Chapitre 3

La nuit tomba sur le campement. Les deux elfes avaient chacun été attachés étroitement à un arbre à l'instar des chiens du clan. Leurs aboiements féroces ne semblaient jamais se tarir et leurs résonnances montaient jusqu'aux ramées des arbres séculaires.

Draël serrait les dents pour retenir ses gémissements de douleur. Ses plaies n'avaient pas été soignées et seules les cordes épaisses retenaient le sang de couler. Encore indemne, Tchyl souffrait de ne pouvoir agir.

Pour s'occuper, les Berserks avaient retourné leur maison ambulante pour y voler le matériel ainsi que les provisions. Les montures furent aussi réquisitionnées.

À la suite du pillage, ils entamèrent leur repas avec les aliments et les liqueurs elfiques. Leur dîner aux lumières des feux ardents emplit les frondaisons d'échos paillards.

Tchyl s'inquiétait pas seulement du sort qu'on leur réservait ; elle n'avait pas bu ses potions depuis plusieurs heures et craignaient que le pire ne se produise.

Tarcenya s'aperçut de l'agitation de l'elfe et la rejoignit, flanqué de deux de ses hommes malodorants.

— Alors ? Tu n'apprécies pas notre petite sauterie ? Je dois dire que sans vos caisses bien garnies, je ne me serais pas aussi bien rempli la panse.

Elle le foudroya du regard :

— Qu'avez-vous fait de mon laboratoire ?

— Toutes tes fioles ? Je compte les vendre. Ça m'a l'air qualitatif.

— Je suis malade, si je ne bois pas mes médicaments, je vais mourir.

L'astre s'esclaffa :

— Je ne suis pas assez idiot pour te laisser siffler n'importe quelle potion.

Draël reprit ses esprits et força alors sur ses liens, ulcéré de ne pouvoir protéger sa femme.

— Tiens, monsieur se réveille. Permets-moi de rester loin de toi, tes blessures dégagent une puanteur affreuse. Ne me regarde pas comme ça, je n'ai pas blessé ta femelle.

Une certaine tension commençait à monter. Draël sentait son cœur battre à tout rompre en même temps que sa haine s'exacerbait.

Amusé, Tarcenya déclara :

— Oh, tu voudrais que je m'occupe mieux d'elle ? Vous d'eux, libérez-la, que je la traite comme elle le mérite.

Tchyl secoua la tête et se débattit lorsqu'on la détacha et qu'on la jeta à terre avant de la tenir fermement par les bras.

— Laissez-la ! s'écria Draël impuissant.

— Calme-toi, le gnome. Tu n'es pas sans savoir les effets que vous autres vous nous faites subir. Et crois-moi, ce n'est pas tous les jours que je croise le chemin d'une délicieuse petite elfe.

Ces paroles furent reçues par des cris enragés de la femme qui se démena entre les poignets de ses agresseurs. Elle tenta de griffer, mordre ou donner des coups de pieds, sans succès.

Draël demeura blême quelques instants : il réalisait très bien ce qu'il allait se passer. Dès qu'il comprit que les astres souhaitaient mettre leur plan à exécution, il força une nouvelle fois ses liens, entaillant la chair jusqu'à l'os. Il était conscient que les menaces comme les insultes ne retiendraient pas les hommes, seule sa force pouvait empêcher le pire.

Tarcenya saisit la femme à la gorge et lui arracha le corset ainsi que le haut de la robe. Les lacets cédèrent aussitôt et dévoilèrent le corps de la victime.

— Ne t'inquiète pas pour ta compagne, elle doit rêver se faire honorer par un vrai homme.

La concernée lui cracha à la figure pour infirmer ces propos.

Le Berserk rétorqua alors en lui écrasant le genou sous sa semelle cloutée. L'os craqua.

— Tu oses me défier, petite traînée. Tu as de la chance de me plaire malgré ta maigreur.

Il s'agenouilla et lui écarta violemment les cuisses avant de déboucler sa ceinture. Les rires gras des hommes affolèrent encore Tchyl. Elle luttait mais en vain.

D'autres astres abandonnèrent leur dîner et intervinrent pour lui tenir les jambes ou commenter les prouesses de leur chef.

Humiliée, l'elfe hurlait à s'en briser les cordes vocales alors qu'on lui déchirait le reste de ses vêtements. Son intimité fut exposée aux yeux pervers de ses agresseurs mais guère longtemps car Tarcenya ne tarda pas davantage à la pénétrer brutalement.

Les cris de détresse se transformèrent en plaintes puis en pleurs. Elle avait mal et sa douleur se heurtait au plaisir de l'homme qui ne retenait pas ses grognements bestiaux à chaque coup de rein.

— Draël, appelait-elle faiblement à plusieurs reprises.

Elle espérait si fort que son mari la sorte de ce cauchemar. Elle répétait inlassablement son prénom.

Mais personne ne l'aida.

Quand il eut fini, Tarcenya se retira et remonta ses grègues avant de lancer :

— Je vous la laisse, elle vaut le détour. Ne l'abîmez pas trop, en revanche. Nous ne serons pas les seuls à vouloir nous attarder entre ses cuisses.

Tchyl cessa de réagir et resta inerte. Les hommes lui passaient dessus l'un après l'autre, la souillant et la frappant.

De temps à autre, elle perdait connaissance mais on la ranimait pour la forcer à endurer cette torture.

Et puis, on la laissa. Étendue sur l'herbe de la forêt, elle se trouvait incapable d'effectuer le moindre mouvement. Elle sentait le vent sur son corps dénudé. Il semblait sécher le sang de ses plaies. Plusieurs de ses os étaient brisées. Son corps entier hurlait sa déchéance. Et puis, ce furent des douleurs supplémentaires qui s'ajoutèrent à ses blessures. Des contractions affreuses lui tordirent le ventre et malgré son état de conscience altéré, elle comprit ce qu'il se produisait.

De nouveaux sanglots s'échappèrent et elle parvint à se recroquevilla sur elle.

Attiré par les plaintes, Solsar la rejoignit pour la soigner.

— Qu'est-ce que c'est que ça encore ? râla-t-il.

Il crut à une déchirure importante des parties intimes. Elles étaient en effet arrachées mais le sorcier comprit aussitôt que la femme perdait un bébé.

— Eh bien, c'est la première fois que je vois ça, lâcha-t-il, je vais m'occuper de toi ma petite. Tu es bien mal en point.

Il calma les chiens excités par l'odeur et ramena avec lui une caisse. Tarcenya le rejoignit, intrigué par son manège.

— Que fais-tu, Solsar ? Tu ne la baises pas ?

— Vous plaisantez ! Ça pisse le sang !

— Les phéromones elfiques nous enivrent, nous n'y pouvons rien si elle ne résiste pas. Et ce ne sont pas quelques effusions qui vont nous arrêter.

— Elle était pleine.

— Ah oui ? C'est vrai que son ventre est plutôt gonflé... Le mâle devait la sauter fréquemment pour la mettre en cloque. Ma foi, je ne peux pas lui jeter la pierre.

— Je vais récupérer le fœtus. Ça vaut une fortune sur le marché de la sorcellerie.

Tarcenya grimaça de dégoût et recula, peu intéressé par l'opération.

Solsar en profita aussi pour prodiguer les premiers soins à la femme. Les dégâts étaient conséquents, certains Berserks lui avaient brisé les hanches ou les os des membres. D'autres avaient entaillé la chair, notamment au niveau du ventre et de la poitrine.

— Elle va être invendable, grogna le sorcier.

Délicatement, il appliqua sa magie à vider la poche de grossesse. Parmi les caillots de sang, il trouva le tout petit corps. C'était une vraie aubaine que leur prisonnière soit enceinte, les probabilités étaient minimes.

— Ne m'en veux pas, lui dit-il, ce n'est pas moi qui ai tué ton enfant.

Les pleurs de la mère n'empêchèrent pas l'astre d'enfermer la dépouille dans un bocal de formol.

— Où est mon bébé ? sanglota-t-elle en tendant ses bras disloqués vers le sorcier.

— Je le garde avec moi.

Tchyl secoua la tête et insista : ses doigts brisés s'agrippèrent à la tunique de l'homme pour l'empêcher d'enlever son enfant. En vain. Elle se retourna alors, cachant son visage baigné de larmes derrière ses mains enchaînées.

Elle voulait mourir, disparaître pour ne pas avoir à vivre cette horreur.

Le chef du clan rejoignit Draël, toujours attaché au tronc.

— Alors, l'elfe, le spectacle de mes hommes t'a plu ?

Le forgeron baissait la tête. En s'accroupissant à ses côtés, Tarcenya remarqua que ses yeux étaient aussi écarquillés qu'injectés de sang et ses dents mordaient la lèvre inférieure jusqu'à l'incision. D'ailleurs, les blessures continuaient de couler, la chair avait continué de se déchirer sous l'effet d'un acharnement pour se libérer.

— Je vais demander à Solsar de refermer tes plaies. Je compte tirer un très bon prix lors de ta vente.

Draël ne silla pas ; sa rage sourde était trop profonde. Il maudissait ses entraves ainsi que sa faiblesse. S'il avait occis les astres, jamais une telle chose ne serait arrivée à Tchyl. Il était le premier coupable dans ce drame, il avait lamentablement failli.

Tarcenya lui attrapa la queue de cheval pour lui relever la tête et lâcha :

— Toi et ta compagne, vous m'avez supprimé quatre guerriers. La prochaine fois que je la baiserai, je te forcerai à regarder. Bien que je devine que tes longues oreilles t'ont donné un rapport plutôt fidèle de la scène.

L'elfe ne répliqua pas, trop choqué par la vue sanglante de sa femme. Encore gisant sur l'herbe, quasiment nue, elle tressaillait de douleurs et de tristesse. Tout son corps avait été brisé et une hémorragie entre les jambes occupait le sorcier.

— Ton chiard n'a pas survécu, je suis navré, se moqua l'astre, tu n'as su protéger ta femme et ta progéniture. Mais ne t'en fais pas, tu répareras bien assez vite ta faute.

Ces mots étant dits, Tarcenya partit rejoindre ses hommes pour finir le dîner.

Tchyl était aussi inerte qu'un cadavre. Ses rires légers et son sourire malicieux n'étaient plus qu'un souvenir lointain.

Les larmes dévalèrent les joues de Draël. Sa vie venait de basculer dans une horreur infernale.

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