Six
C'était encore mieux que ce que je pouvais imaginer. Si je ne me contrôlais pas, j'aurais certainement eu exactement la même réaction que Jay (le saignement de nez et la fuite ensuite). J'ai poussé Lutsu pour que leur relation avance enfin, et ça a faillit bien avancer d'un coup.
Et comme toujours, Farfalle ne comprend pas. Il est si naïf quand il s'agit d'amour. Je n'arrive pas à savoir si c'est mignon ou agaçant.
Lutsu nous fixe, toujours choqué par la scène.
- Il est malade non ? demande-t-il, crédule.
Gajeela se met à rire.
- On peut pas appeler ça une maladie ..
Je donne un coup de coude à la brune.
- Tais-toi. Ne fais pas tout foirer.
Elle soupire.
- Alors c'est quoi son problème ? Il a saigné parce qu'il me déteste ?
- Si on saignait chaque fois qu'on détestait quelqu'un crois-moi je me serais vidée de mon sang depuis longtemps.
Comment lui parler de tout ça sans le brusquer ? Hier j'ai poussé Jay a faire avancer les choses, et le vent que m'a foutu ce putain de blond m'a fait oublié de parler avec mon frère.
J'emmène Lustucru à l'écart. Je ne veux pas que tout le monde entende notre conversation.
- Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi tu ne t'intéresses plus à Jay d'un coup ? Je sais que tu ne me dis pas tout.
Je soupire. Je sais pas comment lui dire, surtout que je ne veux pas gâcher le coup de Jay.
- Sois plus observateur.
- Pourquoi ?
Je dois vraiment lui expliquer...
- Arrête de poser des questions, et fais-moi confiance. Je suis la personne qui te connait le mieux et qui est la plus proche de toi, alors quand je te dis d'être plus observateur ne pose pas de questions.
Oui je sais, j'ai utilisé le pire argument possible, mais au moins peut-être qu'il se rendra compte de quelque chose sans que j'ai trop à intervenir dans leur relation. Même si vu leurs comportements respectifs, c'est pas gagné.
Les cours ne vont pas tarder à reprendre, alors je retourne dans ma salle.
Mauvaise idée, le blond est là. Je me cache derrière un mur, attendant qu'il s'en aille.
- Je t'ai vu ! crie-t-il en s'approchant de moi.
Je sursaute.
- Tu m'as fait peur !
Il lève les yeux, fixant mes cheveux.
- Sympa ta nouvelle couleur ...
- Quoi ?!
De quoi il parle ?
- Tes cheveux. Ils sont.. bleus.
Je détache ma queue de cheval, pour voir ça. Et ils sont vraiment bleus.
Oh. Mon. Dieu.
C'est quoi ce bordel ?
Je m'éloigne en courant, me dirigeant vers le bureau des professeurs. Oui, dans ce genre de situation, mon premier réflexe est de courir chercher ma mère.
J'ouvre la porte brusquement, ce qui fait surauter tout le monde.
- Maman !
Ma mère se lève et s'approche de moi. Nous restons à l'extérieur.
- Calme toi Nashi.
- Comment tu veux que je me calme ? J'ai les cheveux bleus !! Comment ça se fait ?
Elle soupire.
Si ma mère soupire comme ca, c'est que c'est par rapport à mon père. Et elle soupire comme ça bien plus souvent qu'il n'y paraît.
- Rentre à la maison, ton père est en congé. C'est à lui qu'il faut poser la question.
- Tu vas me dire que Papa sait pourquoi ils sont bleus ?! Papa qui ne sait même pas compter deux par deux et lacer ses chaussures ?!
J'ai les larmes aux yeux. Impossible qu'il sache quelque chose.
- Oui. Même si là ils sont plutôt orange...
Je la vois se retenir de rire. Quelle mère horrible.
Je m'éloigne le plus vite possible. Il faut que je rentre chez moi sans que personne ne me voit. Même si c'est un peu raté, vu que j'ai déjà croisé le blond. Face aux casiers, mon frère. Heureusement que ce n'est que lui.
- Tu t'es pris de la peinture dessus sœurette ?
- Non. C'est naturel. Je dois rentrer... On se voit ce soir !
J'enfile mes chaussures aussi vite que possible, afin de m'en aller.
Une fois chez moi, je remarque que mes cheveux ont pris une teinte blonde. Bordel c'est quoi ces cheveux magique ? Mais le blond ne me va pas trop mal. Je ressemble beaucoup plus à ma mère comme ca, c'est choquant à quel point.
- Lu.. Nashi ?
Tout est normal dans la famille Dragnir. Mon père vient de me confondre avec ma mère.
- Qu'est-ce que tu fais la ?
- Il n'y a que ça qui te choque sérieusement ?! Pourquoi mes cheveux changent de couleur comme ça ?
Papa m'indique de m'assoir. Il fait semblant de prendre un ton sérieux, à moins qu'il le soit vraiment ... Impossible.
- Je peux pas tout t'expliquer seul, donc je vais appeler des renforts.
Je ne comprends pas. C'est vraiment quelque chose de si compliqué ?
Quelques minutes plus tard, ca toque à la porte. Je vais ouvrir.
- Tata ? C'est toi le renfort dont Papa m'a parlé ?
Elle hoche la tête. Je ne vois pas Wendy souvent, alors ça fait plaisir de la voir. Même si j'aurais préféré que ce soit dans un autre contexte.
- J'avais le même problème jusqu'à votre naissance, m'annonce mon père.
- Et pourquoi tu n'as rien dit ?
- En temps normal, c'est censé toucher les hommes. Et en voyant que Lutsu a hérité des cheveux de Lucy, ça aurait dû s'arrêter là, explique ma tante.
Je soupire.
- Et c'est quoi la solution ? Et comment ça se fait ?
- Ils changent de couleur en fonction de tes émotions, répond mon père. Et il n'y a pas de solution.
Je me mets à pleurer. Ce n'est pas possible ...
Je monte dans ma chambre, en larmes. D'après Wendy, la coloration ne va rien changer, alors c'est inutile.
Je dois trouver une solution. C'est clairement le pire qui pouvait m'arriver, moi qui passe mon temps à jouer un double-rôle, et cacher mes véritables émotions.
Ça doit faire deux heures que je suis allongée dans mon lit, en train de réfléchir au sens de ma vie. Qu'est-ce que je devrais faire ? Au fond j'aimerai bien montrer qui je suis vraiment, mais j'ai peur de être jugée par rapport à ça ...
Je décide de profiter de la présence de mon frère pour lui parler de tout ça, alors je rentre dans sa chambre brusquement, comme à mon habitude.
Mais ... Il n'est pas là. Il doit être avec Jay. J'espère que les choses ont avancé entre eux au moins.
💛💛💛💛💛
Tout ceci est franchement ridicule. Je ne suis pas idiot. Je le sais. Franchement, je suis même premier de classe sans trop de mal ! Talonné par Nashi, d'accord, mais les gènes Heartfilia font des miracles en tant normal.
Alors pourquoi ais-je l'impression d'être considéré comme un crétin dernièrement ? Normalement, c'est mon père qui assure ce rôle dans la famille.
« Sois plus observateur », qu'elle me dit.
Tss.
Je dois avouer que j'ai l'impression de manquer quelque chose d'essentiel. Mais impossible de savoir quoi, et ca m'énerve. Le fait que ma soeur ait déjà compris quoi n'arrange pas les choses.
D'ailleurs, en parlant d'elle... Qu'est ce qui est arrivé à ses cheveux ?
Je referme mon casier, perplexe. Papa m'avait déjà parlé de son problème de jeunesse. Nashi n'écoutait pas, je m'en souviens. Je ne peux pas lui en vouloir, en général les histoires de notre père sont assez délirantes.
Ca a un rapport avec les émotions, d'après mes souvenirs. Je ne saurais pas dire quelle couleur correspond à quoi, mais je suppose que le jaune brillant qu'elle arborait était un signe de panique.
A la sortie, j'hésite.
Je devrais aller voir Jay.
Mais s'il me déteste ?
Je ne peux pas juste entrer dans l'infirmerie et balancer :
« - Hey, mon pote qui n'est probablement pas mon pote puisqu'il m'évite depuis un moment ! Ça farte ? »
Non, définitivement pas.
Serrant les dents, je rejette un coup d'œil hésitant en arrière. Rentrer à la maison serait tellement plus simple. Mais j'en ai assez. Il est temps d'en finir avec cette situation insupportable.
J'ouvre la porte de l'infirmerie dans une impulsion d'énergie bien vite regrettée. Elle vient claquer contre le mur et j'esquisse un sourire nerveux, espérant que personne ne m'ait vu.
Malheureusement, Jay est assis sur l'une des chaises en face de moi dans toute sa splendeur, deux mouchoirs enfoncés dans chaque narine.
Je toussote.
« - Hum... Ca farte ? »
Évidemment que ca farte pas, bordel. Ou est passée ma crédibilité ?
Il semble hésiter entre la surprise, le rire et le malaise. Finalement, il m'adresse un bref hochement de tête, repoussant d'une main ses mèches bleues nuit.
La classe.
« - Je... Hum, est ce que ca va mieux ? », demandais-je, sans trop savoir comment aborder le sujet.
Il répond positivement à nouveau, et je souris avec soulagement.
« - Génial alors. » Pointant le pouce vers la porte, je propose : « Tu viens ? C'est l'heure de partir. »
Hochant la tête, il ôte ses mouchoirs et se lève en saisissant son sac pour me suivre.
« - Besoin d'aide ? », demande-il, et je hausse les sourcils avec confusion avant de me rendre compte qu'il parle du sac de Nashi que je porte en plus du mien. Dans sa précipitation, elle l'a oublié au lycée.
« - Oh ? Non, t'inquiète pas, je peux porter bien plus lourd que ça. »
Sans vouloir me vanter.
On se met en route. Les couloirs sont déserts à cette heure, et je finis par l'interpeller :
« - Tu ne m'as pas dit pourquoi tu m'évitais. »
Moi, mettre les pieds dans le plat ? Ahah. N'importe quoi.
Il semble hésiter.
« - C'est... C’est que... Ces derniers temps, je ressentais ce truc bizarre a chaque fois que tu... »
Il s’arrête en milieu de phrase, les joues écarlates.
« - J... J’y arrive pas.
- Qu’est ce qu’il y a ? »
J’ai vraiment l’impression qu’il est malade, a réagir comme ça. Il ne devrait pas se forcer.
Mais avant que j’aie pu lui dire que ce n’était pas grave et qu’on pouvait en parler quand il serait guéri, il reprend :
« - Je t... Je... J’aime bien trainer avec toi. »
Je bondis de joie, un grand sourire se dessinant sur mes lèvres. Jay a l’air un peu frustré de son côté. Mais il ne me déteste pas ! Yeah !
« - Moi aussi, j’adore être avec toi ! », fis-je en le prenant dans mes bras, réflexe assez étrange transmis par mon paternel. Il émet un gargouillement étranglé de surprise. « Tu es un de mes premiers amis. J’aurais vraiment été dégoûté si tu me haïssais. », soufflais-je.
Jay sent la mer et l’écume. C’est une odeur assez agréable.
Il essaie de répondre mais ne parvient à produire qu’une série de bégaiements incompréhensibles. Remarquant que le battement de son coeur est plus élevé que celui d’un lapin en panique, je m’inquiète.
« - Tu vas faire un arrêt cardiaque ?
- J-j-j-je crois que je vais m’évanouir. », répond-il simplement, tremblant de partout.
Je me décide à m’écarter pour le laisser respirer.
« - Je vais te ramener chez toi. Tu n’as vraiment pas l’air en forme.
- Mais... Et les sacs ? », proteste-il.
Il tient encore a m’aider à porter des sacs dans son état ?
« - Le plus important c’est de te ramener chez toi en vie. Allez, viens ! »
J’hésite à lui proposer de le soutenir, mais au vu de ses réactions a chaque fois qu’on est en contact je me retiens. Adaptant ma cadence à celle de Jay, je reprends la marche.
Soudain, on croise Madame Realight au détour d’un couloir.
« - Qu’est ce que vous faites ici a cette heure ? », demande-elle.
« - Jay était à l’infirmerie.
- Vraiment ? Dommage qu’on ne s’y soit pas croisés. J’y étais également, et je suis repassée prendre mes affaires a la salle des profs.
- Vous êtes malade vous aussi ? », m’inquiétais-je. Nashi aussi n’avait pas l’air en forme. C’est quand même fort, le hasard.
Elle rit.
« - Oh non, pas de soucis, j’étais juste allée me faire retirer ça. », fait-elle en nous montrant sa main libérée de ses bandages, arborant fièrement une bague à l’annulaire gauche.
J’écarquille les yeux.
« - Vous êtes mariée madame ?
- Pas encore, pas encore... ! », se rengorge-elle, se penchant vers nous sur le ton de la confidence. « Mais d’ici quelques mois vous pourrez m’appeler Madame Vandalei-Kotobuki. »
Un klaxon se fait entendre dehors et elle tourne la tête, les yeux brillants.
« - Je dois vous laisser les enfants, il est arrivé. J’arrive, mon Ichya chéri ! »
Elle se précipite dans le couloir plus vite qu'aucune autre prof ayant foulé ce sol de béton.
Je n’en reviens pas.
C’est vrai que je ne croyais pas avoir la moindre chance avec ma prof d’histoire, mais... Fiancée ?
Ça a intérêt à être un bel homme.
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