Partie 38

Le sol se rapproche inexorablement de moi, promettant un impact des plus violents. Je vais mouriiiiir.

Je ferme les yeux, comme si cela pouvait m'épargner la douleur de mes os fracturés. Ma vie défile alors que je tombe.

Et puis, un dragon m'intercepte en plein vol. Immédiatement, mon cœur bondit à mes lèvres et tous les repas que j'avais avalé manquent de s'enfuir.

Finalement, le dragon reprend de l'altitude et se pose sur une terrasse de pierres froides. Ce n'est pas dommage : ses serres me cisaillaient le ventre.

Macar, le frère de Morgal, quitte sa monture alors que le dragon de sa femme, Isil, se pose à son tour. Trop aimable, de m'avoir sauvé.

— Rejoignons Morgal, lance-t-elle, il doit savoir.

Macar acquiesce d'un signe de tête, et regagne le bureau du prince en me tirant par le bras. Eh doucement ! Je ne suis plus un gosse !

En chemin nous croisons Lagordus, cela me rappelle le complot. Encore une affaire à élucider. Tout dépendra de la réponse du prince au sujet de Tronche Parfaite.

Et puis les portes s'ouvrent sur Morgal, assis à son bureau. Notre petit cachotier semble ne pas bien se porter ! Une crise, peut-être...

— Mon dragon l'a rattrapé alors qu'il tombait de la citadelle, renseigne Macar à mon égard, c'est ton gnome, non ?

Morgal fronce les sourcils, se demandant sûrement ce qu'il s'est passé. Sur son bureau, un plateau bien garni et fumant attend.

Mes aïeux ! J'ai trop faim !

— Oui... Comment se déroulent les entraînements avec les dragons ?

— Cela dépend, assure le grand frère, certains se démarquent plus que d'autres. Narlera se distingue particulièrement du groupe.

Morgal sourit en pensant à la réussite de sa pupille.

— Tu oublies de dire ce que nous avons vu sur la crête, intervient Isil.

— En effet, nous avons croisé un groupe d'hommes, peut-être des astres... Nous n'avons pu les identifier à cause de leur magie ; ils ont brouillé leur aura.

Ah ! Les futurs assassins de Momo envoyés par Luinil ?

— Bien, j'enverrai des soldats, conclut Morgal, vous pouvez me laisser.

Macar et Isil prennent congé et je leur emboîte le pas.

— Reste-là, toi.

Je souris : c'était exactement ce que j'attendais. Je m'arrête et me retourne face au prince.

— Ah quoi jouais-tu ? demande-t-il en saisissant les poignées du plateau, je t'ai demandé d'accompagner Féathor pas de te suicider. Tu te prends pour un pigeon ? Tu en es déjà un d'ailleurs...

Je commence à rire : ah, c'est comme cela que s'appelle Tronche Parfaite. Féathor... Je tire une chaise et m'accoude au bureau. J'ai si faim que je me sers effrontément dans les plats de mon maître. C'est pas dégueulasse...

— C'est que j'ai appris des choses... insinué-je en plissant des yeux.

— Comme toujours, soupire-t-il, ça ne te lasse pas de colporter tous les potins ?

— Non, ça m'occupe.

— Je peux te donner des occupations bien plus intelligentes.

Il part dans un fou rire : tu ne riras pas longtemps, crétin !

— Vous savez ce que j'ai appris ?

— Mais je ne tiens pas à le savoir, stupide gnome.

Oh que si.

— Le soldat Féathor ; vous saviez que c'était votre fils ?

Morgal s'arrête de mâcher. Il pose sa fourchette et me regarde les sourcils froncés. Il n'a pas l'air surpris.

— C'est lui qui te l'a dit ?

— Non, je l'ai deviné tout seul. Il est parti dans une colère noire lorsque j'ai parlé de la ressemblance troublante avec vous.

— Ah. C'est tout ?

Comment ça c'est tout ?! Tu apprends que tu as merdé avec une astre et c'est la seule phrase qui te vient à l'esprit ? J'ignore s'il me croit réellement... ou alors, il était déjà au courant. Peut-être depuis peu d'ailleurs. Je repense à la nuit où il a pété les plombs. En tout cas son fils ignore probablement que Morgal est au courant de sa paternité : Féathor voulait garder cette information pour lui seul.

— Vous imaginez les conséquences d'une telle nouvelle à la cour, continué-je en examinant mes ongles, votre père sera surpris d'apprendre que son fils se moque éperdument des normes et bafoue ainsi son héritage. Mais voyez-vous... nous pourrions, vous et moi, nous arranger, pour que cette malencontreuse histoire reste sous silence, mmh ?

Morgal demeure quelques instants silencieux et s'adosse confortablement dans son fauteuil. Son visage a soudain pris un air de faux sérieux :

— Binou, tu ne trouves pas que mon déjeuner manque « tragiquement » de viande ?

Son regard de psychopathe se pose sur moi. Il entrouvre sa bouche et se penche vers moi : jamais ses canines m'ont paru aussi longues. Mon sang se glace : je ne me suis même pas rendu compte que mes ongles ont entaillé le bois de la table :

— Majesté, balbutié-je mes oreilles plaquées en arrière, vous imaginez bien que...

— Oh que oui, Binou, tu ne répéteras rien. Ou alors tu finis dans mon assiette ! Ou dans les cachots.

— Pas vos cachots !

— Déguerpis maintenant et tiens ta langue !

Je m'éclipse sans attendre. Quelle poisse ! Il est impossible de faire chanter mon maître. C'est son terrain de jeu, pas le mien. Je dois tout de même trouver le moyen de revoir Püpe et ma fille !

Je dois trouver une solution !

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