Chapitre 6
Oryana ne dormit pas cette nuit-là. Son Vala actif lui permettait cette dispense. Elle se replongea dans la journée passée alors qu'une servante lui apportait une tisane.
Étendue sur son sofa, elle se demanda si ce futur mariage se conclurait comme elle le souhaitait. Dorgon était un elfe d'acier, hélas. Il héritait d'un comportement belliqueux et suprématiste. Mais son caractère lui plaisait sans évoquer son physique très avantageux.
L'avenir se présentait sous son meilleur jour.
La porte vibra sous trois coups fermes.
— Entrez.
Le majordome poussa le battant et pénétra dans les appartements de la princesse.
— Que veux-tu, Fabius ?
L'elfe s'inclina. Même courbé, il restait immense et son uniforme noir formé d'un long manteau noir accentuait cette impression. Ses cheveux de jais étaient coupés court, faisant ressortir ses oreilles pointues.
— Je venais m'enquérir de votre état, princesse.
Oryana s'étira avant de porter la tasse de faïence fine à ses lèvres.
— Ma foi, il est mignon pour un elfe d'acier, tu ne trouves pas ?
Fabius claqua sa langue contre le palais :
— Il est comme ses semblables. Arrogant et fier.
— Peut-être bien. Tu sais que je n'ai pas le choix.
— Je ne veux pas qu'il vous brise comme le roi Elaglar l'a fait pour Hirilnim.
Oryana se leva pour lui faire face :
— Nous manquons probablement d'objectivité, Fabius. Les elfes d'acier ne sont pas incompatibles avec nous.
Le majordome grimaça :
— La preuve que si. Il sera aussi incapable de vous donner un enfant et il vous accusera de son échec.
— Il ne me semble pas foncièrement mauvais.
— Il ne regarde que son intérêt comme ses semblables. Son visage respire la ruse et la tromperie. C'est un beau parleur qui a été conquis par vos charmes et qui souhaite désormais en profiter.
Oryana pouffa :
— Je ne suis pas innocente. Je l'ai un peu provoqué.
— Princesse ! Ces hommes sont dangereux. Ils n'hésitent pas à violer.
— Il ne m'arrivera rien. Et puis, tu es là pour me protéger, non ?
Fabius détourna le regard, agacé. Bien-sûr, sa princesse savait qu'il ne partirait jamais, qu'il lui serait loyal jusqu'à la mort.
— Le fils du duc ne vous mérite pas : il n'est pas si grand et a un corps androgyne.
— Tu es méchant ! Moi je le trouve suffisamment viril. J'ai bien cru voir des abdominaux bien dessinés sous sa chemise.
— Princesse... Ce n'est pas digne de vous. Surtout que l'objet de votre intérêt risque d'être aussi impuissant que la plupart des Fëalocen.
— Décidément, tu ne peux pas l'encadrer.
— Je n'aime pas les petits prétentieux de son espèce. Je ne souhaite pas qu'il joue avec votre cœur.
La jeune elfe se pinça le sourire ; c'était plutôt elle qui jouait avec les émotions du pauvre Dorgon. Elle aimait le torturer, mine de rien.
— Fabius, je ne suis plus une gamine. Je sais reconnaître le danger et Dorgon n'en n'est pas un. Il sera même conciliant.
— Comme vous l'entendez, princesse mais restez sur vos gardes.
Le majordome prit congé, décidé à garder un œil sur le jeune couple. Oryana termina sa nuit à préparer ses affaires avec ses servantes.
Dans quelques jours, elle quitterait sa maison pour découvrir un tout nouveau royaume.
Au matin, le chant mélodieux des oiseaux réveilla Dorgon. Il dut prendre un moment d'adaptation pour se rappeler qu'il dormait dans des arbres et qu'un petit animal pouvait à tout moment s'inviter dans sa chambre.
Peu désireux de retrouver sa famille, il gagna les abords du lac dans l'espoir de trouver sa fiancée. Comme personne ne put le renseigner correctement, il erra à la recherche de la jolie princesse. Le palais n'étant pas encore réveillé, il ne croisa pas grand monde.
Il nota qu'aucun gnome n'entretenait les lieux. Après tout, l'esclavage était encore interdit en Silvestrë. Oryana ne risquait pas d'apprécier beaucoup les conditions de certaines races en Fëalocy...
Sans prendre garde, il entra dans une aile annexe du palais. Une végétation luxuriante envahissait savamment l'espace et des fleurs démesurées s'ouvraient pour répandre leur parfum entêtant. Cela ressemblait à une orangerie... L'écho d'une cascade attirèrent l'attention du jeune homme. Les oreilles tendues, il monta quelques marches avant de découvrir un bassin artificiel, alimenté de diverses fontaines.
Entre les feuillages, il devina une silhouette féminine. Bien qu'il soit à une cinquantaine de toises, il reconnut Oryana, vêtue d'une longue robe blanche.
Il hésita à l'appeler pour lui signifier sa présence mais sa fiancée eut la merveilleuse idée d'ôter sa chemise et de plonger dans l'eau. Stupéfait, Dorgon n'eut pas la présence d'esprit de tourner les talons.
La princesse glissait dans l'onde comme une vraie anguille et gagna une zone moins profonde où l'eau arrivait à mollet.
Dorgon resta bouche bée. C'était la première fois qu'il voyait une femme nue. Il avait beau être suffisamment loin, sa vue acérée ne ratait rien du spectacle. Cette vision lui fit un drôle d'effet. Son cœur accéléra et ses tripes se tordirent en même temps que la pointe de ses oreilles rougissait.
Sans le moindre artifice, sa future femme se présentait sous ses yeux, se lavant naïvement. Elle chantonna avant de se pencher pour caresser un gros poisson qui venait se glisser entre ses chevilles.
Son rire cristallin ne sortit pas Dorgon de sa contemplation discutable. Oryana était un vrai petit fantasme pour un adolescent comme lui.
Étant dos à lui, elle lui montrait ses fesses rondes et fermes tout en passant un linge sec sur sa peau dorée. Il déglutit tout en se sentant durcir. L'envie de venir tâter cette chair ne lui manquait pas mais il restait cloué sur place.
Lorsqu'elle se retourna, il distingua son sexe, sous le renflement du ventre. Loin de s'imaginer ce qu'elle faisait naître chez son fiancé, la jeune femme redressa ses seins dans ses mains en soupirant de lassitude. Ils étaient probablement trop lourds pour son dos.
Dorgon posa instinctivement la main sous sa ceinture ; il était serré dans son pantalon et la frustration le gagnait. Il désirait plus que tout rejoindre sa promise et la prendre sur le perron du bassin. Peu importait son manque certain d'expérience, sa verge ne lui ferait pas défaut. Mais si sa compagne continuait à caresser ses mamelons dodus, il serait forcé d'abréger rapidement le rapport. Si seulement, il pouvait lui aussi pétrir ses adorables fesses, caresser ses cuisses rondes et presser cette poitrine généreuse... Après ça, il n'aurait qu'à fourrer sa hampe gonflée dans l'écrin d'Oryana et la pilonner ardemment jusqu'à y déverser toute sa semence.
Il se mordit les lèvres pour retenir un gémissement de plaisir. Il allait avoir un orgasme et ses bourses étaient trop pleines pour le rester. Que faire ? Rejoindre Oryana ? Comment réagirait-elle ?
Un raclement de gorge vint mettre fin à ses interrogations érotiques.
Il sursauta et se retourna pour trouver un domestique en uniforme noir. Le regard incendiaire de l'elfe ramena le jeune homme à la réalité.
— Je peux savoir ce que vous faîtes ?
Inutile d'être très perspicace pour remarquer que le coupable avait les joues cramoisies et que sa respiration rapide traduisait un peu trop son état.
Fabius le rejoignit en une enjambée et lui saisit la gorge avant de le plaquer violemment contre une colonne.
— Lâchez-moi...
— Vous étiez en train d'observer la princesse !
Dorgon ne put rétorquer. Le majordome jeta un œil sous la ceinture du jeune homme où une belle érection déformait le pantalon.
— Vous êtes un porc, un délinquant se cachant derrière l'étiquette. Je rapporterai tout à la princesse ainsi qu'à Sire Orvan !
Le Soleil d'Aldëon aurait voulu disparaître pour de bon. Il se trouvait dans une très mauvaise passe. Cet homme le détestait, c'était certain. Et on ne pouvait pas dire que sa défense était audible.
— Je ne cherchais pas à l'épier ! se justifia-t-il, j'ai été surpris...
Le visage de Fabius se déforma sous la rage. Il plaqua son genou entre les jambes de l'aristocrate qui ne put s'empêcher un cri de douleur. Dorgon ne comptait pas vraiment se faire battre par un domestique mais il ne voyait guère comment justifier un combat entre lui et son adversaire, surtout qu'il restait en tort.
Mais l'optique de finir la journée avec les bijoux de famille écrasés n'était pas non plus envisageable. Il repoussa violemment le majordome et fit apparaître des sortilèges entre ses doigts pour l'attaquer. Bien sûr, Fabius réagit aussitôt en ensorcelant son glaive.
— Peut-être que je n'étais pas au bon endroit, cracha Dorgon, mais toi non plus. Je commence à penser que tu es habitué à ce balcon, vieux pervers.
— Ne renversez pas le sens accusatoire ! Qui sait ce que vous auriez commis comme crime si je n'étais pas intervenu !
— Ne me prête pas de fausses intentions. Oryana sera bientôt ma femme. Je pourrais faire rouler ta tête si l'envie me prenait, si j'apprenais que tu l'as déjà espionnée. Ton Vala est trop faible face au mien !
Fabius poussa un cri de haine, ulcéré par l'insolence de ce morveux.
Avant que les deux hommes n'entament les hostilités, Oryana apparut, attirée par l'écho du duel.
— Quelle est cette farce ! s'écria-t-elle, Fabius ! Dorgon !
Elle s'interposa pour les calmer non sans peine.
— Cet homme est un débauché dangereux. Il comptait profiter de votre bain pour abuser de vous.
— Je vais te faire bouffer ta langue de serpent !
Oryana passa la main sur son crâne et lâcha :
— Ça suffit. Fabius, tu peux disposer, je vais parler à Dorgon.
Le majordome hésita un instant puis disparut non sans avoir manifesté sa colère.
— Que s'est-il passé ?
— Je vous cherchais dans l'orangerie et lorsqu'il m'a aperçu, il m'a prêté de fausses intentions.
— Tu me cherchais ?
Il hocha la tête avec un sourire timide. On passait donc au tutoiement ?
— Tu aurais pu me voir toute nue pendant mon bain ! Dommage pour toi, tu as raté une belle occasion de te lécher les babines, tu sais, un peu comme hier soir.
Dorgon était rouge de honte. Si seulement il pouvait s'enterrer, disparaître à jamais.
— Ne tire pas cette tête ! Je sais que tu n'es aucunement aussi sage que tu le prétends.
— C'est vrai...
La princesse gloussa et lui prit la main pour le tirer derrière elle.
— Je compte te montrer un endroit, expliqua-t-elle gaiement.
— Tu ne crains pas les avertissements de ton majordome ?
— Non, Fabius a la fâcheuse manie de se créer des ennemis lorsque cela me concerne. Tous les hommes deviennent des menaces pour moi.
— Il est amoureux de toi et jaloux de ma situation.
Oryana s'arrêta pour faire face à son fiancé. Sa longue chevelure blonde se sertissait de violettes et pervenches ; une splendide robe verte s'éparpillait sur le sol dans une accumulation de voilages transparents alors qu'un diadème serti d'émeraude rappelait le scintillement des autres bijoux.
— Je lis dans tes yeux que tu ne me souhaites aucun mal, assura-t-elle.
Dorgon hocha du chef en espérant ne pas trop se trahir. Il ne comptait absolument pas abuser de sa force sur la princesse pour assouvir son envie croissante mais il n'en restait pas moins assez enflammé par la chose. Heureusement qu'Oryana ne lui paraissait pas réticente.
— Je compte simplement me montrer attentionné pour toi, déclara-t-il en refermant ses doigts sur la petite main de la jeune femme, et puis, j'espère pouvoir te prouver rapidement l'inclinaison que j'ai pour ce merveilleux sourire.
Sa fiancée laissa échapper un petit rire surpris. Monsieur était rapide en besogne, cela faisait une journée seulement qu'ils se côtoyaient. Mais sans doute l'avait-elle séduit suffisamment fort pour qu'il devienne si éperdu.
— Tu attendras notre nuit de noces pour le faire, cher fiancé. Jusque-là, tu n'auras pas une miette.
Dorgon hésita à avouer qu'il avait déjà bien profité du spectacle matinal mais mieux valait éviter de provoquer la belle. Il la suivit sous les voûtes de fleures jusqu'à ce qu'ils atteignent un bassin ovale, creusé dans la pierre.
Le second fils espéra secrètement que sa future femme se déshabille une nouvelle fois et qu'elle l'invite pour partager une baignade torride.
Oryana n'en fit rien, elle s'accroupit et glissa la main dans l'eau en fredonnant. Aussitôt, trois longs poissons aux écailles bleutées vinrent rejoindre leur maîtresse.
— Tu leur parles ? demanda Dorgon avec étonnement.
— Les elfes peuvent converser avec tous les animaux, Dorgon. Ton clan a simplement décrété que c'était peu utile pour la guerre et vous n'avez jamais développé cette particularité.
— Nous le faisons avec nos chevaux et nos dragons.
— C'est plutôt restreint. Je voudrais t'apprendre à le faire, à communiquer avec les bêtes et la nature.
— Pourquoi ?
— Pour que tu me comprennes davantage. Lorsque je serai en Fëalocy, personne n'agira de la même manière qu'en Sylvestrë...
— Entendu. J'espère que cela sera amusant.
Oryana sourit de toutes ses dents, heureuse de pouvoir partager cette première activité avec son fiancé. Restait à savoir comment se déroulerait l'apprentissage.
Ganise, duchesse d'Aldëon, elfe d'acier.
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