Partie 30

Mon chef contemple les embruns se fracasser contre la proue du navire. Ses cheveux dansent inlassablement au vent, reflétant la morosité qui l'habite.

Depuis notre départ de chez les astres, il est ainsi. Au moins, les deux races ont réussi à s'allier. Un point positif...

Je rejoins l'hybride et lui tends une gamelle de cassoulet.

— Ça va refroidir !

— Mmhph.

Quoi ! C'est pas la peine de tirer cette tête parce que tu n'as pas réussi à tirer ton coup !

— Binou, arrête de me regarder comme ça...

Sa voix est aussi tonique que le corps d'une limace.

— Pourquoi vous plaindre ? Vous saviez comment réagirait la reine.

— Comment ça ?

— Quelle refuserait...

— Tu nous as vus ?!

Je recule précipitamment devant son visage marqué par la fureur. Quoi ? Tu t'es pris un râteau mais venant de la Reine Vierge, cela ne pouvait se dérouler autrement.

Arquen se relève et s'approche hostilement de moi. Face à cette montagne de muscles, mes membres se roidissent et je lâche l'échelle qui s'éclate sur le pont.

— Tu sais ce qu'elle m'a ordonné ?

— Oui, chef. De jouer l'agent double.

Il se pince les lèvres et après avoir jeté un regard aux alentours, ajoute :

— Dommage, je t'aimais bien, Binou...

Il dégaine une dague et la pointe sous mon menton. Je déglutis :

— Si vous me tuez, Morgal se posera des questions et fouillera votre mémoire pour découvrir la vérité. Embêtant, n'est-ce pas ?

Il renifle l'air salé comme pour trouver une solution à sa situation précaire.

De mon côté, je jubile : j'adore le voir ainsi, totalement dépendant de ma volonté. On va gentiment recourir au chantage, haha.

— Voyez-vous, commencé-je avec une voix teintée de sarcasmes, il se trouve qu'une amie à moi croupit dans une détestable prison infestée d'esprits...

— Je ne peux sortir Püpe des cachots ; seul Morgal en a le pouvoir.

— Alors c'est embêtant. Vous accumulez les accusations, chef.

— Pardon ?

— Oh, vous savez, je doute que notre maître apprécie le fait que vous avez tenté de le trahir. Mais en plus de cela, vous essayez de coucher avec la reine, ce qui est éthiquement douteux. Je n'aborderai pas non plus le fait que vous avez des visées sur lui. Heureusement pour vous qu'il ne se souvient pas de cette désastreuse soirée...

Arquen serre les poings et se retient de me balancer par-dessus bord. Il est piégé. JE l'ai piégé.

— J'essaierai de la délivrer, ta blonde. Mais je peux t'assurer qu'à la moindre divulgation, je te donne en pâture à mon dragon.

— Vous pouvez compter sur moi, chef.

— File. Je tiens à rester seule.

— Pour simple conseil, vous allez devoir choisir entre Morgal et Luinil. Ils sont peut-être similaires de caractère mais physiquement vous risquez de trouver quelques différences...

— BINOU ! ARRÊTE DE PARLER OU TU VAS ME RENDRE FOU ! J'EN PEUX PLUS DE TOI ET DE TES COMMENTAIRES INUTILES !

Il m'attrape et me secoue comme un prunier tout en déblatérant ses paroles si aimables.

Enfin, il me lâche. Je m'écrase sur le pont alors qu'il part s'enfermer dans sa cabine.

Super... Je me relève, m'accoude à la balustrade et contemple le soleil se coucher. Je souris : Püpe va être libérée ! Malheureusement, je doute que les choses redeviennent comme avant.

Qu'importe, elle sera vivante. Je ferme les paupières, laissant les derniers rayons réchauffer ma peau mate. Je me sens étrangement bien, comme si tous ces déboires participaient à mon bonheur... En fin de compte, je ne suis qu'une pourriture de plus dans ce milieu de vices. Un jour ou l'autre, des choix se présenteront à moi et malheureusement, je sais déjà quel chemin j'emprunterai.

Lorsque je rouvre les yeux, une étrange lumière apparaît dans le ciel, telle une étoile lointaine. Je fronce les sourcils : cet astre se déplace. Une trainée ocre la suit. Cette vision me laisse pantois pendant de longues secondes avant que je réalise. Mon sang ne fait qu'un tour : une météorite !

Je me précipite dans la cabine de mon chef et le trouve scrutant aussi l'astéroïde par son hublot.

— Chef... Qu'est-ce que c'est ?

— Un phénomène qui n'a rien de naturel, si tu veux mon avis...

Il a l'air grave mais absolument pas paniqué. Mais comment fait-il, cette grosse guimauve !? Il se fout de savoir qu'une partie de la stratosphère va s'abattre sur le coin de sa face ?

— Mais, protesté-je en gesticulant, nous allons tous mourir !

Il soupire :

— D'une manière ou d'une autre. Mais ces météorites ne s'abattront pas sur la Dimension avant plusieurs années.

— Ah... et comment en êtes-vous si sûre ?

— Parce que c'est un phénomène divin, Binou. Ce cataclysme est mûrement prémédité.

— Mais...

— Mon père m'a déjà parlé de cette solution.

— Votre père ? Qui est-ce ?

— Un membre du Conseil Divin.

Je hoche la tête : j'ignorais qu'il avait croisé son paternel durant sa vie. Je poserai quelques questions au psychopathe pour en savoir plus.

Quoiqu'il en soit, cet événement n'augure rien de bon.

En attendant, il nous faut rentrer aux Falaises Sanglantes.

Je n'imagine même pas ce qui m'attend...

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