Chapitre 6
Draël ne s'était clairement pas attendu à un tel entretien. Wimal s'était tout d'abord assuré qu'il n'était pas malade, qu'il avait bien rejeté toutes les toxines dues à la viande et que ses blessures cicatrisaient bien. Il lui demanda de se déshabiller entièrement ce pour quoi l'elfe l'envoya paître.
— Draël, ne me force pas à utiliser la marque, menaça l'eunuque.
La patience de l'elfe s'émoussait drastiquement. L'homme qui lui faisait face n'était nullement aussi robuste que lui et la tentation de le corriger le torturait.
Lorsque Wimal toucha à la ceinture de son nouveau patient, Draël lui décocha une formidable droite qui l'envoya percuter une colonne.
Mais contre toute attente, le bras coupable se pétrifia dans une affreuse odeur de chair brûlée. L'elfe glapit de douleur et tomba sur les genoux pour tenter de stopper la nécrose.
— Sale elfe, grogna l'eunuque, j'oublie toujours de me méfier.
Décidé à ne pas laisser le fautif impuni, il le rejoignit et commença à exercer sur lui une pression insoutenable, comme si l'apesanteur s'en trouvait changée et que l'air se rarifiait. La marque sur le poignet de Draël brillait.
Ainsi subissait-il pour la première fois la domination de ce tatouage ensorcelé.
Son tortionnaire en profita pour refermer un collier autour de son cou et le tira jusqu'à son laboratoire où il le dénuda pour prolonger l'inspection plus intimement.
Draël continua à se débattre pour se soustraire aux attouchements de son agresseur. Wimal n'y prêta aucune attention. Il vérifia que le physique de l'elfe fonctionne correctement et le traina jusqu'à une chaise où il l'attacha. D'autres eunuques apparurent et se chargèrent de le brosser, le maquiller et lui percèrent la peau à l'aide d'instruments élaborés. Sa longue chevelure noire fut sertie de bijoux et son visage couvert d'artifices.
Vint le moment où les astres lui passèrent un pectoral en or sur la poitrine ainsi que des bracelets larges sur ses poignets. Draël tentait de compliquer le travail de ses caméristes mais sans succès. Ils l'apprêtèrent selon leur bon vouloir jusqu'à ce que tout son corps soit orné d'un faste désordonné.
— Ton maître arrive, expliqua l'eunuque en chef, tâche de ne pas l'agresser ; il est moins patient que moi.
— Va crever, sale dégénéré.
Wimal souffla et le détacha. L'elfe en profita pour s'extraire de leur présence. Il sortit en trombe du laboratoire et descendit quelques marches avant de se retrouver nez à nez avec une surprenante escorte. Les hommes étaient couverts de longues toges rouges et leur coiffe rectangulaire se dressait sur leur tête voilée.
Parmi eux, inévitable du fait de sa corpulence, le chef se pavanait dans des drapés et des parures aveuglantes. Ce manque évident de raffinement s'accentuait par le visage bouffi et mal rasé de l'individu.
Au vu de son surpoids, Draël en déduisit son identité : il s'agissait sans aucun doute du Grand-Prêtre, encore plus laid et repoussant que dans son imagination.
— Voilà enfin mon Caprice, tonna-t-il avec grandiloquence, ma foi, il est fort différent de celui de Nilcalar mais je n'en ai pas à rougir.
Le concerné rata un battement en se rendant compte qu'il était quasiment nu et que tous les regards se posaient sur lui. Ses émotions se mêlèrent dans une cacophonie terrible pour n'en laisser qu'une prendre le dessus :
— Je ne vous appartiens pas, gros porc.
L'insulte désarçonna les prêtres mais pas Polcamitraï.
— Tu as de la chance que la marque ne sanctionne pas l'irrévérence verbale, lança-t-il en s'avançant vers son esclave, mais désormais, il serait sage que tu te soumettes si tu ne souhaites pas que je te fasse regretter tes paroles.
Les eunuques se joignirent à l'échange et Wimal précisa :
— Votre Éminence, je vous mets en garde contre cet elfe. Il vient tout juste d'être acheté et ne connais pas les risques de la marque sur lui.
— Je l'ai remarqué... Tu l'as parfaitement apprêté, comment s'appelle-t-il ?
— Draël, Votre Éminence. Je vous conseille d'attendre quelques nuits avant d'en profiter. Il est encore très agressif.
Polcamitraï hocha la tête :
— Je le conçois bien mais je n'aime pas attendre.
Il tendit le bras pour toucher le visage de l'elfe. Sentant que Draël allait esquiver son maître, les eunuques le bloquèrent et le maintinrent par les épaules afin que le religieux puisse admirer sa propriété.
— Ne me touche pas !
— Tu n'as pas d'ordre à me donner, le gnome.
Il referma sa main boudinée sur le cou de l'elfe et murmura :
— Je lis dans ton regard que je te suis repoussant. À l'inverse, tu es une sublime créature mais la beauté est tout ce qu'il te reste. J'ai le pouvoir. Je te domine et ta vie repose dans le creux de ma main.
Draël siffla de mépris. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine. Il refusait d'appartenir à un tel homme.
Polcamitraï se gaussa de l'infortuné arrogant.
— Je vais te dresser comme un chien, mon petit, et ce dès ce soir. Profite bien de tes dernières heures.
Ces mots étant dits, il lâcha l'elfe et tourna les talons avec sa suite.
Draël frissonna de dégoût. Quelques heures. Il avait quelques heures pour s'échapper.
Wimal lui rappela la visite du palais avec Dorgon et lui indiqua un couloir privé qui menait à sa suite.
Cette solitude inespérée, le temps de quelques pas, fut plutôt bien accueillie. Mais une autre question taraudait le captif. Il y avait d'autres membres de sa race dans ce palais. Pouvait-il les secourir ? Il fallait avant tout retirer cette maudite marque qui l'assimilait à du vulgaire bétail. Rien que son vêtement qui limitait à un simple pagne enroulé autour des reins le dévalorisait explicitement.
Son compagnon boulimique affirmait mettre au point un plan d'évasion. Peut-être pourrait-il s'en inspirer avant de finir dans la couche du Grand-Prêtre ?
Le corridor déboucha sur un magnifique pavillon, à l'abri sous les coupoles d'une tour. Le petit bâtiment pittoresque était surélevé parmi des bassins artificiels. Des oiseaux en tout genre se posaient sur les arbres fruitiers et quelques singes jouaient au bord de l'eau.
C'était un bien bel endroit pour le logement d'un simple esclave ! Il s'engagea sur un pont et gagna le pavillon qui semblait désert.
Là, des banquets en tous genres regorgeaient de nourriture. Un mobilier exotique rappelait presque les intérieurs de la Sylvestrë et des coussins dodus couvraient le sol. C'était comme la rencontre entre un lupanar et un palais.
Draël s'approcha de la chambre et aperçut Dorgon derrière les voiles de sa couche. Il recula d'un pas, se demandant si l'elfe blond n'était pas en train de se donner du plaisir car les gémissements érotiques ne trompaient pas. Et puis il comprit qu'il n'était pas seul. Un astre était au pied du lit, la tête entre les jambes de l'esclave.
Draël resta interloqué. Il était clair que Dorgon ne passait pas un mauvais moment, au contraire. Il appuyait sur la tête de son partenaire pour le forcer à le prendre plus profondément dans sa gorge et s'exclamait sans la moindre décence.
Ce spectacle licencieux dégoûta l'intru qui se détacha de la scène pour attendre que le couple ait fini. La colère montait en lui. Ce Dorgon était un traître de la pire espèce. Il aimait se trouver ici, réduit en esclavage. Il était même probablement devenu homosexuel alors que cette particularité ne touchait normalement pas les elfes. À cet instant, Draël se promit de faire payer le blondinet qui de toute évidence, préservait la décadence de sa race en ces lieux.
Les ébats semblèrent se terminer. Quelques phrases s'échangèrent entre les deux hommes puis l'astre sortit de la chambre avant de tomber sur le nouveau venu :
— Tiens, je ne te connais pas, toi.
Dorgon rejoignit son compagnon et déclara :
— Majesté, voici Draël, le Caprice de Polcamitraï.
Majesté ? Draël écarquilla les yeux : cet individu était le roi Nilcalar ? La scène précédente commença à prendre une tournure très particulière dans son esprit. L'astre était loin d'être laid. Ses traits bien dessinés sur une peau mate faisaient ressortir ses yeux cendrés. Une longue queue de cheval ambrée tombait dans son dos large et rappelait la teinte chocolatée de sa barbe courte.
— Déjà ? s'étonna le souverain, il n'a pas tardé. Je suis presque déçu qu'il ne m'appartienne pas.
Il fit face à l'elfe et passa la main sous son vêtement pour lui saisir ses attributs virils. Draël se figea, choqué.
— Cette ordure de Polcamitraï a tiré le gros lot.
Draël ne savait comment réagir. Hébété, il regardait le roi commencer à le masturber vigoureusement et même à l'embrasser. Mieux valait ignorer où se trouvaient les lèvres de l'astre peu avant.
Dorgon s'interposa soudain entre les deux :
— Majesté ! Vous êtes déjà en retard pour le Conseil. Vous aurez tout le temps plus tard pour ce genre de choses.
Nilcalar se détacha de l'elfe et hocha la tête avant de prendre congé.
Draël détestait son semblable. Mais à cet instant, il le bénit.
— C'est un vrai chien en rut, ce roi, déclara Dorgon, il saute tout ce qui bouge.
Son interlocuteur replaça son pagne et murmura :
— Tu n'y échappes pas, à ce que j'ai remarqué.
— Bien évidemment, je suis son Caprice. Je suis le premier à subir.
— Subir ? Ça n'avait pas l'air de te gêner, tout à l'heure...
Dorgon haussa les sourcils :
— Il est collant et brutal mais il suce bien. J'essaie de relever les points positifs quand j'en trouve.
— C'est quoi cette plaisanterie ?
— Peu importe, je vais te montrer le palais. Ça va te vider un peu la tête. Mets donc ce voile sur ta tête, nous n'avons pas le droit d'exposer notre visage et nos origines raciales à la cour.
Draël était quelque peu décontenancé par le spécimen. Mais rien de mieux qu'une visite des lieux pour trouver une issue.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top