Les tracas amoureux de Dômeki Shizuka


Il avait toujours été amoureux de Watanuki. Depuis leur première rencontre. Tandis que le binoclard n'arrivait pas à le supporter, lui avait tout de suite senti qu'il y aurait quelque chose entre eux deux. C'était sans doute dû à son pouvoir mais il le sentait aussi du fond de ses tripes. Il avait tout fait pour se rapprocher de lui et au final il avait parfaitement réussi. Son attitude froide et nonchalante cachait à la perfection ses véritables sentiments. Ça lui faisait mal de voir Watanuki aussi proche d'Himawari. Il était constamment là à louer ses louanges. Il aimait la jeune fille, il le disait lui-même mais il ne savait pas qu'en montrant son amour de façon si évidente, il ferait autant de mal à Dômeki. Et puis, il s'en fichait puisqu'il le détestait. Mais Dômeki n'avait jamais détesté l'apprenti de Yuko. On pouvait bien le penser puisqu'il ne laissait jamais rien transparaître mais au fond, il était éperdument amoureux de l'autre. Le plus bizarre étant que seules les filles semblaient le remarquer. C'était sans doute leur instinct féminin mais quand Himawari disait à chaque fois qu'ils s'entendaient à merveille tous les deux, il était au comble de la joie alors que son interlocuteur était sur le point de faire une crise cardiaque.


Il n'avait pas tout de suite remarqué qu'il était amoureux. Il savait qu'il aimait être proche de lui. Il savait qu'il se sentait à l'aise dès que l'autre était là. Il savait qu'il ne voulait perdre pour rien au monde le lien qui les unissait. C'était Yuko qui lui avait fait la remarque en premier. Puisqu'elle savait et remarquait toujours tout, elle l'avait parfaitement deviné. Même si quand elle lui avait dit, il était resté planté debout sans rien pouvoir dire et faire (s'attirant au passage les foudres de son bien-aimé). Mais il s'était rapidement rendu à l'évidence. Il était amoureux, l'avait toujours été et le serait toujours. Un amour aussi fort ne pouvait pas disparaître en un claquement de doigts. Ils commençaient à tout partager. Ils avaient besoin l'un de l'autre. Watanuki avait besoin de Dômeki pour l'empêcher d'avoir autant de visions et les tuer si besoin est. Et Dômeki avait besoin de Watanuki ne serait-ce que pour donner un sens à sa vie. Quand il était petit, il n'avait jamais vraiment su avec précision ce qu'il voulait faire plus tard mais à force de vivre toutes ces aventures avec lui, à force de tisser des liens encore plus forts entre eux, il savait. Il venait de trouver ce pourquoi il consacrerait sa vie. Protéger Watanuki.


L'échange de l'œil n'avait pas vraiment été douloureux pour lui. Il avait une partie de l'œil de Watanuki et même si sa vision avait drastiquement baissé, ça ne le gênait pas plus que ça. Ça ne lui faisait pas mal. Ce qui lui faisait mal était de voir le visage de Watanuki empli de culpabilité. Il s'en voulait. Ça se voyait comme le nez au milieu de la figure. Ils avaient traversé différentes épreuves à cause de cette histoire mais de base, Watanuki savait que c'était de sa faute. C'était bien lui qui s'était empêtré dans cette toile et Dômeki n'avait fait que l'aider. Son cœur lui faisait mal. Il ressentait un énorme pincement. Même si c'était uniquement pour lui passer son bento et manger tous les trois avec Himawari, il voulait rester auprès de Watanuki. Il savait, il avait cet étrange pressentiment qu'il arriverait quelque chose qui les réunirait encore plus. Et il ne s'était pas trompé. A chaque fois que Yuko avait un nouveau client et qu'elle envoyait son protégé s'en charger, il l'accompagnait à chaque fois. Histoire de sécurité. C'était sans doute ce que celui qu'il aimait devait se dire pour se réconforter de la présence de celui qu'il exécrait. Mais pour lui, pas besoin de réconfort, pouvoir faire ces « missions » seul avec lui était un immense bonheur et il était comblé de joie. Bien que le binoclard finisse souvent dans la chambre de Yuko pour soigner ses blessures parce qu'il lui est encore arrivé quelque chose.


Mais Kimihiro se blessait de plus en plus souvent. Comme la fois où il avait failli y passer. Cette même fois qui lui avait permis de pouvoir renter dans la boutique de Yuko, lui et Himawari. Il avait pu y découvrir cette boutique dont Watanuki leur parlait tant. Il avait aussi découvert la réserve d'alcool par la même occasion. Mais à ce moment, il n'était pas préoccupé par les bouteilles à descendre, son esprit était entièrement accaparé par le sort de celui qui se trouvait dans la chambre juste derrière lui. Il était en panique. Même s'il ne le montrait pas. Même s'il essayait au mieux de garder tout ça pour lui. Il était mort d'inquiétude. Il arrivait assez souvent qu'il se blesse mais passer par la fenêtre du deuxième étage, ça, ça n'était encore jamais arrivé. Et tant mieux. Le pire pour lui avait été de le voir atterrir. Il était juste à côté au moment des faits, c'était lui qui l'avait secouru en premier et qui avait prévenu Yuko pour l'amener chez elle. Lorsqu'il avait fait tout ça, l'adrénaline avait pris le dessus et il n'avait pensé à rien d'autre que de sauver le jeune homme. Mais lorsque la pression redescendit, il s'était effondré tout contre la porte. Il portait toujours son masque mais il se fissurait lentement, on y voyait certaines de ses expressions. Et celle qui prenait assurément le dessus était la peur. Il était en panique. Il se devait d'aider Watanuki mais comme il était terrorisé, il ne savait pas comment mais Yuko lui avait fait remarquer qu'il avait pu entrer dans sa boutique. Il avait donc un vœu à formuler.


Alors il avait formulé son vœu. Il avait donné à Watanuki tout le sang qu'il avait perdu. Il était épuisé. Yuko lui en avait pris une grande quantité. Mais il ne s'en formalisait pas. Si cela pouvait le sauver, il n'hésiterait jamais à le refaire. Oui, pour sauver celui qu'il aimait. Et leurs liens s'étaient renforcés. Comme son amour pour lui. Il avait aussi découvert autre chose grâce (ou à cause ?) de Watanuki. La jalousie. Il était jaloux dès qu'une fille s'approchait de trop près de lui. Même s'il savait qu'il ne risquait rien avec la petite fée de la pluie, ce 'était pas la même quand ça concernait Himawari, Kohané, la zashiki warashi ou même Yuko. Surtout Yuko en fait. Il ne savait pourquoi mais il se doutait que Watanuki était de plus en plus proche d'elle. Il la voyait en rêve, forcément. Et ces rêves étaient de plus en plus inquiétants. Il ne faisait plus la différence entre rêve et réalité et se posait tout un tas de questions qu'il ne se posait jamais d'habitude. Il voyait de plus en plus son grand-père. Mais il n'avait pas d'inquiétude, il savait que son grand-père guiderait Watanuki dans la bonne direction. Comme il l'avait fait avec lui en lui faisant découvrir les sciences occultes. Et il remerciait intérieurement son grand-père pour tout ce qu'il avait ou pouvait encore faire pour eux deux. C'était encore un lien entre eux. Ils étaient de plus en plus proches sans même s'en rendre compte. Dômeki veillait de plus en plus sur le plus petit.


Il ne savait pas réellement pourquoi et ne tenait pas à le savoir car ça serait briser la vie privée de l'employé de la boutique mais il avait sur le visage cet étrange air triste. Ses yeux n'étaient plus animés de la même flamme qu'il avait bien pu lui connaître. Ça avait commencé avec ses rêves puis surtout avec cette histoire avec la mère de Kohané. Dômeki avait été plus que protecteur avec lui. Lorsqu'il s'était pris du thé bouillant en pleine figure, il avait immédiatement réagi. S'il ne devait pas s'occuper de lui et que la petite fille n'était pas dans la même pièce, il se serait jeté sur la femme pour lui faire regretter son geste. Mais l'histoire ne s'était pas arrêtée là. Watanuki était beaucoup trop inquiet pour la jeune exorciste et lorsqu'il avait décidé d'aller la voir au studio télé, il l'avait accompagné. Il ne pouvait pas le laisser seul avec cette furie. Et au fond il avait eu raison. Même si le cuisinier lui avait dit qu'en cas de problème il prendrait la fuite, l'archer savait que c'était faux. Et il avait eu raison. Encore. Watanuki n'était pas parti, il avait protégé Kohané de son corps et s'était pris les coups à sa place. Il l'avait bien sûr empêché de faire plus de dégâts sur le visage fin de celui qu'elle avait déjà frappé mais il avait inconsciemment serré plus que nécessaire le poignet de la mère. Il savait qu'il allait laisser une trace mais il s'en fichait. Elle l'avait aussi frappé et même si elle était en rogne, ça n'excusait en rien son geste. Ah ça, il était vraiment devenu protecteur envers lui.


Mais le plus gros coup pour lui avait été la décision de Watanuki, sa plus grande décision. La disparition de Yuko avait laissé un immense vide pour tous mais c'était bien lui le plus affecté. Si cette boutique n'avait pas été là, si Yuko ne l'avait pas pris comme employé, il n'aurait jamais pu faire toutes ces rencontres et changer à travers de celles-ci. Son visage quand il s'était rendu compte que plus personne ne savait qui elle était, était déchirant. Il s'était effondré sur le fauteuil de Yuko. Le même sur lequel elle était le jour où il était entré dans la boutique. Il avait décidé de prendre la succession de la boutique. Si au début il n'avait pas été tant que ça alerté, il l'a été bien plus quand il lui avait dit qu'il arrêtait le lycée et qu'il comptait aussi arrêter son propre temps. Pour attendre Yuko. Oui, c'était à ce moment qu'il avait su pourquoi il se méfiait autant d'elle sans jamais réellement comprendre pourquoi. Sans même être là, elle lui prenait son Watanuki. Elle lui avait pris sa raison de vivre. Il se devait de le protéger mais s'il restait constamment prisonnier de la boutique, il avait le kekkai pour le protéger et donc, plus besoin de lui. Il avait été anéanti quand il avait entendu tout ça. Il allait arrêter son propre temps. Pour l'attendre. Pour l'attendre. S'il n'avait rien laissé transparaître, son cœur, son âme étaient en morceaux. Tandis que lui allait grandir, découvrir la vie, faire des études et se trouver un travail, devenir vieux et parler comme tel en se disant que « c'est plus comme avant » et ouvrir une bouteille lacement en disant que sa descente n'est plus ce qu'elle était. Lui, lui, il ne connaitrait jamais rien de tout ça. S'il pouvait mourir, il ne pouvait pas vieillir.


Ça faisait déjà plusieurs années qu'il avait repris la boutique et que lui, venait pratiquement tous les jours après la fac pour lui apporter les courses et aller boire un verre chez lui. Plusieurs années qu'il le voyait avec ce même air de tristesse infini peint sur le visage. Même s'il essayait de le cacher du mieux qu'il le pouvait, Dômeki n'était pas dupe. Il connaissait désormais Watanuki mieux que personne et savait distinguer ses expressions pour savoir quand il était heureux ou quand il ne l'était pas. Il avait décidé, pour ne jamais oublier Yuko, de fumer la pipe japonaise comme elle, de mettre des kimonos comme elle. Dans un sens, il lui ressemblait. Il était terriblement beau comme ça. Il était prisonnier du passé qui était devenu pour lui le présent et ça lui allait. Il ne ferait pas d'autres choix. Si cette situation devait encore arriver une nouvelle fois, il le referait sans hésiter. Et c'était ça qui faisait peur à Dômeki. Il savait comment fonctionnait le nouveau patron. Il avait peur pour lui. Il n'était qu'au début de sa « carrière » et il ne dosait pas encore les compensations comme il fallait. Il se blessait. Assez souvent. Dômeki aurait voulu lui crier dessus. L'engueuler un bon coup pour tout faire sortir mais il se retenait à chaque fois. Sûrement à cause de sa fierté. Mais il n'avait plus personne à qui parler. Avant, il disait tout à Yuko à propos de ses sentiments envers son protégé mais maintenant qu'elle n'était plus là, qu'elle était la cause de l'enfermement de Kimihiro, il gardait tout pour lui. Toutes ses souffrances, ses peines, ses malheurs. Il gardait tout pour lui.


Dix ans. Comme le temps passe vite lorsqu'on ne vieillit plus et qu'on perd la notion de temps mais pour Dômeki ce n'était pas la même. Il vieillissait lui. Il était devenu prof assistant mais continuait quand même de venir voir Watanuki. D'admirer son corps frêle en kimono large, de regarder ses doigts courir le long de sa pipe pour la porter à ses lèvres tentantes. Il était devenu encore plus amoureux de lui. Comment était-ce possible ? Il se faisait du mal à lui-même en n'essayant pas de l'oublier. Mais comment voulez-vous oublier un premier amour ? Surtout que ce même premier amour garderait pour toujours l'apparence qui l'avait fait tomber amoureux au premier regard. Surtout que ce même premier amour avait des pouvoirs de plus en plus grands qui le forçait véritablement à rester cloîtrer dans sa boutique. Non. Pas sa boutique, celle de Yuko. Celle de la femme qu'il attendait désespérément. Lorsqu'il rentrât chez lui après avoir une nouvelle fois, bien bu, Shizuka s'étala tout contre une porte et pleura tout son soûl. Il n'avait jamais pleuré avant mais là, il en avait particulièrement besoin. Il avait besoin d'évacuer toute sa peine. Il se retenait depuis beaucoup trop longtemps et ce soir-là, il ne se retint pas. Il pleura toute la nuit. Le temple qu'il habitait était entièrement silencieux. A part les larmes d'un homme désespérément amoureux, on ne pouvait rien entendre d'autre. Il évacuait tout en même temps que ses larmes salées mais il savait qu'il ne pouvait pas évacuer son amour comme ça.


S'il ne pouvait pas oublier le patron de la boutique, il essayait tant bien que mal que son amour soit moins douloureux. Mais comment voulez-vous faire ? Un amour comme ça ne peut pas disparaitre du jour au lendemain. Et même avec le temps, cette chose dont Watanuki a oublié l'existence, cette blessure ne se refermera jamais. Il en avait eu des blessures. Et de toute sorte. Mais il savait mieux que quiconque que celle-ci ne pourrait jamais être guéri. Alors, même s'il se maria, même s'il eut un enfant, un fils, même s'il eut sa vie de prof en ethnologie bien rangée, même s'il fut heureux, du moins un moment, il ne put jamais oublier Kimihiro. Lorsque son fils fut assez grand, il lui confia l'œuf que lui avait donné Yuko. Ce n'était plus à lui de s'en servir, il était devenu bien vieux. Il avait tardé à se trouver quelqu'un car au fond de son cœur, il y avait toujours son ancien camarade de classe et il y serait toujours peu importe les rencontres qu'il pourrait faire. Même s'il avait eu cette vie de famille heureuse, il était toujours éperdument triste. Mais il ne le montra jamais. Il avait pleuré une seule fois et il se jura qu'il ne recommencerait plus jamais. Il ne voulait pas que sa femme et son fils le voit dans cet état. Sachent qu'il était toujours amoureux d'un homme qui lui était désormais et ce depuis longtemps, impossible d'avoir. Il avait mal mais il gardait sa douleur pour lui.


Alors, en bon homme amoureux, perdu depuis longtemps dans les limbes du désespoir, il alla mourir à la boutique. Il passa ses pauvres dernières heures en compagnie de celui qu'il n'avait jamais pu avoir. Lorsqu'il fut mort, c'était son fils, qui avait accès à la boutique par son lien de sang avec Shizuka, qui était venu le chercher. Mais avant ça, son père était resté auprès de Kimihiro, buvant une dernière bouteille de saké avec les dernières forces qui lui restait. Il avait levé sa coupe, d'une main tremblotante et l'avait porté à ses lèvres ridées le plus doucement possible. Ce qui lui faisait le plus mal n'était pas réellement de mourir mais surtout de ne plus jamais revoir Watanuki. S'il ne vieillissait pas, il pouvait quand même mourir mais il savait que ça n'arrivait sans doute pratiquement jamais. Et si son seul réconfort était de savoir qu'il reverrait un jour celui qu'il aimait au paradis, son seul réconfort avait été anéanti. Son cœur aussi avait été anéanti, quand il avait vu les larmes rouler sur les joues pâles du garçon en face de lui. Il ne l'avait jamais vu pleurer, il savait que ça lui était déjà arrivé, surtout quand la disparition de Yuko était encore récente mais il ne l'avait jamais vu lui-même pleurer. Cette vision brisa le cœur du pauvre homme une dernière fois et il ferma lentement les paupières tandis que Watanuki, dans un ultime élan de tristesse, le prit dans ses bras pour l'accompagner jusqu'à la toute fin. Shizuka Dômeki mourut dans les bras de celui qu'il aimait, sans jamais avoir pu lui révéler la vérité à propos de ses sentiments.


Comme le disait toujours Yuko et comme le disait à présent le nouveau patron de la boutique : « Le hasard n'existe pas, tout est inéluctable. » Oui, elle avait entièrement raison. Son amour pour Kimihiro Watanuki était inéluctable.

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