Partie 10

Je suis content que Clark ait sympathisé avec Maril et Tampë. Ils conversent joyeusement à une table pendant la pause du midi. Je les rejoins mais pour ma part, j'ai les pensées ailleurs : assassinat, démons, manipulation...

— Binou ?

Je tourne la tête vers Tampë :

— Oui ?

— Tu es absent ? On se demandait comment on allait continuer ainsi, aussi serrés les uns contre les autres.

— C'est à cause du Solstice, assure Clark en bourrant sa pipe, les gnomes des aristocrates doivent bien être logés quelque part.

— En attendant, soupire Maril, c'est un véritable chaos dans les cuisines et les chambres : Lina pense sérieusement à aménager le reste des combles.

— Ce n'est pas une bête idée, ajouté-je, ça nous ferait de la place. Et puis je ne tiens pas vraiment à croiser Borël dans les couloirs après ce qu'il s'est passé l'autre jour.

— Mais... rétorque Tampë, les combles sont totalement hantés... Le dernier gnome à s'y être aventuré est ressorti fou.

Je hausse les épaules :

— Tout le palais est hanté ! Je ne vois pas ce que ça changerait.

— Et les caves ? demande Tampë.

— C'est pire.

Je me tourne vers Clark qui semble totalement absent, parti dans ses plus lointaines pensées, la pipe en main. Je connais bien cette attitude. Nom d'une fiente de dragon ! De qui s'est-il entiché cette fois ci ? Ce gros lourdaud à un vrai cœur d'artichaut. Il remarque l'attention soudaine que je lui porte et décide de se pencher vers moi :

— Binou, chuchote-t-il, tu pourrais faire quelque chose pour moi ?




Et voilà ! Non seulement je vais devoir empêcher un régicide mais en plus, je suis chargé de parler à Püpe en faveur de Clark. Je ne lui ai pas avoué qu'il serait indubitablement déçu comme Arquen avec Luinil. Mais Clark est mon ami et est d'une nature très sensible. Si je m'y prends trop franchement avec lui, il risque de déprimer et prendre encore cinq kilos ; ce n'est pas bon du tout pour sa santé.

Bref, trouvons notre servante et tâchons de lui louer les vertus du séduisant gros plein de soupe.

Ah ! La voilà ! Elle soutient une pile de linge sur ses petits bras et s'engage d'un bon pas dans le couloir qui donne sur les appartements des invités. Qu'est-ce que je fais, je la rattrape ?
Je vais la prendre en filature ! Ça va être terriblement amusant !

Elle disparait par une porte dérobée. Après quelques secondes d'attente, je l'entrouvre et m'avance lentement vers elle.

— Binou ! s'exclame-t-elle en m'apercevant, tu m'as fait peur...

Je croise les mains dans le dos et effectue une courbette en lui souriant :

— Madame.

— Dis, sérieusement, tu me suivais, petit coquin ?

Je lui renvoie mon plus beau sourire. Autour de nous, la buanderie empeste le savon et des piles de draps s'accumulent jusqu'au plafond. L'endroit est étroit, un peu trop confiné à mon goût.

— En fait, commencé je, je suis venu te trouver...

— Peu importe ce que tu es venu faire, me coupe-t-elle d'un geste, tu n'en as pas envie. Ça se lit sur ton visage.

Ah zut à la fin ! Suis-je à ce point prévisible ? C'est vrai que me transformer en pigeon voyageur pour jouer les entremetteuses ça me plaît moyen. Je décide donc d'abandonner la requête du pauvre Clark.

— Ça te dis de m'accompagner jusqu'à l'aile Est ? me propose-t-elle, j'aurais besoin d'aide.

— C'est que... Lina risque de littéralement me faire bouillir si je désobéis.

— Allons... toi et moi on n'est pas du genre à se plier aux ordres, n'est-ce pas ?

Elle s'approche dangereusement de moi après avoir posé sa pile. Je déglutis : serait-ce une accusation qu'elle me porte ? Après tout, elle est bien là seule à connaître ma rébellion contre le système. Autrement dit, un mot de sa part à Lina et je suis cuit. Ou bouilli pour rejoindre le thème de Visève.

— Toi et moi continue-t-elle encore plus proche, on est pareil... deux gnomes ayant survécu à un lavage de cerveau général.

Elle saisit mon col et sans que je n'aie pu effectuer le moindre geste, elle m'embrasse langoureusement.
Je suis incapable de bouger, mais par un pur hasard, je me surprends à encercler sa taille. Elle me plaque contre les étagères de linge et continue à coller ses lèvres aux miennes.

Par tous les dieux les plus inutiles ! Je ne sais pas quel métier elle exerçait sur l'Île des Sirènes, mais elle s'y prend drôlement bien en matière de roulage de pelle.

Je crois que je déraille complètement. Mes sens forment une cacophonie sans nom et ma raison est partie en vacances pour laisser essentiellement mes instincts les plus primitifs.

Bon, on va pas se mentir, puisque je n'ai rien d'autre à faire, pourquoi ne pas se farcir la bonne de chambre ? Après tout, c'est elle qui insiste en se collant comme ça à moi. Je la saisis donc par les cuisses mais comme elle est plus lourde que je le pensais, j'opte pour le sol. En plus y a des draps étendus, alors c'est d'autant plus confortable. Püpe a déjà ouvert mon pantalon et se mord la lèvre inférieure en écartant volontairement les jambes. Mes mains atterrissent de chaque côté de sa tête et j'ai trop chaud. Mon cœur s'emballe à toute allure alors que la servante allongée sous moi plante ses ongles dans mes épaules.

Frénétiquement, j'ouvre son si joli corsage soudain devenu trop chaste à mon goût et parsème sa peau de baisers torrides. Sa poitrine est un plaisir pour le regard et le toucher. Elle gémit lorsque je lui prends les seins et se tortille sous moi. Je crois que je suis en train de faire une grosse connerie mais tant pis. Je descends toujours plus, relève sa courte jupe et saisit sa culotte par les dents. J'ai bien envie de lui lécher sa...

Je me fige. Dans l'embrasure de la porte, la Sérénissime Dame Lina me regarde avec un air... Comment dire ? Choqué ? En termes de position crédible, j'aurais pu trouver mieux : on dirait que je mâche la culotte de Püpe comme une vache. Cette dernière se redresse vivement et contemple l'incarnation parfaite entre la colère et le dégoût.

Je crois que le palais va résonner des hurlements de Lina.

— BINARVIVOX ! PÜPE ! VOUS ÊTES RENVOYÉS BANDE DE PETITS PERVERS DÉGÉNÉRÉS !

Une politesse sans nom... Je me lève maladroitement en remontant mon pantalon alors que Püpe se rafistole à peine de son côté. J'affronte malgré moi le regard incendier de ma supérieure.

En fait, elle ne se maîtrise plus du tout ; vous comprenez, trahir ainsi le Règlement Suprême... Elle saisit brusquement une barre de fer qui trainait et s'élance sur nous.

Fuyons ! Moi et Püpe esquivons cette arme improvisée et sortons de la buanderie pour courir dans les couloirs. Nous bifurquons sur une porte, grosse Dame Lina sur les talons, et débouchons dans des appartements privés qui donnent sur la mer. Aussitôt, nous sommes coincés. Heureusement, les elfes présents seront peut-être capables d'arrêter la furie au mono sourcil. Mais je pense qu'ils sont plus choqués par l'accoutrement de la servante qu'autre chose : elle est totalement débraillée et on voit une partie de ses nichons. Mon regard se recentre immédiatement vers la petite porte d'où surgit le monstre. Elle se précipite sur moi mais c'était sans compter les jouets qui parsemaient le tapis. Ah oui, on doit être dans les appartements d'Arlin.
Prise dans son élan et glissant sur un petit cheval à roulettes, Lina est propulsée vers la fenêtre qu'elle brise violemment et traverse.

Un long cri retentit jusqu'à s'éteindre dans le lointain. Avec Püpe nous nous précipitons à la fenêtre et contemplons simplement une petite écume différente, en bas de la falaise.

Très bien ! Qu'elle aille nourrir les poissons.

Derrière nous, les elfes reprennent leurs activités, ne se souciant plus de l'apparition d'êtres aussi insignifiants. Seuls les pleurs d'un mioche viennent rappeler l'authenticité de la scène. Bah oui pauvre gosse, son jouet est tout cassé.

Je regagne donc les couloirs gnomiques suivi de Püpe. Je suis extrêmement frustré, à vrai dire : j'allais vraiment m'amuser pour une fois. Püpe a d'ailleurs l'air de partager mon ressentiment car elle grogne dans son coin. T'en fais pas ma belle, ce n'est que partie remise !

Je m'éloigne d'elle et rejoins mes amis. Clark me regarde avec des yeux pleins d'espoir :

— Alors ?

— Heu... Je pense que tu devrais lui parler... ça serait plus simple.

Et surtout, pas un mot sur la mort de Lina ni sur le fait que j'ai failli m'envoyer en l'air avec sa douce dulcinée !

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