Chapitre 1 - épilogue
Il fut dit que le Grand-Prêtre d'Atalantë cherchait à faire acquisition d'un esclave particulier. Pour être plus précis, Polcamitraï cherchait à mettre la main sur un elfe, le genre de créatures aux pouvoirs aphrodisiaques qui se vendait à prix d'or chez les astres.
Le malheureux élu s'appelait Draël.
Et voici son histoire.
Ses parents furent tués à la guerre alors qu'il était enfant. Sa condition précaire d'orphelin le relégua à la classe la plus basse de la société elfique.
Draël grandit dans un orphelinat, cherchant sa voie parmi les siens. Son Vala attira l'attention de bien des officiers, alertés par une puissance peu commune. Malheureusement, le jeune homme ne parvenait à le maîtriser du fait d'un manque de stabilité émotionnelle.
À l'hospice militaire où il vécut, il fit la connaissance de Tchyl, une autre orpheline malicieuse qui se destinait à entrer dans les ordres pour exercer pleinement sa magie. Son caractère rebelle ne convainquit guère la Maison du Créateur et faute de piété, elle se tourna vers la voie commerciale. C'est là qu'elle s'associa avec Draël, forgeron réputé dans son domaine qui travaillait déjà pour l'armée. Tchyl lui parla de ses projets de partenariat ; elle lui proposait de fournir les troupes en armes et en potions valiques, ce qu'il accepta après avoir jugé l'idée avisée.
Les deux furent ainsi conduits à beaucoup voyager ensemble ce qui fut très mal vu de la part de la morale elfique omniprésente. Une sommation de la Maison du Créateur leur tomba sur les épaules et bien qu'ils ne nourrissent aucun sentiment l'un pour l'autre, ils se marièrent afin de continuer leur entreprise.
Après tout, ils étaient amis d'enfance et avaient connu les mêmes drames.
Concernant la jeune elfe brune, c'était une femme ravissante, élancée et souriante, toujours à s'exprimer pleinement et à communiquer autour d'elle une bonne humeur contagieuse.
À l'inverse, Draël demeurait très introverti, taciturne et froid. Il fronçait les sourcils et préférait le silence aux longues conversations futiles.
Les deux opposés formaient un couple étonnant mais fonctionnel.
Avec le temps, ils commencèrent même à entretenir une vie conjugale. Draël manquait sûrement de tendresse aux yeux de son épouse mais elle s'en contentait car elle le connaissait suffisamment bien pour comprendre qu'il ne parvenait pas à exprimer vraiment son affection pour elle.
Au bout de quelques décennies, Tchyl tomba enceinte. Une fois, puis deux, puis trois et ainsi de suite. Le bébé ne survivait jamais et les fausses couches s'enchaînaient. Bien qu'elle gardât toujours son entrain, la mage souffrait de cette incapacité à garder la vie en elle. Une incompatibilité valique persistait avec son mari et elle décida de ne plus le prévenir de ses grossesses, sachant qu'elles étaient vouées à ne pas durer.
Draël n'avait pas besoin de drames supplémentaires : après tout, malgré sa carrure intimidante, il était plus fragile qu'elle. La mort brutale de ses parents avait laissé un traumatisme profond qu'il avait souvent épanché par l'alcool. La douceur et la sollicitude de sa femme l'avait éloigné de cette voie, l'enveloppant de positivité. C'était ainsi que Tchyl pansait sa propre souffrance : en prenant soin de son mari torturé, elle oubliait la peine qui la rongeait.
Cependant, il serait faux de penser que Draël était un poids pour elle. Malgré ses démons, il savait trouver solution à tous leurs problèmes. Leurs objectifs étaient bien clairs dans son esprit et il appliquait son talent indéniable à réaliser le moindre détail de leur projet professionnel. Il était le roc sur lequel pouvaient se construire leurs desseins commerciaux et sociaux. Sa personnalité était gage de sûreté et de confiance car il parvenait parfaitement à dissimuler ses faiblesses psychologiques. Par ailleurs, son amour pour Tchyl, bien qu'exprimé avec beaucoup de maladresse, était sincère. Il faisait toujours passer les besoins de sa femme avant les siens et s'assurait à ce que leurs longs voyages à travers Calca se passe le plus confortablement pour elle.
C'était ainsi que se déroulait leur quotidien : aller d'un royaume elfique à l'autre pour parfaire les forges des artisans afin de rendre les armes toujours plus performantes, les sortilèges toujours plus lourds.
La guerre contre les astres s'intensifiait et le couple ne risquait pas de perdre leur emploi.
Leur renommée étant établie, ils développèrent leur commerce et amassèrent une certaine fortune.
Malgré leur richesse, on les appelait tous deux les « Désargentés » notamment en raison de leur statut social peu élevé. Ce terme pourtant rabaissant avait fini par s'implanter dans les esprits comme une appellation à part entière qui avait perdu son sens initial pour désigner uniquement les prouesses des deux artisans.
Entre l'homme et la femme, c'était bien Tchyl qui insufflait le désir d'ambition. De nature très coquette, elle rêvait de pouvoir exercer sa magie dans une sublime demeure où elle pourrait travailler dans son laboratoire avec des tenues toutes plus onéreuses les unes que les autres.
Cet imaginaire futur amusait Draël qui préférait avant tout se concentrer sur l'excellence de leur art, voulant tout capitaliser sur leur savoir-faire.
Il fallait préciser que l'elfe portait son uniforme de travail chaque jour, peu intéressé à l'idée de perdre du temps dans de telles frivolités que les apparences. Malgré sa sobriété et sa froideur de caractère, il dégageait une certaine prestance. Sa longue chevelure noire étant trop épaisse à son goût, il s'était rasé sur les tempes afin de trouver plus de praticité dans une queue de cheval haute. Ses pommettes saillantes ainsi que son nez busqué lui donnaient un côté hostile, accentué par des sourcils arqués. À force de se serrer nerveusement, sa mâchoire ressortait et durcissait encore ses traits.
Pour ne rien changer, sa taille et ses épaules larges dissuadaient les marchands récalcitrants. Le travail de la forge l'avait quelque peu éprouvé physiquement et il en était ressorti endurci.
Au contraire, Tchyl n'était que douceur et finesse. Son élégance et sa gentillesse restait un atout conséquent pour les échanges. Comme son époux, sa chevelure lisse était aussi noire que l'encre et lui battait la chute des reins ; elle se parsemait même de bijoux et de tresses complexes.
Sa particularité : ses grands yeux gris et ses fossettes adorables, marquées par ses perpétuels sourires.
C'est ainsi que ce présentait le couple des « Désargentés ». Pour eux, le malheur de la vie était derrière eux. Pourtant, de nouvelles épreuves les guettaient, d'une toute autre envergure.
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