o n z e

C'est alors qu'il se rendit compte de la petite lettre posée sous un caillou, juste derrière lui. Les mains tremblantes, il la déplia.

Orion,

Ça a commencé sur un toit, ça s'est fini sur un toit. Enfin, pour moi, c'est plutôt en bas du toit que ça va se finir.
Tu sais que lorsqu'on discutait jusqu'au bout de la nuit à cet endroit, j'avais véritablement l'impression d'être écouté ? Pour essayer d'me convaincre que ce n'était pas toi qui me comprenait si bien, (j'étais pas habitué, ça m'faisait flipper) j'me disais que les toits avaient des oreilles.

Avant que tu ne commences à me haïr pour mon geste, je veux t'expliquer mes raisons. La vérité, c'est que tu ne connaissais pas grand chose sur moi.

J'suis né dans une famille plutôt aisée, j'ai jamais manqué d'amour ni rien que ce soit. Mais en grandissant, j'me suis rendu compte de la haine dans les propos que tenaient mes parents. Moi qui n'aime pas les maths, j'ai pourtant compris quelque chose : parents homophobes + fils gay = rien d'bon.

Il y a deux ans, j'ai perdu mon grand-père dans un accident de la route. Ça a probablement été l'pire moment d'mon existence. Il était l'seul à m'comprendre (avant toi), et la personne la plus importante, que j'aimais l'plus. Je n'ai pas encore fait mon deuil. Mon grand-père me manque, oui, affreusement.

Je change de sujet, mais tu l'sais, Orion, que j'ai une haine inimaginable envers les humains, et plus particulièrement les adultes. Ils se prennent pour des êtres supérieurs et se permettent de manquer d'respect à un enfant, parce que ce n'est "qu'un enfant". Mais bordel, les enfants sont des individus similaires aux autres, dotés d'conscience, d'logique, d'esprit, et d'un cœur ! Un cœur !
S'réveiller tous les jours à 6h30, aller en cours, subir les moqueries des uns et la violence des autres, s'faire rabaisser par des adultes, écouter des cours qui ne nous intéressent même pas, rentrer l'soir puis faire ses devoirs, s'coucher toujours aussi tard, et puis la même routine tous les jours. C'est pas une vie.
En rentrant au lycée, j'avais espéré que tout ça se calmerait. J'm'étais trompé. Chaque jour, j'avais droit à mon flot d'insultes et de violences quotidien. « Tapette, pédé, sale homo, va crever ».

L'année dernière, on m'a diagnostiqué "dépressif". C'est un bien grand mot, étant donné que c'est pas d'ma faute. J'enchaîne insomnie sur insomnie, et j'peux passer deux jours sans manger, sans même m'en rendre compte. C'est quel genre de vie, ça ?

Une légende japonaise dit que si t'arrives pas à dormir, c'est que tu es réveillé dans le rêve de quelqu'un. J'me demande bien qui peut rêver d'moi.

Et ouais, Orion, un jour, quand la vie voudra plus d'toi, tu comprendras pourquoi les gens boivent, fument, s'droguent, et s'jettent des immeubles.

Passons à la partie intéressante : oui, Orion, j't'aime. Tomber amoureux d'son meilleur pote, c'est con, hein ?
Tu sais, l'autre jour (enfin, l'autre nuit), quand j't'ai embrassé, sache que j'en rêvais depuis longtemps. Bien trop longtemps. J'avais besoin d'le faire avant d'partir. D'ailleurs, j'te remercie de ne pas m'avoir giflé. Et je m'excuse, aussi. Voler un baiser, c'est pas normal, je le sais.
Mais... c'est pas d'ma faute. Tu es la personne la plus admirable que je n'ai jamais rencontré. Tu es quelqu'un de formidable, et ne laisse personne t'faire douter de cela (pas comme moi).
S'il te plaît, Orion, n'te rend pas responsable de ma mort. Tu n'y es pour rien.

Alors oui, je te l'avoue, j'ai envie d'mourir. Mais avec un p'tit sourire, parce que les fins tristes, elles craignent.

Bon sang, j'suis un être affreux. J'arrive à t'imaginer, découvrant cette lettre, et je crois que je n'ai jamais eu aussi mal de toute ma vie.

J'ai mal à l'âme, Orion.

À bientôt, (j'espère pas trop rapidement, tu dois t'accrocher, d'accord ?)

Zéphyr

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top