42 - Malentendu et Confessions...
Aujourd'hui, le jardin de la maison va servir de QG de crise. Je réunis là mes petits camarades et le Chat.
Ordre du jour : choix du cadeau pour Enzo, préparation des diversions avec les petits présents habituels et humoristiques disséminés dans un énorme carton, préparation du Powerpoint avec les photos les plus drôles prises depuis sa naissance à nos jours et la rédaction d'anecdotes hilarantes recueillies auprès de ses proches et de ses amis. Dans la section "petite histoire croustillante", Rem n'a pas été autorisé à participer... Bref, nous avons du pain sur la planche.
Le Chat s'est chargé des photos, subtilisées dans les archives familiales. Dorade-chauffeur, empressée, l'a récupéré chez lui, chargé des albums de famille et autres dvd de stockage. Voilà qui sent bon le visionnage humoristique, je serai ravie de voir la Chaussette sous les angles les plus divers. Nous avons tous, bien planquées, de vieilles photos que nous préférons ne divulguer à personne. Mais, les soirées d'anniversaire existent avant tout pour dévoiler les portraits les plus attendrissants, les plus ridicules et les situations loufoques !
J'ai réquisitionné Samuel, geek accompli et héro du Powerpoint. Avec ses talents cachés, il devrait nous pondre un montage aux petits oignons, tout en finesse et en humour. Sasha, en parfait faux-frère, a contacté les amis d'Enzo à Toulouse, pour recueillir quelques photos inédites et autres anecdotes. Il ne s'est pas arrêté là, mais a aussi piraté les listes de lecture musicales de la Socquette. Ajouté à tout ça, quelques morceaux choisis et la bande-son promet d'être une véritable tuerie.
Après présentation de mon compère, le regard de Sasha, interrogateur, note les piercings avec intérêt, le visage avenant et le regard franc. Salamandre et Dragon lui plaisent, je le constate et Samuel conquis par sa bouille et sa timidité discute volontiers de la manière dont il prévoit d'organiser le diaporama. Les voilà, au milieu des photos étalées sur la terrasse pour la sélection des heures de gloires et des dérapages d'Enzo. Argumentation, comparaison et fou-rires se succèdent avec Rem qui glisse quelques remarques caustiques dont il a le secret.
Le reste du groupe a accueilli Samuel avec une bonne humeur chaleureuse. Les filles charmées autant par son sourire malicieux que sa mine aimable, et Rem par sa réserve. Je craignais la méfiance du Chat, jaloux de son titre de propriétaire d'une Agathe neigeuse au mieux de sa forme, mais lui et Sam semblent naviguer sur les mêmes ondes.
Passés en cuisine pour préparer des boissons, Samuel, occupé à vider les bacs à glaçon, me confie amusé :
- Sasha est vraiment trop trognon.
Je me rengorge bien que je ne sois pour rien dans l'œuvre en question. Et le voilà qui ajoute :
- Et il t'adore, quoique tu fasses, dès que tu regardes ailleurs, il te dévore des yeux.
Poussée de chaleur au niveau de mes joues. Sortez les extincteurs, alerte au feu ! Ravie du commentaire, je devine le sourire idiot qui étire mes lèvres. Samuel pouffe de rire devant ma tête. Depuis sa confession, il paraît plus détendu et rit volontiers, surtout à mes dépens, bien sûr. Son appétit de retour, avec son sommeil, sa mine s'améliore à la grande satisfaction du Panda-Nounou qui le chouchoute en toute occasion sous le regard amusé de mon père. Samuel se démène pour aider et alléger la charge de travail qu'il estime liée à sa présence. Je le freine souvent, surtout s'il s'intéresse de trop près à la pelouse, ma chasse gardée !
Pas touche à la tondeuse, c'est mon bébé ! Je suis seule autorisée à utiliser l'engin et vérifier sa merveilleuse mécanique. Quoi ? Une fille n'a pas le droit de mettre le nez et les doigts dans le cambouis ? Moi j'adore ça. Rien ne m'amuse plus que d'ouvrir le ventre de cette brouteuse avide, au moteur deux temps qui vrombit autant qu'une F1. Mon présent délire m'autorise une grandiose exagération !
Je m'amuse à démonter et remonter la chose en un temps record, à nettoyer la bougie, à préparer le mélange, en chimiste géniale, pour obtenir un carburant performant. Niveau parfum, rien de fameux, mais quand on aime... D'accord, au début, tout n'a pas fonctionné aussi bien qu'avant démontage. Je manquais de métier, que voulez-vous. Mais depuis, j'ai beaucoup progressé.
Mon père s'inquiète maintenant de me voir lorgner sous le capot de la voiture de Ségo. Je crois qu'il regrette un peu de m'avoir laissé regarder de trop près quand il ouvrait cette boîte de Pandore. A cette époque, mes yeux atteignaient à peine le museau du véhicule, je me dressais sur la pointe des pieds pour mieux voir, ou bien je traînais un vieux seau en guise de marchepied. Je fais les niveaux depuis longtemps et vérifie aussi la pression des pneus avec régularité...
Origine de cette passion : plus jeune, j'adorais démonter les réveils mécaniques, donc ceci, explique cela. L'horlogerie me passionnait, toutes ses petites roues me fascinaient. Il paraît que Louis XVI aussi était féru de ces rouages. Mais quand on sait comment il a fini... Rappelez-vous vos cours d'histoire : un affreux couperet a raccourci sa Majesté sous les cris haineux d'une foule en délire. Triste fin pour un souverain, la rime est gratuite... Cette passion comportait donc des risques à long terme, alors j'ai cessé d'éventrer les réveils pour m'intéresser à plus gros mais plus odorant.
- Eh ! Agathe ! T'es où là ?
La voix rieuse de Samuel me ramène au sol. Il s'amuse de ma soudaine absence. Le voilà qui m'attrape par la taille, me bloque contre la table pour quelques séries de chatouille maison histoire de me réveiller. Je l'attrape par les épaules mais le rire bloque toutes mes tentatives de fuite. Et oui mesdames, messieurs, voici l'arme fatale à employer contre une combattante émérite : les chatouilles ! Incroyable que ce genre de pratique puisse me mettre en déroute, mais là, je prends la pâtée du siècle. Surtout, détail à ne jamais révéler à une certaine salade et sa copine socquette. Notre délire s'achève avec brutalité lorsqu'une petite voix s'élève juste à l'entrée de la cuisine :
- Mais Agathe, qu'est-ce-que vous faites ?
Sasha, livide. J'imagine ce que lui voit : son Asperge Immaculée, pas farouche, dans les bras d'un garçon très séduisant... Il faut bien l'avouer, Samuel rivalise sans difficulté avec Mathias ou Enzo, dans un style très raffiné en plus ! De quoi imaginer le pire dans l'esprit inventif de mon chat préféré. Zut, le voilà qui file, ventre à terre ! J'entends la porte d'entrée qui claque. Misère, encore une catastrophe en préparation et une séance émotion garantie.
- Oh purée ! Il a vraiment cru qu'on..., s'exclame Samuel abasourdi.
- Ben oui, t'imagines le spectacle...
- Ah ! Forcément, il ne sait pas que tu m'inspires autant...
- Qu'un pot de fleur desséché, merci, on sait !
Il se mord les lèvres pour ne pas rire. Le moment ne se prête pas à la franche rigolade et il s'écarte, désolé. Nous échangeons un bref regard et sans même nous concerter, nous voilà lancés à toute vitesse à la poursuite du Chat qui ne peut pas être très loin. Pas pourri le Samuel, il faudra que je le teste à la course d'endurance dès que possible !
Espérons, néanmoins, que mon chat n'aura pas l'idée saugrenue de grimper à un arbre. Vu le nombre de matous du quartier que j'ai dû récupérer dans les hauteurs, parce que ces minets montaient très haut admirer le paysage mais pétochaient pour redescendre. Je ne vous raconte pas les coups de griffe de ces sales bêtes... Le sourire ravi des propriétaires valaient bien que je joue les secouristes. Je pourrais monter une société de récupération en tout genre, avenir assuré style GetBakers* en mieux coiffés... !
Ces pensées, bien débiles, me distraient du choc et surtout du soupçon de la peine infligée à Sasha. Mais pourquoi ne nous a-t-il pas laissé le temps de lui expliquer ? Je m'insurge malgré tout de son manque de confiance. Faut-il qu'il soit bien peu sûr de moi pour filer comme ça. Ou peu sûr de lui, me souffle mon intuition. Comme lui faire comprendre une foi pour toute que... Notre différence d'âge n'aide pas sans doute. Et puis les circonstances prêtaient à confusion, je le reconnais. Cependant, je ne me sentais pas le droit de révéler à Sasha un secret qui ne m'appartient pas, pour qu'il comprenne cette réalité : du côté de Samuel aucun danger, vu qu'il trouverait autant de plaisir à câliner un radiateur !
Nous l'apercevons qui marche, raide comme la justice, tête baissée... Furieux ! Je le devine à sa démarche très mécanique. Il saisit le bruit de notre course effrénée et nous fait face d'un bloc. Aïe ! Son petit visage fermé me retourne l'estomac et je me pique à quelques pas incapable de prononcer un mot. Impossible de nier sa filiation, il me rappelle un certain bulldozer, le regard étincelant, les lèvres serrées mais qui ne perdent pas en charme... Comment puis-je être aussi faible quand il s'agit de lui ? Mystère. Samuel prend l'initiative :
- Attends l'asperge, je m'en occupe.
Il s'approche du Chat qui se dresse sur ses griffes... Vous voyez la chose, le genre matou courroucé qui gronde, les poils dressés sur l'échine, les oreilles couchées et qui crache le feu, enfin presque. D'un autre côté, avec son dragon sur l'avant-bras, Samuel possède de quoi se défendre. Sasha entame les hostilités d'une voix rauque. Je note qu'elle mue depuis quelques semaines...
- Je n'ai rien à te dire, toi !
Pauvre Samuel, il prend la foudre d'office, mais il en faut plus pour le déstabiliser.
- Viens par là camarade, j'ai de petites choses à te raconter, ça devrait t'intéresser. Agathe reste là !
Il attrape le Chat par la peau du cou, euh pardon léger moment d'égarement, par le bras et l'entraîne dans le square où s'égaient quelques gamins accompagnés de leurs mamans. Ils s'installent sur un banc. Samuel entoure les épaules de Sasha pour éviter qu'il ne prenne encore la poudre d'escampette. Pas de "cheminette" la poudre. Oui, je sais, je l'ai déjà faite celle-ci, faudrait que je me renouvelle mais mon cerveau gèle face à la contrariété de ce jeune homme.
Mon vieil ami lui parle avec un petit sourire amusé et soudain, Sasha le fixe, stupéfait. Je suis trop loin pour saisir la discussion mais une légère rougeur colore ses joues. Je comprends ce que Samuel confie au Trésor qui hoche la tête et soudain pouffe de rire. Cet empaffé de Samuel m'aura encore comparée à un frigo ou une machine à laver... La sensation d'être l'objet de leur amusement m'irrite un peu, mais soulagée, je ressens une profonde reconnaissance. Rien n'obligeait Samuel à se révéler ainsi à un garçon tout juste rencontré. Il le fait pour moi.
Puis Sasha prolonge l'aparté, il explique quelque chose à Samuel dont les traits se figent quand le Chat déboutonne sa chemisette et dévoile la cicatrice. Le Trésor n'a pas voulu être en reste, en réponse au secret divulgué, il confie le sien sans manière. Lui qui craignait tant les regards. Entre admiration et émotion, devant tant de spontanéité, une poussière me pique les yeux avec insistance. Une poussière, je maintiens ! Ce sera mon dernier mot !
Les voilà qui se radinent, copains comme cochons désormais ! Sacha passe ses bras autour de ma taille et m'offre un bisou léger mais très tendre. Samuel, ce chameau, se rince l'œil et me gratifie d'un clin d'œil. Difficile de lui garder rancune après une telle intervention. Nous voilà repartis en sens inverse, nous avons encore du boulot, fin de la récréation !
Getbakers : Ban et Ginji, vous avez perdu quelque chose, ils vous le ramènent...
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