Chapitre 5
Le soir tomba sur le domaine de Lunélac et des myriades de lumignons se suspendaient aux branchages pour diffuser une ambiance tamisée dans le palais.
Dorgon attacha le cordon de sa cape dorée et rejoignit la salle de réception où le dîner était servi. Aucune table n'avait été dressée car l'architecture végétale du lieu fournissait déjà le mobilier. Des sièges et plateaux se greffaient aux troncs à différentes hauteurs si bien qu'on ne pouvait deviner une hiérarchie dans l'emplacement ni même regrouper les convives.
Les petits pas d'Oryana ne parvinrent pas aux oreilles du second fils à cause des chorales. Aussi sursauta-t-il lorsqu'elle lui demanda :
— Seigneur Dorgon, vous me semblez perdu.
— Je ne sais où m'asseoir...
La princesse gloussa et lui prit la main avec une étonnante familiarité avant de le conduire jusqu'à une petite table ronde déjà garnie, à hauteur de frondaisons. Dorgon remercia les escaliers car il aurait été bien incapable d'y parvenir en grimpant.
— Vous avez le vertige ? plaisanta Oryana.
— Non. Mais je n'ai pas l'habitude de vivre en milieu naturel.
— Je vois.
— Nous ne sommes que deux pour ce dîner ?
— Comment voulez-vous que nous nous apprenions à nous connaitre ? Il nous faut un minimum d'intimité.
Dorgon haussa les sourcils et observa sa fiancée. Comme promis, elle avait troqué sa terrible tenue pour une jolie robe rose aux froufrous légers. Cette fois-ci, ses épaules étaient dégagées et ses cheveux relevés en un lourd chignon. Avant de s'asseoir, Dorgon se permit un regard sur sa silhouette. Oryana gardait une taille très fine mais ses hanches n'étaient pas aussi étroites que les femmes de Fëalocy. Si ses articulations semblaient bien délicates, les fentes dans le bas de sa robe révélaient des cuisses et des petits mollets bien potelés. Ces rondeurs se retrouvaient d'ailleurs dans ses bras nues. Dorgon ne voulut pas pousser son inspection jusqu'à la croupe de mademoiselle. En revanche, un simple coup d'œil était suffisant pour remarquer que la pauvre princesse ne manquait pas de matière à cet endroit. Le tissu de la robe se tendait sur ses fesses dodues et souffrait quelque peu de toute cette générosité.
Le jeune elfe détourna les yeux le temps qu'elle prenne place. Il s'installa en face, honteux d'avoir finalement reluqué le fessier de sa fiancée.
— N'avez-vous pas trop chaud, Dorgon ? Votre visage me parait rouge.
Il secoua la tête, gêné. Au moins, elle faisait sauter les termes procéduriers.
— Je suis pressé de goûter à la cuisine de Lunélac.
Elle lui envoya un délicieux sourire ; ses deux gencives du haut étaient légèrement plus basses que les autres, cela lui donnait l'air d'un petit rongeur malicieux.
— Je ne vous connais qu'à peine, Dorgon, mais je sais juger les gens dès les premiers instants. Nous avons des chances de vivre heureux, je pense.
— Ah oui ? Je suis à votre goût, Oryana ?
— J'aime votre caractère honnête et votre force d'esprit. Vous êtes très beau, aussi, ce n'est pas un aspect négligeable si nous devons nous marier et fonder une famille. Votre place au sein du gouvernement Fëalocen est très intéressante. Vous êtes un bon parti, je trouve.
— Bien sûr. Je suis le Soleil d'Aldëon, je suis parfait !
— L'humilité est à retravailler... Et je ne sais pas pourquoi, mais vous avez le regard d'un garçon un peu lubrique.
— Pardon ? Moi aussi je vais vous accuser d'être une petite dévergondée, vous allez voir !
Le regard d'Oryana glissa :
— Vous n'auriez pas entièrement tort. Je suis assez coquine dans mon genre.
Dorgon tira la tête. Comment ça ? En réalité, il n'y avait qu'à jeter un œil sur le décolleté de la jeune femme pour s'apercevoir que beaucoup de monde était invité au balcon sauf la pudeur et la discrétion. Le col en V s'échancrait largement pour laisser une parure d'or glisser sur les deux protubérances rebondies. Ce spectacle licencieux capta l'attention du jeune homme qui fut absorbé par les gonflements répétitifs de cette poitrine bien grasse. Les pampilles du collier glissaient sur la peau tendue pour venir rouler entre les deux seins proéminents ; par manque de place dans la robe, les tétons pointaient insolemment, appelant le regard à ne pas se détourner de toute cette débauche.
Heureusement, Oryana fit glisser l'aiguière entre elle et son fiancé afin de l'arracher à cette vue dangereusement délicieuse.
— Bon, je n'ai plus de doute sur votre lubricité, maintenant.
Dorgon secoua la tête et passa la main sur la commissure des lèvres pour s'assurer qu'il n'y avait pas laissé de bave.
— Je suis innocent, se défendit-il, je ne m'y attendais pas.
— Votre regard traduisait plus la gourmandise que le rejet, Dorgon. J'ai mis fin aux réjouissances de peur que ça se complique sous la table.
— Oryana, je trouve que le qualificatif « coquine » minimise votre attitude. Vous n'êtes pas obligée de me séduire par ce genre d'artifices.
— J'ai mis cette robe pour enfin pouvoir respirer correctement. C'est vous qui m'avez exhortée à le faire.
— Vous vouliez me troubler.
— Ça en valait la chandelle ! Et puis, ne pleurez pas sur votre sort. Viendra un jour où ce qui est sous votre nez sera à vous.
Dorgon fronça les sourcils et entama son repas. Il ne s'attendait clairement pas à découvrir cette facette de la princesse !
— À moi ? Vous sembliez moins soumise, tout à l'heure.
— Je ne suis pas soumise. Je considère que vous serez aussi à moi. Et j'y compte bien car vous me plaisez.
— Je vais commencer à douter de votre vertu, Oryana.
— Si vous craignez pour ma virginité, soyez rassurée, elle est intacte.
L'elfe d'acier se pinça les lèvres. Voilà un diner où il apprenait longuement sur sa promise. Elle n'était pas prude, c'était le moins que l'on puisse dire ! Il ne savait quoi penser vraiment d'elle mais une chose était sûre : il ne s'ennuyait pas !
La suite du repas se déroula plus sereinement et chacun des deux partis évoqua ses responsabilités professionnelles. Le rôle d'Oryana ne différait pas tant de celui de son fiancé car étant la fille d'un des Intendants de la reine Hirilnim, elle était destinée à intégrer le Conseil de Silvestrë.
Enfin, la soirée toucha à sa fin et le couple se sépara sous le regard attentif des deux familles.
Dorgon remonta les interminables escaliers jusqu'à sa chambre, insérée entre quatre branches épaisses. Ses appartements ne manquaient clairement pas de confort et une multitude de fenêtres s'ouvraient sur la forêt : l'air du soir était bienvenu durant cette période d'été.
Erwon toqua à sa porte comme pour écouter le compte-rendu.
— Ce n'est pas une mauvaise journée, lança-t-il jovialement, les elfes sylvestres sont étranges mais très sympathiques.
— Oui, moi qui m'attendais au pire, je m'en sors plutôt bien.
— Et comment ! Ta fiancée est ravissante !
Dorgon sourit et retira ses bottes avant de s'asseoir sur sa couche. Erwon continuait à gesticuler en déblatérant :
— J'ai remarqué au dîner qu'elle était en effet un peu rondouillarde. Mais elle ne manque pas de grâce bien qu'elle soit grasse.
— Ton humour empire, Erwon.
— Au moins, tu n'auras pas froid l'hiver avec ce fessier fabuleux.
— Tu as maté ma fiancée ? gronda Dorgon.
— Et ses seins... ça rebondissait fièrement ! Ils devaient préférer cette robe que la précédente...
— Erwon ! Comment parles-tu de ma future femme !
L'accusé haussa les épaules et s'adossa au cadre d'une fenêtre :
— Ne commence pas à jouer la vierge effarouchée. Tu bavais quand elle te parlait. Et j'en aurais fait de même...
Dorgon renifla et s'allongea avant de contempler la voûte de sa chambre.
— Elle en joue.
— Cela te dérange-t-il ?
— Je ne crois pas... Elle me plaît bien.
— Tu m'étonnes. Je te laisse te reposer, tu dois avoir l'esprit agité.
Sur ce, il le quitta.
Le fils de Lanclif soupira. Les prochains jours auprès d'Oryana s'annonçaient plutôt bien. Son caractère bien trempé lui jouerait des tours mais elle était si exquise. Finalement, il était conquis, en l'espace de quelques heures. Sans doute grâce à la fougue de la jeunesse...
En tout cas, ce ne serait plus un problème pour consommer le mariage et concevoir des enfants. Malgré lui, il s'imagina faire l'amour à Oryana, dans sa chambre à Aldëon.
Ses yeux s'écarquillèrent et il chassa ces pensées salaces. Il était trop tôt pour fantasmer ce genre d'actes. Même s'il ne put s'empêcher de se dire que la belle ne se montrerait pas si chaste dans ses rêveries. Imaginait-elle des choses entre eux deux ? Très probablement...
Il lui en toucherait un mot le lendemain. Pour l'instant, il comptait se reposer de son voyage éprouvant et il ne tarda pas à s'endormir.
Lanclif, duc d'Aldëon, elfe d'acier
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