais aussi. »

Soupirant, je quitte la table pour me rendre dans ma chambre où je saisis mon sac. Puis, m'approchant de la porte, je lance un rapide « bye bye » avant de sortir dans la rue. 

Heureusement le karaoké n'est pas très loin et je peux m'y rendre à pied. Mon plan est très simple : j'arrive, je me déguise en membre du personnel et je m'introduis dans la salle pour garder un oeil sur eux. Mais mon plan est ruiné dès la première seconde par l'apparition surprise de Platon devant l'établissement. 

Que fous-il ici ? Je n'ai pas le temps de me poser la question, ni de me mettre a l'abris que son regard se pose sur moi. Et étrangement, il semble plus qu'heureux de me voir.

« - Lutsu ! », appelle-il. Je regrette instantanément ma venue. 

N'ayant plus l'option de la fuite discrète, je m'approche en trainant les pieds.

« - Tu tombes bien, une place vient de se libérer.

 - Hein ?

 - Ton pote Jay m'a mis le plus gros vent de l'histoire. Il m'a dit qu'il ne voyait pas l'intérêt de venir et que c'était injuste envers toi de ne pas t'inviter. »

Il hausse les épaules. 

« - J'imagine que c'est chose faite maintenant, tu es invité ! 

 - Wow, quel honneur. »

Je serais tenté de refuser juste pour le principe, mais j'imagine que je pourrais toujours être utile à Nashi. Mais surtout... Jay a refusé de venir pour moi ? Seigneur. Ce gars est l'incarnation même d'un ange descendu des cieux. Si les anges avaient des posters collector de Spirit Battle, évidemment. 

Je l'aime tellement.

« - Donc.. C'est quoi le plan ?

 - Vas juste rejoindre les autres a l'intérieur. J'essaie de joindre Jay pour l'engueuler de nous avoir lâchés.

 - Hey, ne fais pas ca ! » Je fronce les sourcils. « Tu ne vas pas l'engueuler pour ca. C'est son choix. »

Il me fixe juste une poignée de secondes en silence.

« - Quoi ? », m'agaçais-je.

« - Rien, je me disais juste que tu n'étais pas du tout comme ta soeur.

 - C'est censé vouloir dire quoi, ca ?

 - Prends le comme tu veux. »

Quelque chose dans son intonation me dit que ce n'est pas un compliment, mais avant que j'aie pu insister il s'éclipse a l'intérieur, me faisant signe de le suivre.

Après avoir signalé ma présence aux réceptionnistes, nous arpentons un court couloir et pénétrons dans l'une des salles ou se trouvent une dizaine d'adolescents de notre âge.

« - Spaghetti ? », s'étonne ma soeur en me voyant arriver si directement. Oui, Nashi, finalement l'entrée de ninja a été complètement loupée.

Je sens les filles présentes - et que je ne connais pour la plupart pas - me juger du regard, estimant si je suis oui ou non digne de leur intérêt hormonal. 

Puis je croise le regard froid de Mavis et un frisson me parcourt l'échine. 

En toute honnêteté, je ne comprends toujours pas comment on a pu se sortir vivants de la blague de la dernière fois. Mavis est si terrible qu'elle aurait du pouvoir nous faire renvoyer en un battement de cils. Mais il semblerait que ma soeur ait été plutôt consciencieuse dans sa préparation et qu'aucune preuve n'était restée sur les lieux du crime - sauf les araignées en plastique, mais tout le monde aurait pu les laisser la pour ce qu'on en savait.

Et le regard froid de l'ancienne présidente des élèves me rappela en un instant que je n'étais qu'un minuscule cafard sur cette planète.

« - On peut savoir ce qu'il fait ici ? », demande-elle en haussant un sourcil.

Avec un tel comportement, ce serait un miracle que Zeleph arrive à se caser avec elle.

« - Mais Mavis, j'avais juste teeeellement envie de te voir », minaudais-je, lui adressant un clin d'oeil de pop star avant de m'asseoir à côté de ma soeur.

Nashi se retourna pour dissimuler un rictus. Quand a Mavis, elle semblait être sur le point de vomir. Mais ç'aurait été un honneur que d'être responsable d'un spectacle tel que la présidente du lycée régurgitant son quatre heures sur le sol.

« - Bon », commença Platon en refermant la porte derrière lui, « Tout le monde est là ? 

 - Sauf Jay parce qu'il s'est rendu compte que ca serait pourri. », me glisse Nashi, et je fais mine de tousser pour camoufler mon rire. 

« - Ok, parfait. Qui commence ? »

Mavis est la première a se lancer et, croyez le ou pas, je dois admettre qu'elle ne chante pas si mal. 

Pourtant tout le long de la chanson elle nous fusille du regard et Platon en fait de même pour Nashi, donc j'imagine que la blague d'hier est très mal passée chez eux. 

Je me demande brièvement si Nashi a prévu quelque chose aujourd'hui, mais vu sa posture elle doit simplement s'être préparée a une éventuelle contre-attaque. 

Tout s'accélère quand les premières boissons arrivent. D'abord quelques filles se mettent a danser sans raison, puis on passe au top du top des soirées ratées - certains chantent du disney. Si mon interprétation de Hakuna Matata reste discutable, je regrette amèrement de ne pas avoir filmé Platon chantant « Ce rêve bleu » d'Aladin. 

Au bout de la deuxième bière, car je tiens très mal l'alcool, je finis par m'endormir. 

Puis c'est le trou noir.


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