Chapitre 8
Le Harem différait largement de l'image encrassée qu'on pouvait se représenter des bordels. Un luxe omniprésent habillait les murs ainsi que les chambres des elfes.
Draël apprit que la plupart du temps, les aristocrates d'Atalantë ne se rendaient pas dans cette retraite et attendaient plutôt à rencontrer les esclaves dans des orgies.
Les elfes ci-présents n'avaient pas été épargnés par les maquillages pesants des eunuques. Tous s'affublaient de tenues outrancières, vulgairement parées.
À l'arrivée des deux Caprices, un des elfes se leva. Il avait les cheveux couleur sang et le tracé noir autour de ses yeux accentuait son regard.
— Je suis Alimar, se présenta-t-il courtoisement à Draël, cela faisait plusieurs décennies que nous n'avions pas reçu de nouveaux.
— Je me serais bien passé de vous rejoindre.
— Oui, je l'entends bien.
Après un regard à la ronde, Draël nota que sa présence parmi les siens soulevait plutôt un sentiment d'empathie. Ce n'était pas toujours le cas de Dorgon qui s'était éloigné pour converser avec un elfe proche de l'albinisme.
— Tu as déjà rencontré le « Soleil d'Atalantë », plaisanta Alimar, c'est un individu haut en couleur.
— Dorgon ? Je ne sais que penser de lui...
— Il faut s'en méfier mais ma foi, je l'apprécie beaucoup. Il avance ses pions et nous en faisons partie. L'avantage étant qu'il nous considère comme ses alliés.
— Que pensent-ils exactement des astres ? J'ai des doutes sur ses obédiences...
— Je préfère ne pas m'immiscer dans sa tête, tu sais. Dorgon cache particulièrement bien ses sentiments. Tout ce que j'ai à dire est qu'il est quelqu'un de violent et qu'il vaut mieux ne pas se le mettre à dos.
Draël frémit, regardant son comparse Caprice éclater de rire en pleine conversation. Violent ? Plutôt narquois et opportuniste, oui. Il avait tout l'air de consentir aux préliminaires avec Nilcalar. Il jouait sur tous les tableaux.
Alimar sortit un pilulier de sa poche et le tendit à son interlocuteur :
— Tiens, je sais que tu rencontreras Polcamitraï ce soir. Je doute qu'il te laisse prendre cette drogue mais si tu en as l'occasion, n'hésite pas. Elle te fera occulter la nuit.
— Merci... Je suis rassuré de constater que tous les elfes ne sont pas aussi dérangés que Dorgon.
— Oui, heureusement. Si tu en as l'occasion, Draël, veille sur lui. Ce gamin me fait de la peine.
L'elfe brun sourit. Le Caprice de Nilcalar n'était plus un enfant mais tout dans son comportement le laisser présumer.
Alors qu'il passait pour observer les appartements coquets du Harem, il croisa un elfe très mince, au visage anguleux et aux cheveux grisâtres.
— Voilà un deuxième Caprice, comme si un seul ne suffisait pas.
— À qui ai-je l'honneur ?
— Silfrig.
— Je déduis que vous ne portez pas mon homologue dans votre cœur.
Silfrig s'adossa au cadre d'une porte et lâcha :
— Peu importe mon avis sur le merveilleux petit Soleil d'Atalantë. Je me demande simplement quel sera ton comportement auprès des astres.
— Je vais essayer de tenir le coup, ça me semble déjà complexe.
— Dorgon n'a jamais rien fait en notre faveur. C'est le rôle des Caprices que de nous protéger. À l'inverse, lui profite de ses privilèges ; il adore même forniquer avec certains aristocrates. C'est un pervers et un traître égocentrique. Ne te laisse pas séduire par son apparence innocente.
— Dois-je comprendre que les intrigues se produiront autant à la cour qu'au Harem ?
Silfrig sourit et balaya l'interrogation d'un revers de main. Draël grimaça, toujours pas habitué à tous ces bijoux, ces bagues et ces ongles peints.
De plus, l'entièreté des elfes étaient marqués par les mêmes affreuses cicatrices :
— D'où viennent ces blessures ?
— Tu le sauras bien assez vite. Les spectacles du roi ne nous laissent pas indemnes.
Draël commençait à sentir l'angoisse le ronger. Le stress montait alors qu'il savait l'heure fatidique se rapprocher.
Dans quelques instants, il se ferait violer par l'être le plus immonde de ce pays.
— Ça va aller, gloussa Silfrig en lui tapant l'épaule, on est tous passé par là. Si tu veux un conseil, fais en sorte que ton partenaire finisse rapidement.
Comme pour sonner le glas de la trêve, des prêtres s'arrêtèrent aux portes du Harem et appelèrent implicitement le Caprice de Polcamitraï à se joindre à eux.
L'elfe brun souffla et après un bref regard à ses semblables silencieux, il emboîta le pas à son escorte macabre.
Peut-être était-ce là une punition divine ? Il n'avait su protéger sa femme de ses violeurs. Quelle ironie qu'il doive désormais subir le même traitement. Le destin lui faisait chèrement payer sa faiblesse.
Ce sort funeste devait lui rappeler à chaque fois le mal qu'avait connu Tchyl et qu'elle endurait probablement encore.
L'architecture autour de lui se métamorphosa. Les fenêtres et les coupoles de verre disparurent. À la place, des voûtes peintes se rapprochaient du sol. Les arcades se resserraient et des idoles monumentales écrasaient l'espace. Draël entrait dans la tanière de Démonia, le dieu des sables et du Désert Infini. Des brûle-parfums répandaient une odeur aussi lourde qu'entêtante et l'elfe, particulièrement sensible du fait de sa race, se retint de tousser.
On le conduisit jusqu'aux appartements obscurs du Grand-Prêtre. Était-ce là que s'installeraient les siens ? On ne lui avait attribué aucune chambre au Harem. Ici, des entrelacs de ferronnerie ornaient les murs et courraient sur les dalles du sol avant de se redresser en des arbres décharnés.
La décoration était certes discutable. Des bougies et des cierges éclairaient la chambre et dévoilaient sous des teintes orangées les reliefs tortueux du mobilier.
Draël se retrouva seul pendant un moment. L'attente risquait de se transformer en véritable torture.
Enfin, l'écho de pas attira son attention. Ce ne fut pas le Grand-Prêtre qui se présenta mais un astre au front ceint d'un turban noir.
Il arborait la toge cléricale écarlate ainsi que des gants de cuir peu adaptés à la température élevée.
— Son Éminence arrive dans quelques instants. Je suis chargé de ton traitement.
Il s'approcha de l'elfe pour l'observer :
— Je suis le mage Yarvak. La lueur de provocation dans ton regard me plaît.
Draël plissa les yeux. Que faisait ce prêtre ici ? Devait-il surveiller les ébats de Polcamitraï ou juste préparer le terrain ? Il opta plutôt pour la seconde option.
Yarvak retira son chef pour dévoiler une arabesque noire. L'elfe se tendit, encore davantage lorsque l'astre lui saisit la gorge pour refermer un fer dessus. Une lourde chaîne en tombait et le clerc en profita pour tirer violemment l'esclave jusqu'à une colonne, au centre de la pièce. Là, il l'attacha étroitement et fixa ses mains de part et d'autre du fût, au-dessus de sa tête.
Draël serrait les dents, se retenant de se défendre. Ce serait inutile.
Le Grand-Prêtre apparut alors par une porte dérobée et vint s'asseoir sur un large fauteuil rembourré de coussins et capable de recevoir son corps énorme.
— Alors, l'elfe, il t'est passé l'envie de m'insulter ? Mon bras droit se fera un plaisir de te rappeler ta place.
Les oreilles de Draël se dressèrent d'étonnement. Ainsi, cela ne semblait pas du Grand-Prêtre directement qu'il devait subir le pire. Après réflexion, Dorgon lui avait précisé que Polcamitraï souffrait de quelques problèmes quant à sa virilité, d'où sans doute sa position à l'écart. Ou bien préférait-il se rincer l'œil passivement.
Yarvak stoppa ses réflexions en le dépouillant de ses vêtements. À son tour, il retira sa longue robe et exposa son corps à la lueur des bougies. Sa musculature développée avait sans doute convaincu son supérieur pour l'utiliser comme substitut lors de l'acte. L'astre dégageait une force particulière qui inspirait la soumission à quiconque. Draël aurait souhaité le confronter mais ainsi enchaîné et marqué, il ne pouvait que se résoudre.
Malgré sa position, il ne voulut donner à son ennemi le sentiment d'impunité parfaite et de contrôle sur lui. Il se débattit jusqu'à ignorer la douleur provoquée par la marque. Il lutta jusqu'à ce que, lassé, Yarvak décide de le ligoter plus serré sans avoir à craindre des coups perdus.
Dans son siège, Polcamitraï commentait l'échange et donnait ses directives à son sbire afin d'être toujours plus excité par le spectacle.
La douleur commençait à abrutir Draël. Son physique comme son esprit se brisaient. Il voulait partir loin d'ici. Mais ses plaintes de désespoir ne faisaient qu'écho aux râles rauques de son agresseur.
À cet instant peut-être comprit-il la détresse de Tchyl, le soir de l'attaque. L'humiliation et les regrets lui retournaient les tripes. Il avait échoué sur toute la ligne. Et c'était l'heure de payer.
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