Partie 7
Comme c'est agréable de dormir dans un lit moelleux avec d'épais coussins et des couvertures confortables alors que le feu crépite joyeusement dans l'âtre. Ça c'est agréable...
Mais dormir avec un gros ventripotent sur une paillasse infestée en compagnie de rats, ça c'est moins agréable !
Je crois que je me suis attrapé un torticolis à force de me retourner pour trouver une place sur l'étroite couchette. Nom d'un troll constipé ! Le loir de mon ami s'est faufilé dans ma chemise !
Je saute du lit en tentant d'attraper le maudit rongeur qui en profite pour me mordre dans le dos. Cette saleté, si je l'attrape...
Te voilà, abomination des enfers !
Je tiens le coupable par la queue et me retiens de le balancer par la fenêtre.
C'est à ce moment que ma porte s'ouvre brutalement : Dame Lina semble en pleine forme, ce matin !
- Binarvivox ! s'égosille-t-elle, qu'est-ce que c'est que cette histoire ! Tu as apporté une tête sur un plateau...
Elle pousse un cri en apercevant le loir. Je sursaute devant ce hurlement de goret et laisse le petit animal si sympathique rejoindre furtivement son maître qui se réveille lentement. Quant à la majordome, sa tête devient écrevisse. Réprimandes dans trois, deux, un...
- Binarvivox ! Tu vas sortir immédiatement de cette chambre...
Elle jette un regard furibond sur le pauvre Clark qui farfouille dans son sac pour trouver sa première collation.
- C'est qui, lui ?
- Un gnome du prince Arlin. C'est mon ami, Clark...
- Dans ton lit ?
Et voilà ! Je vais devoir recopier la Chartre Suprême parce que Grosse Dame Lina a l'esprit tordu.
- Tu es sanctionné, Binou, lâche-t-elle.
Clark nous regarde sans piper mot, légèrement gêné par cette intrusion. Il finit sa bouchée et hausse les épaules dans ma direction. Je crois qu'il n'a pas ce genre de soucis chez Arlin.
Lina s'approche de moi avec hostilité. Je ne sais pas ce qu'elle a trouvé à se mettre sous ses vieilles dents moisies mais elle pue à plusieurs mètres à la ronde.
- Suis-moi, petit incapable !
- Mais bien sûr grosse truie.
Je jette un regard vers mon ami et lui fait comprendre ma nouvelle obligation. Je referme donc la porte derrière moi et emboite le pas à ma majordome, légèrement ennuyé par la tâche qu'elle va me donner. Vais-je l'accomplir ? Évidemment que non. J'ai d'autres choses à faire, moi. Comme rejoindre Arquen et lui expliquer qu'il n'était pas la cible de mon tir incongru. Il était tout de même réussi, non ?
Lina m'emmène dans une aile du château que je ne connais pas. Comme de coutume, nous passons par les étroits couloirs réservés à notre race.
Enfin, nous en sortons. Mes yeux se ferment immédiatement, agressé par la lumière trop vive qui se déverse dans l'immense salle. Je m'accommode petit à petit et contemple, subjugué, la plus grande bibliothèque que je n'ai jamais vue. Des centaines de rayons se succèdent, s'élevant jusqu'au plafond. L'odeur des boiseries et du papier usé me prend le nez. Mais, ma foi, ce n'est pas désagréable. Lina s'avance au centre de la bibliothèque et me tend une liste :
- Tu as jusqu'à ce soir pour trier ces différentes œuvres.
Elle me montre un amas de livre, empilés dans un coin obscur.
- La prochaine fois que je te vois avec un amant dans ta chambre, je te renvoie !
Bah ouai, arrange-toi directement avec Morgal dans ces cas-là !
- Clark n'est qu'un ami, vous savez ?
- Oui, et moi je suis la Reine d'Arminassë !
Sur ces mots, elle me laisse hautainement à mon sort.
Je me retourne et m'approche du tas de livres. Alors... Si je comprends bien je vais devoir crapahuter d'une étagère à l'autre pour ranger ces vieux grimoires. Honnêtement, qui va les lire ?
Je regarde le titre du premier qui me tombe sous la main : Traité philosophique sur la Mort. Palpitant ! Voyons voir un autre : Les derniers jours de Mavlal. Bon, je crois que tous ces ouvrages parlent de près ou de loin de cadavres. Je me demande ce qui doit tourner dans le ciboulot de mon maître.
- Vous aussi, vous êtes puni ?
Je me retourne et trouve Püpe en face de moi.
- Apparemment... Et vous ? Qu'avez-vous fait ?
- Je ne me suis pas bien tenue, hier, lorsque vous avez frappé Borël... Mais c'était si amusant !
- Ah... Si vous le dîtes.
- Merci de lui avoir réglé son compte, d'ailleurs. Il s'était mal comporté avec moi.
Tu ne l'avais pas loupé, poufiasse !
- Mais en fait, on peut se tutoyer, vu qu'on est collège, proposé-je.
Elle me sourit et hoche la tête. Elle saisit une pile de quatre livres et les poses sur une table de chêne noir pour les trier.
- Ça tombe bien, ironise-t-elle, tous nos bouquins se trouvent en hauteur ! Il va falloir jouer au singe.
Je la suis donc, quelques livres sous le bras. Elle m'agace avec son petit air innocent qui prend tout en charge. Je me demande bien comment elle aurait réagi en voyant le cadavre sanglant de Visève... Aurait-elle ri, aussi ? Et si Püpe était une espionne ? Je ne pense pas, honnêtement. Elle est trop... Visible.
Ma collègue pose son fardeau à terre et attrape l'échelle pour se hisser sur les premiers échelons.
- Donne-moi Le suicide de l'empereur, Le reflet de la lame, La poupée aux yeux sanglants et Le déclin du royaume des Winglors, me dit-elle.
Je lui passe ces livres si plaisants et la laisse grimper. Elle n'a pas peur de tomber ! Surtout que l'échelle monte jusqu'à une dizaine de mètres. Rien ne l'effraie apparemment. J'aurais peut-être dû lui proposer de la remplacer... Enfin, il n'est pas écrit « prince charmant » sur mon front. Et puis faut avouer que ce n'est pas désagréable de voir de si jolies jambes. Bah quoi, c'est sa faute, elle n'avait qu'à porter une jupe plus longue.
Je m'accoude donc sur un échelon, vérifiant si ma collègue s'y prend bien. Je me demande comment ses bas font pour ne pas tomber sur ses chevilles. Sans parler des talons. Püpe doit se pourrir la vie à s'imposer une pareille tenue ! Mais en même temps, ce serait dommage qu'elle...
Oups ! Je me suis peut-être trop appuyé sur l'échelle : la voici qui vacille et qui s'effondre bruyamment au sol, se brisant de moitié. Vive le matériel elfique !
- Binarvivox ! m'appelle Püpe, tu voudrais bien venir me chercher ?
Je lève la tête et aperçois une gnome en bien mauvaise posture. Elle s'est rattrapée à la corniche d'un étage de livres et son corps pend lamentablement dans le vide.
J'ai deux options : ou je viens la secourir en risquant de me casser tous les os du corps, ou je la laisse me renvoyer une image plutôt plaisante de sa culotte jusqu'à ce qu'elle s'écrase salement sur le parquet. Est-ce que Morgal récupérera la tête pour faire un mauvais tour à un autre de ses frères ?
- Binarvivox ! Je vais lâcher !
Et doucement ma petite demoiselle ! je n'aime pas qu'on me presse autant ! Et puis ça fait haut !
Bon, elle a de la chance que je sois un gars bien... Enfin, elle serait moche je ne me serais pas bougé.
Comme l'échelle est hors service, j'escalade les étagères de bouquins sans jeter le moindre regard en-dessous. Dix mètres plus haut, je rejoins la princesse en détresse et la saisis maladroitement par le bras. Et qu'est-ce que je fais maintenant ! Apparemment, elle, elle sait. Elle s'agrippe à mes épaules et me fait signe de redescendre. Oups, j'ai regardé le sol. J'ai le tournis maintenant. Je m'accroche tant bien que mal aux corniches et descends lentement. Allez, plus que huit mètres, sept, six, cinq et mais...
Je dérape brusquement et Püpe me lâche les épaules pour se rattraper à ma jambe. Attirées par le poids de la gnome, mes mains glissent contre la paroi lisse et nous tombons tous les deux en vue d'une - ou plusieurs - fracture assurée. Heureusement, un gnome passait par là et nous atterrissons sur lui. Il s'étale comme une crêpe sous notre poids. Je crois qu'il est totalement sonné. À côté de moi, Püpe se relève péniblement, un rire naissant dans sa gorge : elle est vraiment folle ! Je me tourne vers le pauvre réceptionniste et le redresse. Rien de cassé pour aucun d'entre nous, c'est un miracle ! Mais je fronce les sourcils en découvrant l'inconnu : son visage au teint blafard est encadré par de grosse mèches brunes. Et le plus étrange, c'est le collier de métal qu'il porte autour du cou. Bah tiens ! Il se prend pour un chien ?
- Je suis désolé, bredouille-t-il, je ne vous avais pas vu...
Et il s'excuse en plus ! À sa place, j'aurais pété une durite. Il se remet sur pattes et dépoussière son uniforme en nous lançant des regards fuyants. Oh oh, mon coco, tu caches quelque chose !
Comme il tourne les talons, je le rattrape par le bras :
- Eh, qui es-tu ? Que fais-tu ici ?
Il tressaille dans ma poigne et se retourne brutalement avec le regard d'un animal traqué.
- T'appartiens à qui ? insisté-je.
Ils se ramasse sur lui-même et me mord la main. Jusqu'au sang ! Je pousse un juron des plus élégants et me lance à sa poursuite. C'était sans compter la rapidité de ce petit rat de bibliothèque qui se faufile dans ce labyrinthe de livres et disparait de ma vue.
- C'est inutile de le rattraper, assure Püpe, il ne te parlera pas de toute manière : c'est un gnome d'Horonessa.
- Qu'est-ce qui te le dit ?
- Son collier : les gnomes du prince Falarön sont toujours équipés de colliers. C'est pour leur rappeler leur rang, je crois.
Je hausse les sourcils devant le savoir de ma collègue. Pas si bête, en fin de compte.
- Je trouve que ce Falarön est bien impliqué ces derniers temps, je murmure.
- Et alors ? Qu'ils s'entretuent tous ! Ce sera plus amusant !
Et voilà qu'elle a mes expressions !
Mais je suis poussé par la curiosité : en tant qu'espion, je devrais aller faire un tour dans les appartements du grand frère diabolique. J'attendrai ce soir. En attendant je suis chargé de remettre tout ça en ordre.
- C'est Dame Lina qui va être contente, soupiré-je, une échelle de casser !
- Tu n'as jamais pensé à la tuer ?
Je reste abasourdi par la question de la servante :
- Mes envies de meurtres ne te regardent pas, Püpe !
Elle ricane et me donne une petite tape sur la joue :
- T'es mignon mais je devine tout ce que tu penses !
Oui, je sais ! Arquen me l'a déjà fait remarquer ! Je me renfrogne comme un ours et tente de ne plus lui parler jusqu'à la fin de mon service. C'était sans compter mon côté un peu trop bavard :
- En fait tu viens d'où ?
- De l'Île des Sirènes.
- C'est quoi, cet endroit ?
- Hmm... Une île où tu peux faire ce que tu veux à condition que tu sois riche.
- Pourquoi t'es partie ?
Elle fronce ses longs sourcils et ajoute :
- Ma mère était esclave là-bas. Elle a été tuée il y a quelques mois par un astre ivre...
- Attends, l'arrêté-je, tu veux dire que tu as connu tes parents ?
- Juste ma mère. Mon père n'a sûrement jamais quitté Calca.
Je ne sais pas trop quoi lui dire. D'un côté, sa vie n'a pas l'air joyeuse mais de l'autre, elle a connu un de ses parents. C'est un privilège qu'aucun gnome ne connait. Peut-être qu'un jour, j'aurais moi aussi des enfants et ils me seront arrachés pour être placés à Mubalou ou sur des plates-formes de commerces. D'un côté, ça vaudrait mieux pour eux, vu que je suis incapable d'élever qui que ce soit.
À côté, Püpe a fermé son visage rond. Je crois qu'une larme coule sur ses taches de rousseurs. Je ne connais pas son passé mais il m'est d'avis qu'il est loin d'être réjouissant.
Finalement je pense qu'elle est un peu remontée dans mon estime : elle est particulière en soi.
Nous passons donc la fin de la journée à ranger nos livres. Je pense que je la fatigue à force de lui parler sans cesse mais je ne peux pas m'empêcher. Je m'ennuierais sinon.
Enfin, la nuit tombe sur les Falaises Sanglantes. C'était sans compter mon petit numéro d'infiltration chez le grand-frère de mon maître. C'est risqué : je ne crois pas que Falarön affectionne les gnomes. À moins que faire porter des colliers cloutés soit une marque d'amour...
Je laisse donc Püpe à ses affaires et me mets en quête des appartements princiers. Je longe les immenses couloirs, mes pieds glissant furtivement sur l'épais tapis rouge qui les recouvre. Les lustres ont été allumés et une teinte ocre se reflète sur les murs. C'est très chaleureux si on oublie les statues et les tableaux qui semblent être vivants. Mon regard s'attarde quelques instants sur les moulures, les arabesques et les peintures qui décorent les plafonds. C'est époustouflant. Mais ce palais est bien trop grand pour mes petites jambes. De temps à autres, je croise des aristocrates et suis forcé de me cacher derrière des tentures ou des reliefs dans le mur.
Enfin, après une quête d'une heure, je parviens aux appartements de Falarön. Bien sûr, la porte est fermée. N'oublions pas mes talents d'espion ! Je crochète habilement la porte - pourquoi Arquen n'est pas là pour me voir ? - et pénètre dans un vaste salon. Je m'avance vers la cheminée, m'assurant que personne n'occupe les lieux.
Je commence donc mes recherches, fouillant bureaux et commodes. Bien sûr, il n'y a rien. Allons voir dans la chambre. Je soulève le tapis, retourne les oreillers, pousse les tableaux et ouvre les placards. Rien, rien et rien ! L'endroit est vide. Je m'assois sur le lit, réfléchissant.
Des voix viennent interrompre mes réflexions. Pas question de se faire prendre comme avec les lumbars. Parce que tuer un commerçant ventru ça passe, tuer un Fëalocen, c'est une autre affaire.
Précipitamment, je me cache dans une soupente de linges et regarde par la serrure. Avec un peu de chance, je surprendrai une conversation intéressante.
J'aperçois le prince et sa femme entrer brusquement dans la chambre :
- Il est temps de parler toi et moi ! s'exclame Falarön en colère à la princesse, tu me dois quelques explications !
Oula ! ça semble chauffer ici.
- Puisque je te dis que je n'en sais rien ! contredit vivement Sylvia, Visève est morte avant de me faire part de quoi que ce soit !
Elle se prend une claque monumentale. Aïe ! J'ai mal pour elle.
- C'est de ta faute ! crache son mari, tu ne fais qu'enrôler des espions incapables. En attendant, Morgal se doute de quelque chose !
La femme rentre instinctivement les épaules, le regard apeuré et fuyant. Elle se tient sa joue endolorie où une rougeur commence déjà à apparaitre :
- Il s'est toujours douté de quelque chose, rétorque-t-elle en faisant face au prince, nous ne saurons jamais ce qu'il cache au Var-Nar-Bal ou dans ses maudites caves !
La mâchoire de Falarön se contracte violemment, ses mains se resserrent sur sa canne et ses yeux s'allument de rage. Il n'est pas habitué à ce que sa femme lui tienne tête :
- Ton frère t'échappera toujours dans ce domaine, continue-t-elle fermement, il a toujours su dissimuler ses plans et ce n'est pas toi qui pourras les découvrir ou les contrer !
- Ne t'avise pas de me parler sur ce ton, murmure-t-il en grinçant des dents, tu oublies ta place !
Dans mon placard, je me recroqueville : cette conversation part en vrille. Je ne sais pas ce que je vais voir ou apprendre de plus mais je ne suis vraiment pas à l'aise.
- Fais attention à toi, Falarön, prévint Sylvia, le jour où tes complots éclateront au grand jour, tu auras une bonne partie des souverains elfes sur le dos !
Il éclate de rire :
- Je ne serais pas le seul dans ce cas, très chère ! Si je tombe, tous les Fëalocen tombent et avec eux, le reste de l'aristocratie.
Je frissonne, les membres pétrifiés par ces paroles. C'est donc cela la politique ?
- Tu es fou, murmure la princesse en tremblant, toi et ta maudite famille. Tu finiras comme Morgal : un psychopathe assoiffé de sang et de pouvoir ! Un assassin cupide...
Elle ne finit pas sa phrase, trop apeurée par l'attitude hostile de son époux. Je n'ai vraiment pas envie d'être là. Je veux me retourner et ne pas regarder la scène mais je n'y parviens pas.
Le prince laisse tomber bruyamment sa canne sur les dalles froides et s'avancent vers sa femme d'une démarche féline. Elle recule jusqu'à rencontrer le mur de la chambre. Sa poitrine se soulève trop rapidement : elle a l'apparence d'une biche traquée, prête à se faire dévorer par le fauve en colère.
Qu'est-ce que je fais ? Je ne vais tout de même pas intervenir ! Je finirais embroché sur une épée.
Falarön empoigne la chevelure rouge de sa femme et la tire brutalement vers lui de manière à murmurer quelques mots inaudibles pour moi.
- Falarön, murmure-t-elle, je t'en supplie...
Je crois que Sylvia est près de la crise cardiaque : elle n'ose pas regarder le prince dans les yeux. Je ne reconnais plus la femme qui parlait si sûrement durant le banquet d'hier. Il n'y a plus qu'une pauvre créature affolée qui ne sait que trop ce qui l'attend.
Le fils d'Elaglar la saisit au cou et la couche violement sur le lit. Elle se débat à peine lorsqu'il se couche sur elle :
- Ne m'insulte plus jamais, lui souffle glacialement son mari, moi et ma famille. Recommence et je me ferais un plaisir de jeter le deuil sur les tiens !
Cette fois-ci, je m'arrache de la serrure et me plaque au fond de la soupente, ne voulant voir ce qui suit. Comme Sylvia commence à gémir, je me bouche les oreilles : je suis tro-ma-ti-sé.
Je prie pour que tous les deux déguerpissent de là afin que je puisse m'enfuir et oublier tout ça.
Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression que je vais passer toute la nuit dans ce réduit minable en compagnie de la lingerie.
Au bout d'une heure, je retire mes mains de mes oreilles, ne percevant plus aucun son. Il faut croire qu'ils ont fini leurs ébats malsains. Dehors, les ténèbres ont recouvert les Falaises Sanglantes. Je rassemble mon courage et entrouvre la petite porte, jetant un regard dans la chambre : personne.
Je m'avance à pas de loup avant de sursauter : Sylvia est assise au coin du lit. Mais elle ne me voit pas, les yeux embués par l'alcool. Sa robe déchirée pend lamentablement à côté d'elle. Je crois qu'elle saigne à l'épaule. Je décide de m'arracher à ce triste tableau et me rends au salon où le prince contemple silencieusement les flammes, assis dans son fauteuil. Lui non plus ne me voit pas. Peut-être est-il plongé dans les regrets ou peut-être fomente-t-il de nouveaux complots ? Je ne le saurai jamais.
Je me faufile habilement vers la porte et m'éclipse sans le moindre bruit. Quand j'atteints le couloir principal, je me surprends à courir, décidé à rejoindre Morgal.
En y repensant, si j'ai été choqué sur le coup, la scène qui vient de se produire ne me fait plus le moindre effet. Serais-je devenu comme eux tous ? Un homme insensible à la cruauté ? « Tout le monde change après un séjour aux Falaises Sanglantes ». C'était les mots de Lina.
Je crois qu'elle avait raison : j'ai changé. Désormais, le vice et la corruption se sont immiscés dans mon cœur, continuant leur travail acharné... Je suis devenu le gnome de Morgal.
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