43 - Fiesta et...


La fête bat son plein et pourtant, je ne parviens pas à m'immerger dans cette joyeuse ambiance. Certains détails me gênent et m'en empêchent. Lesquels ? Attendez, vous allez vite comprendre.

Nous arrivons en début d'après-midi pour la mise en place et la déco. Avec ce temps chaud, la petite fête pourra se dérouler dans le jardin et promet une soirée aussi douce qu'agréable. Enzo se retrouve neutralisé avec une liste de courses très imaginative. Nous avons pris soins avec Sir Chat de compliquer la chose. Notre Socquette de courses (au pluriel, tout à fait normal, il s'agit de vaquer à des achats de très hautes importances) va devoir faire le tour de la ville pour répondre aux exigences de Sasha dont l'inventivité n'a d'égale que l'exigence et la gourmandise...

Quelques exemples du léger sadisme inhérent à tout chat qui se respecte : l'introuvable Sorbet aux kiwis, là même pour de la glace, cela va être très chaud à dégoter. Ou bien les macarons du meilleur pâtissier du centre-ville, toujours sur commande et trois semaines à l'avance... Enzo a du charme mais pas sûr que cela suffise. Et non ces délicieuses petites choses ne sont pas destinées aux bougies d'anniversaire, un beau gros gâteau accueillera la tripotée de petites flammes.

Et puis comme si tout cela ne suffisait, un élément de déco indispensable : des lanternes japonaises, des véritables et pourquoi "japonaises"... parce que fournies dans une seule boutique, située à l'autre bout de l'agglomération et toujours blindée de monde... Entre toutes ces exigences volontiers fantaisistes et l'obligation de se trouver à 16h27 très précis à la gare pour récupérer les amis Toulousains qui débarquent avec armes et bagages, la Chaussette ne sera pas dans nos jambes ou plutôt à nos pieds. Un comble !

En réalité la date anniversaire d'Enzo est le 7 Juin, mais entre le bac et l'hospitalisation de Sasha, la petite fête a été décalée au mois d'Août, histoire que tout le monde en profite. Dès son arrivée, notre petite troupe a travaillé d'arrache-pied, tout à fait normal en l'honneur d'une chaussette, dans les rires et la bonne humeur sous l'oeil curieux de l'aigle américain qui observait nos agissements mais sans intervenir. Je parie que cela l'a démangé à maintes reprises. Anne, la maman est de garde ce qui explique la présence de ce Superman, sans collants, ni cape...

Adi, sur les épaules de Rem, a accroché les ballons et guirlandes. Sasha, lui, a vertement refusé de grimper sur les miennes... j'ai songé qu'il souffrait de vertige mais non, pas du tout, il m'a préféré l'escabeau ! Bonjour la concurrence... Mon air boudeur ne l'a pas fait fléchir. Craignait-il que je ne supporte pas son poids ? La confiance règne ! Bouclettes sauvages, pas en reste, m'a narguée de manière éhontée. Au prochain entraînement, je sèmerai des feuilles de salade sur le Tatami, parole d'Asperge ! Samuel m'a consolé avec un très sensible :

- Enfin Agathe, sois réaliste ! Le Chat est un garçon, tu crois vraiment qu'il allait accepter que tu le portes ?

Je ronchonne :

- Et alors, l'égalité des sexes, moi j'applique !

Son fou rire communicatif a déridé le Chat, incapable de garder son sérieux ou une once de rancune. Un bisou très câlin m'a ravigotée avec une promesse chuchotée en douce :

- Un jour, c'est moi qui te porterai sur mes épaules !

Divine perspective... qui a évité que je ne fasse un gros caprice, en bonne Asperge contrariée, pas avariée cependant.

Les tables installées dans le jardin accueillent un buffet maison : des salades variées, des toasts aguicheurs et pour tous les goûts, des boissons non alcoolisées, règle absolue de la maison ... et toutes sortes de gourmandises salées, sucrées, gazeuses. De quoi désaltérer et nourrir une bande d'ados vite affamés et assoiffés. En clair une troupe d'ogres et de boit-sans-soif ! Samuel prend en charge l'installation de la sono et surtout prépare la projection du PowerPoint sur le drap blanc tendu entre les deux fenêtres de l'étage. Un grand moment en perspective...

Le bulldozer, nous laisse agir à notre guise, amusé parfois par notre manque d'organisation et nos palabres sans fin sur des détails très secondaires. Ainsi le buffet migre dans tous les coins avant de trouver sa place définitive. À un moment, je vois le papa-observateur discuter bras croisés sur sa large poitrine, avec Rem, le plus adulte d'entre nous, et leurs sourires à tous deux me redonne une envie féroce d'éplucher de la salade...

Les invités Toulousains débarquent avec cet accent chantant plein de soleil, deux garçons et deux filles, des amis d'enfance d'Enzo avec qui il a partagé les bancs de l'école. Tanguy depuis la maternelle, Clément, Anaïs et Clothilde ensuite. Des inséparables que le départ d'Enzo sous le ciel du nord a beaucoup chagriné. Il amputait leur groupe d'un membre de ce club des cinq nouvelle version. Qu'à cela ne tienne, toutes les occasions sont bonnes pour se retrouver ! Et la bande des quatre adore Sasha. Il a droit à une accolade affectueuse de Tanguy et Clément.

Les filles, toujours plus démonstratives, lui sautent au cou, le serrent dans leurs bras, l'embrassent, le cernent, l'accaparent... et m'agacent, m'énervent, me nucléarisent. Décodage : mon état d'asperge est en passe de se transformer en un dangereux champignon atomique. Mon humeur s'en ressent... Les fameux petits détails cités en introduction. Très forte tentation de trouver des formules cabalistiques pour me faire pousser des quenottes de type "tigre à dents de sabre" et des griffes de raptor ! Oui la grosse bébête qui chasse en trio et éventre ces proies, pas très ragoûtant... Et Sir Chat, ravi, répond aux sollicitations en chaton charmeur et souriant. Gare à lui si je l'attrape, enfin quand ces envahisseuses le libéreront. Et je ne compte plus les :

- Purée Sasha, t'as poussé, t'as presque rattrapé Enzo...

- Wouah, t'es trop mignon...

- Et ta peau est toujours aussi douce !

Comment ça « toujours » ? Là c'était Anaïs pendu au cou de « mon Sasha » lequel a passé un bras autour de sa taille. Autour de sa taille ! L'envie de passer là zone à l'éradicateur de jolies toulousaines me démangent tout à coup. La voix moqueuse du Dragon Tatoué perturbent mes instincts de tueuse.

- Agathe rassure-moi ! Tes yeux sont normaux ? Pas de super pouvoir ? Pas de « flèche de la mort qui tue » quand tu fixes les gens, susurre Samuel hilare.

- Non mais file moi ton Dragon que je la décolle de mon Sasha cette petite allumeuse !

Il éclate de rire. Sasha se retourne et hausse un sourcil interrogateur. Et Samuel, l'horrible faux-frère de plage, traitre à la confrérie des Asperges irradiées, articule en mode off « Agathe est super jalouse ». Trop tard pour masquer la révélation et à son tour, le Chat explose de rire avec un clin d'œil. Si j'avais un camion de pompier, à moi la grande lance à eau pour les décoller !

- Samuel,

- Agathe ?

- Je te laisse en vie pour que tu puisses assurer la projection mais après je t'étrangle.

- Merci Agathe ! Ta générosité t'honore !

Comme s'il me craignait et ce sourire jovial qui me défie ! Enfin je préfère le retrouver détendu et souriant...

La nuit tombée, les images projetées en grand sur le drap cumulent éclats de rire et applaudissements nourris :

Enzo au bain, boudeur et rancunier, déjà ! Guère de différence avec le format actuel...



Enzo déguisé en éléphant, ça trompe énormément ! Ben quoi c'est pas moi qui suis entré tout seul dans ce déguisement...

Enzo et sa première conquête... et son premier bisou ! Avec un petit sourire très content de lui, déjà !


En route pour l'école, une photo très émouvante, Enzo qui tient Sasha par la main.Craquants !


Chute à Ski, celle-là je l'adore, Enzo les quatre fers en l'air, qui fait l'hélicoptère, enfoui sous la neige.


Enzo gourmet sur sa chaise haute, purée et sauce tomate jusqu'aux sourcils, cuillère en travers de la bouche coincée entre ses petites dents, bavoir maculé, une mine de futur pirate et le comparatif quelques années... et même beaucoup plus tard....

Oups... toujours aussi adroit !


Sous les clichés, les commentaires caustiques ou tendres, amusent, autant que la mine de la star de la soirée qui se mord les lèvres tandis que certains souvenirs remontent. Il rit de bon cœur aussi car les Toulousains en rajoutent et narrent des anecdotes croustillantes pour notre plus grand plaisir. Souvent, ils étaient présents lors des exploits d'Enzo et se délectent de nous en faire le récit très imagé. La musique reprend. Les voisins partis en vacances n'en profiteront pas. Sasha qui s'échappe enfin de l'étreinte de ses amies toulousaines, m'entraîne un peu à l'écart pour un slow tendre.

J'observe que Clothilde convoque Samuel qui se défend sans grande conviction sous le regard limite envieux de Tanguy. Tiens donc... Clément et Anaïs les rejoignent sur la piste herbeuse. Là le choix des lanternes japonaises se justifient, avec une lumière très douce et mouvante qui nimbe l'endroit d'une atmosphère romantique à souhait et j'oublie mes petites contrariétés de début de soirée.

De nouveaux invités arrivent. Des retardataires et, d'emblée, je trouve qu'ils ne se fondent guère dans le décor plutôt bon enfant de cette soirée. Plus âgés, à leurs regards limites dédaigneux, je comprends que la moyenne d'âge n'est pas à leur goût et bientôt ils s'isolent avec Enzo. Bien cavalière la Socquette, d'abandonner sa soirée et ses invités pour ces types débarqués de frais. Tandis qu'avec Rem, un moment plus tard, nous refaisons le plein de boissons fraîches, nous surprenons une conversation des plus instructives dans le salon :

- Tu nous offre une bière Enzo...

- Désolé, pas ici les gars, je vous avais prévenus que c'était juste une soirée tranquille. C'est pour ça que je vous avais dit que si vous veniez vous...

- Ouais, mortel... Quand t'auras renvoyé tous ces gosses au dodo, passe à la maison ! C'est bientôt l'heure de les mettre au lit...

Quelques rires stupides me hérissent. Si notre gentille soirée ne leur convient pas, ils n'avaient pas besoin de faire irruption ! Rem fronce les sourcils. Je questionne très bas :

- C'est qui ces bouffons ?

- Des potes d'Enzo, perso je ne les fréquente pas, pas mon genre.

La réponse se passe de commentaire. Bouclettes sauvages mérite bien son surnom, il ne se mélange pas avec n'importe qui, ce qui est assez flatteur pour notre petit groupe.

- La grande blonde, elle est plutôt pas mal, amène-là...

La voix d'Enzo fuse, glaciale :

- Arrête tes conneries, Greg ! Et ne joue pas au con avec elle. Même moi, je ne fais pas le poids à l'entraînement, Ok ! Je vous rejoindrai plus tard, comme prévu.

- On reste un peu, puis on se tire. Ça te va comme ça ?

Un dernier avertissement d'Enzo m'étonne et surtout la réponse de son pote m'interpelle.

- Pas de vague les gars !

- Te défile pas Enzo !

A quoi joue la Chaussette ? Enfin tant mieux si des types débarrassent le plancher, je ne les sens pas du tout. Mais qu'Enzo fréquente cet échantillon puant me déçoit.


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