Partie 57

— Aïe !

Je me réveille en sursaut, les membres tremblant sous la douleur.

— Püpe ! Tu peux me dire ce que tu fais ?!

— Quoi ? Tu n'avais pas remarqué tous les petits bouts de verres logés dans ta peau ?

Ah ! J'ai horreur quand les femmes veulent se montrer intéressantes par une quelconque utilité inutile !

— Merci. Je peux me débrouiller tout seul.

— Tu es tout plein de sang, mon chou. Pourquoi cet accoutrement de bouffon ? Enfin, hum... Il n'en reste plus grand-chose.

— J'étais en mission, hier...

Elle hoche la tête et profite du silence pour me retirer un gros bout de verre de la fesse. Je serre les dents, en essayant de garder ce qui me reste de dignité.

— Au fait, continue-t-elle en resserrant un bandage sur une vilaine plaie, j'ai entendu que Morgal partait aujourd'hui...

Forcément : il a réussi à se débarrasser de la punition divine.

— Tu comptes le suivre ?

Je fronce les sourcils devant l'air sévère de la gnome : les choses sérieuses commencent.

— Bien sûr. Tu ne veux pas te joindre à moi avec Mya ?

Je lui envoie un regard implorant.

— Non ! Ce n'est même pas envisageable ! Je te rappelle que ma mère est morte par sa faute !

— Mais je ne peux le quitter ! Toi par contre... Allez, s'il te plait, viens avec moi, tu ne le regretteras pas. Juré !

Elle sourit devant mon insistance. À vrai dire, je ne me vois pas repartir sans elle. Car j'ai la sérieuse impression que je ne remettrai pas de sitôt les pieds en Fanyarë.

— Je...

— Püpe, ma chérie, pense à notre fille. Ne vaut-il pas mieux que nous soyons tous les trois réunis ?

Elle baisse les yeux, les mains agrippées nerveusement à sa petite jupe évasée.

— Sache, Binou, que je tiens énormément à toi. Mais toi et moi, je doute que l'on s'élève mutuellement. Et ça c'est décisif pour Mya : nous sommes deux timbrés dans un monde aussi absurde que notre existence. Le mieux serait que l'on se sépare.

— Quoi ! Tu ne vas pas recommencer ! J'ai déjà vécu la même scène quinze ans plus tôt !

— Tant que tu seras soumis à l'elfe, je refuse que tu restes auprès de nous.

— Mais... Je n'y peux rien, moi !

— Je sais. C'est injuste mais c'est ainsi. Il en va de notre sécurité.

Elle se rapproche de moi, comme pour panser ma déception. Je sais qu'elle a raison. Mais je ne parviens à me résigner ni même à retenir quelques larmes intempestives. Pourquoi le destin doit toujours se jouer de moi ? J'en ai assez de me faire menez par le bout du nez, victimisé comme un pauvre raté.

Il est temps de se reprendre en main et d'affronter sa destinée : ma décision est prise.

— Püpe. Regarde-moi. Nous allons tous les trois rentrer au pays. C'est là-bas qu'est notre place, pas dans cette ville, tels des bannis. Certes, c'est l'esclavage qui nous attend en Calca. Mais à quoi sert ta liberté si elle ne t'apporte pas le bonheur ? Ici, tu es forcée d'être une autre personne, soi-disant pour Mya. Mais les gnomes du lavoir m'ont démontré le contraire : ils vous considèrent toujours comme des parias. Alors viens avec moi et ensemble, nous progresserons sur le bon chemin. Je t'en prie, Nalpalyre, viens avec moi.

La gnome entrouvre la bouche pour rétorquer mais aucun argument ne vient. Comme pour enfoncer le clou jusqu'au bout, je me penche vers elle et l'embrasse passionnément. Elle pousse un petit grognement, signe qu'elle n'approuve guère mes méthodes et ma décision mais ne se montrant guère réticente, elle bascule rapidement sous moi.

— Binou, ce n'est pas le moment... Et n'essaie pas de me convaincre par ce genre de moyens !

— Tu es déjà convaincu, de toutes façons, ricané-je.

— Mauvais garçon...

Elle se faufile entre mes bras et tente de descendre du lit. Revenez-là mademoiselle ! J'ai affirmé prendre ma vie en main, y compris votre petit cul. Je la rattrape par la taille et la cloue aux draps malgré tous ses efforts pour échapper à ma poigne. Son chignon se défait dans la lutte et ses longues mèches d'or atterrissent en cascade sur le matelas. Ainsi, elle ressemble à un chaton mal peigné qui sort les griffes. Ses ongles se plantent dans mon dos, finissant d'arracher mes vêtements. À mon tour, je la libère de son corset et c'est à ce moment qu'elle se montre enfin réceptive. Pas trop tôt. Vêtue uniquement de ses bas résillés et de ses escarpins vernis, elle commence à onduler comme une anguille sur les draps pour m'aguicher. Comme quoi les gens ne changent jamais. Je souris en imaginant sa réaction si je décidais de partir maintenant : « En fait, non, pas intéressé ». Je crois que même dans cette tenue elle m'arracherait les bras et les jambes. De toute façon, mon corps a déjà pris sa décision : il s'agit de fêter notre départ ensemble. Mais j'ai bien envie de la faire attendre, histoire qu'elle soit plus ouverte à mes assauts. Ma petite tigresse va enfin payer pour son mémorable accueil d'il y a quelques jours.

Je fixe ses lèvres rouges pour faire abstraction de l'écartement pernicieux de ses jambes et me cale en équilibre sur mes genoux et coudes, au-dessus d'elle. Un sourire sadique fleurit sur mes lèvres lorsqu'elle se rend compte que je ne vais pas plus loin.

Son petit air frustré me fait éclater de rire.

Comme pour se venger, elle m'envoie son genou dans le ventre et me pousse sur le côté. Je l'attrape dans ma chute et l'on roule sur le lit avant de se manger le parquet.

Le souffle court, je la soulève et la ramène sur le matelas et lui plaque les épaules pour lui lécher le cou. Je descends ensuite entre ses seins charnus, déjà assaillis par mes mains. Elle se tord de plaisir lorsque je lui lape les pointes.

— Si tu continues à me faire languir, gémit-elle, je te jure que je te chevaucherais jusqu'à ce que tu meures de plaisir.

Perspective intéressante. Il est maintenant temps de l'honorer en bonne et due forme. Je la pénètre et commence mes va-et-vient, de plus en plus rapides. C'est parti pour quitter la réalité dans ses bras.

Et bien sûr, c'est lorsque la jouissance est à son comble que la réalité doit revenir comme une claque :

— Binou ! résonne la voie d'Arquen derrière la porte, tu fous quoi ?! On doit y aller.

Mais c'est pas possible, à la fin !

— Je suis... occupé, haleté-je.

— Ce n'est pas le moment de culbuter la bonne de chambre ! On s'en va !

Tant pis, ils attendront. Je me reconcentre sur Püpe, qui dans son état, n'a rien entendu.

La porte claque brusquement derrière moi et avant que je n'aie pu me retourner, un sceau d'eau glacé m'arrive en pleine tête. Mais il est malade !

— Voilà de quoi refroidir tes ardeurs ! Allez, prépare tes affaires, on se tire.

Il me soulève par la peau du cou, comme si j'étais un sac et me pose sur le sol. Je commence à claquer des dents alors que Püpe s'emporte dans d'innombrables jurons d'une rare grossièreté. Elle s'en est prise plein, elle aussi.

Voilà ma journée foutue en l'air à cause de cet imbécile. Mais puisqu'on ne peut pas faire des galipettes en toute tranquillité, autant se préparer au voyage. La gnome se rhabille en vitesse et part prévenir notre fille.

De mon côté, je referme mon sac et descends en grommelant vers les carrosses. Je les déteste...

Reste à savoir si Morgal acceptera de ramener ma petite famille. Ah ! Le voilà, justement, accompagnée de sa douce et honnête femme.

— Majesté, appelé-je en dirigeant mes pas vers lui, Püpe et Mya viennent avec moi.

— Garde ta marmaille à l'écart, crache Selnar.

— Pas étonnant que le prince ne veuille pas d'enfants avec vous : vous n'avez rien d'une figure maternelle.

Morgal ricane devant ma répartie mais s'abstient de continuer devant le regard assassin de son épouse.

— Laisse-le, ma chérie, murmure-t-il à son oreille, les gnomes n'ont pas à nous préoccuper.

— C'est vrai. C'est son problème, après tout !

Merci Momo !

Je trottine vers les deux gnomes et leur annonce que tout est en ordre. Si Mya se montre curieuse, je sens les appréhensions monter dans le cœur de ma tigresse.

Je lui souris pour la rassurer et les guide vers notre charrette.

Le voyage vers la maison peut commencer !


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