Neuf

Ça ne va pas du tout. C'est mon premier jour avec cette nouvelle faculté et il est déjà au courant. Merde. Et je ne peux pas mentir, sinon mes cheveux vont changer de couleur. Mais là je suis en train de stresser, alors c'est la cata. Je le prends par la main et nous sortons de la foule. On ne peut clairement pas parler de ça devant tout le monde.

Nous allons nous planquer près des vestiaires. Normalement personne ne va venir par ici.
- Tu sèches Nashi ? Tu es plus rebelle que ce que je pensais.
Ce n'est pas le sujet.
- Tu as entendu ma conversation dans les toilettes à propos de mes cheveux.
- Possible.
Il me l'a dit il y a cinq minutes, pourquoi il reste évasif la ? C'est stupide.

- Tu as peur que ça se sache ?
Je hoche la tête. Même s'il ne connaît pas le code couleur, ça ne sert à rien de mentir.
- Pourquoi ? Ça augmenterait encore ta popularité. C'est pas ce que tu veux ?
- Non. Enfin si, mais pas comme ça.
Son regard passe de mes yeux à mes cheveux. Pas de changement normalement.
- Alors pourquoi tu veux pas que les gens soient au courant ?
- C'est comme ça.
Je pourrais lui donner la véritable raison, mais en disant "c'est comme ça" je ne mens pas vraiment. Je crois. Putain de cheveux magiques.

- Donne-moi la vraie raison.
- Pourquoi ?
- Si tu ne voulais pas m'en parler tu ne m'aurait pas pris à part.
Je soupire. Il n'a pas tord. Mais là il a l'air de vouloir jouer avec moi, alors jouons.
- Je vois pas pourquoi je serais honnête avec un mec dont je ne connais même pas le prénom.
Il sourit. Ce suspens est insoutenable. Je veux vraiment connaître son prénom. En réalité j'en sais rien, je n'arrive pas à comprendre ce mec.
- Si je te dis comment je m'appelle tu m'expliques pour tes cheveux ?
- Oui.
Je devrais révéler mon secret à ce mec, et moi j'y gagne quoi ? Un prénom. Top. J'espère que son prénom en vaut la peine, histoire que je puisse le ressortir quand on jouera au petit bac avec Lustucru.

- Platon.
(C'est censé se lire Platone, mais c'est bien plus drôle en Plat-thon donc faites comme vous le sentez).
C'est certain que je gagne des points au Scrabble avec ça. J'essaye de me retenir de rire. Son prénom est nul. Ce mec mystérieux, beau comme un ange, porte un prénom pourri. C'est exactement la même chose pour moi que s'il appelait Hubert. En vrai non, je n'aurais jamais pu le prendre au sérieux s'il appelait Hubert.
- Oui bon je sais c'est pas ouf comme prénom, mais tu t'appelles Nashi tu peux pas juger.

Je suis concentrée par autre chose. J'entends quelqu'un qui approche. Merde. On est en train de sécher les cours, si on se fait repérer on est dans la merde. Surtout que je sèche le cours de ma mère. Merde merde merde.

Je fais signe à Platon de se taire. Il y a quelqu'un dans les vestiaires. Il me prend par la main, et nous sortons discrètement. Il faut trouver un endroit où se planquer sans que personne ne nous remarque.

Un placard. Putain. Non. Mon père m'a raconté un jour que ma mère l'avait enfermé dans un placard dans le lycée, et qu'il s'était fait pote avec un balais qu'il avait appelé Jonny. Est-ce que je m'apprête à rencontrer ce fameux Jonny, devenu le meilleur pote de mon père ? Et avec un garçon qui me plait bien trop ? Possible.

Nous rentrons dans le placard. Au moins ici personne ne nous verra.
- Tu as si peur que ca qu'on entende la vérité sur tes cheveux ?
- Oui.
Je ne mens pas.
- Explique-moi.
Calme-toi frère ne me donne pas d'ordre. Surtout que la pour le moment, inspecter le placard à balais pour vérifier si Jonny est la, et s'il n'y a pas de pot de peinture (meilleur pote de ma mère au passage), je veux éviter toute catastrophe. Et vu à quel point Platon (el famoso blond sans nom ca lui allait quand même mieux, je m'y fais pas à ce prénom) est imprévisible (je le suis aussi en fait) il vaut mieux prévoir.

Dans un fond du placard, je remarque un balais différent.
- Nashi ?
Le balais semble abîmé, mais il a quelque chose écrit sur son manche. Des traits. Tout pleins de traits. C'est le temps que Papa est resté enfermé dans ce placard ? En observant le balais plus attentivement, je remarque autre chose "Jonny". Jonny ! C'EST JONNY !!!!
- Qui est Jonny ?
Merde. Platon est toujours là.
- C'est un mec que tu vas pécho ?
Alors non. Jonny est un balais avec qui mon père a parlé pendant vraiment longtemps. Il l'a même invité à son mariage, mais il n'est jamais venu. C'est triste.

Wait. Je peux pas lui répondre ça.
- C'est compliqué.
- C'est ton ex alors ?
Je soupire. Merde c'est évident qu'il l'ait compris dans ce sens-là.
- Non. Jonny n'est pas .. Humain. Donc rassure-toi, il ne se passera jamais rien entre lui et moi.
- Pas besoin de me rassurer, c'est pas comme s'il allait se passer quelques chose entre nous..
Je me retiens de lui en mettre une.
- Ah oui tu as raison, on est juste camarades après tout.
Il sourit.
- Ouais.

Bon c'est bien mignon, mais c'est pas en étant enfermée dans ce placard avec Platon qu'il va se passer quelque chose. Enfin si, mais ça risque d'être compliqué.
- Bon, tes cheveux.
Ah oui. J'avais oublié. Hihi.
- Je passe mon temps à jouer un double-jeu, et mes cheveux montrent mes émotions. Alors je veux pas que ça se sache, on lirait en moi comme dans un livre ouvert.
Je lui ai dit d'une traite. J'ai peur qu'il réagisse mal.
- Et c'est quoi ta vraie personnalité alors ? Tu me l'as déjà montrée ?
Ne te penses pas exceptionnel.

- Pas entièrement.
Platon semble surpris. Ses cheveux tombent un peu plus sur ses yeux, ça m'énerve, allez je les remets en place. Quoi ? Merde. C'est gênant. J'espère que les miens de cheveux ne vont pas changer à leur tour.

---

Je suis de retour chez moi. Le démon n'est pas encore rentré, mais Lutsu si. J'ai vu ses chaussures dans l'entrée. C'est le moment de faire un petit debrief de ce qu'il s'est passé entre lui et Jay. J'espère que c'est intéressant.

Et bordel, je m'attendais pas à ca. Mon frère s'est déclaré !! Accidentellement apparemment. Mais oui Lutsu, tu peux me le dire si c'était sincère ou non. Enfin, je le crois. Il a vraiment l'air mal à l'aise, mais c'est si cool. J'espère que quand ils vont se voir demain, tout ira bien. Et que Coquillette ne va pas faire n'importe quoi. Ce serait con quand même.

- Tu veux bien me raconter ce qu'on a manqué dans le gymnase ?
Oups.
- Comment te dire ... J'y suis pas allée.
Je vois le visage de Lutsu se décomposer. Il avait enfin sèché à peu près ses larmes, mais vu ce que va nous faire subir ma mère, il peut pleurer.
- Quoi ? Mais pourquoi ? Maman va nous tuer.
- J'ai une bonne raison ...! Je crois !
Ce sera une bonne raison pour Papa. Mais pour Maman, impossible.

- Dis-moi.
- Tu te rappelles de ce mec qui m'avait aidé pour la pièce de théâtre ?
- Ouais. C'est le même qui t'as mit un vent non ?
Je vais faire comme si je n'avais rien entendu. Ce vent sera de courte durée.
- Il sait pour mes cheveux.
- Ah. Et comment il s'appelle ?
- Platon.
Mon idiot de frère se retient de rire. Vous sentez la blague de merde arriver ? Moi oui.

- Il pourra te donner de cours de philo.
Je lève les yeux au ciel.
- Même Papa n'aurait pas osé faire cette blague.
- Papa ne sait probablement pas ce que c'est que la philo, me rappelle gentiment Lutsu.
- Comment il a fait pour avoir son bac ...?
- Mystère et boule de gomme.


💛💛💛💛💛


La discussion avec Nashi m'a rassuré, mais pas assez pour ne pas craindre la réaction de ma mère. Il est évident qu'elle a remarqué l'absence de ses deux enfants a un de ses cours. Comment ce démon aurait-il pu manquer ça ?

Il va falloir prier. Très fort.

Comment faisaient ses anciens élèves, déjà ? Des rituels sataniques ?

Je ne pense pas qu'il nous reste du sang de chèvre dans le frigo.

La porte d'entrée claque et Nashi et moi frissonnons.

« - Les enfaaants ? Vous êtes rentrés ? », chantonne une voix remplie de sadisme.

Elle sait. J'échange un regard paniqué avec ma soeur. Elle hoche la tête en silence et nous sortons de ma chambre, prêts a affronter notre destin.

J'avale une dernière fois ma salive, prenant une grande inspiration. Ok. Tout va bien se passer.

« - Je peux savoir ou vous étiez pendant mon cours passionnant ? », interroge-elle en souriant froidement. « Vous n'étiez pas convaincus de son intérêt ? »

Personne ne pourrait le dire en la voyant ainsi au premier abord, mais elle bouille de rage. Et comme nous l'avons supporté depuis notre naissance, nous savons reconnaitre les moments ou nous sommes menacés de mort.

« - Si... Si, évidemment ! Mais nous connaissions déjà ces cours. », tentais-je.

C'est risqué, mais si la notion du cours était l'une de celles que j'ai étudié à l'avance ( en préparation d'un cas pareil ) on s'en sortira.

« - Oh, vraiment ? », siffle-elle avec délice, « Et a propos de quoi était le cours ? »

Oh, c'est pas vrai. Je vais devoir citer un truc au hasard.

« - La... Prosodie ? », proposais-je, hésitant, avant de reprendre plus fermement : « La prosodie. »

Si ce n'est pas la bonne réponse, Nashi et moi ne nous en sortirons pas.

« - C'est exact. », réponds-elle, décontenancée.

Je me retiens de bondir de joie.

« - Est qu'est ce que la prosodie, puisque vous vous y connaissez tant ? », demande-elle.

Elle a un sourcil levé, l'air de se demander si nous avions effectivement suivi son cours.

« - C'est la modulation que nous donnons a notre voix pour rendre nos émotions plus intelligibles. », répond simplement Nashi.

Notre mère reste silencieuse un moment.

« - ... Je ne sais pas comment vous avez fait, mais je ne veux plus jamais remarquer votre absence a l'un de mes cours, est ce que c'est compris ? » Elle pince les lèvres avec mécontentement avant de faire demi tour.

« - Ca y est, j'ai fini de vomi... Oh, Luce, tu es rentrée ! », s'exclame notre père en remontant les escaliers.

En passant devant lui elle le tire par l'oreille et il se retrouve entraîné derrière elle.

« - De mauvais poil ? », demande-il avant qu'ils ne disparaissent dans le salon.

Je me tourne vers ma soeur en soupirant de soulagement.

« - Toi aussi ?

- Étudier les cours supérieurs est un mal nécessaire si on veut survivre à notre mère. », remarque-elle.

« - C'est vrai. »

Notre père refait rapidement son apparition dans la cage d'escalier.

« - Oh, et la famille Fullbuster vient manger a la maison ce soir ! Préparez vous mentalement a la cuisine de votre mère ! »

Cette dernière lui claque rapidement l'arrière de la tête et les deux adultes s'éloignent a nouveau.

L'information me parvient finalement au cerveau.

Fullbuster ?

Ne me dites pas que... ?

---

« - Jubia est heureuse de voir que tout le monde va bien. Comme vous avez grandi !

- ... Bonjour. »

Les Fullbuster arrivent près d'une heure plus tard. Gray, Jubia, et...

J'ai a peine le temps de constater l'absence d'un des membres de leur famille que Nashi me devance :

« - Jay n'est pas là ? », demande-elle en me jetant un regard appuyé.

Oh, je t'en supplie Nashi, arrête ça.

« - Non. », répond Gray sans ajouter de détails, fidèle a lui-même.

Nous passons ensuite à table. Et comme prévu, la conversation finit par dévier a nouveau vers l'absent.

« - Il semblerait qu'il ait fait un malaise aujourd'hui », explique Jubia en tentant de planter sa fourchette dans une pomme de terre à moitié cuite, « Il refuse de nous donner la raison mais Jubia est inquiète. »

Je m'enfonce doucement sous la table. Le malaise que je ressens est si puissant que j'essaie de disparaître discrètement de leur champ de vision.

« - Il passe souvent a l'infirmerie pour des saignements de nez ces derniers temps. », ajoute Gray en fronçant les sourcils.

La femme aux cheveux bleus rit doucement.

« - Oh, de ce côté là Jubia ne s'inquiète pas.

- Pourquoi? », s'étonne Gray.

- Trop de pornos ? », propose Natsu.

Sa délicatesse lui vaut un regard meurtrier de sa femme. Nashi et moi toussons avec gêne.

« - Évidemment que non, crétin. », réprimande la blonde.

« - En fait, Jubia pense qu'il est amoureux.

- Amoureux ? », s'étonnent en coeur les deux hommes.

« - Il a des sentiments ? », continue notre père, « Je croyais que c'était un robot que vous aviez élevé comme votre fils moi !

- Encore une remarque comme celle là et tu vas manger dehors. », menace Lucy.

Gray se tourne vers sa femme.

« - Pourquoi penses-tu ça Ju' ?

- Parce qu'après avoir connu Monsieur Gray, Jubia a du se vider de son sang de nombreuses fois.

- C'est vrai que tu avais souvent des saignements de nez.. », se rappelle Gray, s'assombrissant soudain. « Même le jour du mariage. »

Le bavardage des adultes continue ainsi sans se soucier de nous, qui finissons a contrecoeur nos plats, plongés dans nos propres réflexions.

Jay est donc bien amoureux de quelqu'un...

- - -

Assis derrière un banc du lycée, je finis tout juste ma partie de Spirit Battle quand Nashi vient s'asseoir dos à moi.

Mais alors que je m'apprête a lui révéler ma présence, vient à passer un grand blond a l'air étrange qui s'arrête devant elle.

« - Hey. Je t'ai manqué ?

- Compte là dessus, camarade. »

Est ce que c'est moi ou Nashi s'est redressée d'interêt ?

Je vois.

C'est donc lui, le gars qui l'a rejetée. Il n'a pas l'air de détester Nashi, pourtant. A le voir on dirait même totalement l'inverse.

« - Alors, tu n'as pas eu de problèmes avec ta mère ?

- Étonnamment, non. Je m'en suis sortie.

- C'est que tu es pleine de ressources, dis moi. »

Woah woah woah. Est ce qu'ils comptent s'embrasser tout de suite ou... ? Je ne m'attendais pas a ce que Nashi s'entende aussi bien avec ce mec.

« - Tu serais surpris, Platon. »

Et la, le mot magique : Platon. J'explose d'un rire incontrôlable et puissant alors que les deux interlocuteurs se tournent simultanément vers moi.

« - Tagliatelle ?! », s'étrangle Nashi.

« - Oh mon... Platon... Oh putain... Hahah ! », soufflais-je entre deux éclats de rire, plié en deux.

« - Je ne connais pas ce mec, mais j'ai déjà envie de le tuer. », déclare Pla... Plat... Ouahahahahah !

« - Enchanté ! C'est bien toi qui a aidé Nashi pour la pièce de théâtre non ? Sans toi c'aurait été un vrai massacre. »

« - Je te présente mon frère », fait Nashi, agacée. « Et je te donne avec plaisir le droit de le tuer.

- Ohh, allez, je sais que tu m'adores dans le fond soeurette. », la taquinais-je.

Je lève les mains en secouant la tête.

« - Bon, désolé d'avoir ri. Je suis en mauvaise position pour le faire puisque mon prénom c'est Lutsu. », admis-je en regardant Platon.

Il ouvre la bouche pour répondre mais je l'interromps, perturbé lorsque mon sonar a embrouilles s'enclenche.

Au loin, je vois des cheveux bleu nuits et un manteau noir s'approcher...

« - Tiens, je viens de me rappeler que j'ai oublié ma trousse dans mon casier », improvisais-je. « A plus les tourtereaux ! »

Nashi, trop surprise, n'a pas le temps de protester avant que je ne m'enfuie en courant.


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top