Chapitre premier (partie I)
Les lames des deux Chevaliers s'unirent et se désunirent aussitôt dans un crépitement d'étincelles. L'un arborait une envoûtante armure blanche, tandis que l'autre était cuirassé d'ébène. Les deux épées étaient magnifiques, forgées par les meilleurs artisans de la capitale. Les lames ne s'érodaient jamais, ne pouvaient se briser non plus. Elles s'illustraient aussi effilées que le jour où le forgeron y mit un ultime coup de marteau.
Celui qu'on nommait le Chevalier Blanc porta son bouclier haut afin de contrer l'estoc puissant de l'épée de son adversaire qui s'écrasait sur lui. Il recula prestement avec finesse, expérimenté de plusieurs années et de centaines de duels qu'il ne comptait plus. Néanmoins, l'autre duelliste était aussi aguerri que lui, un membre éminent de la Garde Royale. Les deux hommes ne se connaissaient guère intimement, mais savaient cependant s'apprécier de par leur dextérité à l'épée. L'attaque frontale était le fétiche du Chevalier noir, tandis que son assaillant se concentrait sur la tactique : il étudiait les mouvements de son adversaire et le piquait de son épée là où il le fallait – surtout dans ses points faibles qu'il avait eu le temps de découvrir.
Les épées se mêlèrent encore, mais le Chevalier Blanc ne vit le poing de son adversaire filer droit sur son heaume. Le coup fut rude, comme s'il percutait de plein fouet un bélier. Il sentit immédiatement le sang couler le long de son front. Sous son armure, il avait affreusement chaud, mais il n'en tint guère compte et observa le Garde Royal qui faisait jouer sa lame dans les airs.
Ce dernier s'élança à nouveau à sa rencontre et assena de toute sa force son arme sur le bouclier du Chevalier Blanc. Le bras gardé de celui-ci fut projeté avec fureur et un pied s'écrasa lourdement sur son ventre. Il en perdit le souffle et tomba à terre, tentant de calmer la douleur lui tiraillant l'abdomen. Il savait d'ores et déjà qu'un vilain hématome parcourait son ventre. Il se releva, trembla sur ses jambes, mais tint bon. Il n'avait pas lâché ses armes et était encore capable de se battre ! Il lança sa lame sur la garde de son adversaire et, dans une roulade rapide, trancha la jambière droite. Le liquide vital coula, recouvrit le sable de l'aire de combat, et le Chevalier à l'armure noire poussa un hurlement de douleur. Celui-ci se retourna et frappa de son pied le casque du Chevalier Blanc qui roula une fois encore dans le sable, une ouverture se formant sur ses lèvres baignées de sang.
Au moment où il voulut se jeter de nouveau sur son adversaire, un cor retentit et mit fin à la manche.
Les deux Chevaliers ne se regardèrent ni ne se saluèrent, et retournèrent pour l'un à son écuyer et pour l'autre à un guérisseur, symétriquement opposés de part et d'autre de la cour de combat. Le Chevalier Blanc s'assit sur un banc en bois, laissa tomber son bouclier et son épée. Son écuyer s'occupa aussitôt de lui enlever son casque, laissant découvrir son visage blessé.
Il avait des yeux en amande couleur noisette et une pilosité parfaitement taillée sur les joues et le menton. Son visage était fin, gracieux, balafré à quelques endroits – petites cicatrices de duels passés ou d'accidents fâcheux. Ses lèvres étaient complètement explosées et il suçait sans cesse le sang pour qu'il ne coulât pas. Le camail sur son crâne camouflait l'intégralité de sa chevelure, exceptée une mèche brune qui dépassait au niveau de la blessure sur le front.
Son écuyer pressa un chiffon humide sur cette plaie, puis sur ses lèvres. Connaissant parfaitement son Chevalier, son mentor, il lui tendit une gourde remplie de vin rouge que ce dernier attrapa et vida d'une traite. Il respira bruyamment, laissa son écuyer enlever le sang et appliquer des bandages.
— Merci, Phœbus.
— Je vous en prie, sir Chilpéric.
Chilpéric Abzal ébouriffa les cheveux de son écuyer et l'observa tandis que ce dernier ramassait le bouclier et l'épée et nettoyait cette dernière.
(suite du chapitre en suivant...)
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