partie 11
C'est bon : tous les invités attendus sont désormais présents. Dans les cuisines et les couloirs adjacents, c'est le chaos général : ces stupides elfes nous donnent une pression d'enfer !
En plus, comme ils n'ont strictement rien à faire de leur vie misérable, ils ont décidé d'organiser un bal. Un bal ! Alors que la dimension s'entre déchire, ils choisissent de danser ! Où est la logique ?
D'ailleurs mon maître ne semble pas plus enthousiasmé que moi. Penché sur son bureau, il continue de déchiffrer des parchemins illisibles.
— Vous faites quoi ?
— Binou, gronde-t-il, cela faisait exactement trente secondes que tu n'avais pas ouvert la bouche !
— C'est plus fort que moi, Majesté. Vous ne trouvez pas que le palais est un peu trop calme ?
Il roule des yeux en soupirant. Il aurait préféré que je me taise.
— Ça ne va pas durer, Binou. Mais je profite de cette paix pour m'absenter quelques heures des Falaises Sanglantes : une connaissance à rencontrer.
— Dîtes plutôt que vous voulez échapper au bal.
— C'est pas faux, admet-il en rangeant sa paperasse dans un coffre blindé, si je me suis fait des ennemis dans la noblesse, je possède des appuis légèrement trop étouffants chez les courtisanes...
Il doit avoir une ribambelle de fiancées, celui-là ! Mais après tout, il est connu que les femmes sont le chemin le plus direct vers le pouvoir.
Il se lève, renfile son long manteau de cuir noir et sort du salon. Avant de disparaitre, il me fait signe de le suivre. J'obtempère et descends derrière lui les vastes escaliers de marbre. C'est amusant de voir toute la cour s'écarter à son passage : je pense que tous le craignent. Pas étonnant ! Monsieur n'hésite pas à empaler ses ennemis ! Et puis son apparence lui donne un peu l'air d'un sorcier. Apparemment, il excite quand même les femmes avec cette dégaine. C'est vrai qu'il dégage une aura unique...
À propos d'aura, c'est ce pauvre Leüca qui n'en bénéficie pas. Il converse avec Selnar sous le porche d'entrée. Je regarde immédiatement mon maître : un sourire carnassier s'affiche sur son visage. Mauvais signe pour l'elfe d'Elendor.
Morgal rejoint le couple alors que je reste en retrait. Sans craindre de troubler leur conversation, le prince s'interpose, enroulant son bras autour de la taille de la belle rousse :
— Seigneur Leüca, commence-t-il avec emphase, j'espère que vous avez fait bon voyage.
Mouai, tu espères surtout que la jalousie va lui faire exploser la poitrine. Car il semble en effet fulminer. En plus de cela, Selnar apprécie les caresses de son fiancé, contractant même ses fesses pour inviter la main de mon maître à descendre davantage.
Bon de un, elle n'a aucun respect pour son soupirant. De deux, elle adore le rendre hystérique et de trois, elle convoite plus Morgal que je ne le pensais. Je devrais la tenir à l'œil, cette petite garce.
— C'est toujours un plaisir de se rendre aux Falaises Sanglantes, répond Leüca d'un ton affable.
Morgal lui lance un sourire forcé et s'éloigne après avoir embrassé Selnar dans le cou.
Je le rattrape et me saisissant l'épaule, il ajoute :
— Surveille le seigneur Leüca.
— Le surveiller pour votre fiancée ou pour l'assassinat ?
— L'assassinat, imbécile !
Je me tais, peu désireux de rentrer en conflit avec mon maître.
Il dévale les escaliers de son somptueux palais et saute sur un cheval déjà harnaché, rabattant la capuche sur son visage afin de rester incognito. Sans adresser le moindre regard à la cour qui gravit les marches, il talonne sa monture pour disparaitre au détour d'une avenue.
C'est étrange à dire, mais sans lui je me sens soudain un peu orphelin.
Bref trêve de plaisanteries, je dois me rendre dans les cuisines pour découvrir le nouveau majordome. Parce que, officiellement, Lina s'est noyée dans la mer après avoir tenté de rattraper un torchon qui s'envolait. Quoi ? Cette version n'est pas crédible ? Fallait bien inventer quelque chose !
Assis sur une table, je contemple la foule de mes semblables qui fourmillent de partout. Quelle effervescence ! En plus, sans majordome, il n'y a plus personne pour prendre les directives. Car oui, apparemment, notre nouveau supérieur arrivera dans quelques jours. Ce n'est même pas un gnome d'ici.
Déjà, le soleil se couche à l'horizon et la musique de la fête se répercute jusque dans nos sous-sols. Quelle douce mélodie... Dommage que Morgal soit absent ; il aurait pu rencontrer l'âme sœur. Enfin, je ne pense pas, honnêtement.
Et encore plus honnêtement, je m'ennuie à mourir. Il devrait bien y avoir quelques tours à jouer ce soir non ? Je saute de la table et prévient mes amis que je me retire. Je remonte donc vers les grands salons fastueux. La musique des orchestres bat son plein, transformant le palais en conte merveilleux, empreint de mystères.
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