Quatre
Cette journée était désastreuse. Toutes mes tentatives ont échoué. Et même celle qui me montrait le plus n'a rien donné.
Déjà si mon idiot de frère n'était pas intervenu, ça aurait peut-être un peu plus marché.
Les cours sont finis pour aujourd'hui, et j'ai totalement raté mon objectif. À ce niveau-là, je pense que c'est mieux de laisser tomber. Je ne plais pas à Jay et puis c'est tout. Je ne dois pas être son style de fille..
Je quitte le lycée un peu triste, j'aurais voulu réussir. Gajeela est déjà partie, Lutsu a disparu et Jay aussi. Je me retrouve toute seule.
Est-ce que ça vaut vraiment le coup de partir maintenant ? Après tout j'ai des devoirs à faire et je sais très bien que j'aurais la flemme de les faire chez moi.
Je retourne finalement en classe, me posant à mon bureau et sortant mon travail. Ma mère va râler si je ne fais pas sa stupide pièce de théâtre, et la connaissant je devrais soit la faire devant toute ma classe demain, soit devant ma famille demain soir. Dans les deux cas, c'est humiliant. Même si devant la classe c'est pire, alors elle me le fera certainement faire devant la famille.
Je me sens stupide à jouer toute seule au fond de la salle.
- Pourquoi les dieux sont si cruels avec moi ? N'ai-je donc pas le droit d'avouer mon amour impossible pour les réfrigérateurs ?! Suis-je donc condamnée à faire de la linogravure en me blessant les lunules ? Pourquoi ai-je droit à un tel destin ?
Je fais de mon mieux pour interpréter cette pièce de qualité... mais quelque chose ne va pas. Alors je recommence, en changeant quelques lignes.
- Pourquoi le courroux du ciel s'abat ainsi sur moi ? Le diable m'attire vers lui, rendant cruel et impossible mon amour inconditionnel pour les réfrigérateurs ! Qu'y-a-t-il de mal à ça ? L'enfer est-il ma prochaine destination ?
Je me mets à pleurer. Quelle bonne comédienne je suis.
- Tu as oublié de parler de lunule et de linogravure.
Je sursaute. Quelqu'un m'a vu ?
- Tu es là depuis longtemps ?
Un mec inconnu aux cheveux blonds et aux yeux bleus. Il me regarde avec un grand sourire.
- Ouais.
- Et ?
Il s'approche de moi.
- Tu devrais plus bouger, pour que ton rôle soit crédible tu dois donner de ton corps. Là déjà que la pièce est bizarre, mais en plus même si tu as le ton qu'il faut tu ne bouges pas.
Pourtant je sais être crédible puisque je passe mes journées à jouer la comédie, simplement à force c'est devenu naturel.
Il prend mon texte, et me fait signe de m'éloigner.
- Pourquoi le courroux du ciel s'abat-il ainsi sur moi ... Le diable m'attire vers lui ! Rendant cruel et impossible mon amour inconditionnel pour les réfrigérateurs ! Qu'y-a-t-il de mal à ça ? L'enfer est-il ma prochaine destination .. ?
Il marque des pauses dans son interprétation et se déplace de part et d'autres de la scène (qui est en fait le fond de la classe). En appuyant sur certains mots, il parvient à donner vie à mon texte. C'est si beau.
- Je m'attendais pas à ce qu'un texte aussi mauvais puisque être interprété comme ça...
Il sourit.
- Ton texte est pas mauvais, on sent simplement que c'est une punition de Heartfilia.
Je soupire.
- Ma mère aime bien donner ce genre de devoirs.
- C'est ta mère ?
Première personne que je rencontre qui ne connait pas le lien de parenté entre "madame Heartfilia" et moi.
- Ouais.
- Et ça va ? Enfin .. elle est plus sympa chez toi qu'en cours j'espère.
- Malheureusement non.
La cloche se met à sonner. Il est l'heure de quitter l'école.
- Tu ne m'as pas dit pourquoi tu m'observais.
- Je m'ennuyais, et je te voyais faire un peu n'importe quoi à travers la porte, alors c'était amusant de venir. Pourquoi ? Tu n'aimes pas qu'on t'observe ?
- J'ai pas dit ça..
Je m'éloigne. Si je ne rentre pas rapidement je vais me faire engueuler. Mais à force de penser à ça, j'ai totalement oublié de demander son nom à ce mec. Tant pis.
D'ailleurs, j'aurais peut-être du faire mon petit numéro de charme devant lui.. ça aurait probablement fonctionné.
En arrivant, mon père me tombe dessus.
- Nashi ! Je te croyais morte !
Je soupire. Il est dans l'l'exagération.
- J'étais au lycée Papa.
- Mais il pourrait t'arriver tellement de choses... !
- Super. Ou est Maman?
Il semble triste que je ne lui accorde pas plus d'd'intérêt que ça, mais j'ai une raison toute particulière de demander à voir ma mère.
- Dans la cuisine.
Je vais donc rejoindre ma mère.
- Maman, dis-moi, comment on fait pour séduire quelqu'un ?
Elle se met à rire.
- Si tu étais ma copie conforme tu n'aurais pas à poser ce genre de questions... dans mon cas je e sais pas, je n'ai pas besoin de faire ce genre de choses. Je séduis au premier regard.
- Je suis sérieuse.
Elle pose son fouet (l'ustensile de cuisine, évidemment).
- Tu as essayé de montrer tes seins ?
Je vais généralement pas jusque là.
- Maman ..
Elle sourit.
- Tu as qu'à être naturelle, il y a forcément quelqu'un qui t'aimeras comme ça.
- Mais il sera moche !
- C'est déjà beaucoup s'il t'aime, lui en demande pas trop.
Je soupire. Toujours aussi rassurant les conversation avec ma mère.
Il est l'heure de dormir, mais je n'y arrive pas. Alors je me lève, et vais voir Lutsu dans sa chambre. Je traverse les tas de fringues et d'emballages divers pour atterir dans son lit.
- Tu veux quoi ? me demande mon frère à moitié endormi.
- J'arrive pas à dormir.
- Et c'est une raison pour venir me réveiller ?
- Oui.
Il soupire, et allume la lumière sur sa table de chevet.
- À quoi tu penses ? D'ailleurs tu faisais quoi après les cours ?
- Et toi ? J'étais encore seule, tu m'as pas attendu.
- Je suis retourné à la boutique.
Évidemment.
- Tu m'as abandonné pour Jay ?
- Il n'était pas là, j'ai l'impression qu'il me fait la gueule.
Jay fait tout le temps la gueule, mais il parle un peu avec Lutsu donc ce serait étrange.
- Et toi ? Tu es restée seule ?
- J'ai travaillé, donc j'étais toute seule.
Mieux vaut ne pas lui dire que je ne l'étais pas. Je veux qu'il m'aide à conquérir Jay. Et mieux vaut ne pas parler à Lutsu des doutes que j'ai sur Jay.
💛💛💛💛💛
Je retranscris sans conviction sur un bout de papier les cours que nous prodigue notre professeur de maths. Je savais que cette journée serait ennuyeuse, mais avec Nashi qui semble ruminer quelque chose depuis hier soir et Jay qui m'évite consciencieusement, je finis par me sentir un peu seul.
Qu'ais-je fait pour mériter ça ?
Au moins le cours de français de ce soir s'annonce prometteur. J'ai hâte de voir ma soeur jouer sa pièce devant la classe.
On va voir si elle peut rester convainquante en parlant de réfrigérateurs.
Le midi venu, je pose mon plateau de force en face de Jay. Il sursaute.
« - Il faut qu'on parle.
- ... ? », fait-il. Incapable de déchiffrer son expression, je continue.
« - Tu m'évites depuis hier. Et pas la peine de le nier. Est ce que j'ai fait quelque chose ?
« - ... Hein ? », s'étonne Jay, l'air véritablement surpris.
« - Je demande si j'ai fait quelque chose qui t'ait énervé. Je peux comprendre que tu me trouves insupportable, tu ne serais pas le premier, mais au moins dis le moi !
- Non... », répond-il avant de s'éclaircir la gorge. Lentement il lève ses yeux bleu nuit sur moi. « Non, ce n'est pas de ta faute. C'est juste...
- Hey les nazes ! », s'écrie Gajeela en balançant son plateau sur notre table. « Je vous ai manqué ?
- Est ce que non est une réponse acceptable ? », demandais-je.
« - Absolument pas.
- Alors ce sera « pas du tout. » », conclut Jay.
Je ris brièvement, même si ma bonne humeur habituelle est entachée par l’interruption de cette importante discussion.
Mauvais timing, Gajeela.
« - Salut. », lance Nashi en s'ajoutant à côté de Jay, l'air joyeuse. Son sourire s’efface légèrement lorsque ce dernier, qui avait fini son plateau, se lève pour partir.
« - Qu'est ce qui te met de si bonne humeur ? », demandais-je à ma soeur.
« - Il parait que la prof d'histoire est malade aujourd'hui. », annonce-elle, reprenant du poil de la bête.
« - Comment tu sais ça ?
- Je ne voudrais pas me vanter, mais j'ai un bon réseau d'informations. » Elle croise les bras en levant le nez, visiblement fière d'elle.
« - Génial, un membre du NCIS est parmi nous. », soupire Gajeela en croquant dans une frite.
Nashi gonfle les joues. On dirait que les remarques acerbes de Gajeela l'irritent.
« - Moi, au moins, je partage mes infos au lieu de garder les sujets de contrôle planqués dans mon casier comme une certaine personne que je connais...
- Comment... ?
- La membre du NCIS ne répondra pas. C'est secret défense. »
Je n'arrive pas a savoir si ces deux là sont vraiment amies ou si c'est juste une comédie, mais je ne me permettrais pas de poser la question.
Une des élèves de notre classe, Asuka, nous interpelle soudain.
« - Les gars ! Mme Gravillon a été remplacée !
- Sérieux ? Merde. C'est qui ? », interrogeais-je.
« - Je sais pas, mais on va devoir aller en cours. » Asuka se remet à courir. « Dépêchez vous ! Je dois encore prévenir le reste de la classe ! »
Nous nous rendons a notre salle de cours où certains élèves nous attendent déjà. Une fois la classe rassemblée, on entre et on s’installe. La professeure ne devrait plus tarder.
Je me demande a quoi elle ressemble ? La dernière fois c’était une vieille mégère assez désagréable. En espérant que ça ne soit pas le cas cette fois.
Je me tourne vers Nashi.
« - Est ce que tu l’as déjà vue, la remplaçante ?
- Non, elle vient juste d’arriver. », marmonne-elle avant de se replonger dans son cahier.
Encore une qui rumine dans son coin. C’est vraiment irritant alors je lui balance une boulette de papiers.
« - Hey ! », proteste-elle, « C’est quoi ton problème ?
- Mon problème c’est que j’en ai marre que tout le monde fasse la tronche dans mon entourage sans que je sache pourquoi ! », m’énervais-je, pointant brièvement un doigt accusateur vers elle. « Et oui tu es compris dans le lot Jay ! »
Il lève innocemment les sourcils. Non, je ne me laisserais pas avoir par sa moue de chaton. J’ai besoin de réponses et je les aurait.
« - Bonjour tout le monde ! », carillonne une voix depuis la porte, m’empêchant d’assassiner mon ami du regard, « Je m’appelle Madame Realight et je serais votre remplaçante jusqu’au retour de Madame Gravillon ! »
Je me retourne avec la ferme intention de pousser un profond soupir de dépit, mais il reste coincé dans ma gorge. Ce qui sort a la place est plutôt embarrassant.
« - Woah le canon ! », m’exclamais-je en voyant la bombe blonde en tailleur plantée devant nous.
Tout le monde se retourne et je rougis comme jamais, m’enfonçant sous la table. Merde. Ce genre de trucs ne se disent pas a voix haute, crétin.
« - Et si nous commencions ? », déclare-elle simplement en sortant ses dossiers. « Quelqu’un pourrait me dire ou vous en étiez dans le programme ?
- Visiblement Lutsu est intéressé ! », ricane l’un des gars.
Je plisse les yeux vers lui avant de revenir a notre nouvelle professeure. Elle est vraiment jolie. De longues boucles blondes, de grands yeux bleus bordés de longs cils noirs, des courbes généreuses... On m’aurait dit qu’elle était mannequin, je l’aurais cru sur parole.
La seule tâche au tableau étant l’étrange bandage a sa main gauche. Est ce qu’elle s’est blessée ?
Je ne la lâche pas des yeux de tout le cours, ce qui ne semble pas échapper à Nashi qui me taquine sans vergogne.
« - Hey, Penne Rigate, tu vas finir par la transpercer avec les lasers qui te servent d’yeux.
- Ferme la Nashi, je mate.
- On a vraiment l’impression que quelqu’un t’a collé sur place a la superglue, c’est trop marrant. »
Je ne réponds pas. Elle est vraiment, vraiment belle. Je veux dire, si elle n’avait pas été prof j’aurais peut être même envisagé de la draguer. Ce que je n’ai jamais fait de mon existence, donc c’aurait été un fiasco, mais quand même.
« - Quelqu’un peut-il me dire quand s’est terminé la bataille de la Somme ? », demande-elle. « Toi, le beau ténébreux au fond ? »
Je me retourne. Oh, elle a interrogé Jay.
Il reçoit toujours de ces appellations...
« - Probablement avant la bataille contre votre sèche cheveux de ce matin, madame. »
Certains pouffent discrètement, dont Nashi, mais Madame Realight ne semble pas amusée.
Nashi et moi le croisons à la sortie.
« - Elle est géniale cette prof non ? »,m’émerveillais-je. « Ses cours sont vraiment biens !
- Ses cours ? », demande Nashi en levant un sourcil, espiègle.
« - Moi je ne l’aime pas. », répond le brun de but en blanc avant de tourner les talons.
Je cligne des yeux, surpris. Mais qu’est ce qui lui prend ?
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