Chapitre 3 (partie I - Humains)
Le soleil vint caresser les paupières des visages endormis du Chevalier Blanc et de son écuyer. Ce dernier fut le premier à trembler lorsque la lumière le réveilla et il se retourna pour se protéger de la brillante douleur. Il mit encore quelques secondes avant de réussir à les ouvrir et se tint assis dans son lit en se frottant les yeux. Sa bouche était pâteuse, ses sens encore engourdis par la quantité de vin qu'il avait ingurgitée tard la veille – bien moins que sir Chilpéric, tout de même.
Phœbus se leva ensuite, chancela jusqu'à la bassine d'eau et se passa un premier jet sur le visage. Il se frictionna la peau avec énergie pour se réveiller et s'essuya avec une serviette à proximité. Sentant la transpiration sur son corps, il s'engagea vers les Thermes avec une autre serviette et une tunique en lin propre. Lorsqu'il entra, la brume de l'eau chaude emplissait l'atmosphère.
Les Thermes, mixtes, étaient composés de huit grands bassins de marbre, que les laquais de la Tour remplissaient une fois par heure. Les Chevaliers et les écuyers avaient appris à entrer dans les bacs pendant ou peu de temps après qu'ils furent remplis, afin de pleinement profiter de la chaleur revigorante.
Phœbus remarqua que son ami Carloman se prélassait déjà au cœur de la douce vapeur d'un bain. L'écuyer d'Aalongue ne se levait jamais tard, a contrario de bien des écuyers de la Garde Continentale ! Phœbus enleva son vêtement et entra doucement dans l'eau, laissant ses muscles se détendre et son mal de crâne disparaître. Il se rapprocha de Carloman et le salua avec amitié.
— As-tu bien dormi ? lui demanda-t-il.
— Ma foi, avec tout l'alcool que j'ai avalé avec Chilpéric, oui, on ne peut mieux. Comme si j'étais mort. Et toi ?
— Pas mal. Je me suis amusé, ai dansé avec de jolies demoiselles de la Cour avant de les quitter – elles semblaient d'ailleurs déçues – et rejoindre sir Aalongue dans notre chambre, mais qui dormait déjà profondément. Une très bonne soirée, en conclusion, n'est-ce pas ?
— Oui...
L'écuyer se fit pensif, plongeant dans les souvenirs de son court moment d'intimité avec le prince Achard. Il l'effaça comme un mirage pour se concentrer sur les prochains événements de la journée, qu'il espéra comme étant suffisamment passionnante pour oublier ses peines de cœur – devant absolument être prohibées dans le cadre de son entraînement. C'était d'ailleurs là l'une des raisons pour lesquelles les écuyers ne devaient en aucun cas entretenir de relation amoureuse avec qui que ce fût, afin qu'ils ne fussent en rien détournés du droit chemin. Bien sûr, rares étaient ceux qui s'assujettissaient complètement à cette règle, car pas un seul ne pouvait aller contre les rouages de ce mécanisme bien souvent pernicieux qu'est l'amour. Carloman non plus ne faisait guère exception à la règle, dont le cœur battait ardemment pour l'une de ses sœurs d'armes !
— Quel est le programme aujourd'hui, avec sir Aalongue ? demanda Phœbus à son ami.
— Nous allons sûrement nous entraîner à l'épée dans un premier temps, puis avec la Magie. Il y a un nouveau sort que je veux mettre à profit.
— Lequel ?
— J'ai lu un chapitre dans le Grimoire qui parle de faire chauffer n'importe quoi jusqu'à ce qu'il s'évapore complètement.
— Un puissant pouvoir, à n'en pas douter. T'es-tu déjà entraîné ?
— Comment crois-tu que l'eau soit devenue aussi chaude que cela ?
Phœbus dénota effectivement que l'eau était un peu plus chaude qu'à l'accoutumée, ce qu'il apprécia particulièrement. L'eau des Thermes était certes toujours parfaitement tempérée, néanmoins pas assez à son goût – bien que la chaleur habituelle le satisfît toujours.
— Et serais-tu capable de la chauffer bien plus encore ?
— Oui, mais sortons du bain alors, pour ne pas nous ébouillanter. Ne sait-on jamais. Je vais m'y tenter sur un petit volume.
Les deux camarades s'extirpèrent de l'eau et se postèrent au bord du bassin. Carloman ferma les yeux et Phœbus sentit son énergie augmenter et traverser tout son corps. Son ami avait décuplé d'autant plus sa force ces derniers temps.
— Thermós !
La puissance du Mot en ancien langage traversa les doigts de Carloman. Au début, rien ne se passa, puis un cube d'eau au bord du bassin bouillit de lui-même. Les bulles vrombirent de plus en plus fort pour finalement disparaître comme si de rien n'était. Le niveau de l'eau avait néanmoins baissé quelque peu. Phœbus poussa un sifflement devant le phénomène.
— J'aime beaucoup !
— Merci. Mais je ne le contrôle pas très bien encore. Il est dit dans le Grimoire que l'on peut tout chauffer avec, des éléments comme l'air ou l'eau, jusqu'au corps humain. Je me dis que si j'apprends à le faire, je serai à même de terrasser n'importe quel monstre avec ce pouvoir en chauffant son anatomie jusqu'à ce qu'il se désintègre complètement.
— Un don non négligeable, en effet.
— Je suis sûr que tu apprendras à en faire de même avec sir Chilpéric. C'est le meilleur Chevalier-Mage de la Garde Continentale, et tu n'es pas mauvais non plus.
— Oh, tu sais, je ne sais guère employer plus que quelques Mots de Pouvoir. Tout au plus une dizaine. J'étudie certes beaucoup pour en connaître un maximum, mais plus j'avance et plus il devient difficile de les retenir, et plus encore de les appliquer convenablement. Mais sir Chilpéric m'a fait la promesse que mes compétences s'accroîtront exponentiellement avec le temps, alors je n'ai plus qu'à espérer que tout ceci soit vrai. Je prie pour que ce jour m'enseigne de nouvelles formules !
— Je n'ai aucun doute sur tes capacités. Et puis, une dizaine de formules, ce n'est déjà pas mal ! Ne t'en fais pas. Tu progresseras vite, et seras adoubé en conséquence.
Phœbus sourit.
— Comment te sens-tu quant à ton prochain adoubement ?
— Une multitude de sentiments se bouscule en moi. Je suis stressé, et fortement dépourvu de patience ! Sir Aalongue dit que je ne le devrais pas, mais je ne peux m'en empêcher. Je ne veux pas échouer.
— Courage. Il te reste cinq mois pour te préparer. Et tu pourras faire tes preuves au Tournoi des Écuyers de la Garde Continentale.
— Je ne laisserai aucune chance à mes adversaires ! Vas-tu y participer ?
— Je ne le sais pas encore, mais je l'espère. Si sir Chilpéric me l'autorise. Il n'aime guère que j'emploie mes pouvoirs face aux autres. Il prétexte qu'ils sont un peu... incontrôlables. Mais je ferai en sorte de les maîtriser parfaitement d'ici là.
— Faisons-nous la promesse d'être au mieux de notre forme, de donner le meilleur de nous-mêmes et d'offrir à la foule un spectacle qui restera dans les annales !
— Promis !
Les deux écuyers, futurs Chevaliers, se serrèrent les avant-bras comme la coutume l'exigeait, un geste de respect que leurs mentors respectifs leur avaient assidument enseigné dès le début de leur formation.
— As-tu toujours l'intention de rejoindre la Garde Royale à ton adoubement ?
— Jusqu'à quelques jours, oui, mais dorénavant je ne sais plus. Ai-je envie de rester entre ces murs pour toujours à protéger mon roi et les citoyens d'Ashtard, condamné à entraver ma Magie par le lien de féodalité, ou plutôt de parcourir le continent avec la Garde Continentale et exterminer les serviteurs du Mal en laissant s'exprimer mes pouvoirs ? Le devoir envers mon roi m'appelle, certes, mais l'exploration tout autant. Or, pour rejoindre la Troisième Garde, il faut avoir auparavant effectué son service en tant que Chevalier de la Garde Continentale, ainsi adouber son écuyer. Somme toute, plusieurs années ardues. Alors je ne sais plus.
— Je ne puis que te conseiller de suivre ton cœur et de faire ce dont tu as envie, avant toute chose. Et, même si c'est un peu égoïste de ma part, j'aimerais beaucoup parcourir les continents avec toi, mon frère.
Carloman rit, entraînant Phœbus.
— Nous verrons, mon ami. Bien, lavons-nous, préparons-nous et mettons-nous au travail sans tarder.
— Si je parviens à réveiller Chilpéric ! Si tu savais comme il est difficile de le tirer du lit. Le vin le tuera un jour !
— Oh, tu sais, Aalongue est pareil. Le défaut de tous les Chevaliers, peut-être ?
Nouvelle hilarité des deux jeunes gens qui s'immergèrent totalement dans l'eau. Ils se savonnèrent, se rincèrent, sortirent, puis se séchèrent pour finir de se préparer dans leur chambre.
(suite du chapitre en suivant...)
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