11 -Tours de piste (2)
2ème partie
2ème partie
Avec leur atmosphère délétère, les vestiaires de stade ne sont pas des lieux où stationner... Si vous ne vous rappelez pas pourquoi, relisez la partie précédente. Maintenant, voyons ce qui ce passe du côté de la piste d'athlétisme...
Voilà, je suis quasi prête ! Ma tenue de sport enfilée, je resserre mes lacets et je sors. Pour l'école, je conserve un vieux survêtement. Pas le genre qui attire l'attention et qui pourrait laisser deviner que je suis très affûtée. Le fuseau de sport acquis lors de mon dernier shopping, je le garde pour mes activités extra scolaires... Au dehors, j'inspire une grande goulée d'air frais. Sur mes talons, Adi ronchonne.
— Mais qu'est-ce que ça pue ! Pas possible, ils font un concours ! À celui qui laissera l'odeur la plus mortelle.
— T'as jamais défait le sac de mes petits frères, soupire Kali, une putréfaction, à croire qu'ils planquent un rat crevé dedans. Et ces petits monstres font exprès de le laisser traîner sous leur lit, histoire pour qu'on les retrouve le plus tard possible. Avec Maman, on tire au sort pour savoir qui s'y colle... Leur chambre, c'est l'antre de deux démons malodorants !
Flo approuve.
— Pareil avec mon frère, ma mère met un pince-nez quand elle vide son sac. La dernière fois, elle l'a menacé de ne plus y toucher... Je voudrais bien voir sa tête le jour où il sortira ses chaussettes de foot pas lavées...
Je me marre et en rajoute :
— Verte !
— Quoi ses chaussettes ? S'inquiète Flo. Purée, faut que j'en pique une pour regarder ça avec le microscope du labo de biologie. Ça doit grouiller d'horribles virus... Une vraie guerre bactériologique.
Flo a une vraie passion pour les organismes vivants invisibles. Je modère son enthousiasme.
— Non je parlais de la tête de ton frère...
Nous partons dans un grand éclat de rire et reprenons tout juste notre sérieux pour rejoindre le reste des filles qui patientent près des barrières. En sport, nous sommes avec une autre classe.
Mademoiselle Brun... Oui, je sais que maintenant c'est Madame pour tout le monde, mais j'aime bien le "Mademoiselle" ! Donc Mademoiselle Brun a sorti son chronomètre et un sifflet pend autour de son cou. Mauvais signe, d'autant que les starting-blocks sont de l'autre côté, à deux cents mètres. La punition du jour sera « footing » enfin, il paraît que maintenant on dit « running » pour être dans le vent. En dehors des élèves vraiment mordus, la chose ne séduit pas grand monde. Voyons comment « petit Brun de fille » aborde l'exercice.
De l'autre côté du stade, les garçons crachent tripes et poumons dans le désordre. Bizarre, personne ne joue plus les comiques. Il devient vital de conserver son souffle pour ne pas expirer, dans le sens « mortibus » et non évacuer l'air ! Sur le côté de la piste, Monsieur Humbert surveille et vocifère, indifférent aux litres de sueur qui dégoulinent. Ce professeur affiche ses résolutions. Un adepte de la bonne vieille méthode « faire courir jusqu'à épuisement et assurer la tranquillité des cours suivants ! ». Quelle admirable solidarité avec les collègues. Après l'EPS, nos camarades masculins conservent un calme prodigieux et peinent parfois à tenir leur stylo. Je soupçonne que certains parviennent à garder les yeux ouverts alors qu'ils dorment pour récupérer des épreuves imposées par "Sadique Humbert" !
D'ailleurs, grâce à lui, le dernier module « Volley-ball » ne nous a pas passionnés, et pour cause ! Notre précédente enseignante, arrêtée pour cause de bébé en préparation, nous avons intégré le cours de ce « brave » homme et supporté ses méthodes antiques pendant quelques semaines. De quoi vous dégoûter à vie de tout ce qui ressemble à un ballon. Moi qui salivais à l'idée de smasher, de servir... Et bien, comme les autres, je me suis contentée de subir les discours théoriques du Sir Humbert et ses démonstrations... Nos prestations se sont limitées à servir les uns après les autres, faire quelques récupérations, volleyer à deux... Même pas un petit match. La vie est trop injuste !
Intéresser les élèves par la pratique, surtout en sport, n'a pas effleuré les boyaux de sa grosse tête. Je parle de son cerveau. Oui, cette masse rosâtre qui nous sert à penser. Enfin, apparemment, pas chez tout le monde. Par la suite, j'ai supposé qu'il craignait de ne pas pouvoir gérer des groupes mixtes sur plusieurs terrains... C'est très dangereux de mixer des ados. En prime, nous aurions apprécié de jouer ensemble, ce qui l'aurait empêché de dormir ! Sport et plaisir, un truc à lui filer des furoncles. Définition toute personnelle : gros boutons mais du style "volcan prêt à entrer éruption... " pas le simple petit bouton blanc qui gicle sur le miroir. Non là, puissance dix ». Ah ! C'était le petit détail cracra du jour... enfin, si j'oublie les chaussettes du frère de Flo. Là, ça fait deux.
Demoiselle Brun démarre ses explications.
- Très bien ! Celles qui n'ont pas de problème pour courir en endurance, par ici.
Huit élèves se détachent du troupeau amorphe dont quelques spécimens mâchouillent avec toute l'attention alerte d'une vache laitière. Je peux le dénoncer parce que je fais partie de ces « mâchouilleuses » à l'élégance bovine caractéristique. Les disciples de la Déesse Endurance se regroupent sur la droite. À moins d'être accro à l'effort, personne ne se porte volontaires à ce jeu-là. Même les plus « lèches-bottes » ont leurs limites.
- Maintenant celles qui préfèrent une allure plus rapide... par là.
Neuf nouvelles filles se séparent du reste de la classe. Adi, Flo et Kali n'ont pas bougé. Flo s'en sortirait mais, comme moi, elle n'abandonnera jamais nos deux copines. Kali déteste courir, par contre elle est redoutable sur une poutre ou des barres asymétriques. Adi condamne l'effort physique sauf en piscine. Là, elle est imbattable. J'ai même du mal à la suivre. Pourtant, je ne nage pas comme une brique. D'autres filles se décident, après coup, à rejoindre le second groupe, histoire de ne pas passer pour des grosses nulles. « Oh non ! C'est trop la honte ! ».
Nous restons donc à huit. En dehors des trois feignasses que nous sommes Kali, Flo et moi, il y a Adi et également quatre autres filles. Laurie, une fille très sympa qui est dans notre classe, présente un surpoids manifeste, mais elle fait de son mieux. Les trois autres, je les connais peu, elles n'ont pas l'allure de filles sportives et paraissent mal à l'aise. Toujours agréable ce moment du tri qui sépare le bon grain de l'ivraie, en particulier cet air supérieur que ne peuvent s'empêcher d'infliger certaines « vraies » sportives à leurs camarades moins actives...« Brun de fille » annonce :
— Normalement, il ne reste que celles qui n'aiment pas ou ne savent pas courir.
Bien qu'elle ait raison, la maladresse de sa remarque enfonce le clou. D'ailleurs, quelques ricanements discrets s'élèvent. Vite réprimés quand je tourne la tête dans la direction d'où proviennent les gloussements. Et Miss Brun n'apprécie pas non plus. Non, je ne lui donnerai pas de bon point pour ça !
— Le premier groupe, dix tours de piste, un quatre mille mètres ça ne devrait pas vous faire peur... essayer de soigner le chrono ! Sur les couloirs trois et quatre. Les deux premiers sont pour les garçons.
Les mines s'allongent... Ben quoi les sportives, je croyais que c'était une promenade de santé pour vos altesses de l'endurance ! Fallait pas glousser bêtement !
— Le deuxième groupe, vous démarrez pour un tour, plus vite que les premières bien sur. Un quatre-cent, rien de bien difficile, ensuite récupération, puis un second tour... et nous verrons où vous en êtes. Couloir cinq et six. Vous vous échauffez sérieusement et puis vous partez !
Tout ce petit monde se répand sur la pelouse et commence à mobiliser muscles et articulations sous la direction attentive de Miss Brun, puis les plus sportives partent au petit trot sans discuter. J'attends, curieuse de savoir ce que Brunette nous réserve.
- À nous maintenant !
Elle sourit chaleureuse. Je trouve toujours louche quand un prof sourit comme ça, naturel. Je sais, le soupçon, c'est très malsain.
- Quand je dis « n'aiment pas » ou « ne savent pas » ce n'est pas une critique. Courir en endurance, cela s'apprend. Le secret c'est d'abord de partir en course lente et d'alterner sur des temps de marche rapide, pour s'habituer. Aujourd'hui nous allons courir sur trente secondes, puis marche rapide toujours sur trente secondes et ça quinze fois. L'objectif est de rester sur un rythme lent en course. Je vais le faire avec vous. À chaque coup de sifflet, vous alternez. Vous ne devez pas être essoufflées. Si vous allez trop vite, je vous l'indiquerai. Nous serons dans les couloirs extérieurs pour ne pas gêner les autres.
Bien pour Flo, Kali et moi, l'exercice ressemble à une récréation. Même Adi se prend à apprécier. Pas d'essoufflement, pas de méchant point de côté, pas de Monsieur Humbert pour vous hurler dans les oreilles «plus vite, accélérez, c'est mou tout ça.... ». Facile pour lui qui reste sur le côté dans son joli survêtement tout propre, à brailler. Après la première série, même les moins motivées se surprennent à trouver la méthode efficace. Malgré tout, certains mollets peu familiers de l'effort, se raidissent. Une pause s'impose. Et Brun d'acier s'inquiète des sensations des unes et des autres.
Je reconnais cette méthode, celle du cousin Théo à qui j'ai servi de cobaye. Oui, il n'a pas fait qu'entrer dans ma chambre et ouvrir les volets pour me tirer des ténèbres. Une fois mes larmes séchées, il a déclaré sans sourciller !
- Bon, tu te lèves, tu te douches, tu manges, tu fais ton sac et on s'en va !
Mon père a sursauté, pas du tout informé du projet. Théo caressait mes cheveux, enfin ce qu'il en restait.
- Ton père et moi, nous avons à discuter. Ségo, tu aides Agathe s'il te plaît ?
Un véritable ouragan, je vous l'ai dit. La tempête du siècle a embarqué mon père en bas pour le convaincre. Ses arguments ? Aucune idée, mais le soir même je grimpais dans son gros 4x4 boueux jusqu'aux portières pour traverser la moitié du pays.
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